Dans Présent du vendredi 24 mars, on peut lire ces excellentes réflexions de Jean Madiran sur l’agitation Anti-CPE

 

 

Poitiers, première ville de France

L’autorité morale

Mais de qui ?

La ville de Poitiers a été entièrement « bloquée » mercredi par des barrages ne permettant ni entrée ni sortie.

 

C’est la première ville de France à subir ce sort exemplaire : une spectaculaire démonstration offerte aux autres villes par le mouvement soi-disant « étudiant », en réalité anarchiste.

 

Poitiers est en effet la ville où il a été clairement dénombré la semaine dernière que l’agitation « étudiante » y est le fait d’une minuscule minorité : moins d’un étudiant sur dix (Présent du 16 mars).

C’est suffisant aux anarchistes pour « bloquer » toute une ville.

 

 Mercredi, ils étaient entre 800 et 1 000. Ils ont « bloqué » Poitiers. Il y avait sans doute parmi eux une certaine proportion d’« étudiants » indignés, révoltés ou manipulés. Mais il y a fallu autre chose qu’une concertation philosophique ou qu’un consensus spontané. Il y a fallu une organisation ; une discipline. Les anarchistes s’appliquent à tout désorganiser, sauf bien sûr leur propre mouvement.

 

Les universités qui participent à l’agitation sont pour la plupart, dans la proportion de 7 sur 10, non pas « fermées », ni « en grève » : elles sont « bloquées », c’est-à-dire soumises à une violence physique empêchant toute opposition de se manifester par des voies pacifiques ou par un « dialogue démocratique ». On est ainsi en présence non pas d’une « crise sociale », mais d’un mouvement subversif qui est d’une nature essentiellement politique. Mais, depuis le début, et encore aujourd’hui, aucune contre-offensive politique ne lui est opposée dans l’opinion publique.

 

Le Premier ministre fait (ou laisse) dire qu’il joue « visiblement » le pourrissement de la crise, espérant que la majorité silencieuse des étudiants finira par « se mettre en travers des blocages de facultés ». C’est aberrant. Le blocage d’une faculté, et à plus forte raison d’une ville entière, n’est pas un problème universitaire, mais un problème d’ordre public, relevant des pouvoirs régaliens de l’Etat, police et justice. Si d’ailleurs des étudiants allaient physiquement « se mettre en travers » des blocages, ils seraient aussitôt dénoncés comme nervis fascistes et redoutables néonazis par les télévisions

et livrés à la justice par la Halde.

 

Timidement, « dans l’entourage » de quelque recteur, on signale la présence dans les lycées de « bandes organisées

qui arrivent cagoulées » pour intimider les lycéens et les « mobiliser ». Mais où sont donc les jeunes de l’UMP? et les députés de la majorité gouvernementale ? Dans toutes les villes universitaires il y a des élus UMP qui depuis quinze

jours auraient dû tenir meetings sur meetings : ils n’ont pas encore commencé. Ils ne le feront peut-être pas du tout. Ils n’y ont pas été incités. Et la seule chose dont les autorités de l’Etat félicitent publiquement les forces de l’ordre, c’est de savoir se laisser agresser en silence et sans riposter.

 

La République, ses lois, son président, ses ministres et son Education nationale sont maintenant sans autorité morale sur les Français jeunes ou vieux. L’autorité morale est celle qui se fonde sur les services rendus et sur l’espérance de ceux que l’on rendra. La Ve République en est arrivée au point où ses institutions, ses lois et son personnel administratif ou éducatif ne suscitent plus ni gratitude, ni enthousiasme, ni même respect. Et cette disgrâce politique s’étend désormais à une grande partie de la société civile, où n’est plus reconnue l’autorité des anciens, des maîtres, des professeurs, et d’abord celle des

parents, que l’on n’apprend plus à honorer. Ceux que l’on honore, on est disposé à les imiter, à les suivre, à spontanément leur obéir, c’est cela l’autorité morale. La contre-autorité morale, qu’il faut appeler plutôt l’autorité immorale, mais prédominante, est celle des gros médias audiovisuels, vecteurs militants d’une profonde anarchie mentale et sociale.

Pendant quinze jours, ils ont unilatéralement, sans rencontrer de contradiction, persuadé l’opinion publique que le CPE est une infamie, légitimant toutes les révoltes. La contre-offensive politique ne sera possible que si elle cible ouvertement

les dévastateurs anarchistes, leur association de malfaiteurs et leur organisation subversive.

JEAN MADIRAN