Quel Ratzinger faut il lire dans Benoît XVI ?

Les devantures fleurissent depuis fin avril d’un nombre impressionnant de livres de Benoît XVI.

Tout le monde sait que le nouveau Pape est un travailleur acharné, mais de là à lui attribuer la publication de plusieurs titres chacun d’au moins 100 ou 200 pages tient du prodige ! Mais après tout, tout est possible depuis qu’on peut faire des canonisations sans miracles, pardon avec des « miracles par équipollence » (Si quelqu’un sait ce que c’est, merci de le signaler par courrier électronique au site)

Quelque peu curieux de la chose, un examen superficiel montre qu’il s’agit de la réimpression de livres du Cardinal Ratzinger et quelquefois de livres anciens, forts anciens, d’il y a trente ans. Malgré ceux qui ont taxé le cardinal de « conservateur », ce dernier est loin d’être un « fixiste » ; et de fait si l’on suit l’ensemble de ses publications, on relève nombre de pistes abandonnées en cours de route, d’autres poursuivies, approfondies et élargies, d’autres apparues entre temps. On relève aussi des inflexions d’une pensée théologique enserrée dans l’atmosphère professorale vers une pensée plus essentielle et forte, certainement nourrie de l’expérience passé à la Congrégation de la Foi d’où il a pu mesurer l’ampleur de la situation objective de la ‘pensée’ dans le monde catholique actuel. Une différence de taille aussi apparaît entre les homélies et conférences soit du professeur, soit du Cardinal de Curie, et les livres-interview.

Certaines thèses ou problématiques très datées ne figurent plus du tout, voire même ont été remplacées chez le tout dernier « Ratzinger » des années mettons 1990, par des affirmations étayées visiblement par des approfondissements ultérieurs et qui vont soit à leur encontre soit vers d’autres directions.

La question est donc posée : est il honnête de republier tel ou tel livre du professeur Ratzinger, simple théologien ou du jeune évêque de Freising sous le nom de Benoît XVI comme s’il s’agissait de sa pensée actuelle ?

Il y évidemment un intérêt commercialement simpliste pour faire vendre ces réimpressions. On peut quand même se demander, lorsque les éditeurs ne sont pas de simples maisons « laïques » mais catholiques installées, voire religieuses, s’il n’y a pas aussi un intérêt de « politique ecclésiastique » dont le résultat, est de faire projeter sur le nouveau Benoît XVI chez les lecteurs (en fait les ‘cadres’ de l'Église en France) des problématiques liées, disons aux années 70, ou à des avis privés tout à fait personnels comme dans Voici notre Dieu, histoire de désamorcer à l’avance les projets nouveaux que le Pape élu comme tout nouveau Pape souhaitera promouvoir. Désamorçage qui consiste à faire chausser certaines lunettes pour brouiller la réalité benedictoseizième qui s’annonce.

S’instruire honnêtement sur le nouveau Pape et sa pensée profonde sur laquelle il a été élu, c’est s’informer de ce qu’il a énoncé dans le cadre officiel des ses fonctions depuis l’an 2000 : par exemple le chemin de Croix du Vendredi Saint de cette année … ses interviews ex munere sur la question européenne et turque … le catéchisme de l'Église Catholique qu’il a dirigé et les commentaires qu’il en a fait … les documents officiels de la Congrégation de la Foi sur l’ordination sacerdotale, l’unique Sauveur, la pastorale des divorcés … etc …

Heli Trottincas