L’homme nouveau n° 1288 20 octobre 2002

 

 

40 ans après le concile

 

Des traditionalistes retournent à Rome

 

Séparé de l’Eglise pendant 10 ans, Dom Fernando Aréas Rifan s’est récemment  réconcilié avec Rome. Il est devenu évêque coadjuteur de l’Administration apostolique personnelle de Campos au Brésil. Entretien sur un statut exceptionnel accordé par Jean-Paul II et sur le Concile vu à la lumière de la Tradition.

 

Qu’apporte ce statut d’administration apostolique ?

 

Mgr Rifan : Tous sont contents parce qu’avec ce statut, une situation anormale se voit régularisée. Il est normal pour tous les catholiques d’être unis à la hiérarchie de l’Eglise. Nous étions un peu marginalises  et maintenant nous sommes bien reconnus, avec nos spécificités :

La messe traditionnelle, la liturgie traditionnelle, l’orientation doctrinale traditionnelle. Reconnu par le Saint Siège, une administration apostolique est une circonscription ecclésiastique normale, officielle dans l’Eglise. Nos fidèles sont tranquillisés. Ils ne se sentent plus en dehors de l’Eglise en raison de leur attachement à la messe traditionnelle. Ils sont pleinement reconnus dans la communion de l’Eglise.

 

Cela répond-il à toutes vos attentes ?

 

Mgr : Oui, cela répond à toutes nos attentes. Il y a toujours beaucoup de problèmes dans l’Eglise. L’histoire nous montre qu’il y en a toujours eu, l’Eglise ayant une partie surnaturelle et une partie humaine. Il faut bien sûr, être patient. Mais on a réussi à être maintenant dans la pleine communion ecclésiale. Nous étions toujours catholiques, bien sûr : mais il fallait la reconnaissance juridique aussi.

 

Vous êtes le premier évêque sacré avec l’accord de Rome, dans le rite de saint Pie V, depuis le concile. Ce statut vous confère-t-il un rôle particulier en dehors de votre propre juridiction ?

 

 

Mgr R : Le Cardinal Castrillon Hoyos, et d’autres évêques dont le  cardinal de Rio, ont dit la même chose : notre rôle est très important vis-à-vis de toute l’EGLISE CATHOLIQUE. Ce sacre, ce n’est pas seulement pour l’Administration apostolique de campos, mais pour toute l’Eglise. Peut-être est-ce un nouveau pas, une expérience, qui va rayonner dans toute l’Eglise.

 

Quelle est votre fonction au sein de l’Administration apostolique ?

 

Mgr : Je suis l’évêque coadjuteur. J’aide notre évêque, qui est malade, mais avec le droit de succession. C’est à dire que je suis le vicaire général pour aider au gouvernement de l’Administration. Ma fonction est la même que dans un diocèse. Je m’occupe de la Curie, du gouvernement, des écoles, des paroisses, des visites pastorales…Tout ce qu’un évêque doit faire.

 

 

Vous avez été pendant plusieurs années proche de la Fraternité Saint Pie X de Mgr  Lefebvre.,Mgr Rangel, dont vous êtes l’évêque coadjuteur, a été sacré évêque par les évêques de Mgr Lefebvre.

Est ce que votre réconciliation avec Rome représente une remise en cause de votre action passée ?

 

 

Mgr : Il n’y a pas de changement de principes. Les principes sont les mêmes, puisqu’il s’agit de la doctrine catholique.

 Mais je pense qu’il faut parfois faire un examen de conscience ou une évaluation, pour voir si les attitudes correspondent aux principes que nous défendons. Parfois, dans l’âpreté des combats, notre attitude peut ne pas toujours accorder avec nos principes. Je crois qu’il vaut mieux faire correspondre nos attitudes  avec les principes. Par exemple : si nous défendons le Pape, si nous disons que le Pape est le chef de l’Eglise, le vicaire de Jésus-Christ… il faut agir dans cette perspective. Sinon, on tombe dans un sédévacantisme (1) pratique : on défend le pape dans la théorie et on ne l’accepte pas dans la pratique. Vis-à-vis de la Fraternité Saint Pie X , je pense que nous avons un rôle à remplir pour leur montrer que la réconciliation et la communion avec Rome est véritablement possible sans l’abandon de nos spécificités. Il faut , en effet, garder absolument deux points  ensemble, pas l’un sans l’autre : l’unité de foi et l’unité de gouvernement. Il faut donc éviter l’hérésie et le schisme. L’hérésie vient d’une déviation doctrinale ; le schisme vient d’une atteinte à l’unité, au gouvernement  de l’Eglise. Saint Thomas définit le schisme comme : être séparé de la tête et des autres qui sont avec la tête. Si on se sépare tellement des autres qui sont avec la tête, on finit dans le schisme. Mais il y a aussi la doctrine. Il ne faut oublier aucun dogme. Il faut toujours être fidèle à la doctrine pour éviter l’hérésie.

 

Comment avez-vous reçu les actes du concile Vatican II ?

 

Mgr R : Dans ce temps-là, j’avais moi-même 15 ans ! Mgr de Castro Mayer, qui était évêque de Campos, a écrit deux lettres pastorales pour expliquer aux paroissiens dans quel sens on devait recevoir le Concile. Il donnait l’interprétation catholique, et non l’interprétation moderniste répandue après le concile. Mgr de Castro Mayer s’est opposé à cette façon de faire.

 

Cette interprétation de Mgr de Castro Mayer, qu’on pourrait peu-être résumer par

« le Concile à la lumière de la tradition », est-ce toujours votre position ?

 

Mgr R : on accepte le Concile comme un des conciles de l’Eglise. Les modernistes  disent que c’est l’unique Concile, que c’est LE concile de l’Eglise.

Or non, c’est un des conciles de l’Eglise catholique, qui doit s’insérer dans cette tradition. Ce n’est pas un concile indépendant de la tradition. C’est un Concile pastoral, et non dogmatique. Il a statué sur des actions, mais le dogme est le  même. Pourquoi changer ? La vérité est la même. Seulement la pastorale a changé. Et si quelque chose dans la pastorale vient en contradiction avec la doctrine, il faut changer la pastorale, pas la doctrine.

 

 

Selon vous y a-t-il des points du Concile qui mériteraient d’être éclairés ?

 

 

Mgr : oui ; bien sûr. C’est ce manque de précision qui a ouvert un chemin à l’interprétation moderniste. Par exemple, dans Gaudium et spes. Je pense qu’aujourd’hui, il faut changer le langage, éclairer les textes. D’autres documents également manquaient un peu de précision pour donner la vraie doctrine catholique et ne pas laisser la porte ouverte à une mauvaise interprétation. Il y a des points plus litigieux : par exemple, la collégialité, l’œcuménisme, la liberté religieuse Ce sont les trois points principaux.

Maintenant il y a des documents qui précisent un peu ces points. Mais il faut toujours affiner la doctrine catholique et corriger les ambiguïtés.

 

Vous venez de parler de documents. Depuis le Concile, il y a donc d’autres documents qui vont dans un sens de plus de précisions ?

 

Mgr : Oui par exemple pour  l’œcuménisme. Dans Dominus Iesus, la doctrine catholique est plus précisément exprimée. Il n’est plus question d’un salut qui existerait aussi dans d’autres religions. Le salut est bien dans l’Eglise de notre Seigneur. C’est précis. Dominus Iesus donne l’interprétation correcte. Je ne dis pas que c’est un document parfait, mais il a précisé beaucoup de choses. Il faudrait d’autres documents de ce type. On peut faire des critiques constructives dans ce sens. On n’a pas renoncé aux critiques, mais il faut faire les critiques au sein d’une même famille. C’est différent lorsqu’on appartient à la même famille ou que l’on appartient à une autre. Si on se sent dans la famille de l’Eglise, il faut faire les critiques dans ce sens, comme si c’était notre mère.

 

Sur un autre plan, quels sont les problèmes que rencontre la population locale à Campos et comment y répondez-vous ?

 

 

Mgr : Il y a beaucoup de besoins .                                                                                         . Pour l’éducation, nous avons fondé plusieurs écoles. Nous avons 11 écoles, avec 3000 élèves.

Ma paroisse comprend une école de 300 élèves qui va du jardin d’enfants au secondaire. Nous

Avons des églises, plusieurs œuvres paroissiales : deux orphelinats, avec 400 enfants, deux maisons de retraites, avec 120 personnes âgées.

 

La population du diocèse de Campos est-elle pauvre ?

 

Mgr : La ville de Campos elle-même n’est pas particulièrement pauvre. En revanche, autour de la ville, dans les bidonvilles, dans les zones rurales, nous sommes confrontés à une véritable pauvreté à laquelle nous cherchons à répondre concrètement. Il y a urgence.

 

 

Pour aider les œuvres de l’Administration de Campos :

Rue Miranda Pinto, 26, parque Leopoldina, 28051, 245 CAMPOS, RJ Brésil