Ces
derniers jours furent dominés par les
problèmes de l’agrandissement de l’Europe.
Dix nouveau pays de l’Europe de l’Est, ont
intégré, le 1er Mai 2004, l’Union Européenne. Voilà ainsi créé la grande Europe,
« l’Europe des 25 ». Le pape Jean-Paul II, lors de la prière du
Regina Coeli, du 2 mai 2004, a tenu à saluer cet
événement montrant ainsi le grand intérêt que l’Eglise
porte à la « création » de l’Europe.
Il a insisté, encore une fois, sur les valeurs communes chrétiennes qui
fondent son identité.
Mais
quelle est donc la pensée de l’Eglise sur l’Europe et
sa construction et sa
constitution ? Quelles en sont les grandes idées ?
Voilà les questions auxquelles je voudrais répondre aujourd’hui.
Il
est clair que l’Eglise s’est toujours intéressée à
l’unité de l’Europe, à sa création pour le bien des peuples et l’instauration
de la paix des Nations. Ce fut une des grandes préoccupations de Pie XII.
Tout récemment encore , le Saint Siège eut l’occasion
de montrer l’intérêt qu’il porte à l’Europe.
Jean-Paul II, alors qu’il recevait, des mains du Maire de la ville
d’Aix-la-Chapelle le prix international Charlemagne, -
C’était le 24 mars dernier au Vatican -
prononça, à cette occasion, un discours
important. Il proposa, à ces invités, sa « conception européenne ».
. « L’Europe que j’ai à l’esprit -
il parla même de « rêve » -
est une unité politique, mais plus encore spirituelle, dans laquelle les hommes
politiques chrétiens de tous les pays agissent dans la conscience des richesses
humaines que la foi porte en elle (…) Une Europe de l’homme dans laquelle
resplendit le visage de Dieu ».
Or,
dans ce discours, Jean-Paul II cita le Pape Pie XII. Il cita son discours prononcé le 11 novembre 1948. Il s’en inspira.
Quelle
est donc la pensée de Pie XII sur l’Europe, sa construction, sa
constitution ?
Toutes
ces questions sont importantes alors que les élections européennes auront lieu
dans quelques semaines. Elles m’ont encouragé à lire d’abord le texte de Pie XII.
Je
crois utile de vous présenter ce texte, de le commenter et de vous donner également le texte prononcé
par Jean-Paul II lors de la réception du Prix Charlemagne.
Vous
aurez ainsi la pensée de l’Eglise sur cette grande
affaire de l’Europe, la pensée d’hier, la pensée d’aujourd’hui.
Voilà
tout d’abord le texte de Pie XII, suivi d’un bref commentaire :
1 - « Discours aux délégués du Congrès
international de l’Union européenne des Fédéralistes
(11 novembre 1948)
C’est
aux membres de ce mouvement que Pie XII a adressé le discours suivant :
« Nous
sommes très sensible à votre démarche, Messieurs, Elle nous prouve que vous
avez compris et apprécié les efforts que, depuis près de dix ans, Nous
multiplions sans relâche en vue de promouvoir un rapprochement, une union
sincèrement cordiale entre toutes les nations. Soyez-en remerciés.
De
fait l’Eglise invite les peuples à se
rapprocher :
C’est
précisément ce souci qui Nous inspirait le 2 juin dernier, quand nous parlions
en faveur d’une union européenne
(En
note : voici ce texte : « …Sans vouloir faire entrer l’Eglise dans l’enchevêtrement d’intérêts purement
terrestres, Nous avons estimé opportun de nommer un représentant personnel
spécial au « Congrès de l’Europe » qui s’est tenu récemment à La Haye afin de montrer la sollicitude et de porter
l’encouragement du Saint-Siège pour l’union des
peuples (Allocution au Sacré-Collège 2 juin 1948)
Toutefois
l’Eglise ne se prononce pas sur l’opportunité ou
l’inopportunité de tel programme concret, visant des objectifs temporels :
Nous
l’avons fait en Nous gardant bien d’impliquer l’Eglise
dans des intérêts purement temporels ? La même réserve est également de
mise sur la question de savoir quel degré de vraisemblance ou de probabilité
assigner à la réalisation de cet idéal, de combien on en est loin encore ou de
combien l’on s’en est rapproché.
De
fait, de nombreux obstacles se dressent sur la voie de la réalisation de tels
projets : les dissentiments entre anciens belligérants subsistent encore…
Toutefois il faut agir promptement
Que
l’établissement d’une vision européenne offre de sérieuses difficultés,
personne n’en disconvient. De prime abord, on pourrait faire valoir le besoin,
pour la rendre psychologiquement supportable à tous les peuples de l’Europe,
d’un certain recul qui éloigne d’eux le souvenir des événements de la dernière
guerre. Cependant, il n’y a pas de temps à perdre. Si l’on tient à ce que
cette union atteigne son but, si l’on veut qu’elle serve utilement à la cause
de la liberté et de la concorde européenne, la cause de la paix économique et
politique intercontinentale, il est grand temps qu’elle se fasse. Certains
se demandent même s’il n’est pas déjà trop tard.
Pourquoi réclamer que le souvenir de la guerre se soit d’abord estompé dans le
recul d’une perspective lointaine, alors que, tout au rebours, ses effets,
encore douloureusement sentis, sont précisément pour ces peuples d’Europe un
encouragement à déposer une bonne fois leurs préoccupations égoïstement
nationales, sources de tant de jalousies et de tant de haines, une incitation à
pourvoir à leur légitime défense contre toute politique de violence ouverte ou
larvée ?
Un
autre obstacle serait que certaines grandes puissances veuillent profiter de
leur supériorité pour tenter de subordonner d’autres puissances en les
asservissant sur le plan économique :
Il
est un point sur lequel on ne saurait trop insister : l’abus d’une
supériorité politique d’après-guerre en vue d’éliminer une concurrence
économique. Rien ne réussirait mieux à envenimer irrémédiablement l’œuvre de
rapprochement et de mutuelle entente.
De
même certains pays pourraient se réfugiant dans leurs souvenir glorieux des
siècles passés, s’imaginer qu’ils doivent encore jouer le même rôle
aujourd’hui :
Les
grandes nations du continent, à la longue histoire toute chargée de souvenirs
de gloire et de puissance, peuvent aussi faire échec à la construction d’une
union européenne, exposées qu’elles sont, sans y prendre garde, à se mesurer
elles-mêmes à l’échelle de leur propre passé plutôt qu’à celle des réalités du
présent et des prévisions d’avenir. C’est justement pourquoi l’on attend
d’elles qu’elles sachent faire abstraction de leur grandeur d’autrefois pour
s’aligner sur une unité politique et économique supérieure. Elles le feront
d’autant meilleur gré qu’on ne les astreindra pas, par souci exagéré
d’uniformité, à un nivellement forcé, alors que le respect des caractères
culturels de chacun des peuples provoquerait, par leur harmonieuse variété, une
union plus facile et plus stable »
Néanmoins,
les nécessités actuelles imposent cette union. Toutefois cette union ne sera
valable que si elle se fonde sur une base spirituelles.
Seule, la religion est capable de cimenter les nations en un bloc
cohérent :
« Quelle
qu’en soit la valeur, toutes ces considérations, et bien d’autres le cèdent en
intérêt et en importance à une question, ou plutôt à la question fondamentale
qui se pose inéluctablement en matière de reconstruction européenne et
de laquelle Nous n’avons pas le droit de détourner notre attention.
Personne, croyons nous, ne pourra refuser de souscrire à cette affirmation
qu’une Europe unie, pour se maintenir en équilibre, et pour aplanir les
différends sur son propre continent
-sans parler ici de son influence sur la sécurité de la paix
universelle -, a besoin de reposer sur
une base morale inébranlable. Où la trouver cette base ? Laissons
l’histoire répondre : elle fut un temps où l’Europe formait, dans son
unité, un tout compact et, au milieu des faiblesses, en dépit de toutes les
défaillances humaines, c’était pour elle une force ; elle accomplissait,
par cette union, des grandes choses. Or, l’âme de cette unité était la
religion qui imprégnait à fond toute la société de foi chrétienne.
Une
fois la culture détachée de la religion, l’unité s’est désagrégée. A la longue,
poursuivant comme une tache d’huile, son progrès lent, mais continu,
l’irréligion a pénétré de plus en plus la vie publique et c’est
à elle, avant tout, que ce continent est redevable de ses déchirements, de son
malaise et de son inquiétude.
Si
donc l’Europe veut en sortir, ne lui faut-il pas rétablir, cher elle, le lien
entre la religion et la civilisation ?
Le
Saint Père indique certains points qui devront figurer dans la Charte de
l’Europe :
« C’est
pourquoi Nous avons eu grand plaisir à lire, en tête de la résolution de la
Commission culturelle à la suite du Congrès de
La Haye, en mai dernier, la mention du
« commun héritage de civilisation chrétienne ». Pourtant, ce
n’est pas encore assez tant qu’on n’ira pas jusqu’ à la reconnaissance expresse
des droits de Dieu et de sa loi, tout au moins du droit naturel sur lequel sont
ancrés les droits de l’homme. Isolés de la religion, comment ces droits et toutes
les libertés pourront-ils assurer l’unité, l’ordre et la paix ?
Et
puis, oubliera-t-on encore de recenser parmi les droits de l’homme ceux de la
famille, parents et enfants ?
L’Europe
unie ne peut se bâtir sur une simple idée abstraite. Elle a pour support
nécessaire des hommes vivants. Qui seront-ils ? Bien difficilement les
anciens dirigeants des vieilles puissances européennes : ils ont disparu
ou ils n’ont plus d’influence. Moins encore les éléments d’une «
masse » telle que Nous l’avons définie dans Notre message de Noël
1944 : la vraie démocratie avec son idéal de saine liberté et égalité n’a
pas d’adversaire plus redoutable.
Reste
donc à nous demander d’où viendra l’appel le plus pressant à l’unité
européenne ? Il viendra des hommes aimant sincèrement la paix, des hommes
d’ordre et de calme, des hommes qui -
qui tout au moins d’intention et de volonté
- ne sont pas encore « déracinés » et qui trouvent dans la
vie de famille, honnête et heureuse, le premier objet de leur pensée et de leur
joie. Voilà ceux qui porteront sur leurs épaules l’édifice de l’Europe
unie. Tant qu’on fermera l’oreille à leur appel, on ne fera rien de durable,
rien qui soit à la mesure des crises présentes
Le
Pape indique également cette exigence inéluctable : il faut que les
esprits soient prêts à accepter cette union.
Mais,
Nous nous le demandons, trouvera-t-on aussi la
compréhension nécessaire dans ces conjonctures, la compréhension au défaut de
laquelle toutes les tentatives sont vouées à l’échec ? Voilà le grand
problème : il exige une solution, si l’on veut parvenir à la réalisation de l’union européenne.
Grâce
à Dieu, le mouvement enrôle déjà et entraîne tant d’hommes de bien, tant
d’hommes de cœur, que Nous ne Nous lasserons pas d’espérer qu’on finira par trouver
le vrai remède aux maux de ce continent. En tout cas, avec la plus vivante
sympathie, Nous prions le Père de lumières de vous éclairer, de vous
assister dans vos travaux et de bénir vos efforts tendus la paix si ardemment
convoitée » .
Bref commentaire
Pie
XII manifeste un très vif intérêt pour la construction européenne. Il a
multiplie en ce sens de nombreux efforts, et cela dés le début, dès la fin de
la deuxième guerre mondiale. Il fait allusion, au début de son discours, de la
nomination qu’il fit d’un observateur au Congrès de la Haye. Il manifeste, à l’évidence « sa
sympathie » pour une telle œuvre et sa réalisation. Montrant les obstacles à toute union européenne, il
souhaite vivement qu’ils soient surmontés promptement tant l’union européenne
lui tient à cœur. De cette union européenne, Pie XII en voit tous les avantages
économiques et politiques. Elle sera l’occasion d’éliminer une fois pour toute, les dangers
d’un « nationalisme exacerbé ». Il écrit : pour ces
peuples d’Europe, (‘l’union européenne) sera
« un encouragement à déposer une bonne fois leurs préoccupations
égoïstement nationales, sources de tant de jalousies et de tant de haines, une
incitation à pourvoir à leur légitime défense contre toute politique de
violence ouverte ou larvée » . Ce n’est pas le moindre des
avantages.
Toutefois
cette reconstruction européenne, son unité, dont on ne peut ni ne doit
détourner son attention, ne sera possible
que si elle « repose sur une base morale inébranlable ».
Mais
où trouver cette base ?
L’histoire
des pays d’Europe nous en donne la réponse
«
l’âme de cette unité était la religion qui imprégnait
à fond toute la société de foi chrétienne. Une fois la culture détachée de la
religion, l’unité s’est désagrégée. A la longue, poursuivant comme une tache
d’huile, son progrès lent, mais continu, l’irréligion a pénétré de plus en plus
la vie publique et c’est à elle, avant tout, que ce
continent est redevable de ses déchirements, de son malaise et de son
inquiétude.
Si
donc l’Europe veut en sortir, ne lui faut-il pas rétablir, cher elle, le lien
entre la religion et la civilisation ? »
Il
faut donc établir cette « reconstruction européenne » sur son « commun héritage de
civilisation chrétienne ».
C’est
un condition, pour Pie XII, sine qua non. Une
condition nécessaire. Toutefois, si cette condition est nécessaire, elle n’est
cependant pas suffisante. Il faut encore que ce respect du « commun
héritage de civilisation chrétienne »
aille nécessairement jusqu’au
respect et « la reconnaissance des droits de Dieu et de sa
loi », tout du moins, précise le Pape, aille jusqu’au respect « du
droit naturel ». Il l’affirme très clairement : « Pourtant,
ce n’est pas encore assez tant qu’on n’ira pas jusqu’ à la reconnaissance
expresse des droits de Dieu et de sa loi, tout au moins du droit naturel sur
lequel sont ancrés les droits de l’homme. Isolés de la religion, comment ces
droits et toutes les libertés pourront-ils assurer l’unité, l’ordre et la
paix ? ».
Retenez
cette phrase. Elle est capitale. Elle est au cœur de la pensée de Pie XII. Il
parle du droit naturel et de son nécessaire respect. Il parle, dans cette
ligne, des « droits de l’homme ». Il n’oublie pas non plus de
rappeler les droits des familles, des parents et des enfants. Il a soin de préciser, comme un
prophète, que ces droits et de l’homme
et des familles sont
nécessairement « ancrés » sur le droit naturel, nullement dissociable du
droit naturel. Voilà
la « philosophie » que
doit prendre en compte tous ceux qui veulent
œuvrer à la restauration de l’unité européenne. Voilà ce qui devrait se trouver au cœur de la future Charte de
l’Europe. Sans cela, tout effort de
reconstruction est voué à l’échec..
Tel
est résumée la pensée de Pie XII sur la construction
européenne, sa nécessité, sa constitution, sa charte.
2 - Discours du
Pape Jean-Paul II le 24 mars 2004.
Dans
l’après-midi du mercredi 24 mars 2004, lors d’une audience dans la Salle
Clémentine, en présence de plusieurs cardinaux et de nombreux représentants
d’autorités politiques venus d’Allemagne et de divers pays européens, le Pape
Jean-Paul II a reçu le Prix Charlemagne, conféré par la ville
d’Aix-la-Chapelle. A cette occasion, le Pape a prononcé le discours
suivant :
«
Monsieur le Maire,
Mesdames,
Messieurs, les membres du Directoire du Prix Charlemagne,
Eminences ;
Excellences,
Illustres
hôtes,
Mesdames
et Messieurs,
1
-Je souhaite à tous une cordiale bienvenue ici, au Vatican.
J’adresse un salut particulier aux représentants de la Ville d’Aix-la-Chapelle
avec le Maire, M Linden et les hôtes de la République
fédérale d’Allemagne. Conscients que l’Eglise
catholique a à cœur l’union de l’Europe, (NB Pie XII l’a magnifiquement
démontré dans son action en faveur de l’Europe. Le Pape Jean-Paul II l’affirme), vous êtes venus rendre
honneur au Successeur de Pierre à travers le Prix international Charlemagne. Si
je peux recevoir aujourd’hui ce Prix conféré de façon extraordinaire et unique,
je le fais avec gratitude envers Dieu tout-puissant, qui a comblé les
peuples européens d’un esprit de
réconciliation, de paix et d’unité. (NB C’est bien une condition que
rappelait Pie XII pour l’édification de l’unité européenne)
2
– Le prix, à travers lequel la ville d’Aix-la-Chapelle veut honorer les mérites
envers l’Europe, prend à juste titre le
nom de l’empereur Charlemagne. En effet le roi des Francs, qui fit
d’Aix-la-Chapelle la capitale de son royaume, apporta une contribution
essentielle aux fondements politiques et culturels de l’Europe et mérita ainsi,
déjà de ses contemporains, de recevoir
le nom de Pater Europae. L’heureuse union de la
culture classique et de la foi chrétienne avec les traditions de divers peuples
a pris forme dans l’empire de Charlemagne et s’est développée sous diverses
formes en héritage spirituel et culturel de l’Europe tout au long des siècles.
Même si l’Europe moderne présente sous de nombreux aspects une réalité
nouvelle, on peut toutefois reconnaître une haute valeur symbolique à la figure
historique de Charlemagne. (NB C’est bien tout comme le faisait en 1948
le Pape Pie XII, reconnaître la source historique de l’unité européenne. Elle
eut, un jour, son unité dans la foi
chrétienne.)
3
– Aujourd’hui, l’unité européenne croissante a également d’autres pères. D’une
part, on ne doit pas sous-estimer les personnes et les hommes politiques qui
ont donné et donnent la priorité à la réconciliation et à la croissance commune
de leurs peuples au lieu d’insister sur leurs propres droits et sur
l’exclusion. Dans ce contexte, je voudrais rappeler ceux qui ont été
récompensés jusqu’à présent ; nous pouvons saluer certains d’entre eux qui
sont ici présents. Le Siège Apostolique reconnaît et encourage leurs activités
et l’engagement de nombreuses autres personnalités en faveur de la paix et de
l’unité des peuples européens. (NB Pie XII développa la même idée en 1948
lorsqu’il parla des excès du « nationalisme ». comme facteur hostile
à l’union des peuples européens. Jean-Paul II s’en inspire manifestement)
Je
remercie en particulier tous ceux qui placent leurs forces au service de la
construction de la Maison européenne commune sur la base des valeurs transmises
par la foi chrétienne comme sur la base de la culture occidentale. ( NB Pie XII a exposé même pensée.
Comment ne pas citer de nouveau cette phrase de Pie XII : Or, l’âme de
cette unité était la religion qui imprégnait à fond toute la société de foi
chrétienne.
Une
fois la culture détachée de la religion, l’unité s’est désagrégée. A la longue,
poursuivant comme une tache d’huile, son progrès lent, mais continu,
l’irréligion a pénétré de plus en plus la vie publique et c’est
à elle, avant tout, que ce continent est redevable de ses déchirements, de son
malaise et de son inquiétude.
Si
donc l’Europe veut en sortir, ne lui faut-il pas rétablir, cher elle, le lien
entre la religion et la civilisation ?)
4
– Etant donné que le Saint Siège se trouve sur un territoire européen, l’Eglise possède des relations particulières avec les peuples
de ce continent. C’est pourquoi, dès le début, le Saint-Siège a participé au processus d’intégration
européenne. Après la terreur de la Deuxième Guerre mondiale, mon prédécesseur
Pie XII de vénéré mémoire a démontré le profond intérêt de l’Eglise, en appuyant de façon explicite l’idée de la
formation d’une « union européenne », en ne laissant aucun doute
quant au fait que l’affirmation valable et durable d’une telle union exigeait
de se référer au christianisme comme facteur d’identité et d’unité (cf Discours du 11 novembre 1948 à l’union des fédéralistes
européens à Rome) ( NB Nul doute que Jean-Paul II résume, ici, sur ce
point, parfaitement la pensée de Pie XII)
5
– Mesdames et Messieurs ! Quelle est l’Europe dont on devrait rêver
aujourd’hui ? Permettez-moi de tracer ici une rapide esquisse de la vision
que j’ai d’une Europe unie (NB J’attire votre attention sur la manière
tout à fait particulière avec laquelle Jean-Paul II dit vouloir présenter sa
pensée sur l’Europe. C’est son opinion. C’est sa vision, son rêve…)
Je
pense à une Europe sans nationalismes égoïstes, dans la quelle les nations sont
considérées comme les centres vivants d’une richesse culturelle qui mérite
d’être protégée et promue au bénéfice de tous. (NB C’est la pensée de Pie
XII. En ce « nationalisme égoïste », Pie XII voyait l’obstacle le plus grand contre toute
création de l’Europe)
Je
pense à une Europe dans laquelle les conquêtes de la science, de l’économie et
du bien-être social ne sont pas orientées vers un consumérisme privé de sens,
mais sont au service de chaque homme dans le besoin et de l’aide solidaire pour
les pays qui cherchent à atteindre
l’objectif de la sécurité sociale. Puisse l’Europe qui a souffert au cours de
son histoire de tant de guerres sanglantes, devenir un promoteur actif de la
paix dans le monde ! (NB Pie
XII aussi a développé cette idée)
Je
pense à une Europe dont l’unité se fonde
sur la véritable liberté. La liberté de religion et les libertés sociales
mûrissent comme des fruits précieux sur l’humus du christianisme. Il n’y a
pas de responsabilité sans liberté ; ni devant Dieu, ni devant les hommes.
Surtout après le Concile Vatican II, l’Eglise a voulu
laisser un ample espace à la liberté. L’Etat moderne
est conscient de ne pas pouvoir être un Etat de droit s’il ne protège pas et ne
promeut pas la liberté des citoyens dans leurs possibilités d’expression, tant
individuelles que collectives. (NB
Je doute que l’on puisse affirmer purement et simplement comme vérité
catholique cette phrase de Jean-Paul II : « La liberté de religion et
les libertés sociales mûrissent comme des fruits précieux sur l’humus du
christianisme ».
Je
doute que l’on puisse trouver sous la plume de Pie XII une telle affirmation.
La liberté de religion, telle qu’ici exprimée comme étant la liberté donnée à
toutes les religions, n’est pas un droit
naturel. Comment pourrait-elle alors mûrir comme un fruit précieux sur l’humus
du christianisme. Que l’Etat moderne doive tolérer
l’existence des religions sur son territoire, est une chose, un fait
contemporain. Qu’il déclare purement et
simplement, comme légitime, le principe
de la liberté de religion en est une autre. Les principes ne sont pas
identiques, même si, sur le terrain, les chose seraient
semblables. Le Pape Jean-Paul II parle « des libertés sociales » qui
mûrissent comme des fruits précieux sur l’humus du christianisme ». C’est
trop général. Quelles sont-elles ? Le Pape Pie XII, lui, parle bien des
droits de l’homme qui incluent , bien sur, les
libertés sociales. Mais Il n’oublie pas de les
« ancrer » sur la droit naturel. Il
précise même que ce « commun héritage de civilisation chrétienne »
doit aller jusqu’au respect de Dieu et de sa loi. N’oubliez pas sa solennelle
affirmation : « C’est pourquoi Nous avons eu grand plaisir à lire, en
tête de la résolution de la Commission culturelle à la suite du Congrès de La Haye, en mai
dernier, la mention du « commun héritage
de civilisation chrétienne ». Pourtant, ce n’est pas encore assez
tant qu’on n’ira pas jusqu’ à la reconnaissance expresse des droits de Dieu et
de sa loi, tout au moins du droit naturel sur lequel sont ancrés les droits de
l’homme. Isolés de la religion, comment ces droits et toutes les libertés
pourront-ils assurer l’unité, l’ordre et la paix ?
Et
puis, oubliera-t-on encore de recenser parmi les droits de l’homme ceux de la
famille, parents et enfants ? » Droit de Dieu,
loi divine, droit naturel : tel est, me semble-t-il, le véritable humus du
christianisme. Je doute qu’on puisse y voir fleurir, sur cette humus du christianisme : la
liberté de religion. Et certainement pas
toutes les libertés sociales que revendique le monde moderne. Jean-Paul
II est certainement d’accord. Mais, dans
l’équivoque qui règne, aujourd’hui, en ce domaine, il eut été préférable de
rappeler ce lien ontologique entre les vrais droits de l’homme et la droit naturel. Et pour revenir à cette liberté de
religion, m’est avis que cette liberté a
plutôt fleuri sur une philosophie révolutionnaire qui pourrait avoir pour axiome la « déclaration des Droits
de l’homme sans Dieu », que sur l’humus de la civilisation chrétienne ).
Je
pense à une Europe unie grâce à l’engagement des jeunes. Les jeunes se
comprennent les uns les autres avec tant de facilité, au-delà des frontières
géographiques ! Mais comment une génération de jeunes ouverte à ce qui
est vrai, ce qui est beau, ce qui est noble et ce qui est digne de sacrifices
peut-elle naître si, en Europe, la famille ne se présente plus comme une
institution ouverte à la vie et à l’amour désintéressé ? Une famille
dont les personnes âgées font également partie intégrante en vue de ce qui est
le plus important : le transmission active des valeurs et du sens de la
vie. (NB Là, on retrouve la pensée de Pie XII parlant du respect des
droits de la famille dans l’élaboration de l’union européenne.
)
L’Europe
que j’ai à l’esprit est une unité politique, mais plus encore spirituelle, dans
laquelle les hommes politiques chrétiens de tous les pays agissent dans la
conscience des richesses humaines que la foi porte en elle : des hommes et
des femmes engagés à faire fructifier ces valeurs, en se plaçant au service de
tous en vue d’une Europe de l’homme, dans laquelle resplendisse le visage de
Dieu. (NB on retrouve ici encore la pensée de Pie XII qui disait en
1948 : « l’âme de cette unité (européenne) était la religion qui
imprégnait à fond toute la société de foi chrétienne ».)
Tel
est le rêve que je porte dans mon cœur et que je voudrais vous confier à cette
occasion, ainsi qu’aux générations futures.
6
– Monsieur le Maire, je voudrais à nouveau vous remercier…. »
3 – Discours du Pape Jean-Paul II, le 2 mai 2004,
lors de la récitation du Regina Coeli.
Voici
les paroles prononcées par le Pape, le 2 mai 2004, de la fenêtre de ces
appartements :
« L’Europe
vit ces jours-ci une nouvelle étape importante de son histoire : dix
nouveaux pays entrent dans l’Union européenne. Dix
nations qui, par leurs cultures et leurs traditions, étaient et se sentaient
déjà européennes, font désormais partie de cette union d’Etats.
L’unité
des peuples européens, si elle veut durer, ne peut être seulement économique et
politique. Comme je l’ai rappelé lors de mon pèlerinage à Compostelle, en
novembre 1982, l’âme de l’Europe reste encore unie aujourd’hui grâce aux
valeurs humaines et chrétiennes qui lui sont communes. L’histoire de la
formation des nations européennes va de pair avec l’évangélisation. Malgré
les crises de spiritualité qu’a vécues le continent jusqu’à nos jours, son
identité serait incompréhensible sans le christianisme.
C’est précisément pour cela que l’Eglise a voulu
offrir toutes ces années de nombreuses contributions à la considération de son
unité culturelle et spirituelle, en particulier à travers les synodes
spéciaux pour l’Europe de 1990 et 1999. La sève vitale de l’Evangile peut assurer à l’Europe un développement cohérent
avec son identité, dans la liberté et la solidarité, dans la justice et la
paix. Seule une Europe qui ne rejette pas, mais redécouvre ses racines
chrétiennes pourra être à la hauteur des grands défis du troisième
millénaire : la paix, le dialogue entre les cultures et les religions, la
sauvegarde du créé.
A cette importante entreprise, tous les croyants au Christ de l’Occident et de l’Orient européen
sont appelés à offrir leur propre contribution, grâce à une coopération ouverte
et sincère.
Pendant
que je salue avec affection les nations qui sont accueillies ces jours-ci dans
l’Union européenne, ma pensée va à tant de sanctuaires qui ont tenu vivante au
cours des siècles dans chacune d’elles la dévotion à la Vierge Marie. A la
Madone, Mère de l’Espérance, et aux Saints et Saintes
que nous vénérons comme patrons de l’Europe, confions le présent et le futur du
continent ».
(NB Si je puis me le permettre
, pourrais-je exprimer mon doute de voir la paix des Nations engendrée
par le dialogue inter religieux. Ce dialogue engendrera plus certainement l’ apostasie immanente ou silencieuse dont se plaint
pourtant Jean-Paul II dans son encyclique « Ecclesia
in Europa « On récolte nécessairement ce que l’on sème ! )