Mémoire sur la solution proposée par Mgr Lefebvre, le21 avril 1987, pour une « réintégration et une normalisation des rapports de la Fraternité avec Rome »

 

 

A) une normalisation

 

 

Cette « réintégration » tenait à cœur à Mgr Lefebvre. Pour lui, mieux valait régler ce problème, au plus tôt, que de l’ignorer et surtout que de ne pas le considérer ou que de le considérer comme secondaire et sans importance. Le mystère de l’église nous  invite fortement à en garder une constante préoccupation.

 

Cependant il ne faudrait pas vouloir et accepter cette «  réintégration » si la solution envisagée nous  obligait à abandonner la vérité ou nous exposait à  perdre le droit et la faculté de dire la messe Saint Pie X et cela exclusivement.

 

L’expérience de Campos montre que Rome n’est plus opposée, par principe, à octroyer cette « facultas » en faveur du rite tridentin, à ceux qui veulent le garder. Ce qui est absolument nouveau par rapport à 1976, à 1984, à 1999.

 

Mgr Lefebvre insistait sur l’attachement de la Fraternité et des œuvres amis, à la Tradition catholique et à la liturgie traditionnelle. En soi, cet attachement est légitime, mais il est également légitime, eu égard aux « fruits extraordinaires que produit ce climat de la tradition catholique »(Lettre au Cardinal Gagnon du 21 novembre 1987). Fruits qu’ont pu constater le Cardinal Gagnon et son assesseur lors de leur visite canonique de 1987.

        

Tous unis, comme en une grande famille, il n’est donc pas question que nous abandonnions un tel trésor, qui nous lie, de fait et essentiellement, à l’Eglise romaine, « à Pierre et à ses Successeurs »

 

Par contre, nous restons absolument et radicalement allergiques à l’esprit conciliaire de la liberté religieuse, de l’œcuménisme, de la collégialité, à l’esprit d’Assise, fruit du modernisme, du libéralisme tant de fois condamné par le Saint-Siège. Allergie, en soi, légitime, au seul titre de la vérité, mais, également eu égard aux fruits de cet aggionamento conciliaire : difficultés  extrèmes dans lesquelles se trouvent l’église, diminution grave du nombre de prêtres, échec absolu de la catéchèse, baisse grave de la pratique religieuse. On juge un arbre à ses fruits.

 

De cet esprit conciliaire, nous voulons nous protéger et en «  protéger la jeunesse de nos foyers catholiques ». ( lettre de Mgr Lefebvre au Cardinal Gagnon ) .Quoi de plus légitime !

 

On retrouve, ici, le sens de  la déclaration du 21 novembre 1974 de Mgr Lefebvre.

 

Cette déclaration reste au cœur du débat. Le Saint Siège y fut absolument opposé et hostile, depuis le début du « conflit ».Toutefois, étant donné le constat que tous peuvent faire aujourd’hui sur la situation particulièrement difficile  de l’église, il y aura moins « d’arrogance » à notre égard de la part des cardinaux aujourd’hui qui hier. Nous nous souvenons en effet du rapport que nous faisait Mgr Lefebvre de la fameuse visite au Saint Office avec les Cardinaux Garonne, Tabera et Wright. N’oublions pas que « leur pastoral » est un echec. Dans leur cœur, ils ne peuvent pas ne pas le confesser, même si extérieurement, ils continuent de parler avec amphase des fruits du Concile. L’exposé du Pape, sur la situation de l’église en Europe, en est un bon constat. Dès lors, le Saint Siège est certainement mieux disposé à notre égard aujourd’hui qu’hier et, volontiers, nous laisserait faire « l’expérience de la Tradition ». Le cas de Campos est un bel exemple et un « confirmatur » de ce que j’avance..

 

Rome doit donc nous considérer comme « une armada », « une petite armée »(cf art.19 Proposition), ayant « l’esprit des Maccabées », au milieu des nations « perverses », décidés, à tout prix, à demeurer catholiques face à la déchristianisation qui s’opère à l’extérieur et à l’intérieur de l’église. C’est, encore une fois le constat du Pape dans son exhortation apostoilique sur l’église en Europe. (cf . analyse de la situation des nations européennes dans « Ecclesia in Europa »)

 

Rome connaît cette résolution de la Fraternité : « une petite armée » et veut, cependant, « régulariser » la situation. Le Cardinal Castrillon-Hoyos l’a dit, le Pape le désire.

 

         Et de fait, le Vatican ne peut qu’être sensible , aujourd’hui, à cette résolution de la Fraternité :  « être une petite armée » lui qui encourage toutes les nations européennes à reprendre, sans crainte, le «  Livre de l’Evangile » (Ecclesia in Europa, n. 65), constatant à son tour une déchristianisation réelle des nations d’Europe ( sans nier, pour autant, les aspects positifs, comme les nombreux martyrs de l’Europe de l’Est…) .

 

Le Vatican doit être également plus  sensible aujourd’hui que hier, à notre desir de garder la liturgie traditionnelle, lui qui vient de publier l’encyclique « Ecclesia de Eucharistia », qui reconnaît les « ombres » graves qui entourent les célébrations liturgiques actuelles, qui veut y porter remèdes (cf Ecclesia de Eucharistia), et qui, dans son dernier texte sur «  l’église en Europe » demande « que soit ravivé le sens authentique de la liturgie »(n.70) .

 

Ces  considérations sont  également  nouvelles par rapport à 1987-88 et peuvent laisser présager une heureuse issue dans le cas de nouveaux contacts ou du moins pourrait justifier une reprise de contact. Mgr Lefebvre, alors pourtant toujours en opposition avec la hiérarchie, acceptait, cependant, très volontiers, cette perspective de « normalisation ». Il écrivait : « Nous acceptons très volontiers d’être reconnus  par le Pape ». Cette phrase est importante. Est-ce le souhait de tous ?  Surtout avec ce Pape là ?

 

Mgr lefebvre ne demandait pas que, préalablement  à cette reconnaissance, le Concile soit corrigé de ses imperfections, erreurs ou équivoques. Je fais remarquer à mes confrères que c’est là une  tache du Magistère. Nous ne sommes que «  l’église enseignée ».  Nos évêques, ne l’oublions pas , non pas de juridiction. Ce qu’ils ont pour mission de faire : c’est d’ user de leur pouvoir épiscopale pour transmettre «  confirmation »et « sacerdoce » pour la pérennité du sacrifice de la messe qui fut, un temps, très sérieusement menacé, plus hier qu’aujourd’hui. Nous devons garder dans cette période de crise, la doctrine catholique intégrale, sans nous laisser contaminer par le principe même de la crise de l’Eglise : le subjectivisme moderniste, par trop répandu dans  le clergé. C’est notre devoir. C’est ce que nous avons toujours fait . Ce qui nous a obligé à justifier notre résistance théologiquement, par nos nombreuses études et exposés théologiques. Mais  nous n’avons pas à nous substituer à la hiérarchie,  à nous croire et agir comme si nous étions la hiérarchie, à imposer nos « diktats » à Rome. Notre rôle est tout autre. N’y aurai-il pas, par malheur, une légère « deviance » aujourd’hui parmi nous ?

 

Notre rôle, j’y insiste, reste toujours celui que Dom Gueranger précisait, en ces termes :

 

       « Il est dans le trésor de la Révélation des points essentiels, dont tout chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée…. Les vrais fidèles sont les hommes qui puisent dans leur baptême (-en période d’hérésie-) l’inspiration d’une ligne de conduite ; non les pusillanimes qui, sous le prétexte spécieux de la soumission aux pouvoirs établis, attendent, pour courir à l’ennemi, un programme qui n’est pas nécessaire et qu’on ne doit point leur donner ».

 

Ce rôle est capital. Du temps de Mgr Lefebvre, et avec Mgr Lefebvre, nous l’avons merveilleusement « mené ».  Il est merveilleux de grandeur et de gloire. Il nous suffit. Nous n’avons pas le droit de nous en imaginer un autre.

 

Mgr Lefebvre accéptait donc « volontiers d’être reconnu par le Pape ». Il précisait même vouloir « avoir un siège » à Rome, «  dans la Ville Eternelle », et « apporter même notre collaboration au renouveau de l’Eglise », le Concile étant ce qu’il est. J’y insiste. Restant ce qu’il est , même pas encore corrigé de ses erreurs, imperfections…, Mgr Lefebvre envisageait, cependant, malgré tout une « normalisation » avecRome.  Ce qui ne veut pas dire pour autant que le Concile Vatican II ne doive pas être nécessairement corrigé…demain, après demain, un jour, le plus vite sera le mieux, par la hiérarchie. Ce qui fut déjà fait par le pape Paul VI avec la «  nota praevia »  à propos de la collégialité, pourrait et même devrait l’être, de la même manière, pour les autres problèmes : l’œcuménisme en en précisant la finalité, la liberté religieuse, en rappelant le « droit public de l’église », les finalités du mariage, en en précisant leur ordre…

 

 Et de fait, la « normalisation » de notre situation canonique nous permettrait d’apporter plus facilement notre « collaboration au renouveau de l’Eglise ». N’oublions pas que  Mgr Lefebvre, lui-même, envisageait de porter  notre aide à la restauration de l’eglise.

 

Cette reconnaissance par le Pape allait , pour Mgr Lefebvre , de soi. Ce désir était nourri par son amour de Rome, lui «  qui n’a jamais voulu rompre avec Rome ni avec le Saint Siège ni considéré le siège de Pierre vacant ». Mgr Lefebvre disait cela du pape actuel, le pape d’Assise, du pape du baiser du Coran …Ne soyons pas plus royaliste que le Roi. Nous risquerions de perdre l’esprit de notre fondateur !

 

B) Condition de cette normalisation

 

Mais pour cette reconnaissance par le Pape, pour cette «  réintégration », pour cette «  normalisation » de notre situation, Mgr Lefebvre posait une condition sine qua non : « Nous reconnaître tels que nous sommes ». C’est le paragraphe 4 du texte « proposition » :

          « Si le Saint-Siège désire sincèrement que nous devenions officiellement des collaborateurs efficaces pour le renouveau de l’Eglise, sous son autorité, il est de toute nécessité que nous soyons reçus comme nous sommes, qu’on ne nous demande pas de modifier notre enseignement, ni nos moyens de sanctifications, qui sont ceux de l’Eglise de toujours ».

 

Vous remarquerez que Mgr Lefebvre ne pose pas, ici encore, de préalable…ni sur le Concile ou sa correction, ni sur une déclaration « urbi et orbi » en faveur de la messe tridentine. Restons pragmatiques et  ouverts aux suggestions proposées par Mgr Lefebvre. Ces suggestions sont écrites , et d’interprétation  facile. Une simple lecture y suffit. Défendons-les  simplement sans craindre d’être taxés par les « lefebvristes » d’infidélité à la pensée de Mgr Lefebvre…

 

 Mgr Lefebvre demandait : « qu’on  nous  prenne, qu’on nous reçoive tels que nous sommes ».

 

Notons encore que Mgr Lefebvre ne  parlait pas d’ « accord », de « réconciliation », mais bien de « réintégration » et de « normalisation ». Les mots ont leur importance.

 

C) le but de cette normalisation

 

Quel serait donc le but de cette «  normalisation », de « cette réintégration » ?

 

Mgr lefebvre nous le précisait dans le « projet » qu’il remettait au Cardinal Gagnon et qu’il intitulait :

     « Proposition de règlement apportant une solution au problème des Œuvres et des initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle dans L’Eglise »

 

Là, il donnait « sa solution » et sa finalité. Quelle est-elle ?

 

Je ferais tout d’abord remarquer que les œuvres pour lesquelles il  proposait à Rome une solution sont les « œuvres »  déterminées, spécifiées par une fin : la garde de « la liturgie traditionelle dans l’église ». Ce sont celles qui ont pour but de pérenniser la liturgie traditionnelle dans l’église. C’est leur but. Ne les détournons pas de cette fin. N’inventons pas, ne donnons pas à ces œuvres  d’autres fins. Il y a une grande cohérence dans la pensée de Mgr Lefebvre. Toute sa pensée tourne autour de la messe catholique. S’il fonde une œuvre sacerdotale, c’est pour la messe.S’il est en « opposition » avec la « Rome conciliaire », c’est pour la messe. Tout est finalisé dans la pensée de Mgr Lefebvre par la messe, le sacrifice de la Croix. Ce fut sa pensée exprimée clairement au sermon des ordinations de 1976 à Econe. Ce fut sa pensée exprimée clairement aussi  à la Porte de Versailles, en 1978, lors de son Jubilé sacerdotal. Son sermon, en ce jour, fut considéré, par tous, comme son testament. Il nous demanda de rester fidèles au Sacrifice de Notre Seigneur. Il ne nous confia pas d’abord et avant tout la lutte contre le Concile Vatican II. Mgr Lefebvre a une pensée positive. Tout en luttant contre le Libéralisme, il n’aimait pas tellement l’expression d’ « anti- libéral ».Il nous confia la garde de la messe de Saint PieV. C’est notre raison d’être. C’est notre mission. Et c’est  parce que nous restons fidèles à cette messe que nous luttons nécessairement contre tout ce qui détruit cette messe :l’oecuuménisme, la liberté religieuse, le Libéralisme, le laïcisme, le Rationalisme, la Franc-maçonnerie. Nous travaillons pour tout ce qui magnifie cette messe : le Régne social de Notre Seigneur Jesu-Christ etc

 

Ainsi, en prolongement, on peut dire que la finalité de la solution proposée par Mgr Lefebvre pour régler le problème de nos «œuvres », c’est encore et toujours la messe, le grand trésor de l’église. Pour qu’il soit plus surement gardé et qu’il puisse rayonner toujours davantage

 

N’oublions pas non plus la pensée sans cesse missionnaire de Mgr Lefebvre. Ce trésor qu’est la messe, ce n’est pas seulement un trésor pour nous, mais pour la multitude. Si donc il cherche une solution, s’il propose une solution, c’est  aussi dans cet esprit missionnaire. Pour que la messe « serve » au plus grand nombre de catholiques possibles. Cette solution envisagée réellement par Mgr Lefebvre n’est pas pour que nous perdions ce trésor, mais bien, au contraire, pour qu’il rayonne davantage de nos mains sacerdotales.

 

D) Le « concret » de la  solution

 

Le raisonnement de Mgr Lefebvre :

 

Il part du constat de l’attachement de beaucoup, de part le monde, à la messe dite de Saint Pie V. Rome ne peut le nier, et de fait ne le nie plus. Le Cardinal Ratzinger souhaite vraiment une solution. Il dit même ne pas comprendre l’opposition dont font montre, aujourd’hui encore, beaucoup d’épiscopats. Il l’a écrit dans un de ses derniers livres : « L’ésprit liturgique »

 

Monseigneur constate que Rome veut une solution. Il en veut pour preuve la lettre du Cardinal Ratzinger de 1987. Nous pourrions donner aujourd’hui bien d’autres preuvesen ce sens.

 

Cet attachement de beaucoup à la messe, de part le monde, à la messe tridentine est une exigence « nouvelle ». Rome aussi le constate et en prend acte. Plus que jamais. J’en veux pour preuve tous les récents livres du Cardinal Ratzinger,les interventions nombreuses du Cardinal Stikler, la dernière encyclique de Jean-Paul II sur l’Eucharistie, le règlement de la situation des pères de Campos, nos amis, la messe du 24 mai 2003 à Sainte Marie Majeure…..

 

L’Eglise catholique, toujours réaliste, prend toujours en compte « les nouvelles exigences » du peuple de Dieu. Hier comme aujourd’hui. Mgr Lefebvre en veut pour preuve les  déclarations du Concile Vatican II au numéro 10 de « Presbyterorum ordinis ». Je ne serais pas étonné que cette  déclaration du Concile Vatican II soit de fait une proposition de Mgr Lefebvre lui-même. Où, sinon mieux qu’en mission, peut-on trouver de nouvelles exigences ? Qui fut plus missionnaire que lui ?

 

C’est en effet la deuxième fois que Mgr Lefebvre cite  ce passage du Concile Vatican II. Il le citait déjà alors qu’il déposait dans les mains de Mgr  Charrière la demande d’érection du séminaire à Fribourg et sa demande de fondation de la Fraternité Saint Pie X. Voyez les documents en question. Je ne les ai pas ici sous les yeux. Je cite de mémoire. Mais je suis sur de ce que j’avance.

 

Voilà ce fameux texte qui semble donc bien important pour Mgr Lefebvre :

 

    « Là où les conditions de l’apostolat la réclameront, on facilitera non seulement la répartition des prêtres, mais encore les œuvres pastorales adaptées aux différents milieux sociaux à l’échelle d’une région, d’une nation ou de divers endroits dans le monde. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers(I), prélatures personnelles(2), et autres institutions auquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de toute l’Eglise(3), suivant des modalités à établir pour chaque cas et toujours dans le respect des droits des ordinaires locaux ».(n. 10)

 

(1)  Voyez le cas de la création de l’administration apostolique Saint Jean Marie Vianney, érigée en véritable diocèse particulier pour prendre en compte cette exigence nouvelle de toute une portion du peuple de Dieu désirant légitimement rester fidèle à la Messe saint Pie V

(2)  Voyez le cas de l’opus Dei, vraie prélature personnelle, pour prendre en compte, ce me semble, toute une spiritualité aimée de beaucoup.

(3)  Voyez le « Vicariat aux armées », véritable institution ad hoc du personnel militaire de tout un pays, avec juridiction cumulative avec les évêques du lieu

 

 

         Beaux  exemples de pragmatisme organisateur. En un mot, l’église est fort réaliste, elle s’adapte aux nouvelles réalités,  tout en gardant le sens de la hiérarchie.

 

Et c’est ainsi que :

-         constatant que l’église en son dernier Concile n’est pas opposée à ce que des œuvres soient favorisées, organisées, même à l’échelon d’une nation, voire même à l’échelon mondial, pour prendre en compte des « exigence nouvelles »,

 

-         constatant que « l’extension des demandes en faveur de la messe tridentine » est précisément une « circonstance nouvelle »,

 

Mgr Lefebvre fait sa proposition.

 

Cette proposition, j’y insiste, est fondée sur une recommandation conciliaire. Ne laissons pas dire que nous sommes , d’une manière absolue et générale, indistinctement, opposés au Concile Vatican II. C’est à l’esprit moderniste qui a soufflé sur le Concile que nous sommes surtout et radicalement opposé, non,  purement et simplement, au Concile. Nous acceptons le Concile comme l’acceptait à l’époque un Jean Madiran, un abbé Dulac, un Mgr Lefebvre, un père Berto, un père Calmel. Mgr lefebvre y a puisé, dès le début, un principe de son action épiscopale. C’est bien de ce texte cité qu’il faut comprendre l’existence, dans notre institut sacerdotal, de « séminaires internationaux ». C’est sur ce texte qu’il fonda la légitimité de sa demande à Mgr Charrière, de fonder la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, dans le diocèse de Fribourg.

 

Ceci étant dit et  admis par tous, et par Rome et par Mgr Lefebvre, il serait légitime, dès lors, de créer une « institution particulière » qui prendrait en compte cette « exigence nouvelle » :la réclamation soutenue en faveur de la messe tridentine, tout en respectant les droits des ordinaires locaux.

 

Cette institution proposée par Mgr Lefebvre au Saint Siège prendra, alors, en compte, bien évidemment, la réalité des « œuvres et des intiatives en faveur de la liturgie traditionnelle » et pour ce faire, pourrait  s’inspirer des règles édictées, le 21 avril  1986, au sujet de «  l’Ordinariat aux armées ».

 

 

a)     Prendre en compte la « réalité » de la Fraternité et des œuvres amis et leur extension.

 

Cette extension semble exiger, pour Mgr Lefebvre, la création d’un «  Secrétariat Romain ».

 

       « L’extensioin mondiale rapide de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et la multiplication d’œuvres similaires réclament une organisation qui ait son siège à Rome, à l’instar d’un Secrétariat ou d’une Commission… » (art » 7).

 

Rome s’est manifestement inspirée de cette proposition de Mgr Lefebvre dans son texte « Ecclesia Dei Adflicta » de juillet 1988. Elle créa, de fait, une commission appelée « Ecclesia Dei ».

 

La finalité de ce Secrétariat :

 

       « …..un Secrétariat ou une Commision pour le maintien et le développement de la liturgie latine selon les prescriptions de Jean XXIII ».

 

Ce secrétariat serait assez semblable à la Propagande vis à vis des territoires de mission ou à l’Orientale vis-à-vis des Rites Orientaux ( art 9)

 

Donc, ce que l’Orientale est aux Rites Orientaux, le Secrétariat  en question le serait vis-à-vis du Rite tridentin. Et que l’on ne dise pas que ce serait créer ainsi « une réserve d’Indiens ». Mgr Lefebvre ne pensait pas ainsi.

 

Il pourrait avoir la même composition et les mêmes pouvoirs que les congrégations nommées ci-dessus.

 

Même composition :  « A l’instar des autres secrétariats et commissions de ce genre, c’est-à-dire -  un Cardinal Préfet, nommé par le Pape avec agrément du Supérieur général de la Fraternité Saint PieX,

-  un archévêque ou  êvêque, secrétaire et président et quelques « minutanti », présentés par le Supérieur Général de la Fraternitié Saint Pie X ».( art. 8)

 

Même pouvoirs : « Ils seraient assez semblables à ceux qu’ont la Propagande vis-à-vis des territoires de Missiosn et l’Orientale vis-à-vis des Rites Orientaux ». (art 9)

 

Le but de ces pouvoirs : «  Ces pouvoirs auraient pour but de normaliser les œuvres et les initiatives en faveur de la tradition et de les aider à remplir leur rôle dans l’église, dans les circonstances présentes, spécialement pour la FSSP X :

-veiller à leur continuité par l’octroi de l’épiscopat à plusieurs membres,

-veiller à leur développement harmonieux et dans la paix vis-à-vis des Evêques diocésains et de la part de ceux-ci

-veiller à amener les Ordinaires des lieux à comprendre le bien de la collaboration, par exemple, pour les séminaires. » (art. 10)

 

C’est ce qu’a très souvent exprimé le Cardinal  Ratzinger dans ses récents ouvrages et, en particulier, dans sa conférence donnée à Rome aux communautés dites « Ecclesia Dei » lors de leur pèlerinage romain d’action de grace.

 

L’extension ou les œuvres  dépendant de ce Secrétariat : cf art. 11.

 

      

 

b)    situation canonique des œuvres et des initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle dans l’Eglise.

 

Mais  avant même cette réglementation canonique, il faut comme préalable à tout :

 

-  lever les suspenses et interdits. 

-  reconnaître à nouveau les statuts de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. ( art 12)

 

Il est clair que Rome a laissé entendre que cela allait de soi.

 

Mgr Rifan, alors encore simple prêtre, attirait notre attention sur l’attitude de Rome vis-à-vis des orthodoxes : la levée des sanctions pour faciliter les contacts et la confiance. Ce qui fut fait pour les Orthodoxes, le pourrait, à plus forte raison, pour la Fraternité !

 

Devrait être également réglé le problème de la succession épiscopale de Mgr Lefebvre, ce qui entrainerait une légère modification des statuts de l’Insitut. (art 12-3)

 

L’exemple de Campos laisse entendre que Rome n’y verrait pas une difficulté majeure puisque Rome accepta de pourvoir à la succession de Mgr Rangel.  Elle le dit, l’écrivit dans la lettre du Pape à Mgr Rangel et le réalisa, de fait, avec le sacre de Mgr Rifan, en août 2002.

 

Les circonstances  historiques ont fait que Mgr Lefebvre se donna quatre  auxiliaires. Tout laisse entendre que Rome les reconnaîtrait, comme elle a reconnu l’épiscopat de Mgr Rangel, le confirmant dans son état épiscopal, voulant même qu’il participe, comme co-concécrateur, au sacre de Mgr Rifan. Manière discrète, romaine, de réhabiliter, dans un premier temps, la mémoire de deux évêques courageux : Mgr de Castro-Meyer, Mgr Lefebvre.

 

c)  organisation canonique

 

Enfin, quant à l’organisation canonique proprement dite, Mgr Lefebvre suggèrait que l’on s’inspire de la réglementation canonique prévue pour l’Ordinariat aux armées, dont les statuts ont du être révisés en avril 1986 (art 12, 4) : « Canoniquement il semble que l’on puisse se référer à ce qui a été décidé l’an dernier, le 21 avril 1986,au sujet de l’Ordinariat aux armées ».

 

La Fraternité pourrait alors être considérée « comme le support de l’Ordinariat » (art 14,1)  (Support = objet placé sous un autre pour le soutenir ou le consolider).  Ainsi entendu, la Fraternité serait considérée comme l’élément essentiel de « l’ordinariat  des  traditionalistes », de la même manière qu’il y a un ordinariat aux armées. Et de fait, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X peut bien être considérée comme une petite armée. C’est ce que dit Mgr Lefrebvre  à l’article 19 : « Les normes de la Constitution apostolique « Spirituali militum curae » (c’est le nom des statuts qui organisent l’Ordinariat aux armées) ….peuvent bien être appliquées à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X chargées des soins spirituels d’une petite armée de ceux qui maintiennent la Tradition liturgique »

 

Ainsi, comme il est  prévu, dans cet Ordinariat, une juridiction  « cumulative » entre l’ordinaire du lieu et l’autorité de l’Ordinariat, ainsi en serait-il avec l’ordinariat des traditionalistes. Mgr Lefebre y semble très favorable. Il écrit : « l’application de la juridiction cumulative semble très réaliste et résout beaucoup de problèmes. » C’est aussi ce qui fut prévu pour les pères de Campos. C’est dire que Rome est aussi favorable à cette solution.  N’oubliez pas que Rome est très attentive à tout ce que nous écrivons et faisons. A plus forte raison, à ce qu’écrivait et faisait Mgr Lefebvre. La preuve ! Il semble bien que , dans cette affaire canonique, Rome suive volontiers les suggestions de Mgr Lefebvre. Raison supplémentaire pour que nous ne les oublions pas et que nous nous présentions au Vatican avec ces propositions en mains.

 

Ainsi, comme les sujets sont incardinés dans  cet Ordinariat., il en pourrait être de même pour les prêtres, frères …dans la Fraternité. Ils pourraient être incardinés, de la même manière, dans la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.

 

Ainsi le problème de la juridiction  pour les confessions et les mariages serait-il réglé. Les prêtres de la Fraternité recevraient la juridiction de Rome par le supérieur Général (art .21)

 

Toutefois, les sacrements, tous les sacrements seraient donnés, les prescriptions  du Droit étant respectées, selon le rituel de 1962( art 22). Mais cela aussi a été proposé par Rome aux pères de Campos. Et même avec quelle résolution, du côté du Cardinal Castrillon-Hoyos, puisque cela n’ayant pas été spécifié dans le premier texte rédigé par la Congrégation des évêques, le Cardinal ne voulut pas que le texte soit publié avant la correction expressément faite…Il n’y avait la aucun piège, comme certains voulurent le croire, mais simple rigueur.

 

Cette solution canonique, ainsi envisagée et proposée, ne devrait pas soulever de « difficultés majeures », ni du côté de Rome ni du côté de la Fraternité, ni même du coté des fidèles. C’est l’article de conclusion du texte de Mgr Lefebvre : « ll ne semble pas qu’il doive y avoir de difficultés majeures du point de vue canonique,(il faudrait ajouter, me semble-t-il,  « ni du côté de Rome ni du côté de la Fraternité ») ni de la part des fidèles de la Tradition, si les indications ci-dessus sont exactement observées » ( art23), la principale étant que Rome nous prenne tels que nous sommes et ne cherche pas à nous faire dévier de notre désir ferme de rester fidèles à la Tradition et à la liturgie traditionnelle.  C’est la grande crainte de Mgr Fellay, comme elle fut celle de Mgr Lefebvre. A nous d’être forts…La situation de l’église devrait nous le permettre, bien plus facilement qu’en 1988…

 

Les  points canoniques ici suggérés par Mgr Lefebvbre, seraient, certainement,  acceptés par Rome puisqu’elle s’en inspira, pour beaucoup, dans le règlement du problème de Campos.

Conclusion : C’est sur ce texte « proposition… », écrit par Mgr Lefebvre lui-même qu’il faudrait entrer en contact avec Rome pour cette « normalisation » de nos rapports avec Rome, normalisation souhaitée par beaucoup, par moi certainement. Et cela, sans retard. Avant qu’il ne soit trop tard.

 

 

Abbé Paul Aulagnier.