Pour l'inauguration de
Charles Maurras, in L'Action Française, 13 juillet 1926
Après avoir beaucoup souffert à la lecture de
l'interview de Nicolas
Sarkozy dans l'Express (cf LNDC du 25 novembre)...Il
est bon de retrouver, dans ce texte de Charles Maurras, sur ce sujet tellement
et tristement actuel, le bon sens, la fraicheur
dans l'expression, l'humilité royale de la pensée vraie"
Quelques rues du centre
de Paris sont égayées par les très belles robes de nos visiteurs marocains. Il
y en a de vertes, il y en a de toutes les nuances. Certains de ces majestueux
enfants du désert apparaîtraient "vêtus de probité candide et de lin
blanc" si leur visage basané et presque noir ne faisait songer au
barbouillage infernal. Que leurs consciences soient couleur de robe ou couleur
de peau, leurs costumes restent enviables ; le plus négligent des hommes
serait-il capable des frais de toilette qui aboutiraient à ces
magnifiques cappa magna, à ces manteaux brodés de lune et de
soleil ? Notre Garde républicaine elle-même, si bien casquée, guêtrée et
culottée soit-elle, cède, il me semble, à la splendeur diaprée de nos hôtes
orientaux. Toute cette couleur dûment reconnue, il n'est pas moins vrai que
nous sommes probablement en train de faire une grosse sottise. Cette mosquée en
plein Paris ne me dit rien de bon. II n'y a peut-être pas de réveil de l'Islam,
auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l'on fait se trouve
être aussi la plus vaine des choses. Mais, s'il y a un réveil de l'Islam, et je
ne crois pas que l'on en puisse douter, un trophée de la foi coranique sur
cette colline Sainte-Geneviève où tous les plus grands docteurs de la
chrétienté enseignèrent contre l'Islam représente plus qu'une offense à notre
passé : une menace pour notre avenir.
On pouvait accorder à
l'Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait
se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes
figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants : c'étaient choses
lointaines, affaires d'Afrique ou d'Asie. Mais en France, chez les Protecteurs
et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction
officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine,
exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa
prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront
immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu'un me disait hier :
- Qui colonise désormais
? Qui est colonisé ? Eux ou nous ?
J'aperçois, de ci de là,
tel sourire supérieur. J'entends, je lis telles déclarations sur l'égalité des
cultes et des races. On sera sage de ne pas les laisser propager, trop loin
d'ici, par des hauts parleurs trop puissants. Le conquérant trop attentif à la
foi du conquis est un conquérant qui ne dure guère.
Nous venons de
transgresser les justes bornes de la tolérance, du respect et de l'amitié. Nous
venons de commettre le crime d'excès. Fasse le ciel que nous n'ayons pas à le
payer avant peu et que les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si
précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse.