Flash-Info au 24 octobre 2008

 

Au sujet de la lettre du cardinal Ottaviani à Dom Lafond. (du 17 février 1970)

 

Jean Madiran, dans Présent du jeudi 16 octobre 2008, revient, à l’occasion de la publication de trois livres récents,  sur la « fameuse » lettre du Cardinal Ottaviani à Dom Lafond. Dans cette lettre, le cardinal renierait (?) le Bref Examen Critique de la Nouvelle Messe qu’il présentait, en 1969,  au Pape Paul VI. Il n’aurait même jamais donné l’autorisation de publier la lettre co-signée avec le cardinal Baggi.

 

Jean Madiran est le dernier témoin de cette « affaire », dès plus importante. Il faut en garder le témoignage.

 

 Il est vraiment étonnant  que les moines de Dom Gérard aient osé traduire et même publier en France, s’en faisant même une gloire, le livre de Mgr Rifan , qui laisse entendre, vous le verrait à la fin de cet article, que la lettre du cardinal Ottaviani à Dom Lafond serait véridique. C’est tout de même un peu fort ! Ils auraient du réagir ou mettre une note. J’espère qu’ils tiendront compte du témoignage de Jean Madiran. Le témoignage des anciens est capital !

 

 

L’anti-intégrisme systématique (I)

Un nouveau porte-parole

« Intégrisme », on le sait, est artificiellement devenu dans l’Eglise un terme péjoratif, injurieux, et surtout discriminatoire, vaguement synonyme de sectaire, de rétrograde hargneux, d’infréquentable.

 

L’anti-intégrisme est systématique (et borné) quand il attribue une intention inavouable à toute argumentation, attitude, parole des supposés « intégristes » ou « intégrisants », qui constituent une sorte d’ennemis publics automatiquement disqualifiés d’avance.

 

 

 

 

 Il s’appelle Nicolas Senèze. Jeune journaliste, à Bayard-Presse et spécialement à La Croix depuis 1999, il a publié cette année aux Editions Bayard un ouvrage de 190 pages intitulé La Crise intégriste, qui selon lui (p. 11) sévit dans l’Eglise « depuis plus de quarante ans ». Il pourrait bien être, en fait ou en intention, le successeur du malheureux Ternisien, auteur en

1997 d’un livre grossièrement lamentable, plein de contre-vérités et d’erreurs de fait, que beaucoup d’évêques recommandaient « contre l’extrême droite ». Nicolas Senèze est moins politique, plus religieux, et d’un bien meilleur niveau d’écriture et de cogitation. Il est devenu « chef adjoint du service religion » de l’autre quotidien catholique et président de l’Association des journalistes d’information religieuse (AJIR). C’est un interlocuteur

qui a du répondant.

 

 

Mais pour aller librement plus avant, il nous faut d’abord déblayer l’insupportable contre-vérité qui abîme la page 83 de Nicolas Senèze.

Il y reprend en effet l’histoire de la lettre écrite à Dom Lafond, le 17 février 1970, par le cardinal Ottaviani, où celui-ci renie le Bref examen critique et, entre autres anomalies, assure qu’il n’a jamais permis à personne de publier la lettre préface, co-signée par le cardinale Bacci, qui présentait ce Bref examen au Souverain Pontife.

La lettre à Dom Lafond existe bien. Mais elle n’est pas authentique. Elle est une fabrication, d’ailleurs maladroite, elle multiplie les invraisemblances et les énormités, la démonstration publique en a été faite dès le mois d’avril 1970

(Itinéraires, supplément au numéro 142) et n’a jamais été contestée.

 

 

Déjà la formulation de la lettrepréface montre qu’il ne s’agit nullement d’un avis donné en secret par un membre du conseil du Pape, mais bien d’une réclamation comme peut en faire tout « sujet de la loi », c’est-à-dire n’importe quel baptisé.

Et puis, il y a eu les témoins. Sans doute, Cristina Campo est morte. Et Renato Pozzi. Et Guérard Lauriers. Et l’abbé Dulac. Et Louis Salleron. Et Eric de Saventhem.

Mais il en reste encore un.

 

 

 Pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un malentendu, dès qu’à partir de mars 1970 fut publiée dans la presse la prétendue lettre à Dom Lafond, je me suis personnellement assuré auprès du cardinal Ottaviani lui-même que la très large autorisation donnée à l’abbé Dulac était authentique, réelle, non révoquée, et que nous n’en avions pas fait un usage abusif. J’en porte et au besoin j’en réitère ici le témoignage public.

 

 

Ce témoignage, Christophe Geffroy l’appelle une « thèse » dans son Benoît XVI et « la paix liturgique » (p. 127-128) ; il n’exclut pas son éventuelle exactitude. Il reste cependant dubitatif, c’est droit, observant que « le cardinal [Ottaviani], mort en 1979, n’a jamais publiquement contesté cette lettre et n’est pas intervenu dans  la polémique ». Mais justement après ce qu’il en avait dit à l’abbé Dulac, à Louis Salleron, à moi-même, et après la mise au point de douze pages de la revue Itinéraires, le Cardinal estimait l’affaire réglée.

 

 Elle l’était en effet, et le resta jusqu’en 2007, où Mgr Rifan, aux pages 65 et 66 de son livre Tradition et magistère vivant, s’avise témérairement de ressortir la lettre à Dom Lafond comme si elle était d’une authenticité incontestée. Je ne prétends obliger personne à croire sur parole ni à s’incliner devant mes arguments. Mais quand on mentionne la lettre à Dom Lafond, on n’a pas, me semble-t-il, droit de cacher que son authenticité est contestée, même si l’on reste dubitatif devant une telle contestation. C’est le bon exemple donné par Christophe Geffroy. Bien sûr, Mgr Rifan est un brave homme, je ne veux pas omettre de supposer qu’il a été trompé, et Nicolas Senèze de même. Mais je suppose aussi que les voilà détrompés.

 

JEAN MADIRAN

 

 

 

L’anti-intégrisme systématique (II)

 

 

La crise dans l’Eglise ? Elle est moderniste !

 

Nicolas Senèze s’est donné le tort de faire ce qu’il appelle pourtant « trop focaliser le débat sur la question intégriste » (p. 186).

En effet, pourquoi son livre est-il sur « la crise intégriste » et non pas sur « la crise moderniste » ?

 

 

Il s’aperçoit pourtant qu’après saint Pie X « la crise moderniste continuera à travailler l’Eglise pendant de longues années ». Pendant de longues années ? Il aurait pu préciser : jusqu’à maintenant.

 

 

Mais il se fait une idée bien atténuée (et bien commode) de ce modernisme que saint Pie X avait condamné comme « le rendez-vous de toutes les hérésies ». Il en écrit (p. 17), et c’est la clef de son orientation générale

:

« Ce terme de “modernisme” visait un ensemble de tendances assez disparates, mais qui avaient en commun de vouloir combler le fossé séparant l’enseignement traditionnel de l’Eglise et les jeunes sciences nées en dehors d’elle, notamment l’exégèse critique. »

Si c’est simplement cela le modernisme, nous sommes tous des modernistes.

 

Personne ne rêve d’élargir ni même de maintenir le « fossé ». Mais aussitôt, sans avoir l’air d’y toucher, Nicolas Senèze amorce sa bombe :

 

« Il s’agit de combler le retard pris par l’Eglise, notamment dans le domaine biblique et doctrinal, en acceptant les exigences des sciences profanes. »

 

Ainsi ce qui n’était qu’un « fossé » (évident) devient, comme allant de soi, un « retard » ; et « pris par l’Eglise » ; et ce retard est notamment dans le domaine « doctrinal » ! Nous sommes là au cœur de la crise moderniste d’avant-hier, d’hier et

d’aujourd’hui : c’est le monde profane qui enseigne, et c’est l’Eglise qui doit accepter les exigences d’un tel enseignement.

 

Dans un tel contexte, l’« intégrisme » n’est pas une doctrine particulière.

 

A l’origine, le terme est un sobriquet caricatural inventé pour (dis)qualifier les catholiques qui suivaient saint Pie X dans sa lutte contre le modernisme, – et finalement le sobriquet est appliqué à saint Pie X lui même. « Intégristes » parce qu’ils se veulent intégralement catholiques, dans la vie publique comme dans la vie privée. L’anti-intégrisme systématique les présentera comme des agresseurs, des fauteurs de désordres, des perturbateurs de l’unité ecclésiale. Or c’est exactement

l’inverse : c’est le modernisme l’agresseur. Les surnommés « intégristes » ne font jamais que défendre leur droit à exister dans l’Eglise et à y professer intégralement la foi de l’Eglise. Que cette légitime défense ait pu être excessive ou trop violente, c’est une autre question, qui n’enlève rien à sa foncière légitimité.

 

 

 Exemple lamentable d’agression, Nicolas Senèze, qui vaut mieux que cela, s’abaisse néanmoins à citer sans dégoût, comme une autorité, le triste Ternisien, pour faire de Maurras une sorte d’ennemi public. On sait bien que la plus grande partie du clergé français, quand il a été formé en France, n’arrête toujours pas de fulminer contre le « maurrassisme » en ignorant volontairement que l’injuste condamnation de Pie XI a été levée par Pie XII en 1939. On reconnaît là quelle trace

profonde a laissée dans l’Eglise la hargne militante du cardinal Lustiger contre ce qu’il osait nommer « le paganisme le plus cynique et plus dangereux » !

 

 

Personne n’est parfait, il serait étonnant que l’on n’ait pas quelque souci à se faire du côté perfidement surnommé « intégriste ». Mais souci combien secondaire par rapport à la gravité de la crise moderniste traversée aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais par le catholicisme. Il y a jusqu’à des évêques pour mettre en doute que l’Eglise soit la

seule à détenir la vérité religieuse intégrale, et pour considérer comme un simple symbole la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie. Il y a jusqu’à L’Osservatore romano du 29 juin dernier, selon la revue Catholica, pour assurer que saint Luc a

meublé les Actes des Apôtres avec des affabulations populaires. Il y a le sentiment, qui s’étend parmi les fidèles eux-mêmes, qu’en définitive toutes les religions se valent, l’important étant d’y croire. La crise est majeure. Elle n’a pas reculé. Elle bat son plein. Elle n’est pas intégriste. Elle est moderniste, et de plus en plus à visage découvert !

 

JEAN MADIRAN

 

 

Sœur Emmanuelle,

« la plus laïque » des religieuses

 

 

L’expression est de Bernard Kouchner : lui qui avait un jour « dansé le tango » avec la chiffonnière du Caire, considère Sœur Emmanuelle comme « la plus laïque » des religieuses. A la différence des dizaines d’hommes politiques et autres figures médiatiques qui lui ont rendu hommage à travers des communiqués aussi convenus qu’élogieux, le ministre des Affaires étrangères l’a connue, celle qu’il appelle « la plus jeune, la plus belle, la plus obstinée des militantes », celle

qui « habitait chez les chiffonniers du Caire, dans une petite cahute sur les ordures ». Elle s’est éteinte, lundi, à 99 ans.

 

Sœur Emmanuelle, fille d’une mère française catholique et d’un père belge et juif qui se noya sous ses yeux alors qu’elle n’avait que six ans, avait connu la jeunesse dorée d’héritière d’une prospère usine de dentelles de Calais. Pour elle, les Années folles furent un tourbillon dont elle aurait pu sortir aux bras du beau prétendant qui ne la laissait pas indifférente…

Mais elle choisit l’Absolu. A 23 ans, en 1931, elle prononça ses vœux chez les sœurs de Notre-Dame de Sion. Cette diplômée de sciences religieuses et philosophiques fut envoyée en Turquie, puis en Tunisie où elle enseigna jusqu’à l’âge de la retraite, et eut à cœur de mettre les jeunes filles de la bourgeoisie au contact de la misère qu’il leur revenait aussi de

soulager.

 

A 62 ans, en 1970, c’est sa nouvelle vie qui commence. Sœur Emmanuelle, munie de l’autorisation de sa congrégation, peut s’installer parmi les pauvres d’entre les pauvres : les dizaines de milliers de Cairotes, coptes ou en tout cas chrétiens pour la plupart, qui vivent du tri d’ordures au milieu des déchets. La religieuse, dont tous soulignent l’énergie, la bonne humeur, la fragilité apparente, le désir de soulager la misère, va par petites actions concrètes transformer tout un bidonville. Lutte contre le tétanos, construction de dispensaires et d’écoles, transformation de la vie quotidienne des gens : comment ne pas être émerveillé devant cette charité en actes ?

 

Rentrée en France pour prendre une retraite non désirée, en 1993, dans la maison de retraite de sa congrégation dans le Var,

sœur Emmanuelle se fit alors de plus en plus médiatique, tandis que florissait son association d’aide aux plus démunis dans le monde entier, ASMAE, fondée en 1980 : « laïque et apolitique ». Oui, « laïque » était bien le mot à souligner, Kouchner a vu juste. Il n’est pas question, bien sûr, de mettre en doute la foi personnelle de sœur Emmanuelle. Mais sur le plan public, on oserait presque dire « publicitaire », elle n’hésitait pas à remettre en cause la doctrine et la morale catholiques ; son souci du dialogue inter- religieux avec les juifs et les musulmans brouillait encore plus le message.

 

On en saura davantage sans doute jeudi, lorsque les mémoires posthumes de sœur Emmanuelle sortiront chez Flammarion : elle voulait « pouvoir dire les choses qu’elle n’avait jamais dites auparavant – soit par pudeur, soit par souci de rester libre », indique son éditeur.

 

Son dernier ouvrage d’entretiens avec Jacques Duquesne – Jacques Duquesne, bien sûr ! – paru à la rentrée, mettait déjà

l’accent sur sœur Emmanuelle, partisane de l’ordination des hommes mariés dans l’Eglise latine ou sur les bienfaits de la pilule contraceptive ou du préservatif…

 

De ce point de vue, elle était en effet, tel l’abbé Pierre, son « ami » et « maître à penser », médiatiquement mieux gérable

qu’une Mère Teresa, apôtre des mourants, attentive aux fins dernières, femme de contemplation d’abord malgré la nuit de la foi, et qui avait fait le choix d’enseigner la régulation naturelle des naissances parce que la contraception n’est pas digne de l’homme. Mère Teresa disait : « J’ai trouvé le paradoxe : si on aime au point d’avoir mal, il n’y a pas davantage de mal, il y a seulement plus d’amour. » Sœur Emmanuelle disait n’aimer ni la souffrance, ni le sacrifice. Qui a le mieux aimé les pauvres ?

 

JEANNE SMITS (dans Présent du mercredi 22 octobre 2008)