« La guerre est religieuse »

 

 

La vie publique s’émancipe de toute règle, de tout dogme.

 

L’État se libère de toute contrainte.  Ni Dieu.  Ni Maître.

 

C’est le leitmotiv de tous les pouvoirs.  De l’individu laïc.  De la famille devenant athée.  De toutes les institutions étatiques.  De toutes les instances maçonniques.  En Europe comme aux É.U., comme au Canada.  Sur tous les continents, il en est ainsi.

 

Zone de Texte: L’état se libère de tout.  Ni Dieu.  Ni maître.  Ni dogme.On peut s’en rendre compte, particulièrement ces jours-ci, en comparant l’exhortation apostolique du Pape Jean-Paul II : Ecclesia in Europa, publiée le 29 juin 2003, et un discours de Jacques Chirac prononcé le 23 juin 2003  pour le 275e anniversaire de la  création de la franc-maçonnerie en France.

 

L’exhortation apostolique : Ecclesia in Europa, malgré sa longueur, faiblesse du document, malgré une surabondance d’affirmations, de suggestions, d’implorations sur des sujets trop divers, nouvelle faiblesse du document, malgré des affirmations politiques incertaines, contestables et contestées, après toutefois un constat réaliste grave sur la situation actuelle des peuples en Europe, cette exhortation est, cependant, un vibrant appel à la « conscience européenne » de retrouver et d’accepter son Seigneur et Maître, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui fit hier la grandeur de l’Europe et de sa Civilisation.

 

Appel vibrant du Souverain Pontife.  Appel estimable, plein de foi en Notre Seigneur.  Appel plein d’espérance.  Appel émouvant malgré les faiblesses nombreuses du document, tant sur le fond que sur la forme.

Appel missionnaire et catholique auquel il faut opposer un discours de M. Jacques CHIRAC, discours adressé, le 23 Juin 2003, aux instances francs-maçonnes de France à l’occasion du 275e anniversaire de la création de la Franc-maçonnerie en France.  Là, s’étale avec outrecuidance - le mot sera utilisé par le Pape lui-même dans la conclusion de son exhortation - s’étale avec outrecuidance le refus de tout dogmatisme, de tout catholicisme.  La Franc-maçonnerie, en tous pays, en France particulièrement, s’est dressée contre le Christ et son Église et contre son dogme.  La Franc-maçonnerie est le refus de tout dogme, de toute Révélation.  La Franc-maçonnerie n’a cessé de lutter pour « écraser l’Infâme », Notre-Seigneur Jésus-Christ.  D’où la ruine de la monarchie, parce que catholique.  D’où l’instauration de la laïcité des États sans Dieu.  D’où la séparation de l’Église et de l’État.  La politique des Nations, celle du Canada aussi, ne se prépare pas au Vatican, nous dit-on.

 

Ainsi l’Europe ne cédera-t-elle pas aux instances, si souvent répétées du Pape - répétitions, tout à l’honneur du Pape - de mettre dans la Constitution Nouvelle de l’Europe, une claire affirmation du rôle bénéfique et historique du christianisme en Europe.

 

Oui !  Guerre, il y a.  Et elle est religieuse.

 

Et c’est pourquoi, il n’est pas inutile de faire remarquer que la finale de l’exhortation apostolique est précisément toute centrée sur le combat décrit par l’Apocalypse entre la femme et le dragon.  Pourquoi donc cette finale ? C’est que « la guerre est religieuse ».  Entre l’Église et la Franc-maçonnerie.

 

Voici les documents :

A)      L’exhortation apostolique de Jean-Paul II :

« Ecclesia in Europa ».

 

a) L’appel du Pape :

 

Zone de Texte: Europe.  Retrouve-toi toi-même.  Sois toi-même.  Découvre tes origines.  Avive tes racines.L’Europe a besoin d’un saut qualitatif dans la prise de conscience de son héritage spirituel.  Un tel élan ne peut lui venir que d’une écoute renouvelée de l’Évangile du Christ.  Il appartient à tous les chrétiens de s’employer à satisfaire cette faim et cette soif de vie.  C’est pourquoi « l’Église éprouve un devoir de renouveler avec vigueur le message d’espérance qui lui a été confié par Dieu » et elle répète à l’Europe : « Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut »(So 3,17).  Son invitation à l’espérance ne se fonde pas sur une idéologie utopiste.(…) C’est, au contraire, le message éternel du salut proclamé par le Christ(cf. Mc 1,15).  Avec l’autorité qui lui vient de son Seigneur, l’Église répète à l’Europe d’aujourd’hui : Europe du troisième millénaire, « que tes mains ne défaillent pas » (So 3,16) ; ne cède pas au découragement, ne te résigne pas à des modes de penser et de vivre qui n’ont pas d’avenir, car ils ne sont pas fondés sur la ferme certitude de la Parole de Dieu ! 

 

Reprenant cette invitation à l’espérance, je te le répète encore aujourd’hui, Europe qui est au début du troisième millénaire : « Retrouve-toi toi-même.  Sois toi-même.  Découvre tes origines.  Avive tes racines ».  Au cours des siècles, tu as reçu le trésor de la foi chrétienne.  Il fonde ta vie sociale sur les principes tirés de l’Évangile et on en voit les traces dans l’art, la littérature, la pensée et la culture de tes nations. Mais cet héritage n’appartient pas seulement au passé ; c’est un projet pour l’avenir, à transmettre aux générations futures, car il est la matrice de la vie des personnes et des peuples qui ont forgé ensemble le continent européen.

 

Ne crains pas ! L’Évangile n’est pas contre toi, il est en ta faveur.  Cela est confirmé par la constatation que l’inspiration chrétienne peut transformer l’ensemble des composantes politiques, culturelles et économiques en une convivialité où tous les européens se sentent chez eux et forment une famille de nations dont d’autres régions du monde peuvent s’inspirer de manière fructueuse.

 

Aie confiance ! Dans l’Évangile qui est Jésus, tu trouveras l’espérance forte et durable à laquelle tu aspires.  C’est une espérance fondée sur la victoire du Christ, sur le péché et sur la mort.  Cette victoire, il a voulu qu’elle soit tienne, pour ton salut et pour ta joie.

 

Sois-en sûre !  L’Évangile de l’espérance ne déçoit pas.  Dans les vicissitudes de ton histoire d’hier et d’aujourd’hui, c’est une lumière qui éclaire et oriente ton chemin ; c’est une force qui te soutient dans l’épreuve ; c’est une prophétie d’un monde nouveau ; c’est le signe d’un nouveau départ ; c’est une invitation à tous, croyants ou non, à tracer des chemins toujours nouveaux qui ouvrent sur l’ « Europe de l’Esprit », pour en faire une véritable maison commune où l’on trouve la joie de vivre. »

 

 

 

 

 

b) La conclusion du document pontifical : la femme et le dragon
L’histoire de l’Église s’accompagne de signes qui sont sous les yeux de tous, mais qui demandent à être interprétés.  Parmi eux, l’Apocalypse présente le signe grandiose apparu dans le ciel qui parle d’une lutte entre la femme et le dragon.

La femme ayant le soleil pour manteau, qui est en train d’accoucher dans la souffrance(cf. Ap 12, 1-2), peut désigner l’Israël des prophètes qui enfante le Messie, « celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer » (Ap 12,5).  Mais elle représente aussi l’Église, peuple de la nouvelle Alliance, en proie à la persécution, mais protégée par Dieu.  Le dragon est «  le serpent des origines, celui qu’on nomme Démon ou Satan, celui qui égarait le monde entier » (Ap12,9).  Le combat est inégal : le dragon semble avoir l’avantage, tant est grande son outrecuidance face à la femme sans défense et souffante.  En réalité, le vainqueur, c’est le fils que la femme vient de mettre au monde.  Dans ce combat, une chose est certaine : le grand dragon a déjà été vaincu, « il fut jeté sur la terre et ses anges avec lui »(Ap 12, 9)  Ceux qui l’ont vaincu, ce sont le Christ, Dieu fait homme, par sa mort et sa résurrection, et les martyrs, « par le sang de l’Agneau et le témoignage de leur parole « (Ap 12,11)  Et même si le dragon persiste dans son opposition, il n’y a rien à craindre, car sa défaite est dejà consommée.

 

Telle est la certitude qui anime l’Église au long de son chemin, tandis qu’elle relit son histoire de toujours à partir de la femme et du dragon.  La femme qui met au monde un enfant mâle nous rappelle aussi la Vierge Marie, surtout au moment où, transpercée par la souffrance au pied de la Croix, elle engendre de nouveau le Fils, comme vainqueur du prince de ce monde.  Elle est confiée à Jean qui, à son tour, lui est confié(cf Jn 19, 26-27) et elle devient ainsi la Mère de l’Église.  Grâce au lien qui unit Marie à l’Église, et l’Église à Marie, le mystère de la femme prend une clarté nouvelle : En effet, Marie, présente dans l’Église comme Mère du Rédempteur, participe maternellement au « dur combat contre les puissances des ténèbres » qui se déroule à travers toute l’Histoire des hommes.  Et par cette identification ecclésiale avec la « femme enveloppée de soleil » (Ap 12,1), on peut dire que « l’Église, en la personne de la bienheureuse Vierge, atteint dejà la perfection qui la fait sans tache ni ride ».

 

L’Église entière regarde donc Marie…. »

 

Discrète, mais tout à la fois fulgurante conclusion.  « Qui potest capere, capiat ».  « Que celui qui peut comprendre, comprenne » (Mt 19,12 ).  Vraiment la guerre est religieuse.  Le grand Monseigneur Jouin a raison.

 

 

 

B)      Le discours de Jacques Chirac prononcé le 23 juin 2003.

 

Mesdames et Messieurs les Grands Maîtres, Mesdames, Messieurs,

 

Je suis heureux de recevoir aujourd’hui les représentants d’une tradition philosophique qui a pris une part si importante, en France et dans le monde, à l’élaboration et à la diffusion des idées républicaines.  Il est des histoires qui contribuent à forger l’histoire, des événements qui font avancer la cause de la liberté.  La création, en 1728, de la première loge française est de ceux-là.  Vous avez choisi de fêter ensemble cet événement.  Et vous avez voulu y associer les maçonneries étrangères.  À toutes et à tous, je souhaite la plus chaleureuse des bienvenues.  En vous recevant aujourd’hui, j’ai souhaité rendre hommage au rôle civique de vos sociétés de pensée.  Un rôle actif de défense et de réaffirmation des principes républicains, un rôle de vigilance, un rôle de réflexion.  Cet anniversaire est aussi pour vous l’occasion de donner une idée juste de la franc-maçonnerie, au delà des clichés et des idées reçues.

 

Zone de Texte: La franc-maçonnerie inscrit son engagement dans l’héritage des lumières.  Lumière de la raison.  Lumière de la liberté, la liberté absolue de conscience.Vous inscrivez votre engagement dans l’héritage des Lumières.  Lumières de la raison, de la tolérance, de la solidarité humaine, lumières de la liberté, la liberté absolue de conscience, la liberté de douter, parce que le doute est moteur de progrès.  Une liberté que résume bien le tryptique : « provoquer et non imposer, suggérer sans proclamer, interroger plutôt que répondre ».  Bref, la vraie liberté de l’homme parvenu à s’affranchir tant des passions que des carcans sociaux.  Alain Bauer, dont je salue l’initiative qui nous réunit aujourd’hui, a évoqué la naissance de la maçonnerie en France à l’aube du XVIII siècle, avec cette belle formule que je lui emprunte : « C’est le peuple de l’Encyclopédie qui essaie de devenir celui  des Lumières ».  Né dans les spasmes des guerres civiles et religieuses anglaises, l’idéal maçonnique, celui d’Isaac Newton, rêvait de substituer aux dogmatismes le débat sur le progrès scientifique, de desserrer l’étreinte, de casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l’époque.

 

Cette histoire, ces convictions, la franc-maçonnerie peut les assumer avec fierté.  Elles fondent son engagement.  Elle marquent ses traditions.  Trois siècles ont passé et vous tenez à ce que vos travaux continuent de s’accomplir dans la liberté, le refus des certitudes, l’ouverture internationale, en recherchant toujours l’indispensable sérénité dans laquelle doit être menée la réflexion, loin de l’agitation du monde.  Sa fidélité aux traditions, son engagement au service de l’homme, la franc-maçonnerie les a chèrement payés, persécutée par tous les totalitarismes.  Les heures noires de l’Occupation et de la collaboration l’ont douloureusement marquée.  Dès août 1940, une législation anti-maçonnique était promulguée.  Les obédiences étaient dissoutes, leurs locaux occupés, leurs temples dévastés, leurs archives détruites, leurs collections pillées.  Les francs-maçons ont été dénoncés, leurs noms livrés à l’occupant nazi.  Beaucoup d’entre eux furent déportés et trouvèrent la mort dans les camps.  Jamais dans son histoire, la franc-maçonnerie française, qui s’était toujours développée dans le plus grand respect des institutions et des lois, n’avait eu à subir un tel déchaînement de violence et de haine.

 

Zone de Texte: La franc-maçonnerie a mené le combat pour la laïcité.  Combat de chaque instant. Combat qui reste toujours d’actualité.Cet acharnement ne peut s’expliquer que par l’indéfectible attachement des francs-maçons à la République.  La République, ils l’ont aidée à naître, répandant les idées de raison et progrès.  Ils l’ont veillée lorsqu’elle était fragile et attaquée.  Ils l’ont nourrie de leur exigence et de leur réflexion.  Ils ont toujours été au premier rang de ses défenseurs.  Au XVIIIe et au XIXe siècles, ils furent naturellement de tous les combats contre l’autoritarisme.  Dans les tavernes des origines, ils ont contribué à diffuser les valeurs qui furent celle de la Révolution française et que proclame la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.  Dans le grand élan de 1848, ils militent pour les libertés politiques et syndicales, la liberté de la presse, la liberté d’association, l’abolition de l’esclavage.  Après avoir contribué à faire naître la IIIe République, ils sont nombreux à s’engager dans la Ligue des droits de l’homme, pour que triomphe l’innocence du capitaine Dreyfus.  Quelques années auparavant, ils avaient préparé, pour une très large part et ardemment soutenu la loi de 1882, loi capitale pour la République, qui créait un enseignement primaire obligatoire, laïque et gratuit.  Avec la même fermeté, le même enthousiasme, ils appuient la loi de 1901, qui garantit la liberté d’association, puis celle de 1905, qui sépare les églises et l’État.  Le Combat pour la laïcité doit beaucoup à leur engagement.  Combat de chaque instant, combat qui reste toujours d’actualité.  Combat pour la tolérance et pour une fraternité fondée sur le respect de l’autre et qui ne s’arrête pas aux différences, aux origines, aux religions.  Au fil du temps, à mesure que s’est enracinée la République, que se sont imposées les valeurs universelles qu’elle défend, la franc-maçonnerie française a su attirer des femmes et des hommes engagés dans la vie sociale et représentatifs de la France dans toute sa diversité.  Il n’est pas de grandes questions sociales, touchant à la condition humaine, que les francs-maçons n’aient abordée.  Récemment, individuellement ou de manière concertée, ils sont intervenus dans les débats sur la place des femmes dans notre vie publique, sur la bioéthique, l’accueil et la place des handicapés, l’avenir de l’école, la construction européenne, le développement durable, la mondialisation, la diversité culturelle, la question aussi du choc démographique et de l’adaptation nécessaire de la société française et de ses structures.  Parce que les francs-maçons ont d’abord à cœur l’exigence d’humanisme, ils sont aux avant-postes de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, contre les discriminations et tout simplement contre la violence.  Il n’est pour vous, de progrès individuel et collectif, de véritable vivre ensemble, qu’affranchis des passions et des intérêts particuliers, des communautarismes et des intégrismes, des ignorances et des antagonismes qu’elles engendrent.

 

Mesdames, Messieurs, cet anniversaire qui nous rassemble aujourd’hui, vous le vivez, j’imagine, comme un engagement renouvelé pour l’avenir, pour d’autres progrès, d’autres libertés.  Aujourd’hui, je veux saluer votre action qui a joué un rôle essentiel dans l’enracinement de l’idéal républicain en France.  En vous recevant toutes et tous, je souhaite vous témoigner le respect de la Nation pour ce que vous êtes et pour ce que vous faites.  Je vous en remercie. »

- - - - - - -

Une franc-maçonnerie qui est engagée, depuis ses origines dans « l’héritage des Lumières.  Lumières de la raison ».  « Lumières de la liberté absolue de conscience ».   « Lumières qui luttent contre tout dogmatisme », ne doit pas être ouverte aux discours du Pape sur les origines catholiques de l’Europe.  Celle qui intervient, nous confirme Jacques Chirac, dans « la construction européenne » ne s’ouvrira pas à l’appel poignant du Pape : «  Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le héros qui apporte le salut ».  Elle ne voudra pas entrer, comme le Pape l’y appelle « dans le nouveau millénaire avec le livre de l’Évangile ».  Bien au contraire !

 

La guerre est religieuse, vous dis-je . N’oubliez donc pas la conclusion du Pape dans son Exhortation.  C’est celle du Combat entre la Femme et le Dragon.  « … Et le Dragon fut rempli de fureur contre la Femme, et il alla faire la guerre au reste de ses enfants, à ceux qui observent les commandements de Dieu et qui gardent le témoignage de Jésus-Christ »(Ap 12,17).