LE 17 Décembre 2002 (OR n°51)

 

Le Pape Jean-Paul II, la Secrétairerie d’état, Mgr Tauran et la liberté religieuse

 

S.E .Mgr Tauran, secrétaire de la secrétairerie d’Etat pour les relations avec les Etats, a prononcé un discours sur la liberté religieuse le 6 décembre 2002, au cours de l’assemblée plénière des 55 Etats membres de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe :

L’O S C E.

En effet le 6 et 7 décembre 2002 s’est déroulée  à Porto au Portugal, pays qui assurait en 2002 la présidence de l’organisation pour la sécurité en Europe- la Xème réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l’O S C E. Le Saint Siège participa aux travaux. C’est au cours de cette réunion que Mgr Tauran, représentant le Saint Siège, fit cette communication :

 

SUR LA LIBERTE RELIGIEUSE

 

Monsieur le Président,

 

En s'étant activement impliquée dans une réflexion sur des thèmes d'actualité tels que le terrorisme, le trafic des personnes humaines, la tolérance et la discrimination, l'OSCE a manifesté, une fois encore, sa vocation à former un espace de liberté, de justice et de stabilité, dans la perspective d'une compréhension globale de la sécurité, spécifique de notre Organisation.

 

Le Saint-Siège, bien évidemment, tant au plan de la diplomatie bilatérale qu'à celui de la diplomatie multi latérale, n'a pas manqué d'encourager et d'accompagner les efforts de ceux qui tentent d'éradiquer les causes à la base de ces réalités qui défigurent la personne humaine et mettent en péril la sur: vie même des sociétés.

la pauvreté, le chômage, le man- que de ressources culturelles, des crises politiques et sociales non résolues sont autant de domaines susceptibles de faire germer des virus de haine et de barbarie dont les effets dévastateurs sont sous nos yeux.

 

Ces derniers mois, au cours de leurs travaux, nos délégations ont souvent observé qu'aucun Etat, aucune démocratie ne peuvent fonctionner sans un certain consensus sur les va- leurs essentielles de l'existence humaine. Parmi elles, les convictions religieuses sont sans doute celles qui ont une force de mobilisation personnelle et collective particulièrement stimulante.

C'est pourquoi, ayant à l'esprit le rôle des religions dans les pays ici re- présentés ainsi que les normes conte- nues dans les divers documents de l'OSCE, la délégation du Saint-Siège se doit de partager quelques graves préoccupations à ce sujet.

 

L'année qui se termine a vu se détériorer de façon alarmante les conditions d'exercice du droit à la liberté de religion, en violation des engagements pris dans le cadre de cette Organisation.

Dans certains pays ici représentés, des lois restrictives en matière de liberté religieuses ont été adoptées ou sont en voie de l'être. Des responsables de communautés de croyants, dont un évêque catholique, ont été ex- pulsés du pays où ils exerçaient leur apostolat ou empêchés de rejoindre leurs fidèles.

 

De telles attitudes, souvent adoptées de manière arbitraire, manifestent une méfiance à l'égard du fait religieux, une méconnaissance du rôle des religions dans la société civile, un mépris des engagements internationaux librement souscrits et une discrimination envers les croyants-. Il serait utile de se souvenir de ce qu'un grand juriste italien du XIX" siècle notait avec clairvoyance: ,(Supprimez la religion dans une société, l'homme de- viendra bientôt une marchandise.) (Luigi Taparelli d'Azeglio, Droit naturel, chap. IX, 1800).

 

S'il est nécessaire que les responsables politiques prévoient un régime légal pour toutes les communautés de croyants et aménagent la convivialité religieuse des citoyens entre eux comme avec la puissance publique, ils ne peuvent toutefois le faire que dans le respect des engagements qu'ils ont assumés. Pour ceux qui sont réunis autour de cette table: tous les Documents du processus d'Helsinki et en particulier le Document final de vienne {1989).

En outre, quand, pour des motifs historiques, une confession est majoritaire, et que certains droits et privilèges lui sont reconnus, cela ne peut advenir au détriment des libertés fondamentales des autres confessions présentes sur le territoire national. C'est le cas, par exemple, quand une Eglise revendique le monopole de la vie religieuse sur le territoire national et réclame l'appui de l'Etat pour mieux se l'assurer. Les adeptes des autres confessions peuvent alors devenir victimes d'une intolérable discrimination promue par la loi et la liber- té de conscience des citoyens, qui ont le droit de changer de religion ou de n'en avoir aucune, s'en trouve menacée.

 

Je voudrais citer ici, Monsieur le Président, le Pape Jean-Paul Il. S'adressant au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le 9 janvier 1989, il déclarait: ..Le droit à la liberté de religion est si étroitement lié aux autres droits fondamentaux que l'on peut soutenir à juste titre que le respect de la liberté religieuse est comme un "tes!" pour l'observance des autres droits fondamentaux... Le respect par l'Etat du droit à la liberté de religion est signe du respect des autres droits fondamentaux en ce qu'il est la reconnaissance implicite de l'existence d'un ordre qui dépasse la dimension politique de l'existence.. {Allocution au Corps diplomatique; cf. ORLF n. 3 du 17 janvier 1989).

 

En terminant, je voudrais r~mercier à mon tour les Autorités portugaises pour l'hospitalité qu'elles nous offrent dans cette ville de Porto si attrayante. Je désire également exprimer des vœux fervents de plein succès à la prochaine présidence des Pays-Bas qui prend la relève. Elle peut compter d'ores et déjà sur l'entière collaboration de la délégation du Saint-Siège. Je me réjouis enfin des candidatures de la Bulgarie et de la Slovénie pour la présidence des années successives.