L’enseignement théologique tiré de l’histoire des pratiques de
En général, l’histoire de la
communion dite dans la main se présente ainsi : « Depuis
Conclusion : il faut décourager
cette pratique qui ne permet pas aux fidèles de se communier soi-même et
revenir à la manière originale des Pères et des Apôtres. Tel est la pensée des
théologiens experts des années 50-70, puis l’enseignement des séminaires
français malgré les légéres velleités pontificales, et les sessions pour
catéchistes, laics responsables … sans compter la presse officiellement
catholique.
Cette histoire
« irrésistiblement convaincante » présente un lacune : rien en
elle n’y est vrai.
Le Concile de Trente a déclaré que la
coutume pour le prêtre qui célèbre la messe de se donner à lui-même la
communion (de ses propres mains) et des laïcs de la recevoir du prêtre est une
tradition apostolique Il faut rappeler que ce Concile a procédé jusque
dans ses moindres affirmations de détails à des études historiques d’une
acribie peu commune et faisant toujours autorité en la matière : le mot
apostolique est donc ici à prendre au sens strict. Qu’en dit donc l’étude
proprement historique des témoignages disponibles ?
Un examen rigoureux des documents sur
l’histoire de l’Église et des écrits des Pères, et pas seulement d’un seul, ne
justifie pas l’assertion selon laquelle la communion dans la main était une
pratique universelle qui fut graduellement supplantée et remplacée par celle
sur la langue. Les faits semblent nettement conduire à une conclusion opposée.
Déjà au Vè siècle, le Pape saint
Léon le Grand (440-461) témoigne de cette pratique traditionnelle. Dans son
commentaire sur le 6° chapitre de l’Évangile de Jean, il cite la
communion dans la bouche comme étant l’usage courant : « On reçoit
dans la bouche ce que l'on croit par la foi » [Hoc enim ore sumiter
quod fide creditur. Serm. 91.3]. Le Pape ne parle pas comme s’il s’agissait
d’une nouveauté, mais comme d’un fait bien établi. Un siècle et demi plus tard,
donc 300 ans avant que cette pratique ait été prétendument introduite comme on
le dit partout, le Pape Grégoire le Grand (590-604) en est lui aussi le témoin.
Dans ses Dialogues (Romain 3, c. 3) il rapporte que le Pape saint Agapit
accomplit un miracle durant la messe après avoir placé le Corps du Seigneur
dans la bouche d’une personne. Jean le Diacre nous parle également de la
manière dont ce Pape distribuait la sainte communion. Ces témoins remontent au
5° et 6° siècles. Comment peut-on honnêtement affirmer que la communion dans la
main était la pratique officielle jusqu'au 10° siècle ? Comment peut-on
affirmer que la communion sur la langue est une invention médiévale ?
Certes en des circonstances très
particulières, les fidèles ont reçu la communion dans la main et l’étude de ces
cas confirme la règle. A l’époque des persécutions, lorsque la présence des
prêtres fut rendue difficile sinon impossible, les fidèles emportaient chez eux
le Saint Sacrement et se donnaient à eux-mêmes la communion, de leurs propres
mains. Autrement dit, plutôt que d’être totalement privés de
Dans l’article Communion dans
le Dictionnaire d’archéologie chrétienne, Dom H. Leclerq déclare que la
paix de Constantin mit un terme à la pratique de la communion dans la main ce
qui correspond à la lettre de saint Basile voulant que ce soit la persécution
qui ait créé l'alternative entre recevoir la communion dans la main ou de ne
pas la recevoir du tout. Après les persécutions, la pratique de la communion
dans la main a persisté ici et là : les autorités de l’Église y virent un
abus à extirper, parce que contraire à la coutume des Apôtres. Et pas seulement
à Rome ou en Orient : le Concile de Rouen (650) déclare : « Ne
mettez pas l’Eucharistie dans les mains d’un laïc ou d’une laïque, mais
seulement dans leur bouche. » Le Concile dit in Trullo interdisait aux
fidèles de se « donner à eux-mêmes la communion » (ce qui est le cas
lorsque l’Hostie consacrée est placée dans la main du communiant, qui ensuite
la met dans sa bouche). Et, point très intéressant qui montre comme l’induisait
St Basile etc, que la distribution du Sacrement revient en propre au Ministre
Ordonné, toute autre manière n’étant qu’en cas extrême en leur absence, il
décrétait une excommunication d’une semaine pour ceux qui feraient cela « en
présence d’un évêque, d’un prêtre ou d’un diacre. »
Reste le texte de saint Cyrille.
Les promoteurs de la communion dans la main généralement font à la fois
l’impasse sur les faits ci-dessus présentés et un grand usage du texte attribué
à saint Cyrille de Jérusalem, contemporain de saint Basile (4°s.). Dom
Henri Leclerq résume les faits ainsi : « Saint Cyrille de
Jérusalem recommandait aux fidèles qu’en se présentant pour recevoir la
communion, ils devraient avoir la main droite tendue, les doigts joints,
soutenus par la main gauche, la paume légèrement concave ; et au moment où
le Corps du Christ serait déposé dans sa main, le communiant dirait :
Amen. »
Mais le texte ne s’arrête pas là. Il
poursuit : « Sanctifiez votre oeil par le contact avec le Corps
Sacré (...) Alors que vos lèvres sont encore humides, touchez vos lèvres et
passez votre main sur vos yeux, votre front et vos autres sens pour les
sanctifier. » Cette recommandation plutôt bizarre où voisinent
superstition et irrévérencie, à amené les savants à s'interroger sur l'authenticité de ce texte.
Certains pensent qu’il y a eu interpolation, chose courante dans le monde grec,
ou que ce serait le successeur du saint, le Patriarche Jean, l’auteur.
L’orthodoxie et les procédés de ce Jean étaient notoirement suspects comme le
montre la correspondance entre les saint Épiphane, Jérôme et Augustin.
Nous avons donc à l’appui de la
communion dans la main un texte dont l’origine est douteuse et le contenu
discutable. D’un autre côté, nous avons des témoins digne de foi, dont deux
papes majeurs, montrant que la pratique de placer l’hostie consacrée dans la
bouche du communiant était habituelle et ordinaire au moins depuis le 5°
siècle.
De nos jours, ayant absorbé
l’atmosphère de
En fait les prêtres n’étaient
autorisés à toucher le Saint Sacrement que par nécessité. En dehors du
célébrant lui-même, personne, pas même un prêtre qui se présentait à la
communion avec les fidèles, ne pouvait recevoir la communion de ses propres
mains. Ainsi, dans la pratique liturgique du rite latin, un prêtre assistant à
la messe sans la célébrer et désirant communier, ne le fait pas de ses propres
mains : le prêtre ou le diacre célébrant, c'est-à-dire exerçant son
ministère sacré, la lui donne sur la langue. Ce serait également vrai pour un
évêque ou le Pape lui-même : ainsi a fait Jean Paul II recevant la
communion du futur Benoît XVI aux Rameaux 2005.
Le point fondamental est donc :
« en signe de Foi en
Tout le monde répète,
traditionnalistes et modernistes étant d’accord là-dessus, que Paul VI a
autorisé la communion dans la main dans Mémoriale Domini. En fait c’est
le contraire, la volonté du Pape est en toutes lettres de maintenir comme seule
loi, la pratique traditionnelle et apostolique de : « [
Pourtant après avoir rappelé que l’écrasante majorité de
tous les évêques, consultés, demande de maintenir la loi face aux pressions
libérales et protestantes, tout à fait à la fin de sa Lettre, Paul VI
concède que des épiscopats puissent demander un indult (concession) en faveur
de la communion dans la main dont le Pape jugera au cas par cas.
La pratique apostolique étant la loi, cet indult, comme le
mot l’indique est une indulgence dérogatoire et non un droit des fidèles,
conformément à la pratique et à la théologie apostoliques établies plus haut.
Ce que
Cette indulgence est la réponse papale à un abus, et à une situation de faiblesse
chez les Pasteurs de l'Église comme l’écrit Paul VI dans sa note à Mgr Bugnini
du 29 Mars 1969 : “ abus, déjà
répandu dans certains pays et que les évêques ne croient pas pouvoir
réprimer ” c’est-à-dire réintroduit en désobéissance à l’Église
laquelle en certains lieux a laissé faire ou a été complice (France, Bénélux,
RFA)
Ce n’est pas l’introduction d’une seconde norme au choix
mais une indulgence donnée le temps, grâce au zèle des pasteurs, de remettre en
vigueur l’unique norme de l’Eglise
Ce n’est pas non plus un droit donné au fidèle communiant à
le faire selon son choix, ce qui le constituerait son propre ministre
eucharistique et viderait le ministère sacerdotal de son contenu. Aussi
Jean-Paul II a rappelé dans Dominicæ Cenæ la différence essentielle
entre le fidèle et le prêtre « qui a le privilège de toucher les
Saintes Espèces et de les distribuer de ses mains ».
Indépendamment de l’immense faiblesse sinon de la lâcheté
des pasteurs jusque dans les sommets de
La dernière édition de 2002 du Missel
Romain, sous le Cardinal Medina, (n°161) a introduit proprement et formellement
une hérésie « liturgique » selon le mot de Dom Guéranger : le
libre choix pour le communiant « sur la langue » ou « dans les
mains ». Entre 1973 et 2002, il n’y a pourtant eu ni Concile, ni
consultation universelle des évêques, ni demande pontificale (d’ailleurs Jean
Paul II a fait savoir son hostilité à la communion dans la main) : cette
nouveauté est un abus de pouvoir, gravissime et pervers, contraire à
Il faut donner toute sa portée à
l’exclamation, vrai cri de Foi Catholique, de Mère Térésa, qui après avoir
rappelé le drame criminel qu’est l’élimination des bébés dans le sein de leur
mère, affirmait que « La chose la plus horrible dans notre monde
aujourd’hui, c’est
Que le lecteur permette une brève digression
de pasteur dans un secteur sociologiquement et religieusement très mélangé qui
constate toujours plus chaque année combien la communion dans la main finit par
tuer réellement le vrai sens de Dieu dans les âmes :
Très Saint Père, Benoît XVI, nous
vous en supplions, rendez à Dieu son Honneur et au peuple chrétien son
âme : le Saint Sacrement et le Sacerdoce !
L’abbé Charles
Tinotti,
prêtre du rite
« Paul VI ».
[1] A cet égard on pourra relire avec fruit le chemin de Croix 2005 fait par le Card Ratzinger au nom du Pape.