Pour ceux qui suivent
les choses avec attention, je me permets de re-publier la lettre de Mgr Ternyàk à l’Administration Apostolique
Saint Jean Marie Vianney. Elle fut publiée en France par ITEM dans son numéro
5 (novembre 2002)
Congrégation
pour le Clergé
Prot. N° 20021399
Cité du Vatican, le 10 Juillet
2002
A son Excellence Révérendissime
Dom Licinio RANGEL
Administrateur apostolique
de l'Administration
apostolique Saint Jean-Marie Vianney
Monseigneur,
A la date du 8 Juillet dernier, la Congrégation pour le Culte
divin et la Discipline des sacrements a répondu à une question posée par ce
dicastère, au sujet du rit à utiliser lorsque des
prêtres non incardinés dans l'Administration (apostolique
Saint Jean-Marie Vianney) célèbrent la Sainte Messe dans les églises de ladite
Administration.
Conformément à la lettre autographe « Ecclesiae
unitas » du Saint Père Jean-Paul II, datée du 25
Décembre 2001, et au décret « Animarum bonum », du 18 Janvier 2002, émanant de la Congrégation des
évêques, le rit liturgique codifié par saint Pie
V, avec les adaptations décidées par ses successeurs jusqu' au Bienheureux
Jean XXIII, est devenu le rit propre de l'Administration
apostolique, de sorte qu'aucun prêtre légitimement admis à célébrer dans les
églises propres de l' Administration apostolique personnelle Saint Jean-Marie
Vianney n'a besoin d'autorisation supplémentaire pour user du Missel romain
dans son édition typique de 1962.
En transmettant cette directive qui dissipera d'éventuels doutes
et sera certainement d'un grand secours sur le chemin d'une communion ecclésiale
que l'on souhaite toujours plus forte et profonde, je saisis cette occasion
pour adresser à Votre Excellence révérendissime, mes salutations cordiales,
y ajoutant celles du Cardinal Préfet, momentanément absent, et mes meilleurs
voeux de bonne santé et de paix, avec lesquels je suis, Monseigneur, de Votre
Excellence révérendissime, le très dévoué serviteur dans le Seigneur.
Csaba Ternyàk,
Archevêque titulaire d'Eminentiana,
secrétaire
Commentaires De La Lettre De Mgr Ternyàk
Le statut du rit traditionnel : du nouveau ?
Cette lettre a
été publiée, en français, dans le numéro 5
d’ITEM (novembre 2002).
La
lettre de la Congrégation pour le Clergé que nous avons publiée dans notre
dernier numéro surprend par la franchise de son affirmation centrale :
« le rit liturgique codifié par Saint Pie V (…) est devenu le rit propre de l’Administration apostolique ».
Les
Pères de Campos auraient-ils obtenu ce pourquoi
NN.SS de Castro Mayer et Lefebvre se sont battus si longtemps ;
ce que la Fraternité Saint Pierre n’a pas pu obtenir ; ce que nombre
de ses membres ne demandent même plus ?
Cette déclaration, émanant du dicastère dirigé par le Cardinal
Castrillon hoyos, reconnaît
implicitement le rit « tridentin » comme
un rit à part entière. Or jusqu’ici, le Vatican
avait toujours affirmé que le missel romain de 1962 et celui de « Paul
VI » (dont la dernière editio typica date de l’année dernière) sont deux formes d’un seul
et même rit, à des étapes différentes de son histoire.
C’est pourquoi l’art.3 des statuts de l’Administration parle prudemment de célébration selon « la
discipline liturgique de saint Pie V ».
Evidemment,
saint pie n’a pas crée de rit mais Paul VI, oui. Ce sont donc deux rits différents. Le refus de reconnaître la « messe de
saint Pie V « comme un rit à part entière,
n’est pas sans arrière-pensée quand on sait que le concile Vatican II a proclamé
le principe de l’égale dignité de tous les rits.
C’est cette non-reconnaissance qui a permis aux
organisateurs du jubilé de refuser que soit célébrée dans une basilique romaine,
une messe dans le rit qu’on appelait jusqu’en 1570
« de la curie romaine ». On sait qu’au cours de l’Année Sainte 2000, le saint sacrifice a été célébré dans tous-les-rits-sauf-un de la catholicité (le patriarche catholique
copte Stéphanos, le successeur de saint Marc est
même venu d’Alexandrie à Rome pour célébrer pontificalement à Sainte-Marie-Majeure).
Bref,
cette reconnaissance de la messe traditionnelle comme un rit
à part entière est un grand progrès. En parlant du « rit
codifié par saint Pie V » et en le différenciant manifestement, la sacrée
Congrégation pour le Clergé signifie que la liturgie promulguée par Paul VI
n’est pas une forme historique de ce rit mais un
autre rit. Ce que nous avons toujours soutenu et
ce qu’avait soutenu, notamment, Mgr Gamber, préfacé
par quatre cardinaux (en français : la réforme liturgique en question,
éd ; Sainte-Madeleine, 1992)..
Reconnaître
ce rit comme rit propre
de l’administration apostolique Saint Jean Marie Vianney constitue un autre
pas dans la bonne direction. En lisant les statuts, on pouvait craindre des
difficultés cachées. En effet, la « facultas
celebrandi sacranis eucharistiam » selon le missel de 1962 (art.3) était
ouverte à appréciations diverses. Le terme
facultas peut aller de « concession »à
quelque chose de proche de « droit ». Le terme n’a sans doute pas
été choisi au hasard puisqu’il laisse de la marge à la curie pour donner son
interprétation le jour où elle le jugera
bond. En tout cas, une faculté n’est pas un « officium », un devoir. On était donc fondé à tenir le
raisonnement suivant : personne ne peut obliger un « père de Campos »à
dire la nouvelle messe mais personne ne peut l’empêcher non plus. On a vu quels malheurs
cette situation a apportés à la Fraternité Saint Pierre. En qualifiant le
rit latin traditionnel de rit propre
de l’administration, le cardinal Hoyos, par le truchement
de son secrétaire, ferme cette voie dangereuse.
C’est
qu’un prêtre ayant un rite propre n’a pas le droit de célébrer un autre. Ainsi
un dominicain doit toujours célébrer dans le rit
dominicain même s’il est en dehors de son couvent. Un prêtre catholique oriental :
copte, syriaques, etc. ne peut célébrer dans aucun
rit ni occidental, ni oriental autre que le sien. on prend
ainsi la mesure de ce que viennent
d’obtenir nos amis brésiliens.
On
peut approuver ou non « l’entente »
qu’ils sont signée ; on peut aimer ou non la façon dont ils l’ont justifiee ;
on peut avoir de l’admiration ou non pour ce qu’ils ont ou n’ont pas fait
depuis un an ; on peut estimer que Campos est tombé ou non mais les faits
sont les faits. En obtenant cette lettre de la Congrégation pour le Clergé,
nos amis ont fait progresser considérablement le statut de la messe « tridentine »
au sein de l’Eglise. Ceux qui anticipant sur la
séparation du bon grain et de l’ivraie à la fin des temps, ne veulent voir
que des bons d’un côté et des mauvais
de l’autre, seraient bien inspirés d’en prendre de la graine. Cette lettre
est probablement historique au sens strict et non emphatique du terme. A terme,
elle profitera indubitablement à ceux qui croient loisible d’accabler leurs
amis d’hier au sujet d’un choix prudentiel où les opinions divergent nécessairement.
Elle les aidera à parvenir à la victoire que nous souhaitons comme eux.
Sur
un plan plus concret, il faut évidemment remarquer que cette lettre aurait
dû émaner de la Sacre Congrégation pour le culte divin. Mgr Csaba
Ternyàk dit que sa Congrégation l’a consultée. Ce
qui est difficile à saisir c’est pourquoi le secrétaire du cardinal Castrillon Hoyos n’a pas simplement
fait suivre à Campos la réponse de ce
dicastère. Il aura évidemment agi sur ordre du Cardinal. Qu’a donc voulu faire
ce dernier ? Peut –être a-t-il voulu « améliorer » l’interprétation
de son confrère du Culte divin qu’il trouvait trop restrictive ? Cela
signifierait que le cardinal Arinze aurait une analyse
de l’art.3 semblable à celle que j’ai exposée ci-dessus. Si cela est exact,
Mgr Hoyos aurait, en ne publiant pas cette lettre
mais en donnant discrètement une interprétation maximaliste, donné un généreux
coup de pouce à nos amis d’Outre-Atlantique et
, répétons-le, à travers eux, au statut de la messe traditionnelle.
Qui pourrait balayer cette hypothèse d’un revers de main ?
En sens contraire,
cela signifierait aussi que nous ne tiendront pas
ici, la position officielle du dicastère romain compétent. Or, en cas de conflit,
c’est lui qui tranchera, évidemment. On a vu comment Rome a réussi à interpréter
dans le sens du biritualisme, la garantie de « l’exclusivité
du missel romain de 1962 ». Avec un peu de mauvaise foi, tout est
possible.
Mon point de vue
est plus pragmatique : cette lettre, émanant officiellement d’un dicastère
romain, a d’abord le mérite d’exister.Elle a ensuite le mérite d’être publiée
puisqu’ITEM est, à notre connaissance, le premier à l’offrir
à la réflexion du public francophone…
[1]
[1]Même avec les documents les plus clairs,
ceux qui à Rome sont ennemis de la Tradition pourront continuer à vivre dans
la contradiction. Ils pourront écrire par exemple que « la loi générale
demeure l’usage du rit rénovée » et qu’il ne
convient pas de « pérenniser les formes liturgiques antérieures ».
Ce temps n’est sans doute pas fini. Ce qui compte, c’est que nous ayons, ici,
un argument de poids pour convaincre les personnes de bonne foi. Ce document,
ce sont les prêtres de Campos, leur situation nouvelle, qui l’ont obtenue.
La décence demande de leur en savoir gré .On ne gagne rien à nier les faits.
Pour le reste,
si certains en haut lieu tentent d’interpréter ce document contre son sens
obvie, il importera de ne pas se contenter de rappeler les choses et de s’incliner
ensuite en gémissant. La vertu de force est un des dons du Saint- Esprit.
Dans ce genre de cas, le rappel du bon droit doit évidemment fonder une résistance
sans compromission : « cui resistite fortes in fide ».
Honoré Barry