Le cardinal Aloysius Ambrozic, archevêque de
Toronto, en a assez des « valeurs »
Cest ce quil écrit dans
une Lettre pastorale en expliquant que la référence aux valeurs
lui semble souvent « très neutre ». « Le mot suggère que pour quelquun
dautre, ma valeur peut être sans valeur. Il indique en réalité, notre
acceptation de ce que notre valeur puisse nen avoir aucune aux yeux dun
autre. En dautres termes, je réagis négativement à ce mot simplement
parce quil contient une possibilité de relativisme et dabsence de
sens. »
Il ny a
que l« égo souverain » qui soit une valeur
universelle dans notre société, ajoute le cardinal. Nos goûts et nos dégoûts
comme horizon indépassable « de la vérité et de la valeur »
« Cette
notion semble être à la base de nos convictions et de notre pratique
démocratique », mais elle est un mythe, explique-t-il.
Car notre « égo souverain » se transforme rapidement
en autre chose : « un égo productif, une unité dutilité
économique ». « Cest cet être humain productif dont la
valeur commence à seffilocher aux deux bouts de la vie. Notre
société a déjà accepté le principe de lavortement, et un nombre croissant
de gens justifie leuthanasie. Quelles que soient les raisons quils
invoqueront, les enfants qui se forment dans ce type de société se débarrasseront
de leurs vieux dès lors quils seront économiquement improductifs. »
Il ne faut donc pas croire, dit le cardinal Ambrozic,
que le progrès économique est générateur de dignité humaine : « Le libre
échange, la vache sacrée dont nous semblons adorer les sabots, est le
capitalisme missionnaire de notre monde » : comme si le bien-être économique
était une assurance dhonnêteté et de démocratie alors quil incite
surtout à rechercher lavantage économique pour soi.
Et de critiquer les impératifs catégoriques où Kant voyait les obligations
morales qui prouvent lexistence de Dieu :
« Il a fallu deux millénaires denseignement chrétien pour que ces
impératifs catégoriques paraissent évidents et soient acceptés comme allant de soi.
Et (Kant) ne sest pas rendu compte que limpératif catégorique
diminuerait en contenu aussi vite que son fondement intellectuel disparaîtrait.
» Et notre sentiment dobligation avec lui.
« Si la démocratie devait devenir une fin en soi, si nous navions
absolument aucune raison hormis notre obligation sociale
dêtre honnêtes et non-violents, maîtres de nous-mêmes et tolérants, alors
nous deviendrions les victimes de nos propres préjugés et prédilections. La
seule manière pour une démocratie de survivre est daccepter les deux
grands commandements que Jésus nous a donnés : lamour de Dieu
dabord, et lamour du prochain. Cest seulement si nous savons
Dieu plus grand que nous-mêmes, si nous le savons plus grand que nimporte
quoi au monde, que nous pouvons accepter ses commandements, quils nous
servent ou non, quils nous soient utiles ou non, et que nous pouvons
vivre dans la vraie vérité et la démocratie. »