DE
MALINES-BRUXELLES,
SUITE.
L’APPEL A
L’OFFICIALITE DE TOURNAI.
L'Officialité du diocèse de
Tournai qui sert de tribunal ordinaire d'appel à l'archidiocèse de Malines-Bruxelles
pour les affaires en langue française, a été saisi de cette affaire, le 9
Juillet 2002, par courrier recommandé, signé par Monsieur l'abbé Paul
Aulagnier.
L'affaire est d'importance.
Vous
trouverez en premier lieu :
A) la plaidoirie de Monsieur l'abbé Aulagnier.
Il réfute les deux affirmations
du cardinal DANNEELS et prouve :
a)
que
la messe célébrée à Saint Joseph de Bruxelles est bien agréée par l'Eglise
catholique,
b)
que
les ministres qui la célèbrent sont bien en communion avec l'Eglise catholique.
Vous trouverez en deuxième lieu
B) la décision de l'Officialité de Tournai :
le décret du Vicaire Général
confirme le jugement de première instance mais attribue finale- ment au Saint
Siège -et à lui seul -le droit de dire si le culte célébré par nos abbés est
bien agréé et si leurs personnes sont bien en communion avec l'Eglise.
C'est le dernier attendu du
décret :
« Attendu en outre que c'est au Saint-Siège qu'il
appartient de définir à la fois le culte agréé par l'Eglise catholique et la communion
de tel ministre avec le Pape et l'Eglise catholique et que cette définition
n'est donc pas du ressort d'une juridiction inférieure puisque le Canon 1404
précise que «Le Premier Siège n'est jugé par personne».
*
* *
Dans ces conditions, Monsieur
le Supérieur de la Maison autonome de Belgique nous a confirmé son désir de
porter cette affaire à la Rote, tribunal romain du Souverain Pontife.
C'est même son plus cher désir
!
Et si un tribunal romain disait
le droit - le droit est le droit - et sur les personnes suspectées, et sur la
messe dite de Saint Pie V.
Il serait de la plus haute
importance, aujourd'hui, de savoir :
quelle est la situation
juridique actuelle de la messe dite de Saint Pie V dans l'Eglise...
- suite à la lettre du pape
Jean Paul Il, du 25 Décembre 2001,
- suite au décret d'érection de
l' Administration apostolique Saint Jean Marie Vianney du 18 Janvier 2002,
-suite à la lettre du 10
Juillet 2002 de la Congrégation du Clergé, signée de Mgr TERNYAK, protocolée
sous le numéro 2002/1399 et qui affirme que le rite de Saint Pie V est le «rite
propre» (o rito proprio) de l' Administration Apostolique Saint Jean
Marie Vianney.
C'est
une affaire à suivre qui justifie bien l' édition de ce troisième numéro
d'ITEM.
A) PLAIDOIRIE
DE MONSIEUR L'ABBE AULAGNIER.
La messe célébrée à
l'église Saint Joseph est bien agréée par l'Eglise catholique : les arguments.
Le rite célébré à Saint-Joseph depuis le 1er novembre
2001 est le rite " canonisé " par la Bulle " Quo Primum Tempore
" de Saint Pie V. Ce rite est multiséculaire.
Il est plus que centenaire
puisqu'il remonte au 13 juillet 1570 date de publication de cette Bulle par
Saint Pie V. Mais, Saint Pie V n'a fait que" réviser" le rite de la
messe comme le dit Monseigneur K GAMBER dans son livre" La réforme
liturgique en question aux Editions Sainte Madeleine 1992 -page 16, préfacé par
les Cardinaux RATZINGER et STICKLER :
"La liturgie romaine est restée
à travers les siècles presque inchangée dans sa forme initiale, faite de
simplicité et même d'austérité. Elle représente en tout cas le rite le plus
ancien. Au cours des temps, plusieurs papes y ont apporté des modifications
rédactionnelles, comme le fit dès le début le pape saint Damase (366-384) et,
plus tard surtout saint Grégoire le grand (590-604) ..."
" La liturgie damaso -
grégorienne est restée en vigueur dans l'Eglise catholique romaine jusqu'à la
réforme liturgique actuelle. C'est pourquoi il est contraire aux faits de dire,
comme il arrive souvent aujourd'hui, qu'on a aboli le " missel de saint
Pie V ". Les modifications apportées au missel romain durant près de 1400
ans n'ont en rien touché au rite proprement dit, contrairement à ce que nous
vivons aujourd'hui dans des proportions effrayantes; il s'est seulement agi
d'enrichissements en fêtes nouvelles, en formulaires de messe et en certaines
prières ..." (p 16).
" Le canon de la messe, à quelques modifications
près effectuées sous saint Grégoire 1er (590- 604), avait atteint dès Gélase
1er (492-496) la forme qu'il a gardée jusqu'ici ".
Ce rite est donc immémorial. Il
rentre dans" ces coutumes centenaires ou immémoriales" au sujet
desquels le canon 28 du nouveau code reprenant le canon 30 du code de Benoît XV
dit : " la coutume. ..est révoquée par le moyen d'une loi contraire mais
s'il n'est pas fait expressément mention, les lois ( contraires) ne révoquent
pas les coutumes centenaires ou immémoriales ".
Le consistoire du 24 mai 1976 et le rite dit de Saint Pie
V.
Donc,
la simple volonté tacitement exprimée, voire même clairement exprimée comme le
Pape Paul VI le faisait au consistoire du 24 mai 1976 ne suffit pas pour
abroger le rite.
La constitution «Missale Romanum» et la messe dite de
Saint Pie V.
Au contraire, il était
nécessaire de faire figurer, dans la Constitution " Missale Romanum "
du même Pontife, une mention expresse révoquant la coutume immémoriale, du type
" non obstante quacumque consuetudine etiam centenaria et immemorabili
" ou autre formule semblable (voir Padre Masseo da Casola o.f.m.
cap.Compendio di Diritto Canonico Marietti 1967- p. 91).
La formule générique utilisée
par Paul VI: " Non obstantibus (...) Constitutionibus et Ordinationibus
Apostolicis a praedecessoribus Nostris editis " (nonobstant les
constitutions et ordonnances apostoliques données par nos prédécesseurs ")
peut tout au plus autoriser une discussion sur l'abrogation éventuelle de la
Bulle Quo Primum Tempore de Saint Pie V et d'une manière générale des normes
superposées par Saint Pie Vau rite romain traditionnel mais elle ne touche pas
le rite romain traditionnel en tant qu'il est une coutume immémoriale.
La commission cardinalice de 1986.
Je ferai également remarquer
qu'une commission de 9 cardinaux nommée par le Pape Jean-Paul II en 1986
affirma, pour sa part, à 8 cardinaux sur 9, que la Bulle Quo Primum Tempore n'a
pas été abrogée -j'ajoute ici ni explicitement ni tacitement.
C'est le témoignage donné par le Cardinal STICKLER en
juillet 1995, dans une interview exprimée à Latin Mass Society, aux USA.
Il est clair enfin que ni les allocutions successives de
Paul VI, ni les diverses instructions et notifications de la Congrégation pour le
Culte Divin ne peuvent suppléer au silence de la Constitution Apostolique"
Missale Romanum " du 3 avril 1969 :
-
soit parce que les
documents " se présentent comme de simples actes interprétatifs et
exécutifs de la Constitution " Missale Romanum " ;
-
soit
parce que étant approuvés simplement en forme commune, ils n'ont pas les
pouvoirs de déroger, abroger, ou abroger quoique ce soit par leur propre
autorité (Prof. Neri Capponi).
La conclusion à tirer,
Excellence, est la suivante :
-
Si
la volonté de Paul VI avait été celle d'abroger les formes liturgiques
précédentes, il aurait dû le dire explicitement puisqu'il s'agissait pour le
rite traditionnel d'une coutume immémoriale.
Puisqu'il ne l'a pas dit le
rite romain traditionnel, appelé improprement de Saint Pie V, est toujours en
vigueur, au moins" vi consuetudinis " " par la force de la
coutume ". Si donc il est toujours en vigueur, il est légitime de le célébrer.
Il est un droit" propre à tout fidèle ".
J'invoque donc, à ce sujet, à
votre tribunal d'appel le canon 96 contre la décision du Cardinal DANNEELS. Ce
canon, en effet, est ainsi libellé: " par le baptême, un être humain est
incorporé à l'église du Christ et y est constitué comme personne avec les
obligations et les droits qui sont propres aux chrétiens. ..or " Le rite
dit de Saint Pie V est un droit catholique. Ergo.
Je fonde également mon appel
sur le canon 214 qui dit: " Les fidèles ont le droit de rendre le culte à
Dieu selon les dispositions de leur rite propre approuvé par les pasteurs
légitimes de l'église ". J'ai donc le droit de rendre le culte à Dieu à
l'Eglise Saint-Joseph par la célébration de la Sainte Messe dans le rite dit de
Saint Pie v.
Je fonde de plus mon appel sur
le canon 221 -§ 1 : « Il appartient aux fidèles de revendiquer
légitimement les droits dont ils jouissent dans l'Eglise et de les défendre
devant le for ecclésiastique compétent, selon le droit ». C'est ce que je
fais dans ce recours.
De plus, j'attirerai l'attention de votre Excellence, sur
la manière dont s'exprime le Cardinal dans cette lettre du 10 juin 2002. Il
invoque les conditions pour qu'un culte soit agréé dans l'Eglise : " Il
faut remplir simultanément deux conditions: le rite prévu doit être respecté.
.."
Or, le Cardinal doit bien
penser que nous célébrons la messe à Saint-Joseph depuis le 1er novembre
2001 dans le rite dit de Saint Pie V, avec grande fidélité. Pourquoi dit-il :
" que ce rite prévu doit être respecté " sinon parce qu'il pense que
le rite catholique, le seul rite agréé par l'Eglise Catholique est le rite de
Paul VI selon la constitution apostolique " Missale Romanum ". Or,
nous avons démontré le contraire dans les pages précédentes ainsi que nous
l'expliquons dans le libelle adressé au Cardinal le 4 juin dernier.
Les personnes célébrant la messe
à Saint Joseph sont bien en communion avec l'Eglise catholique.
Monseigneur DANNEELS invoque
une deuxième raison pour justifier son affirmation, que le culte célébré à
Saint-Joseph depuis le 1er novembre 2001 -n'est pas agréé par l'Eglise
Catholique: " ...Le ministre qui le célèbre doit être en communion avec le
Pape et toute l'Eglise Catholique " .
Il en conclut, sans le dire, mais tout en l'affirmant que
les prêtres qui célèbrent la messe tridentine à Saint-Joseph, ne sont pas en
communion avec le Pape et toute l'Eglise Catholique.
Il n'en donne aucune preuve.
Je pense que Monseigneur DANNEELS croit que mes confrères
et moi-même, schismatiques. C'est la définition que donne de fait le canon 751.
J'imagine également que Monseigneur
DANNEELS pense cela en raison des sacres faits par Monseigneur LEFEBVRE le 30
juin 1988, à ECONES et comme nous sommes membres de la Fraternité Sacerdotale
Saint Pie X, nous adhérons à cet acte schismatique et participons en
conséquence à ce schisme.
Pourrais-je
me permettre, Excellence, sur cette importante affaire, de présenter à votre
tribunal. quelques arguments.
Le sacre épiscopal sans mandat
pontifical régulier ne constitue pas en lui-même " un acte de nature
schismatique" ainsi qu'on le lit dans le Décret de la Congrégation pour
les Evêques (Osservatore Romano du 3.7.1988). publié à l'occasion des sacres de
1988 par Mgr Lefebvre.
En lui même, c'est un acte de
désobéissance formelle ou matérielle à une norme disciplinaire de droit
ecclésiastique. Or, il est évident qu'un acte de désobéissance ne constitue pas
un schisme conformément au bon sens commun et conformément aussi à la
distinction apportée par la théologie catholique (cf. II II 39 I et 2). Et de
fait, le code de Droit Canon jusqu'à Pie XII ne prévoyait pour un sacre
épiscopal sans mandat pontifical que la suspens a divinis et non
l'excommunication.
Et aujourd'hui même, dans le code de 1983 un tel sacre ne
figure pas au rang des " délits contre. .. l'unité de l'Eglise (livre VI
-les sanctions de l'Eglise -Ilème partie -titre 1) " mais bien au
chapitre: " l'usurpation des charges ecclésiastiques et les délits dans
l'exercice de ces charges " (Ibidem- titre III - can 1382).
Cet argument me paraît péremptoire.
Ainsi donc, une désobéissance formelle ou matérielle
n'est pas un schisme.
Cajetan précise même que lorsque le refus d'obéir concerne
la matière de la chose commandée ou encore la personne même du Seigneur, sans
pourtant que soit mis en cause l'autorité ou même la personne du supérieur, il
n'y a pas de schisme (DTC Schisme et désobéissance -volume XXVII -col. 1304).
On pourrait sur ce point multiplier les auteurs. C'est
une doctrine commune dans l'Eglise.
Or, Monseigneur LEFEBVRE non
seulement n'a pas mis en cause l'autorité du Pape, mais il n'a jamais contesté
non plus le droit qu'a le Pape de " discipliner " le pouvoir d'ordre
des Evêques en ce qui concerne la consécration d'autres évêques, pas plus qu'il
n'a contesté la discipline actuellement en vigueur dans l'Eglise.
Il a seulement contesté que la
norme en vigueur puisse être employée ou doive être respectée au préjudice de
l'Eglise et des âmes, c'est à dire à l'encontre de la raison d'être de
l'Episcopat et du Primat Pontifical lui-même.
On prouve ainsi, Excellence,
que l'acte posé par Monseigneur LEFEBVRE en 1988 par le sacre d'évêques sans
mandat pontifical (encore qu'on puisse prouver que le principe d'un Evêque à la
disposition de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ait été accepté par ROME
lors des discussions avec Monseigneur LEFEBVRE et le Cardinal RATZINGER)
n'était pas intrinsèquement mauvaise, parce qu'il n'est pas de " nature
schismatique " ni inspiré par une intention schismatique. Et parce que la
désobéissance fut purement matérielle imposée qu'elle fut par l'état de
nécessité -reconnu par le Cardinal RATZINGER lui-même -qui pesait sur lui et
sur d'autres personnes, elle fut donc justifiée aussi par le droit de nécessité
correspondant.
Qu'un sacre épiscopal enfin ne
cause aucun dommage à autrui, il est inutile de le démontrer. A qui voudrait
objecter que l'acte de désobéissance même purement matériel constitue un scandale
pour les catholiques insuffisamment avertis, nous répondrons avec Saint
Grégoire le Grand : " Melius permittitur nasci scandalum quam veritas
relinquatur " ."Mieux vaut laisser naître un scandale que trahir la
vérité " .
J'ajouterai une remarque des plus importantes.
Les sacres de Mgr LEFEBVRE en
1988 et le droit de nécessité.
Dans la violation matérielle de
la norme disciplinaire, Monseigneur LEFEBVRE, s'est maintenu à l'intérieur des
limites tracées par les exigences effectivement imposées par l'état de
nécessité. Il a donc agi dans le cadre du droit de nécessité.
Il a même été très clair sur
cette affaire. Le 27 avril 1987, il écrivait à ses prêtres: " Les fidèles encore
catholiques sont en beaucoup d'endroits dans une situation spirituelle
désespérée. C'est cet appel que l'Eglise entend, c'est pour ces situations
qu'elle donne juridiction (loi de suppléance) ., . et, de ce fait, nous devons
nous rendre là où nous sommes appelés et ne pas donner l'impression que nous
avons une juridiction universelle ni une juridiction sur un pays ou sur une
région, Ce serait fonder notre apostolat sur une base fausse et illusoire
", Et il ajoutait: " Si un jour il était nécessaire de sacrer des
Evêques, ceux-ci auraient la seule fonction épiscopale d'exercer leur pouvoir
d'ordre et ils n'auraient aucun pouvoir de juridiction, n'ayant pas de mission
canonique ".
Dans sa lettre aux consacrés,
il a répété: " Le but principal de cette transmission est de conférer la
grâce de l'ordre sacerdotal pour la continuation du vrai Sacrifice de la Sainte
Messe, et pour conférer la grâce du sacrement de confirmation aux enfants et
aux fidèles qui vous la demandent " .
Les sacres de M~r LEFEBVRE et le problème de la
juridiction.
Ainsi, il est clair :
Monseigneur LEFEBVRE ne s'est pas arrogé le droit de conférer aux nouveaux
Evêques un pouvoir de juridiction qui dépend du Pape. Il n'a pas organisé ni
n'a entendu organiser une hiérarchie parallèle et encore moins une Eglise
parallèle. Il s'est borné à transmettre le pouvoir d'ordre que l'Evêque reçoit
directement de Dieu au moment de la consécration, afin que les nouveaux Evêques
puissent subvenir à l'état de nécessité des âmes et des candidats au sacerdoce.
Et parce que, dans une situation normale, le pouvoir d'ordre s'exerce aussi en
conformité avec les normes fixées, Monseigneur LEFEBVRE a ajouté: Il je vous
confèrerai cette grâce (de l'épiscopat) confiant que sans tarder le Siège de
Pierre sera occupé par un successeur de Pierre parfaitement catholique en les
mains duquel vous pourrez déposer la grâce de votre épiscopat pour qu'il la
confirme ".
Ainsi, au vu de ces
considérations, il devrait être clair que Monseigneur LEFEBVRE n'a jamais mis
ni n'entendit mettre en question l'autorité du Pape que ce soit globalement ou
pour certaines de ses prérogatives. Il distingue comme il est licite de le
faire entre la fonction du Pape et la personne du Pape: celle-ci peut, en tout
ou en partie, comme on l'a vu en quelques cas historiques avec le Pape Libere
ou le Pape Honorius 1er- se refuser, pour de nombreuses raisons, à accomplir
les devoirs de sa propre charge, en voulant, en favorisant ou en permettant une
orientation ruineuse de l'Eglise.
C'est pour cela que Monseigneur
LEFEBVRE, au moment même où il allait procéder aux sacres épiscopaux en
l'absence de mandant pontifical régulier, a écrit aux futurs Evêques: " Je
vous conjure de demeurer attachés au Siège de Pierre, à l'Eglise Romaine, Mère
et Maîtresse de toutes les Eglises, dans la foi catholique intégrale, exprimée
dans les symboles de la foi, dans le catéchisme du Concile de Trente,
conformément à ce qui vous a été enseigné dans votre séminaire " .
La consécration épiscopale sans
mandat pontifical régulier n'implique pas, Excellence, la négation du Primat,
comme cela a été dit avec une incroyable légèreté, même par des Evêques. Cela
non seulement parce que cette consécration est motivée et effectivement
justifiée par un réel état de nécessité, mais aussi parce que l'on peut et que
l'on doit raisonnablement présumer en faveur d'un acte raisonnable posé pour le
bien des âmes et rendu nécessaire par la situation, que le Pape l'aurait
approuvé dans des circonstances normales, c'est à dire hors du cours extraordinaire
des choses dans lequel se trouve objectivement l'Eglise aujourd'hui : il n'est
pas pensable que le vicaire du Christ puisse vouloir ou veuille la condamnation
à mort de séminaires catholiques où fleurissent des vocations qui trouveraient
difficilement ailleurs un autre cadre dans lequel recevoir une formation
sacerdotale droite.
Souvenez-vous de la conclusion
du Cardinal GAGNON à l'issue de sa visite canonique à ECONE, inscrite sur le
livre d'or du Séminaire: " Que la Vierge Immaculée écoute nos prières
ferventes pour que l’œuvre de formation merveilleusement accomplie dans cette
maison trouve son rayonnement pour la vie de l'Eglise ".
Il n'est pas pensable non plus qu'il puisse vouloir ou
veuille la condamnation à mort d'une oeuvre catholique qui secourt autant
d'âmes catholiques.
Ainsi que l'a dit et redit
Monseigneur LEFEBVRE -au cours de son apostolat épiscopal: " Le Pape en
tant que tel ne peut que désirer la continuation du sacerdoce catholique
". C'est à dire de l'Eglise Catholique dont l'édification est précisément
toute sa raison d'être Pape.
Excellence, tout ce qui vient d'être dit, fait comprendre
clairement :
- qu'il n'existe
pas de schisme de Monseigneur LEFEBVRE, comme il a été décrété avec une extrême
superficialité, non sans une bonne dose de mauvaise foi et, il faut l'ajouter,
avec un empressement suspect ;
- que
l'excommunication ne peut pas atteindre Monseigneur LEFEBVRE, parce qu"'
un état de nécessité fonde un droit de nécessité ", ce qui au regard de l'ancien
comme du nouveau droit canonique, rend la violation matérielle de la loi non
imputable.
- que l'excommunication ne frappe pas davantage les
prêtres et les fidèles qui " veulent adhérer au schisme de Monseigneur
LEFEBVRE (cf. Osservatore Romano du 2.7.1988 -Décret de la Congrégation pour
les Evêques) :
- parce qu'il n'y a pas de schisme ;
- parce que nous ne voulons aucunement adhérer à un
schisme, bien au contraire.
En effet, notre intention est
de rester dans l'Eglise Catholique. Nous ne suivons pas la personne de
Monseigneur LEFEBVRE -que nous aimons pourtant -mais nous suivons le Christ et
son Eglise que Monseigneur LEFEBVRE a tellement servi sa vie durant.
«Là où est le Pape, là est
l'Eglise»
Vous pourriez même m'objecter,
Excellence, le dicton" Là ou est le Pape, là est l'Eglise ".
Sur cette phrase j'aime méditer
le commentaire du Cardinal JOURNET : " Il n'est pas toujours exact de dire
d'une manière un peu simpliste" où est le Pape, là est l'Eglise"
ou" il est nécessaire d'obéir au Pape sans restriction, même dans le
domaines où il n'engage pas son infaillibilité ". C'est la solution la
plus facile et la plus commode.
En fait, quand un Pape aborde
des sujets réformables, même en union avec un Concile, il ne peut engager, et
de fait n'engage pas, la plénitude de son Autorité suprême. Il n'est pas,
alors, Pape dans toute l'extension du sens où nous entendons la formule"
où est Pierre, là est l'Eglise ". En temps paisibles et calmes, cela ne
suscite aucun problème spécial. En temps de crise, par contre, il n'en est pas
de même. Il est donc parfaitement concevable, qu'à certaines périodes
difficiles, un chrétien jouissant d'une particulière clairvoyance, comme saint
Athanase au temps de l'arianisme, se sépare des options officielles prises par
la Hiérarchie en sa majorité ( ...). Cela ne signifie en aucune manière qu'il
se sépare de l'Eglise ou même de la communion avec la papauté, au sens le plus
mystérieux et le plus profond du mot; et cela, quand bien même, en ce cas
particulier, le Pape déclarerait le contraire et prononcerait une
excommunication" -(cité dans l'Obéissance dans l'Eglise, de Lucien Méroz
-éd. Martin Gay).
Il faut conclure ce point :
Laisser entendre, Excellence,
comme le fait Monseigneur DANNEELS dans sa lettre de rejet, que mes confrères
et moi-même qui célébrons " le rite de Saint Pie V Il à Saint-Joseph
sommes schismatiques et donc Il pas en communion avec le Pape et toute l'Eglise
Il est nous faire grand tort.
Aussi, je fais appel de la
décision du Cardinal me fondant sur le canon 220 : « Il n'est permis à
personne de porter atteinte d'une manière illégitime à la bonne réputation
d'autrui ». Ce qui devrait être déclaré le cas.
J'invoquerai
également le canon 221 § I et 3 :
§ 1 –
« Il appartient aux fidèles de revendiquer légitimement les droits dont
ils jouissent dans l'Eglise et de les défendre devant le for ecclésiastique
compétent, selon le droit ».
C'est ce que je fais en faisant appel de la sentence du
Cardinal exprimé dans sa lettre du 10 juin 2002.
§ 3 -" Les fidèles ont le droit de n'être frappés de
peines canoniques que selon la loi et donc a " fortiori de ne pas être tenu pour tel quand ce n'est pas
le cas.
Ce que ne fait pas Monseigneur DANNEELS.
Je me permettrai enfin, Excellence, à l'issue de cette
défense de protester de ma communion avec l'Eglise.
La pleine communion avec
l'Eglise est définie par le canon 205 : " sont pleinement dans la
communion de l'Eglise Catholique sur cette terre, les baptisés qui sont unis au
Christ dans l'ensemble visible de cette Eglise par les liens de la profession
de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique " .
Je professe la foi catholique et désire la professer
intégralement.
Je pratique les sacrements de
l'Eglise en particulier, je célèbre la messe dans ce rite latin grégorien
romain qui remonte à la nuit des temps -aussi ce rite est-il une coutume
immémoriale jamais abolie par aucun texte de l'Eglise, dans les formes requises
et certainement pas par la Constitution Apostolique " Missale Romanum
" : ce rite est donc bien agréé.
Ce rite - de plus - a été canonisé c'est à dire codifié
par le Bulle Quo Primum Tempore - jamais elle non plus abrogée ni expressément
ni tacitement.
Enfin, je proteste de ma
fidélité et de ma soumission au gouvernement ecclésiastique -c'est du reste
dans cette intention que j'ai diligenté cette procédure. ..pour montrer dans
les faits ma reconnaissance de la hiérarchie et ma volonté de m'y soumettre.
Que le Cardinal veuille bien
prendre en compte cette demande, c'est mon plus vif désir. ..mais cette
soumission désirée se faisant -bien sûr -" ad norman legis ",
l'autorité de l'Eglise ne pouvant s'exercer de manière arbitraire.
Or, la loi affirme, Excellence, que le schisme est
« le refus de soumission au Pontife Suprême ou de communion avec les
membres de l'Eglise qui lui sont soumis » (canon 751 ou Il. Il. 39, 1).
Ce n'est pas ce que je désire,
Ce n'est pas ce que je veux.
Je veux et proteste vivre dans la soumission au Pontife
Suprême selon les normes du droit et la théologie catholique.
Je veux et proteste vivre dans la communion avec les
membres de l'Eglise qui lui sont soumis et cela toujours selon les normes de la
loi -qui m'oblige à garder la foi et à ne la diminuer en rien.
En
conclusion,
Je
fais appel de la décision du Cardinal exprimée dans sa lettre du 10 juin.
Mon
appel est déposé légalement à votre tribunal -tribunal ordinaire d'appel pour
l'Archevêché de MALINES-BRUXELLES selon l'annuaire pontifical.
Il
est également déposé dans les 10 jours imposé par le canon 1505 -§ 4 : ayant
reçu le pli le 11 juin et déposant mon recours le 19 juin. ( 1 )
" En cas de rejet du libelle, le demandeur peut
toujours, dans le délai utile de dix jours, faire un recours motivé auprès du
tribunal d'appel" (Canon 1505 -§ 4).
Mon recours est motivé. Ce sont ces conclusions :
- non
seulement le rite célébré à l'Eglise Saint-Joseph est parfaitement catholique ;
- je
ne suis frappé d'aucune peine canonique.
Le motif pour lequel le Cardinal rejette le libelle est
injustifié, non fondé en droit.
Fait à Bruxelles, le 17 juin 2002
Abbé PAUL AULAGNIER
(1) N
B : Il fut déposé de fait le 19 juin à l' Evêché de Gand lequel s'est déclaré
incompétent pour les affaires en langue française.
Le
dossier fut alors adressé le 9 juillet 2002 à l' officialité de Tournai.
OFFICIALITE Le 30 Juillet 2002
du diocèse de TOURNAI
place de l'Evêché,
17500 TOURNAI
Tel : 059-45.26.51
Monsieur l'abbé Paul AULAGNIER
Rue de la Concorde 37-39
1050 BRUXELLES
Monsieur l' Abbé,
Mgr Huard, évêque de Tournai, a
bien reçu en son temps votre lettre du 9 Juillet ( et le dossier y annexé), par
laquelle vous faisiez appel auprès de l'Officialité de Tournai de la décision
du cardinal Dannels de rejeter le libelle d'une procédure que vous vouliez
introduire à Malines- Bruxelles, concernant une déclaration du vicaire général
Van Billoen.
Vous trouverez ci-joint le
décret porté par l'Officialité de Tournai concernant cette affaire. Veuillez
agréer, Monsieur l'Abbé, l'assurance de mes sentiments dévoués.
Abbé André MAYENCE, vicaire judiciaire.
OFFICIALITE
du diocèse de TOURNAI
place de l'Evêché, I7500 TOURNAI
Tel : 059-45.26.51
se rapportant à l'Appel
interjeté auprès de l'Officialité de Tournai concernant le rejet par l'Evêché
de Malines-Bruxelles d'un libelle d'introduction d'une procédure par l'abbé
Aulagnier, de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, à propos d'une lettre du
vicaire général Van Billoen se rapportant à la vente de l'église Saint-Joseph à
l'association Japhet de Sion.
-Attendu la lettre du 9 juillet
2002 de l'abbé Paul AULAGNIER, faisant appel à l'Evêque de Tournai contre la
décision du Cardinal Dannels, archevêque de Malines-Bruxelles de rejeter le
libel- le d'introduction d'une procédure devant le tribunal ecclésiastique de
Malines-Bruxelles, en vue de constater une phrase écrite par le vicaire général
Van Billoen : «L'Archevêché a clairement fait savoir par voie de presse que
le culte célébré dans l'église Saint-Joseph depuis le 1er Novembre de cette
année n'est pas agréé par l'Eglise catholique».
-Attendu que le cardinal Dannels a justifié le rejet du
libelle en ces termes: « L'affirmation de mon Vicaire Général est
paifaitement exacte. En effet, pour qu'un culte soit agréé par l'Eglise catho- lique,
il faut remplir simultanément deux conditions: le rite prévu doit être respecté
et le ministre qui le célèbre doit être en communion avec le Pape et toute
l'Eglise catholique. Ces deux conditions n'étant pas simultanément remplies,
une quelconque procédure est sans objet ».
-Attendu que cette explication du cardinal Dannels nous
paraît suffisante pour justifier le refus d'introduction d'une procédure devant
le tribunal diocésain de Malines-Bruxelles.
-Attendu
en outre que c'est au Saint-Siège qu'il appartient de définir à la fois le
culte agréé par l'Eglise catholique et la communion de tel ministre avec le
Pape et l'Eglise catholique et que cette définition n'est donc pas du ressort
d'une juridiction inférieure puisque le Canon 1404 précise que «Le Premier
Siège n'est jugé par personne».
Nous décrétons qu'il n'y a pas lieu pour nous de réformer
la décision, prise le diocèse de
Malines-Bruxelles, de rejeter le libelle introduit par
l'abbé Paul Aulagnier.
Tournai, le 29 juillet 2002
Pour l'évêque de Tournai
Abbé André MAYENCE, vicaire
judiciaire
Il va s'en dire que l' Abbé Aulagnier fait appel de cette
décision au tribunal
de la Rote à Rome. (affaire à suivre... )