Jérôme Lejeune
Il n’y avait encore
jamais eu de biographie du professeur Jérôme Lejeune, médecin, chercheur,
généticien, qui à 32 ans découvrit que le « mongolisme » était
une aberration chromosomique. Grâce à Anne Bernet c’est chose faite. Elle vient
de publier Jérôme Lejeune aux Presses de la Renaissance (1). Dans ce bel
ouvrage, l’auteur étreint magnifiquement et avec une émotion croissante la vie
d’un homme honoré et célèbre qui renonça à un avenir brillant lorsqu’il comprit
que ses travaux ne serviraient pas à soigner les trisomiques mais à supprimer
des enfants dans le ventre de leur mère. Anne Bernet déroule la vie d’un
personnage hors du commun. C’est le regard savant, percutant et riche d’un
auteur, sur un homme éblouissant de clarté, de foi et d’espérance. Cette biographie
est un sommet d’où la vue est admirable, une entreprise téméraire et réussie
qui nous plonge dans l’intimité de Jérôme Lejeune. Aucune pause, pas de repos,
le professeur n’a jamais pris la peine de souffler et, comme lui, nous n’avons
plus envie de nous arrêter ni de refermer le livre. Nous sommes saisis par la
grandeur d’un médecin rayonnant de grâce et de sincérité. Chaque page est
sujette à réflexion. Le travail d’Anne Bernet s’appuie sur des sources
sérieuses, des archives privées et inédites et le témoignage des proches du
professeur. Dans un monde où chacun refuse de s’exposer, le professeur s’est
engagé, a persévéré dans ses choix et ses convictions. Il a donné à des
générations de chrétiens une ligne de conduite. Grâce au talent et au courage d’Anne
Bernet, nous voisinons avec ce militant des « droits de l’homme avec
Dieu ». – C.R.
(1) Presse
de l a Renaissance 123 av. d’Italie 75013 Paris
01 44 13 05 00
Entretien Bernet sur Lejeune
— Avez-vous bien connu le professeur Lejeune et qu’est-ce
qui vous a semblé chez lui le plus marquant ? Lejeune le scientifique
était aussi un poète, un penseur. Avez-vous été sensible à cette dimension du
personnage ?
— Aussi
curieux que cela puisse peut-être vous paraître, je n’ai jamais eu l’occasion
de rencontrer le professeur Lejeune, ni même de l’apercevoir. J’ai dû pourtant
en avoir maintes fois la possibilité mais cela ne s’est jamais fait. Il est
vrai qu’à l’époque, très jeune journaliste, je n’étais pas chargée des
rubriques touchant, de près ou de loin, aux questions de génétique, de
médecine, de morale ou de société et cela explique certainement pourquoi nos
chemins ne se sont pas croisés sur un plan professionnel. A titre personnel,
mes centres d’intérêt ou mes domaines de recherche, il y a quinze ou vingt ans,
n’étaient pas non plus liés à ce type de questions. Je ne dois, d’ailleurs,
d’avoir écrit cette biographie, totalement en dehors de mes travaux habituels,
qu’à une série de hasards si curieux que j’y ai vu une sorte de volonté de la
Providence à laquelle il ne me semblait pas possible de me dérober. Cela
témoigne probablement d’une grande prétention de ma part.
Quoi
qu’il en soit, j’estime aujourd’hui qu’il était sans doute préférable que je
n’aie pas connu Jérôme Lejeune, car cela m’a permis d’écouter ses proches ou de
me pencher sur les documents avec un regard neuf qu’aucune impression
subjective, aucune sentimentalité, aucun souvenir ne venaient altérer. A titre
personnel, je regrette de n’avoir jamais rencontré le professeur Lejeune ;
en tant qu’historienne, je suis plutôt tentée de m’en féliciter.
N’étant
ni de près ni de loin scientifique, de goût ou de formation, et malgré un
intérêt pour la médecine sans doute dû au fait que c’est une profession que
l’on a exercée dans ma famille par vocation, j’aurais certainement connu des
difficultés insurmontables si Jérôme Lejeune avait été un scientifique pur et
rien d’autre. Heureusement, il était d’une époque plus intelligente que la
nôtre où l’on n’avait pas encore décrété que l’exercice de la médecine était
subordonné aux capacités pour les mathématiques. Il avait donc reçu une
formation littéraire et humaniste classique où l’étude du grec et du latin
tenait beaucoup plus de place que l’algèbre, la physique et la chimie. Ce n’est
qu’à la fin de ses études de médecine, quand il s’orienta vers la génétique et
eut besoin de certains certificats spécifiques, de biologie par exemple, qu’il
commença à s’intéresser aux matières dites scientifiques. L’extraordinaire est
qu’il révéla des dons innés pour les mathématiques, au point qu’il devait
parvenir à démontrer le théorème de Mascheroni, une question de géométrie dans
l’espace extrêmement complexe sur laquelle, pendant deux siècles et demi, tous
les matheux de la planète s’étaient cassés les dents. Pourtant, Lejeune demeura
toujours et d’abord un poète. Excellent astronome amateur, il se servit de ce
talent pour résoudre le problème posé par l’étoile de Noël. Et quand il mit en
évidence l’existence en médecine et en génétique des types et contre-types,
théorie selon laquelle une aberration chromosomique possède son exact
contraire, avec des symptômes opposés, ce fut en recourant à un raisonnement
qui apparaît évident aux littéraires, et invraisemblable aux scientifiques. Et
cependant, il avait raison sur toute la ligne !
— Le professeur Lejeune, qui était un grand chercheur en génétique
fondamentale, est apparu aussi comme un grand médecin.
— Ce
furent les hasards et les nécessités du quotidien, et sûrement la volonté de
Dieu, qui conduisirent Lejeune à la recherche et à la génétique, alors que ce
n’était pas sa vocation primitive ni même ce qu’il avait envie de faire. Depuis
l’âge de quatorze ans, et sa découverte du Médecin de campagne de
Balzac, il rêvait d’exercer humblement une carrière de praticien rural, dans un
village perdu, obscurément dévoué à son prochain souffrant, sans ambition, ni
désir de réussite, sans soif d’argent ni de reconnaissance. Au cours de ses
études, et parce qu’il possédait de grandes aptitudes manuelles, il avait
envisagé une spécialisation en chirurgie, mais toujours dans le même esprit. Et
puis, rien ne se passa comme il l’avait prévu…
Ses
parents sortirent ruinés de la guerre et de l’Occupation, ce qui lui
interdisait de rester trop longtemps à leur charge. Cela l’obligea à se
présenter trop tôt au concours de l’internat, auquel il échoua deux fois. La
troisième, écrasé de fatigue, il s’endormit dans le métro, manqua sa station,
et ne put se présenter, les portes de la salle d’examen étant fermées. Il
renonça à la spécialisation. C’est alors que Raymond Turpin, son professeur de
génétique, lui proposa de le prendre comme assistant dans son laboratoire.
Lejeune venait de se fiancer, il avait hâte de gagner sa vie : il accepta.
Et puis, au contact des enfants que l’on appelait « mongoliens »,
dont Turpin lui avait confié la charge, il découvrit sa voie, avant de
découvrir les causes de leur mal. Ce contact avec les enfants malades, qu’il ne
perdit jamais et ne fit même qu’accroître, lui permit de demeurer d’abord et
avant tout un médecin, et non un homme de laboratoire. Et s’il fut un grand
médecin, c’est qu’il fut un médecin chrétien, qui se remémorait sans cesse la
parole de l’évangile : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre
les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. »
— Fut-il immédiatement conscient de l’importance réelle de sa
découverte ?
— Lorsque,
courant 1958, Lejeune, après avoir affiné la méthode de photographies
chromosomiques inventée par les Américains Tjio et Levan, et rapportée à Paris
par sa consœur, le docteur Marthe Gautier, s’aperçoit que les enfants
mongoliens possèdent un chromosome surnuméraire sur la paire 21, il sait
pertinemment avoir découvert quelque chose d’important. Et, lorsque début 1959,
ayant travaillé sur une douzaine de cas, il se décide à publier avant qu’une
équipe britannique le fasse, il est plus conscient que jamais de l’intérêt de
ses recherches. Cependant, par modestie, il se refuse à admettre qu’il
révolutionne sa discipline et tout ce que l’on croyait savoir de la génétique. L’existence
des maladies génétiques, c’était alors une théorie à laquelle la plupart des
spécialistes avait renoncé. On la croyait fausse et, en cherchant dans cette
direction, Lejeune avait fait ricaner. Et voilà qu’en quelques années, son
équipe et lui en mettront plusieurs en évidence, ouvrant la voie à tous les
autres généticiens et aux développements actuels. Il ne faut pas s’étonner si
tout le monde pensait alors qu’il aurait le Nobel de médecine ; c’était
logique et presque obligatoire.
Lui
n’y attachait pas d’importance. Il n’aimait pas qu’on l’appelle un savant, ou,
pis encore, un génie. Les honneurs ne le touchaient que dans la mesure où ils
rehaussaient le prestige de la France sur la scène internationale et
rabattaient un peu de la superbe anglo-saxonne dans ces domaines. Surtout, il
estimait que sa découverte n’avait aucun caractère réellement positif et que
son seul intérêt était de permettre d’envisager, désormais, l’éventuelle mise
au point d’un traitement. Comme il l’écrivait dans son journal intime :
« Si j’avais trouvé le remède, ce serait une autre affaire. » On sait
qu’il y consacra tout le reste de sa vie, et mourut alors qu’il s’apprêtait à
explorer une nouvelle piste, la plus complexe, qui lui semblait la plus
prometteuse. Par contre, ce qu’il ne pouvait pas envisager, en 1959, c’était
que, dix ans plus tard, d’autres détourneraient son travail et sa technique
afin de mettre au point des tests de dépistage prénataux de la
trisomie 21, non pour guérir mais pour tuer. S’en rendre compte fut certainement
l’une des grandes croix de son existence, et explique pourquoi il devint un tel
défenseur de la vie.
— Quel fut son comportement face à la notoriété ?
— L’étonnement.
Je pense qu’il trouvait toute cette agitation médiatique et mondaine incroyablement
dérisoire. En revanche, il se plia à beaucoup d’obligations, parfois pesantes,
parce qu’il espérait être utile. Utile à ses malades, utile à la France, utile
à la science, en partageant la sienne. Plus tard, au moment des lois sur
l’avortement, il réalisa soudain que cette gloire et cette célébrité avaient au
moins l’avantage de lui permettre de parler et de donner son opinion. C’est
d’ailleurs en raison du prestige qui l’entourait qu’il fut si durement pris à
parti et combattu. Il fallait l’abattre parce qu’on ne pouvait pas, du moins
dans un premier temps, faire comme s’il n’existait pas. Et quand la gloire
mondaine eut disparu, quand on l’eut voué à cette mort civile de notre époque
que représente le silence médiatique, ce fut l’Église qui lui permit de
continuer à s’exprimer, dans le monde entier.
— La découverte par Lejeune du chromosome surnuméraire de la
paire 21 a permis de déterminer, après une amniocentèse chez les femmes
enceintes jugées à risque, si l’enfant attendu était sain et donc de ne pas
laisser venir au monde des handicapés. Jérôme Lejeune a compris qu’il en était
involontairement responsable et qu’au lieu de guérir ces enfants différents, on
allait les tuer. Comment a-t-il vécu ce drame ?
— Littéralement,
le sol s’est dérobé sous ses pas. Je dis littéralement parce que le moment où
il a compris a correspondu à ce 1er octobre 1969 où il a reçu, à San
Francisco, la plus haute distinction accordée à un généticien, l’Allen Award
Memorial, et qu’au même instant, la ville a été secouée par un violent
tremblement de terre. Lejeune venait de réaliser qu’on l’honorait d’abord parce
que ses recherches permettaient le dépistage, et donc l’assassinat de ces
enfants. Evidemment, il n’y était pour rien, on détournait son travail, mais ce
fut terrible, une espèce de négation de toute son œuvre, de toute sa vie, de
toute sa conception de la médecine, de la société et de la civilisation. D’une
certaine manière, tout a basculé. Il s’est, en quelques instants, trouvé
confronté à cet instant qui arrive toujours, où il faut choisir. Choisir entre
les deux cités, comme disait saint Augustin. Entre Dieu et le prince de ce
monde.
Il
pouvait se taire, prendre son prix, remercier et descendre de la tribune. Et
les choses reprenaient leur cours ordinaire. Il restait l’un des plus grands
savants de son siècle, une personnalité internationale, un membre de l’ONU, un
futur Prix Nobel de médecine.
Ou,
à cette même tribune, il disait aux généticiens américains ce qu’il pensait de
leur conception de la médecine. Et qu’ils n’avaient pas le droit de s’engager
dans cette voie. Mais cela, il fallait le dire dans un langage à leur portée,
un langage scientifique, contre lequel ils ne pourraient pas s’élever. Il ne
fallait pas situer le débat sur le plan moral ou religieux, qui les aurait fait
ricaner. En choisissant le niveau scientifique, là où il était impossible de le
contredire, ou de lui dire « n’imposez pas votre foi ou vos convictions
aux autres. » Lejeune savait très bien qu’il devenait impardonnable. Il interdisait
à ses confrères de s’aveugler tranquillement, de s’enfermer dans leurs
mensonges. Il sacrifiait sa carrière, les honneurs, et le reste. A
quarante-deux ans.
Il
a refusé de se taire et de se faire complice du crime, par son silence. Comme
Péguy le faisait dire à Jeanne : « complice, c’est pire
qu’auteur ».
Quand
il a quitté la tribune, il était devenu un pestiféré, un réprouvé, devant
lequel on s’écartait en détournant le regard. « Mais entre ça et laisser
tuer les enfants, je ne pouvais pas hésiter », écrira-t-il dans son
journal. Et, voyez-vous, le plus admirable de l’affaire, c’est que Lejeune, à
ce moment, avait déjà compris qu’il était en face d’une subversion telle qu’il
ne pourrait probablement pas empêcher les choses de se faire. A vue humaine, il
sacrifiait tout pour rien. Mais il avait choisi le camp de Dieu et il savait,
en dépit des apparences, que ce camp est d’avance et pour l’éternité celui des
vainqueurs.
— Jérôme Lejeune est souvent apparu très seul dans son combat
contre l’avortement. En a-t-il conçu une rancœur, notamment contre l’Eglise de
France ?
— L’isolement
de Lejeune fut peut-être plus apparent que réel, mais cela, il ne le réalisa
qu’à la fin de sa vie. Je ne sais plus si ce ne fut pas dans Présent,
justement, qu’il fit remarquer, au début des années 1990, qu’une foule de
gens partageaient ses convictions, mais qu’écrasés sous la pression incessante
des médias martelant l’opinion contraire, ils finissaient par ne plus se rendre
compte de leur nombre et de leur force. Je crois que cela reste vrai et
vaudrait qu’on y réfléchisse.
Cela
dit, seul, il le fut. Pas au début, car les soutiens qu’il reçut furent
immenses, mais ensuite, au fil des mois et des années, surtout quand il devint
évident, vers 1973-1974, que la bataille était perdue. Là, beaucoup de gens,
beaucoup de politiques, commencèrent à reculer. Et l’isolement apparent alla en
s’aggravant lorsque le monde médiatique passa au contrôle des forces de mort.
Je
pense que Lejeune se serait consolé des lâchages politiciens ; il n’avait pas
beaucoup d’illusions dans ce domaine. Les reculs des médecins furent déjà
beaucoup plus douloureux car il les perçut comme la démonstration d’une
perversion des esprits dans sa profession. Et cela lui fit terriblement peur,
s’agissant « de ceux pour qui la médecine est conçue ». Le recul des
médecins catholiques fut spécialement affreux pour lui. Et le silence de
l’Eglise de France l’accabla. Le discours officiel de l’époque était qu’il ne
fallait pas s’ingérer dans des questions politiques de ce genre, ni faire
pression sur les choix de société, ni faire entendre la voix de l’Eglise en de
tels domaines… Mais dans lesquels devait-on la faire entendre, grand
Dieu ?! Qu’il valait mieux laisser les laïcs se charger de la besogne…
L’ennui
étant qu’on ne faisait rien pour les y aider. Bien au contraire. Il est
douloureux de penser que l’une des conférences les plus chahutées, et il s’agit
d’un euphémisme, de Lejeune, se déroula le 10 février 1971, à l’Institut
catholique de Paris, et que l’organisateur des perturbations était un père
dominicain… Comment comprendre qu’un moine puisse hurler et faire hurler des
slogans du genre « à mort Lejeune et ses petits monstres » ?
Comment
comprendre qu’à quelque temps de là, Lejeune se soit fait accueillir, à
l’archevêché de Paris, par un évêque auxiliaire dont, par charité, je tairai le
nom, qui lui lança : « Je vous le dis solennellement : vous
êtes un mauvais chrétien ! » Il en pleura. Plus sur l’autre que sur
lui, d’ailleurs.
Car,
voyez-vous, c’était un homme incapable de haine ou de rancune. Il était animé
d’un tel amour du prochain qu’il trouvait toujours moyen de se mettre à sa
place, de le comprendre, de l’excuser, voire de prétendre qu’il en aurait sans
doute fait autant dans les mêmes circonstances. Or, je vous garantis qu’il
était incapable de certaines bassesses communes, des petites lâchetés et des
compromissions ordinaires.
J’ai
trouvé dans sa correspondance des lettres d’insulte dont la violence, la
cruauté, la bêtise aussi, étonnent. Quand elles n’étaient pas anonymes, il
répondait. Avec bonté. Avec compassion. Avec indulgence. Avec humour aussi, et
c’était peut-être le plus difficile.
Il
a certainement beaucoup souffert à ce moment-là, mais il n’a jamais haï,
détesté, ni même remâché les offenses infligées. Et pourtant, comme il le
confiait à un ami : « Si je n’avais pas déjà cru au diable, tout le
mal qu’on m’a fait aurait suffi à me persuader de son existence… »
— Considéra-t-il le vote de la loi Veil comme un échec
personnel ?
— Comme
un échec, oui. Personnel, certes, car il s’était terriblement impliqué dans
l’affaire et savait qu’on le lui ferait payer. Mais à aucun moment il ne
regarda le vote de la loi par rapport à lui-même et à sa situation. Il savait
que les enjeux dépassaient de façon vertigineuse sa propre personne. Il ne
s’agissait pas d’une défaite de Jérôme Lejeune, mais d’une défaite de la
civilisation, de la France, de la Vie… Il s’agissait du salut éternel de
millions d’âmes, et même de celui des promoteurs de la loi, pour lequel il
s’angoissa jusqu’à son dernier jour. Je crois que c’est là tout le nœud du
problème et il le savait. Je crois aussi qu’il avait admis que l’affaire se
jouait désormais à un autre niveau, que ce n’était, finalement, qu’une
péripétie dans la grande lutte eschatologique, et qu’il fallait lutter, certes,
mais s’en remettre à Dieu de la suite. C’est pourquoi il avait fini par prendre
pour devise celle des légions romaines : Et si fefelitur, de genu
pugnat (Et s’il vient à tomber, c’est à genoux qu’il combat).
Certes,
la position peut paraître désagréablement inconfortable et aventurée, mais
Lejeune avait déjà réalisé qu’à genoux, on est plus près de Dieu. Et que, près
de Dieu, avec Dieu, il n’y a, au fond, rien à craindre. « Hommes de peu de
foi, de quoi avez-vous peur ? »
Propos
recueillis par Catherine Robinson