Solenelle mise en garde de

Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer

au Pape Jean-Paul II

 

 

Très Saint Père,

 

Durant quinze jours, avant la fête de l'Immaculée Conception, Votre Sainteté a décidé de réunir un Synode extraordinaire à Rome, dans le but de faire du Concile Vatican II, conclu il y a vingt ans, « une réalité toujours plus vivante ».

 

Permettez, qu'à l'occasion de cet événement, nous, qui avons participé activement au Concile, nous vous fassions part respectueusement de nos appréhensions et de nos souhaits, pour le bien de l'Eglise et le salut des âmes qui nous font confiance.

 

Ces vingt années, au dire du Préfet de la Sacrée Congrégation pour la foi lui-même, ont suffisamment illustré une situation qui aboutit à une véritable auto-démolition de l'Eglise, sauf dans les milieux où la Tradition millénaire de l'Eglise a été maintenue.

 

Le changement opéré dans l'Eglise dans les années soixante s'est concrétisé et affirmé dans le Concile par la « Déclaration sur la Liberté Religieuse » : accordant à l'homme le droit naturel d'être exempt de la coaction que lui impose la loi divine d'adhérer à la foi catholique pour être sauvé, coaction qui se traduit nécessairement dans les lois ecclésiastiques et civiles soumises à l'autorité législative de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Cette liberté de toute coaction de la loi divine et des lois humaines en matière religieuse est inscrite parmi les libertés proclamées dans la Déclaration des Droits de l'Homme, déclaration impie et sacrilège condamnée par les Papes et en particulier par le Pape Pie VI dans son Encyclique Adeo nota du 23 avril 1791, et son Allocution au Consistoire du 17 juin 1793.

 

De cette Déclaration sur la Liberté religieuse découle comme d'une source empoisonnée :

 

1° L'indifférentisme religieux des états, même catholiques, réalisé depuis 20 ans à l'instigation du Saint Siège.

 

2° L’œcuménisme poursuivi sans relâche par Vous-même et par le Vatican, oecuménisme condamné par le Magistère de l'Eglise et en particulier l'Encyclique Mortalium animos de Pie XI.

 

3° Toutes les réformes accomplies depuis 20 ans dans l'Eglise pour complaire aux hérétiques, aux schismatiques, aux fausses religions et aux ennemis déclarés de l'Eglise tels que les Juifs, les communistes et les francs-maçons.

 

4° Cette libération de la coaction de la Loi divine en matière religieuse encourage évidemment à la libération de la coaction dans toutes les lois divines et humaines, et ruine toute autorité dans tous les domaines, spécialement dans celui de la moralité.

 

Nous n'avons cessé de protester au Concile et depuis le Concile contre le scandale inconcevable de cette fausse liberté religieuse, nous l'avons fait par la parole et par écrit, privément et publiquement, nous appuyant sur les documents les plus solennels du Magistère de l'Eglise : entre autres, le Symbole de saint Athanase, le IVème concile de Latran, le Syllabus (p. 15), le concile Vatican I (Dz 3008), et sur l'enseignement de saint Thomas d'Aquin concernant la foi catholique II a. II ae qu. 8 & 16, enseignement qui a toujours été celui de l'Eglise pendant près de vingt siècles, confirmé par le Droit et ses applications.

 

C'est pourquoi, si le prochain Synode ne retourne pas au Magistère traditionnel de l'Eglise en matière de liberté religieuse, mais confirme cette grave erreur, source d'hérésies, nous serons en droit de penser que les membres du Synode ne professent plus la foi catholique.

 

En effet, ils agiront contrairement aux principes immuables du Concile Vatican I affirmant dans sa IVème session au c. IV « le Saint Esprit n'a pas été promis aux successeurs de Pierre pour leur permettre de publier d'après ses révélations, une doctrine nouvelle, mais de garder saintement et d'exposer fidèlement, avec son assistance, les révélations transmises par les apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi ».

 

En ce cas nous ne pourrons que persévérer dans la sainte tradition de l'Eglise et prendre toutes les décisions nécessaires pour que l'Eglise garde un clergé fidèle à la foi catholique, capable de répéter après saint Paul tradidi quod et accepi.

 

Très Saint Père, Votre responsabilité est gravement engagée dans cette nouvelle et fausse conception de l'Eglise qui entraîne le clergé et les fidèles dans l'hérésie et le schisme. Si le Synode, sous Votre autorité, persévère dans cette orientation, Vous ne serez plus le Bon Pasteur.

 

Nous nous tournons vers notre Mère, la Bienheureuse Vierge Marie, le Rosaire en mains, la suppliant de vous communiquer son Esprit de Sagesse, ainsi qu'aux membres du Synode, afin de mettre un terme à l'invasion du modernisme à l'intérieur de l'Eglise.

 

Très Saint Père, veuillez pardonner la franchise de cette démarche, qui n'a d'autre but que de rendre à notre Unique Sauveur, Notre Seigneur Jésus-Christ, l'honneur qui Lui est dû, ainsi qu'à son Unique Eglise, et daignez agréer nos sentiments de fils dévoués en Jésus et Marie.

 

S. Exc. Mgr Marcel LEFEBVRE

Archevêque-Evêque émérite de Tulle

 

S. Exc. Mgr Antonio DE CASTRO MAYER

Bispo emerito de Campos