Passio Domini Nostri Jesu
Christi secundum…
Mel Gibson
I.
Daté du 11 juin, mais diffusé le 12, un communiqué du département de la communication
de la Conférence des Évêques catholiques des Etats-Unis (USCCB), rédigé par
Mark Chopko, conseil juridique de l'USCCB, précisait : « À la demande du président de la
commission épiscopale pour l'oecuménisme et les affaires inter religieuses [il s'agit de
S. Ex. Stephen E. Blaire, évêque de Stockton en Californie], le
département de la communication fait paraître la déclaration de clarification
suivante. Il est venu à la connaissance de l'USCCB
qu'un article de l'agence Zenit, du
vendredi 30 mai 2003, identifiait la commission épiscopale pour l'œcuménisme et
les affaires interreligieuses, comme responsable de l'élaboration d'un rapport
d'un groupe indépendant d'universitaires critiquant un synopsis du film La Passion, produit
par Icon Productions. Ni la commission épiscopale
pour l'œcuménisme et les affaires inter religieuses, ni aucune autre commission
de l'USCCB n'a institué ce groupe, autorisé, révisé
ou approuvé le rapport écrit par ses membres. La commission épiscopale pour
l'oecuménisme et les affaires inter religieuses savait seulement que ce groupe
d'universitaires avait l'intention de proposer des commentaires à l'usage privé des producteurs. En raison de l'importance et du
caractère sensible de ce sujet, l'USCCB rappelle que
la commission épiscopale pour l'oecuménisme et les affaires inter-religieuses
a préparé une brochure : Critères pour évaluer les adaptations de la Passion [1988], qui
rappelle aux catholiques qu'une présentation convenable des récits évangéliques
sur la Passion et la mort de Jésus Christ, ne saurait tolérer l'antisémitisme.
Le rejet de l'antisémitisme est également clair dans trois autres publications
préparées par l'USCCB […]. Pour la Conférence
épiscopale, il est de principe de ne critiquer des films qu'après les avoir
vus. La Conférence se réserve le droit de commenter de cette manière tout autre
film ». Cette mise au point – qualifiée par de nombreux observateurs
américains comme un revirement de la position de l'USCCB
— ne peut, évidemment, bien se comprendre que si l'on connaît les tenants et
les aboutissants de ce qui est désormais aux Etats-Unis « l'affaire » de La
Passion, le film extraordinaire de Mel
Gibson (cf. Légitimiste n° 363). Et
c'est cette « affaire » que nous allons tenter de vous raconter dans les
détails. Depuis plusieurs mois, à la suite de la lecture de centaines et de
centaines de pages de commentaires et déclarations variées, nous avons acquis
la conviction que le « procès » qui est fait à Mel
Gibson, n'avait rien à voir avec un quelconque malentendu de la part des détracteurs
du cinéaste, et que les limites du libre débat et de la légitime interrogation,
avaient été largement dépassées. Tout semble, médiatiquement parlant, commencer
le 14 janvier. Mel Gibson est invité, ce jour là, sur
Fox News Television dans le programme « The O'Reilly Factor
»,
un « talk show » diffusé en soirée et animé par Bill O'Reilly.
L'animateur pose, au réalisateur en duplex depuis Rome (d'après notre
chronologie), la question suivante : « Est-ce que [ce film] ne risque pas de
causer de l'émoi chez des Juifs ? ». Réponse de Mel
Gibson : « Cela se pourrait, mais ce n'est pas dans cette intention
[que je fais ce film]. Je pense que l'intention du film est de dire la vérité.
Je veux être aussi véridique que possible. Mais quand vous cherchez les raisons
qui expliquent pourquoi le Christ en venu, pourquoi il a été crucifié, c'est
pour toute l'humanité, et il a souffert pour toute l'humanité. Ainsi, vraiment,
tout pécheur doit considérer sa propre responsabilité, considérer sa propre
culpabilité […]. C'est intéressant de constater que quand vous abordez un tel
sujet [le Christ], cela apporte beaucoup d'ennemis. Et on envoie des gens. Et
j'ai vu cela arriver. Depuis que je suis ici à Rome, par exemple, je sais qu'il
y a des gens envoyés par des publications réputées, qui vont ici et là pendant
que vous êtes occupés, qui commencent à fouiller dans votre vie privée, dans
vos affaires financières, dans les dons que vous faites. Et puis ils commencent
à harasser vos amis et vos associés, à harasser votre famille, y compris mon
père qui a 85 ans […] ». Nouvelle question de Bill O'Reilly
: «
On a entendu dire qu'il y avait un journaliste [il s'agit de
Christopher Noxon, comme on le verra plus loin] qui
essayait de déterrer des choses dégoûtantes sur vous, et qui avait harassé
votre père de 85 ans, tentant d'obtenir de lui des déclarations provocatrices,
et s'efforçant de donner de vous une image de fanatique, voire de sectaire, que
ce type était actuellement en train d'agir. Il essaie de déterrer des saletés
sur Mel Gibson. Est-ce que vous croyez que c'est
parce que vous faites ce film sur Jésus ? ». Réponse du réalisateur : «
Je le crois, en effet. Je crois qu'il a été envoyé pour ça. Je suis un grand
garçon, et je sais me défendre. Je suis un personnage public, je suppose, encore
que je n'aie nul souvenir d'avoir signé un papier où je reconnaissais n'avoir aucun
droit à la vie privée […]. Mais comme je l'ai déjà dit, mon fim
est un film sur la foi, l'espérance, l'amour et le pardon. C'est ça son message
fondamental. Et je pense que c'est cela que nous devrions retrouver. Si chacun
mettait un peu plus en pratique cela, il y aurait beaucoup moins de frictions
dans le monde ». À cette date du 14 janvier, alors qu'il avait repris le
tournage de La Passion, cette foisci dans
les studios de Cinecitta à Rome, après une pause pour
les fêtes de Noël et de fin d'année, Mel Gibson
savait que son projet de film était, depuis l'été 2002, dans le collimateur de
nombreux professionnels de l'industrie cinématographique à Hollywood ; il sait,
désormais, qu'il l'est aussi de la presse qualifiée de « libérale » aux États-Unis,
nous dirions, en France, gaucharde. C'est sans doute
ce même mois, ou peut-être le mois suivant, que survient un événement d'une
extrême gravité et d'une non moins extrême malhonnêteté. Une « taupe » (les
Américains utilisent l'expression de « deap throat »), peut-être employée à Icon
Productions, dérobe, non pas le scénario définitif du film, mais la copie d'une
vieille version d'un synopsis. Comme on l'a écrit, dans notre précédente
livraison, Mel Gibson a réfléchi, médité, travaillé à
son film pendant plus de dix ans. On peut aisément imaginer qu'il a noirci bien
des ramettes de papier, prenant des notes, esquissant des dialogues, imaginant
des mises en place, réfléchissant à la narration. Pas davantage qu'une thèse ou
un roman, un film ne s’écrit pas d'un seul jet… D'où la multiplication des
versions, le nombre de synopsis avant d'arriver au scénario définitif lequel, d'ailleurs,
est toujours susceptible de modifications ultérieures lors du tournage ou du montage.
Si, pour prendre un exemple encore plus parlant dans le domaine de l'image, nous
n'avions pour reconstituer les fresques de la Chapelle-Sixtine
de Rome, que des esquisses, brouillons et vagues essais de couleur de
Michel-Ange, tous les experts du monde ne sauraient les reconstituer à
l'identique de ce qu'aurait voulu peindre l'artiste. Les esquisses, les
projets, les brouillons ne sont d'intérêt que pour comprendre l'histoire d'une
oeuvre, mais ils ne sont pas l'oeuvre. Donc, un ancien synopsis est volé dans
les bureaux californiens d'Icon Productions. Comment
arrive-t-il dans ceux de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis à
Washington, cela l'histoire ne dit pas encore, mais c'est bien au 3211 de la 4ème
rue de la capitale fédérale qu'aboutit le tapuscrit. Qui aurait donc pu passer
cette « commande » ? Qui en prend connaissance pour la première fois, et qui
décide de conserver ce larcin plutôt que le restituer à son propriétaire ? Qui
en parle à qui ? Nous l'ignorons. Mais ce que nous savons, c'est que courant
mars, selon une source (ou tout début d'avril, selon une autre), à l'initiative
du Dr Eugene J. Fisher, administrateur associé (« associate director ») du
secrétariat de la commission épiscopale pour l'œcuménisme et les affaires inter-religieuses, et du rabbin Eugene
Korn, directeur des affaires inter-religieuses de l'Anti Defamation League, est constitué un groupe «
ad hoc » d'universitaires chargés d'étudier le tapuscrit et d'en
faire un rapport confidentiel (on verra qu'il n'en fut rien) destiné, selon les
intéressés, à « éclairer » Mel Gibson et ses associés
d'Icon Productions. Nous ne croyons guère à cette
version toute de… sollicitude et de « correction fraternelle », sauf à nous
faire admettre que dérober une voiture à l'insu de son propriétaire pour,
soi-disant, procéder à une vérification complète afin de lui éviter un
accident, serait dune exquise charité… Ce groupe d'universitaires est composé
de neuf personnes : cinq catholiques et quatre juifs. Outre les deux
initiateurs, cités dans le paragraphe ci-dessus, on trouve : chez les
catholiques, la soeur Mary C. Boys, professeur de théologie à l'Union Theological Seminary de New York,
le Dr Philip A. Cunningham, professeur associé de théologie du Center for Christian-Jewish Learning au Boston College (Massachusetts),
le Père Lawrence E. Frizzell, de l'Institute of Judaeo-Christian Studies, Universté de Seton Hall (East Orange, New
Jersey), le Père John T. Pawlikowski, osm, professeur en éthique sociale à la Catholic
Theological Union de Chicago (Illinois) ; chez les
juifs : le Dr Michael J. Cook, professeur d'études judéochrétiennes
à l'Hebrew Union College de
Cincinnati (Ohio), le Dr Paula Fredriksen, professeur
d'Écriture Sainte à l'Université de Boston, le Dr Amy-Jill
Levine, professeur d'Écriture Sainte (Nouveau Testament),
à l'Université Vanderbilt, Nashville (Tennessee). Une
«
équipe d'universitaires catholiques et juifs de premier plan », selon
l'hebdomadaire The Jewish Week (13 juin). On
lira, dans notre prochaine livraison, les… arrière plans de cette fine
équipe. À suivre donc…
Daniel Hamiche