Le Saint Siège et l’Europe chrétienne

 

A – Une préoccupation du Saint Siège – le respect du passé chrétien.

 

On sait que l’union européenne travaille actuellement sur la relation du texte du « futur traité constitutionnel ».

Aussi n’est-il pas étonnant de voir le Pape rappeler très souvent les origines chrétiennes des nations européennes tant occidentale qu’orientale.

Il le fit notamment :

-        alors qu’il recevait le nouvel ambassadeur de Belgique près le Saint Siège

-        alors qu’il s’adressait au parlement italien

C’est même, aux dires de Mg Pietro Parzo – son secrétaire de la section pour les relations avec les Etats de la secrétairerie d’Etat – le bras droits de Mg Tauran – ‘l’un des domaines privilégiés sur lesquels le saint siège s’est engagé au cours de ces derniers mois en collaboration avec les conférences épiscopales européennes et avec les autres églises et communautés religieuses présentes sur notre continent »(O R n8 du 25 février 2003 p 6).

 

B – les propositions du Saint siège : « des normes œcuméniques »

 

Du reste, le Saint Siège vient – de fait – de préciser les trois points dont il réclame l’inscription dans la future constitution de l’Union Européenne.

 

Le cardinal Sodano – secrétaire d’Etat – les a rappelés récemment dans un interview donné au quotidien italien « Anvenire » le mardi 18 février 2003, les voici :

« Les chrétiens européens demandent l’insertion de trois dispositions législatives, complémentaires entre elles.

Elles consistent en :

 

1 – La reconnaissance juridique des Eglises et des communautés religieuses, ce qui,  implique le droit pour chacune d’entre elles de s’organiser librement, conformément à ses statuts et à ses objectifs.

 

2 – La sauvegarde de l’identité spécifique  des Eglises et des communautés religieuses et en vertu de leur contribution à la vie publique  en la prévision d’un dialogue structuré entre l’Union et les confessions religieuses.

 

3 – Le respect, par la législation de l’Union du statut juridique dont jouissent les confessions religieuses en application des législations nationales des Etats membres (O R du 4 mars 2003)

 

Sur ces trois points, Mgr Pietro Parolin sous secrétaire pour les relations avec les Etats de la secrétairerie d’Etat, a précisé lors de la conférence à l’université Pontificale « Regina Apostolorum » - le 27 janvier 2003 – «  qu’ils n’expriment pas les attentes de la seule Eglise catholique, mais de tous les croyants dans le Christ qui vivent en Europe  (O R du 15 février 2003). Aussi sont-ils appelés : les « normes œcuméniques ».

C’est pourquoi du reste ces normes ont été rendues publiques dans un document commun.

 

C – Leur sens : présentation du cardinal Sodano

 

Le 18 février 2003, le cardinal Sodano secrétaire d’Etat- dans son entretien au journal italien « Avvenire » justifie ces « normes œcuméniques ».

 

D – Critiques

 

Monsieur Jean Madiran, dans Présent du jeudi 20 février 2003, en faisait un substantiel et judicieux commentaire.

 

 

Vous le trouverez dans son intégralité ci dessous :

 

Les trois points du cardinal Sodano :

 

Pour un statut européen des « communautés »

 

Voici précisés les trois points dont l’Eglise catholique romaine réclame l’inscription dans la future Constitution de l’Union européenne (UE). Ces trois points ont été énoncés par le cardinal Sodano secrétaire d’Etat du Saint Siège, au cours d’un entretien publié mardi par le quotidien italien Avenire.

 

1- «  La reconnaissance juridique des Eglises et des communautés religieuses, ce qui comporte concrètement le droit de s’organiser librement, chacune conformément à ses propres statuts et objectifs ».

 

2 – « La sauvegarde de l’identité spécifique des Eglises et des communautés religieuses et, en vertu de la contribution qu’elles apportent à la vie publique, un dialogue stucturé entre l’U E et ces confessions ».

 

3 – « Le respect du statut juridique dont jouissent les confessions religieuses en vertu des législations nationales des Etats membres. »

 

A ces trois « demandes », le cardinal ajoute un «  rappel ». Ce rappel complémentaire « n’est pas l’aspect qui a le plus de poids dans nos demandes », toutefois il s’agit d’ « une donnée historique impossible à nier : les racines culturelles des valeurs européennes sont multiples mais le christianisme a contribué à les forger d’une manière unique ». Le Cardinal ajoute

encore :

« Environ 81% des citoyens de l’ensemble des 15 pays membres et des 10 Etats invitées à s’unir au début 2004 se reconnaissent dans les confessions chrétiennes. L’Europe est donc aussi celle des chrétiens.

Exclure ce facteur serait comme faire l’Europe sans accorder aux Européens la reconnaissance qui leur est due. Cela serait en opposition avec les principes d’un pluralisme authentique et donc saine et démocratique ».

 

C’est moi qui souligne ces derniers mots pour y insérer mon cri :

 

-        Objection. Votre Eminence !

   Les principes supérieurs dont se réclame l’Eglise pour fonder son droit à exister et à être reconnue sont-ils donc ceux du pluralisme authentique et de la saine démocratie ? Sans doute faut-il comprendre qu’il ne s’agit là que d’une manœuvre diplomatique et d’une argumentation ad hominem ; et non point de la reconnaissance doctrinale d’une supériorité des principes démocratiques sur les principes évangéliques et catholique. Encore faudrait-il s’assurer qu’à trop s’exprimer diplomatiquement à l’adresse des puissances temporelles on n’en vienne peu à peu à se tromper, dans l’esprit du clergé et des fidèles, leur identité catholique romaine.

D’autre part, nous avons en France  une longue expérience du pluralisme et de la démocratie. Elle a commencé avec 1789, 1792, 1793 et la suite, la révolution et son officiel « gouvernement de la Terreur ». Nous avons connu 1830, 1848, 1871, et le petit père Combes ; et aussi le beau pluralisme révolutionnaire des années 1943-1946 et la suite. En ce mois de février 2003, nous avons même la fabrication d’une fameuse loi électorale d’exclusion démocratique. Objection, Votre Eminence

 

  Les « communautés religieuses » qui pratiquent obligatoirement (par exemple) l’excision bénéficient-elles de la bienveillance juridique du Saint Siège et devront –elles jouir du droit de « s’organiser librement selon leurs propres statuts et objectifs » ? Ou bien y-a-il un principe discriminatoire permettant d’exclure politiquement certaines « communautés » ou certaines de leurs pratiques ? Ce principe discriminatoire ne pouvant laiquement être celui de la vérité religieuse sera-t-il donc celui de la politique démocratique ? ou bien de la démocratie religieuse ? Objection !

 

  Reconnaître à l’Eglise catholique romaine le point I du cardinal Sodano : « s’organiser librement, selon ses propres statuts et objectifs », c’est en somme ce que, quasiment seul parmi les politiques, Charles Maurras réclamait : considérer et traiter l’Eglise, disait-il,

« comme elle se définit elle-même », selon « ce qu’elle dit d’elle même »,  « a savoir qu’elle doit être maîtresse en son domaine ». Eh bien, les autres « communautés », ou « Eglises », en particulier le judaïsme, l’islam et même plusieurs confessions protestantes seraient donc aujourd’hui disposés à l’admettre pleinement ? Un phénomène tellement sans précédent, on attendra de le voir pour y croire.

 

Jean Madiran

 

 

E – L’Europe chrétienne et l’œcuménisme

 

Demander l’insertion de la mention de l’héritage chrétien dans le futur traité constitutionnel de l’Union Européenne est une bonne chose en soi.

Cette grande préoccupation du Saint Siège est voulu également pour favoriser les rencontres et le mouvement œcuménique entre les « églises » de l’union européenne. Elle devrait permettre de trouver (plus facilement peut-être) un terrain commun d’entente et d’action.

 

C’est ce qu’affirme clairement le cardinal Sodano dans l’entretien donné au journal « Avvenire » le 18 février 2003.

« le travail accompli en harmonie avec les autres confessions chrétiennes demeure également un moment important et efficace de collaboration œcuménique » (O R du 4 mars 2003 p 2).

 

C’est ce que le Souverain Pontife écrit très clairement au Saint Synode de l’Eglise orthodoxe de Grèce dans sa lettre du 8 février.

« L’Eglise catholique sait qu’elle a un devoir à remplir sur le continent, en ce moment historique et la responsabilité qu’elle ressent, coïncide avec celle de l’Eglise orthodoxe de Grèce. Cette responsabilité représente un terrain commun sur lequel développe notre collaboration réciproque.

L’avenir de l’Europe est d’une telle importance qu’il nous pousse à aller au delà de notre passé de divisions, d’incompréhension et d’éloignement réciproque. L’enjeu est la promotion en Europe, hie et nune, de toutes les valeurs humaines, mais également religieuses, de la reconnaissance des Eglises et des communautés ecclésiales, de la défense du caractère sacré de la vie, de la sauvegarde de la création.

Nous sommes animés par la conviction profonde que le « vieux »continent  ne doit pas négliger la richesse chrétienne de son patrimoine culturel et ne doit rien perdre de ce  qui a fait la grandeur de son passé.

Nous sommes conscients de la nécessité de donner une dimension nouvelle, la sève de notre témoignage plus harmonieux. Cette collaboration qu’il faut développer et faire croître pourrait être l’un des remèdes efficaces contre le relativisme idéologique si répandu en Europe contre un pluralisme éthique qu’oublie les valeurs éternelles et contre une forme de mondialisation qui laisse l’homme insatisfait car elle efface les différences légitimes, qui ont permis la diffusion d’un si grand nombre de trésor à travers l’Orient et l’Occident européen.

Il nous revient d’œuvrer ensemble pour atteindre ces objectifs importants et urgents ».(O R du 25 février 2003 p2).

 

Le politique ne devient-il pas « le formel» de l’œcuménisme, sa raison d’être !

 

Le Cardinal Kasper affirmait lui aussi cette dimension politique de l’œcuménisme dans son discours inaugural lors de la rencontre avec l’Eglise Orthodoxe de Grèce le 10 février 2003.

 

« De nos rencontres … dérive encore une espérance supplémentaire. En effet constater la présence d’espaces dans lesquels il est possible d’établir une collaboration pour réaffirmer globalement les racines chrétiennes de l’Europe dans tous les domaines… pourra nous permettre avec l’aide de Dieu, de faire des projets concrets et communs » (O R 25 février 2003 n 8 p2).

 

Texte sur le cardinal Castrillon Hoyos et le Sacerdoce Catholique.

 

Résumé