L'enquête confidentielle de Juin 1980

 

 

Le Saint-Siège a envoyé, au mois de Juin, un questionnaire demandant à chaque évêque, en particulier :

 

1. - Y a-t-il dans votre diocèse des messes célébrées en latin ?

2. - Les fidèles continuent-ils à en demander ?

3. - Cette demande est-elle en augmentation ou en diminution ?

4. - Y a-t-il dans votre diocèse des personnes ou des groupes qui réclament l'ancien rite de la messe ?

5. - Quelle est leur importance ?

6. - Quels sont leurs motifs ?

 

Depuis la fin du concile, c'est la seconde fois que, sur une question liturgique, le Saint-Siège adresse un questionnaire, non point aux conférences épiscopales, mais personnellement aux ordi­naires des lieux. L'unique précédent concernait la communion dans la main : fallait-il la permettre ? Les évêques répondirent : non. En conséquence, elle fut autorisée et même, en France, imposée.

Toutefois le questionnaire actuel est différent. Il ne demande pas aux évêques s'ils estiment opportun de permettre ceci ou d'interdire cela ; il leur demande simplement quelle est, dans leur diocèse, la situation de fait. On ne sollicite donc pas leur avis ; on leur réclame une simple information.

 

Le noyau dirigeant de l'épiscopat n'aime pas que le saint-siège s'adresse aux évêques individuellement, comme s'ils avaient l'autorisation de penser par eux-mêmes, de parler spontanément, de décider en conscience, fantaisies périmées que le collégialisme conciliariste a recouvertes et déclassées. Le secrétariat permanent de l'épiscopat, - organe et partie visible de l'iceberg constitué par le noyau dirigeant, - procure aux évêques leur nourriture intellectuelle sous forme d'aliments prédigérés, de déclarations préfabriquées, de décisions prédisposées. Il ne faut donc pas s'attendre, en France du moins, à ce que les évêques fassent au saint-siège des réponses véritablement personnelles. Ils consulteront le secrétariat permanent. Celui-ci leur représentera que, dans l'intérêt bien compris de l'union et de la communion, ils devront recopier avec peu de variantes la réponse-type qu'on leur fournira.

 

Figurez-vous que le secrétariat permanent (ne) s'est (pas) adressé à nous-même pour la rédaction du projet de réponse-type que devra suivre chaque évêque.

Les réponses au questionnaire devant parvenir au saint-siège avant le 31 octobre, nous avons travaillé avec la plus extrême rapidité et nous avons sans retard mis au point le texte que voici.

 

Réponse-type à suivre obligatoirement dans la réponse au saint-siège

 

(Les parenthèses en italiques ne font pas partie de la réponse-type préfabriquée à l'intention des évêques; ce sont des commentaires réservés en exclusivité aux lecteurs d'ITINÉRAIRES.)

 

- Y a-t-il dans votre diocèse des messes célébrées en latin ?

 

- Réponse affirmative. Il y en a tout plein. Chaque dimanche, à la cathédrale et dans de nombreuses paroisses du diocèse, la grand messe est chantée en latin et en grégorien.

 

(C'est la tromperie habituelle de l'épiscopat français. 11 ne va pas, à l'occasion d'un simple questionnaire du saint-siège, reconnaître brusquement qu'il avait menti. Il faut au contraire qu'il s'en tienne à une rigoureuse cohérence et continuité dans le mensonge. Mgr Paul-joseph Schmitt, ordinaire de Metz, évêque de Saint-Avold et promoteur célèbre de la religion du même nom, déclarait encore récemment que dans son diocèse « tous les dimanches, à la cathédrale et en de nombreuses paroisses du diocèse, la grand messe continue à être chantée en grégorien » : déclaration reproduite dans la DOCUMENTATION CATHOLIQUE, numéro 1777 du 6 janvier 1980, commentée dans ITINÉRAIRES, numéro 241 de mars 1980, p. 1 et suiv., spécialement p. 9 et 10. Nous avons vérifié dans sa cathédrale la grand messe du 27 janvier. En fait de « grégorien », il n'y avait PAS UN MOT DU PROPRE, RIEN; on a chanté seulement le Gloria, le Sanctus, le Pater et l'Agnus Dei, c'est tout; le Kyrie était un méli-mélo principalement en français; les chansonnettes abondaient; point de Credo, remplacé par trois phrases. Même mensonge à Paris : le pauvre P. Congar avait été trompé de cette manière quand en 1976 et 1977 il se portait garant qu' « on célèbre une messe en latin chaque dimanche dans VINGT (sic) paroisses de Paris » (p. 27 de son opuscule « La crise dans l'Eglise » ; réitéré p. 28-29 de la seconde édition); il avait été induit en erreur par les tromperies de 1 archevêché. Le saint-siège est averti, au moins ici par ITINÉRAIRES, qu'il peut s'il le veut se laisser tromper comme le P. Congar. )

 

- Les fidèles continuent-ils à demander que la messe soit célébrée en latin ?

 

- Réponse négative. Les fidèles ne le demandent pas et ne l'ont jamais demandé. D'ailleurs nous n'aurions pas toléré une aussi grosse impertinence anti-conciliaire et anti-démocratique.

 

- La demande de la messe en latin est-elle en augmentation ou en diminution?

 

- Elle est en très nette diminution constante.

 

(C'est l'histoire du chaudron. Nous avons plusieurs fois montré et vérifié, depuis plus d'une dizaine d'années, que les déclarations et argumentations de l'épiscopat français sont strictement conformes au schéma bien connu du chaudron neuf

 

- Rends-moi le chaudron neuf que je t'avais prêté.

 

- Mais non, il n'était pas neuf. Et puis, tu ne m'en avais pas prêté. D'ailleurs, je te l'ai déjà rendu.

 

De la même façon, lorsqu'un évêque français parle de la messe en latin, c'est pour assurer simultanément

 

- qu'il en fait célébrer beaucoup;

 

- que personne n'en a jamais demandé;

 

- que la demande diminue à vue d'ceil.)

 

- Y a-t-il dans votre diocèse des personnes ou des groupes qui réclament l'ancien rite de la messe ?

 

- Réponse négative. Personne dans le diocèse n'a jamais présenté une telle réclamation.

 

- Quelle est l'importance des personnes ou des groupes qui réclament l'ancien rite ?

 

- Importance nulle. Ceux qui le réclament sont morts, c'est pour leurs funérailles que, par testament, ils le réclament. Ou encore, ce sont des survivants du xrx° siècle, des exploiteurs du peuple, déconsidérés devant l'opinion publique, rejetés par les jeunes et par les travailleurs syndiqués, donc sans influence sur la partie vivante et dynamique de la population.

 

- Quels sont leurs motifs ?

 

- Jamais religieux. Uniquement politiques et financiers. En -réclamant l'ancien rite, ils ne songent qu'à désarmer la saine agressivité du mouvement ouvrier et à défendre leurs privilèges de classe.

 

(On le voit, c'est une nouvelle manifestation de la rhétorique épiscopale dite du chaudron

 

1° ceux qui réclament la messe traditionnelle ne s'intéressent pas à la messe; 2° ils sont des profiteurs égoïstes et vieillis; 3° et au demeurant la messe traditionnelle n'est réclamée par personne.)

 

Le secrétariat permanent a beaucoup admiré l'empressement implacable avec lequel nous avons mis en oeuvre la technique du chaudron. Notre projet de réponse-type a été accepté dans l'enthousiasme et aussitôt envoyé aux évêchés.

 

Si vous ne le croyez pas, attendez la publication des réponses épiscopales et vérifiez vous-mêmes : vous verrez combien de réponses auront scrupuleusement recopié notre modèle.

 

J. M.

 

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