Passio Domini Nostri Jesu Christi secundum

Mel Gibson

II.

 

Le jeudi 6 mars 2003, l'agence Zenit (www.zenit.org) de Rome, offrait à ses abonnés un entretien exclusif avec Mel Gibson qui, alors, terminait le tournage de La Passion dans le studio 5 de la Cinecitta. L'agence Zenit, précisons-le, n'est pas une agence « officielle » du Saint-Siège qui dispose de la sienne propre (Vatican Information Service -VIS), mais elle en est très proche et diffuse, quotidiennement, des informations souvent puisées aux meilleures sources, notamment les actes du Magistère. Il va sans dire que, ce jour même, nous avions « dévoré » ce long et passionnant entretien, tout en nous interrogeant sur le caractère disons peu « enthousiaste » des questions de Zenit au réalisateur. On sentait une certaine gêne qu'on ne comprenait pas. La 7ème question levait une partie du pan de cette énigme : « Mais si ce film a pour but de faire revivre les Évangiles, les non chrétiens n'y verront-ils pas une offense ? Par exemple, le rôle des responsables juifs dans la mort de Jésus ? »… On notera le « si ce film a pour but… » ce qui, en toute logique, laisse planer un sérieux doute sur l'intention réelle de Mel Gibson de tourner ce film, le journaliste insinuant que l'arrière-pensée du réalisateur pourrait être toute autre que celle qu'il expose, ce que confirme la fin de sa question… La réponse de Mel Gibson est d'une limpidité… biblique : « Ce n'est pas une histoire de juifs contre des Chrétiens. Jésus, lui-même, était juif, sa mère était juive, et ses douze apôtres étaient juifs. Il est vrai, comme le dit la Bible, qu'il "est venu chez lui et les siens ne l'ont pas accueilli". Je ne peux pas cacher cela. Mais cela ne veut pas dire que les péchés du passé étaient pires que ceux de maintenant. Le Christ a payé le prix pour tous nos péchés. La lutte entre le bien et le mal, et le pouvoir écrasant de l'amour vont bien au-delà de la race et de la culture. Ce film parle de foi, d'espérance, d'amour et de pardon. Ce sont des choses dont le monde aurait bien besoin, surtout en ce moment de troubles. Ce film a pour but d'inspirer, pas d'offenser ». La réponse est claire et les arguments recevables, mais peut-être pas autant que cela pour le journaliste qui enchaîne une 8ème question qui est d'ailleurs davantage un jugement subjectif qu'une question : « Certains penseront, malgré tout, que vous voulez imposer vos croyances… ». On se frotte les yeux ! mais, en l'occurrence, les « croyances » de Mel Gibson sont celles de l'Église et même, sur la base de ce qu'il vient de déclarer, la croyance commune de tous les chrétiens qu'ils soient catholiques, orthodoxes, réformés…Mel Gibson termine sa réponse à la remarque qui vient de lui être faite par une petite phrase : « Les gens ouverts l'apprécieront pour ce qu'il est ». Quant aux obtus du genre du questionneur, qu'ils en fassent ce qu'ils veulent… C'est, du moins, l'interprétation personnelle que nous donnons de cet échange de propos. Il n'empêche que nous fumes troublés à la lecture de cette entretien, mais nous ne connaissions pas encore, à cette date, le dossier de « l'affaire », dossier dont le questionneur, avec le recul du temps, semblait bien avoir, lui, quelque teinture… L'article du pigiste Christopher Noxon (auquel nous avons déjà fait allusion dans Légitimiste n° 364) va paraître dans le supplément magazine du quotidien The New York Times, daté du dimanche 9 mars. Nous y reviendrons. Pourtant, dès le 7 mars, le rabbin Marvin Hier, de Los Angelès, semblait en connaître parfaitement le contenu puisqu'il va s'appuyer sur cet article à paraître, pour son entretien avec l'agence Reuters de ce jour, entretien qui va, véritablement, lancer « l'affaire ». Un grand nombre de nos lecteurs pourrait ignorer qui est le rabbin Hier… Quelques précisions biographiques semblent indispensables à cette étape de notre long travail. Reçu rabbin à New York, Marvin Hier fut, pendant 16 ans, rabbin à la très orthodoxe synagogue Schara Tzedek de Vancouver (Canada), Marvin. Il arrive à Los Angelès en 1977. Il y fonde une Yeshiva (une école pour la formation des rabbins, déclarée comme association à but non lucratif ), connue, aux États-Unis, comme la Yeshiva University of Los Angeles (YULA) – elle compterait entre 300 et 400 étudiants. Puis il créée, la même année et dans le même immeuble, le Simon Wiesenthal Center qui est un « musée de la tolérance » (sauf pour Pie XII que le rabbin poursuit, encore aujourd'hui, de son exécration), et a notamment pour but de maintenir le souvenir de l'Holocauste. Le rabbin Hier est, aujourd'hui encore, doyen de la YULA et président du Simon Wiesenthal Center. Pour cette dernière institution, et depuis sa fondation, le rabbin Hier a touché, pendant les dix premières années de fonctionnement, près de 14 millions de dollars de du California Art Council (CAC, organisme de subventions artistiques et culturelles de l'État de Californie), ce qui n'a pas été sans soulever d'âpres polémiques. Également doyen de la Yeshiva University, on l'a soupçonné de procéder à la techniques des « vases communicants », et de financer son institut de formation de rabbins avec une partie des subventions reçues de l'État de Californie, ce qui constituerait une violation de la loi de séparation des associations religieuses et de l'État… Dans un tout récent article (3 août 2003) du Los Angeles Weekly, le journaliste Steven Leigh Morris, nous apporte de bien utiles précisions. Il rappelle, tout d'abord, que l'État de Californie, sous la férule du gouverneur Gray Davis (vous vous souvenez, ce gouverneur « catholique et pratiquant » qui soutient le droit à l'avortement… cf. Légitimiste n° 362), est en déficit de 38 milliards de dollars. Le gouverneur a donc notamment décidé de diminuer de 73 % le budget alloué au CAC, le faisant passer de 19 à 5 millions de dollars (c'est ce montant que toucha, à lui seul, le Simon Wiesenthal Center en 1995), dont 30 % iront au rabbin Hier. Steven Leigh Morris poursuit : « La bonne fortune du musée [du Simon Wiesenthal Center] témoigne de la puissance de "lobbying" de son doyen, le rabbin Marvin Hier […]. Pendant plus de quinze ans, Hier a profité de puissants soutiens à la fois chez les législateurs démocrates et républicains, depuis l'ancien gouverneur Pete Wilson, en passant par le leader démocrate Willie Brown, jusqu'au président Bush et à son ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, qui a invité Hier à venir discuter avec lui de la guerre en Irak. Qu'un seul musée privé puisse continuer à recevoir des subventions publiques aussi disproportionnées, est particulièrement troublant, surtout dans une période de diminution des rentrées fiscales qui mène plusieurs États à la faillite et leurs services publics à la disparition. Toutefois, selon les déclarations fiscales pour 2001, remplies par le Simon Wiesenthal Center pour ses différentes activités, Hier touche un salaire annuel de plus de 400 000 dollars (hors revenus financiers) – seulement 225 000 en 1994. Sa femme, Marlene, qui y a le poste de responsable des adhérents, reçoit 244 000 dollars, tandis qu'un de leurs fils, Alan Hier, est payé 107 365 dollars pour s'occuper des donateurs, et qu'un autre, le rabbin Aron Hier, en qualité d'administrateur associé, se fait 76 018 dollars par an. Il va de soi qu'une institution privée peut bien payer ses employés comme elle l'entend, mais, comme le Simon Wiesenthal Center peut autoriser de tels revenus extravagants à ses gérants, des détracteurs pourront s'interroger sur le besoins qu'a ce musée d'avaler, à lui seul, 30 % des subventions [du CAC]. La semaine dernière, le Musée d'Histoire Naturelle, en raison de problèmes de financement, à du licencier 23 spécialistes et autres employés »… Marvin Hier est un rabbin orthodoxe, au plan religieux (au plan financier, laissons les Américains s'en débrouiller), et particulièrement militant. C'est, par exemple, lui qui conduisait la délégation de responsables juifs américains de tout premier plan, qui fut reçue au Palais de l'Élysée, le 13 mai 2003, par le président Chirac, pour s'assurer « que ceux qui perpètrent des crimes de haine [antisémite] seront vigoureusement poursuivis et inflexiblement punis », selon ce qu'il déclara, ce jour, à l'agence Reuters. Puisque nous sommes revenus en France, pour quelques instants, il n'est pas inutile de préciser que le rabbin Hier a été fait chevalier dans l'Ordre national du Mérite (nous ignorons quand, mais nous l'apprendrons bien quelque jour…). Il est également très fréquemment reçu dans le « salon ovale » la Maison Blanche depuis l'accession de George Bush Jr. à la présidence des États-Unis. Le rabbin Hier a aussi la… passion du cinéma, essentiellement des documentaires. Sans être complet, il faut citer Genocide (1981) qu'il coproduit avec Arnold Schwartzmann, une histoire de l'antisémitisme et de la Shoa, pour lequel il obtient un Oscar en 1982, The Long Way Home (1997), qu'il produit et qui raconte l'histoire de la création de l'État d'Israël (1945-1948), pour lequel il obtient un second Oscar en 1998, et, en 2001, In Search of Peace (1948-1967), première partie d'un documentaire qui narre l'histoire de l'État d'Israël jusqu'à la Guerre des Six Jours (et dont la seconde partie n'est pas prête d'être tournée, mais ceci est une autre histoire…) qu'il produit (indirectement) via Moriah Films (un département du Simon Wiesenthal Center), et dont il est aussi le coscénariste. Mais, comme l'écrivait plaisamment John Horn, un journaliste américain spécialisé dans le spectacle, « les Oscars ne garantissent pas le succès ». Ces documentaires sont peu diffusés dans le circuit des salles de cinéma, davantage, peut-être, en cassettes-video auprès des 400 000 adhérents du Simon Wiesenthal Center.

 

Daniel Hamiche

daniel.hamiche@free.fr