LLLLes Nouvelles

 de

Chrétienté

 

N° 155

 

 

 

Politique et Religion

 

Sur le site d’Hugues Keraly, « Sedcontra » de novembre 2008, on lit ces intéressantes remarques et sur l’Islam (A)et sur les chrétiens en Irac (B).

 

 

A- Encore au sujet de l’Islam.

 

L'idée qui fausse tout…

 

L’idée que la religion d’un homme puisse relever de sa conscience individuelle (1) est une notion que les croyants de l’islam n’ont jamais partagée. Je ne prétends pas avoir raison seul ni encore moins contre tous en établissant donc ici une distinction essentielle au débat : l’Islam majusculaire qui désigne une civilisation historique et englobe une diaspora contemporaine ne saurait être confondu sans risques avec l’islam minusculaire qui approche (sans s’y confondre) de ce que nous désignons en Occident sous le concept de “religion”… Je soutiens seulement, avec plusieurs autres historiens, philosophes et théologiens laïcs, que rien de ce qui se passe aujourd’hui dans cette famille humaine ne peut être approché hors de cette distinction.

 

Tenez, un simple exemple, tout-à-fait récent : Ayaan Hirsi Ali, l’ancienne députée des Pays-Bas d’origine somalienne, est toujours condamnée à mort par les “fondamentalistes” musulmans, au titre de sa lutte : la liberté de penser. Son assassinat est annoncé par la nébuleuse d’Al-Quaeda depuis le 2 novembre 2004 : sur la poitrine du cadavre ensanglanté du cinéaste Theo Van Gogh, avec qui elle avait réalisé un documentaire contre l’excision, un Justicier d’Allah avait planté cette sentence au couteau...

 

Lorsqu’elle est venue donner une conférence à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, en février dernier, Bernard-Henri Lévy est intervenu avec sa générosité habituelle pour sommer le Président Sarkozy d’accorder l’asile politique et la nationalité française à cette militante héroïque, en révolte contre les violences physiques et morales imposées aux femmes dans la société musulmane dont elle est issue… Il a eu autant de succès que Jean Daniel ou votre serviteur, en 1975, lorsque nous réclamions à grands cris du Président Giscard qu’il veuille bien donner suite sans délai au vœu le plus cher d’Alexandre Soljénitsyne, banni d’URSS par les autorités du Kremlin : obtenir l’asile politique à Paris, dans le pays des “droits de l’homme” où il voulait poursuivre son œuvre et achever sa vie. La réponse de l’Elysée est tombée sans appel, énergique, courageuse, immédiate : c’était non ! L’Union Soviétique passait alors pour un État “comme un autre”, indépendant, souverain, respectueux de la liberté de conscience, la France n’aurait su lui faire l’affront de penser autrement…

 

Dans son intervention publique à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, Bernard-Henri Lévy ajoutait, après tant d’autres, qu’il ne saurait confondre la foi proprement religieuse de l’islam avec la folie politique des meurtiers fondamentalistes : “L’huître totalitaire (?) est en train de produire ses derniers effets”, déclarait-il curieusement à cette occasion. Comme on voudrait pouvoir souscrire à cette arrangeante prophétie !

 

 

 

Une distinction dénuée de sens pour l’islam

 

 

Tout philosophe qu’il soit, BHL oublie simplement ici que seule une vision judéo-chrétienne des choses (la nôtre) peut faire la part entre le politique et le religieux. L’idée que la religion d’un homme relève de sa conscience individuelle – même si elle ne si limite pas – est une idée chrétienne, active en Europe depuis Philippe Le Bel, mais qu’aucun autre courant religieux n’a jamais partagée. La doctrine de la distinction entre l’Eglise et l’Etat s’est beaucoup affinée au cours des siècles, sous l’action temporelle des princes et des constitutions, sans jamais se contredire. Elle trouve son fondement dans la réponse de Jésus au plus subtil des pièges tendus par les Pharisiens : “Rendez à César ce qu’est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.” (Mt 22, 21).

 

Or, cette distinction n’a aucun sens pour l’islam (minusculaire), quand bien même toutes les Républiques islamiques du monde proclameraient ensemble en un acte solennel sa distinction entre politique et le religieux. Un vrai Fidèle de Mahomet ne se posera jamais de questions sur le bien-fondé des règles sociales de la Charia et des principes politiques du Coran : confusion des intérêts de l’Islam avec ceux de l’Etat, justification de l’esclavage ou de la mise à mort pour les Infidèles, négation de la liberté et de l’égalité des hommes devant Dieu… A prendre ou à laisser, qu’on le veuille ou non !

 

“Pendant des siècles, explique René Marchand, jusqu’à la rencontre brutale avec l’Occident, il y a deux cents ans, l’Islam tout entier a été un totalitarisme. L’islam comme système, tel qu’on le voit fonctionner au long des siècles tant qu’il est maître de son destin, ne distingue pas le politique et le religieux, mais il ne distingue pas plus le profane et le sacré. Il ne reconnaît pas la moindre sphère privée aux individus. Il interdit la conversion à une autre confession sous peine de mort. En outre, aucune civilisation n’est allée aussi loin dans le contrôle sur l’individu… L’islam fait de la guerre contre les non-Musulmans un devoir de piété. Le Coran lui-même est un chant de guerre : il tombe, à l’évidence, sous le coup des lois actuelles réprimant l’incitation à la haine pour raisons ethniques ou religieuses. (Les appels au pardon ou à la “tolérance”, qui existent aussi dans le Coran, ne concernent que les Musulmans entre eux, jamais les non-Musulmans.) Dans toute l’histoire de l’islam, les non-Musulmans sont à anéantir ou à réduire à un état juridique de sous-homme – un statut défini uniquement par les Musulmans… Tous les musulmans sont et ne peuvent qu’être fondamentalistes. Qualifier seulement ceux que nous nommons islamistes de fondamentalistes est une erreur. Un musulman ne peut qu’être fondamentaliste. S’il cessait d’être fondamentaliste, il cesserait d’être musulman.” (René Marchand, entretien pour la parution de son dernier ouvrage : Mahomet. Contre-enquête, Editions de l’echiquier).

 

 

 

Merci de nous répondre avec des arguments !

 

 

Faire abstraction cette constante historique, au motif que beaucoup de musulmans intégrés dans nos villes ont suivi le même chemin de sécularisation progressive et d’affadissement ou de rejet des dogmes que leurs frères et sœurs de confession chrétienne, ne répond en rien à la question posée…

 

Nous nous trompons peut-être contre Bernard Henri Lévy et Nicolas Sarkozy sur tout ou partie de cette analyse revendiquée comme incontournable par Khomeni, Katami, Qaradawi, Boubakeur, Rushdie, Ramadan, Hirsi Ali, René Marchand et Hugues Kéraly. Mais le sort du monde occidental, et spécialement celui du bassin méditerranéen, est en jeu. Il va falloir quand même nous nous répondre avec des arguments !

 

 

 

©Hugues Kéraly/Sedcontra, novembre 2008

 

 

 

(1) Sur la relégation libérale de la religion dans la “sphère privée”

 

 

L’idée que la religion relève de la “sphère privée” des seules consciences individuelles fait partie de la dogmatique du relativisme et de l’agnosticisme “libéral”, qui permet d’aplanir et cherche à neutraliser toutes les croyances dans le même panier, en les déchargeant aussi de toute responsabilité civique et politique dans l’action pour le bien commun de la Cité. Nous ne la partageons aucunement.

 

Le texte publié ci-dessus n’avait pour but que de dénoncer l’erreur de perspective qui nous fait considérer l’islam comme une “religion” où le spirituel et le politique appartiendraient comme dans le christianisme à deux ordres distincts. L’islam est une théocratie totalitaire qui ne laisse aucune place à la liberté dans la relation du croyant (le “soumis”) avec Dieu. Seul le christianisme établit une relation entre la personne humaine et la personne divine, et dit sa foi à la première personne du singulier : Credo, “je” crois.

 

L’idée si fortement chrétienne que l’homme puisse partager une liberté quelconque avec son créateur dans le destin du monde, qu’il doive mobiliser sur terre son intelligence et sa liberté pour servir son prochain et faire retour après cette vie à la Divinité, cette conviction mystique n’a aucun sens aux yeux des croyants de l’Islam, toutes obédiences confondues. Elle constitue même pour eux une impiété considérable, comme insulte à la transcendance et à l’omnipotence d’Allah.

 

Cela dit, le christianisme, qui distingue fortement les responsabilités du pouvoir temporel de celles du pouvoir spirituel, ne sépare aucunement l’un et l’autre au regard des obligations issues du droit naturel, accessibles aux lumières de la raison et seules capables de mobiliser les libertés individuelles en direction du bien commun. Nous y reviendrons dans un prochain dossier de sedcontra.fr.

 

H.K.

 

 

B- Les chrétiens,

nouveaux martyrs d'Orient

 

 

En Irak, la vie quotidienne des chrétiens est devenue si intenable depuis la chute du régime de Saddam Hussein, en 2003, que leur nombre a diminué de moitié, passant en cinq ans de 800 000 à 400 000 âmes. Mossoul, la deuxième ville du pays (deux millions d’habitants) est l’épicentre des persécutions. C’est là que les baptisés souffrent le plus. Une dizaine d’entre eux ont été assassinés en septembre, pendant le mois du ramadan. Douze autres ont subi le même sort depuis le début d’octobre.

 

Les tueurs n’hésitent pas à agir à visage découvert et en plein jour. En même temps, des voitures munies de hautparleurs sillonnent la ville pour enjoindre les chrétiens de “quitter la terre de l’Islam“.Des “ordres” semblables leur sont adressés par courrier accompagné de cartouches.La panique a été telle que quelque 2 000 familles chrétiennes,sur les 4 500 résidant à Mossoul, se sont enfuies vers les localités chrétiennes de la plaine de Ninive,dans l’arrière-pays.

 

« Les derniers événements de Mossoul nous ont vraiment ébranlés », confie Mgr Georges Casmoussa, l’archevêque syrien-catholique de ce diocèse, invité à Paris par l’AED. Les chrétiens de sa ville ont déjà été durement éprouvés.Il y a trois ans, Mgr Casmoussa fut capturé et libéré contre le paiement d’une rançon. En mars dernier,son homologue chaldéen, Mgr Paul Rahho, a été retrouvé mort deux semaines après son enlèvement.

 

À ces deux dignitaires ecclésiastiques s’ajoutent bien d’autres victimes anonymes, sans oublier les pressions qui s’exercent sur les chrétiens pour qu’ils adoptent des moeurs islamiques (port obligatoire du voile pour les femmes, interdiction de la vente d’alcool, etc.). Dans le monde entier, le cycle des persécutions commence toujours de la même façon : une sourde pression sociale, des petites vexations administratives, suivies de menaces verbales, puis d’agressions physiques jusqu’aux attentats meurtriers. Le “nettoyage religieux” qui s’opère à Mossoul est drama dramatique pour les chrétiens d’Irak, parce que cette ville du Nord est un symbole fort. Voisine du site de l’antique Ninive biblique, Mossoul est, avec toute sa région, l’un des principaux points d’ancrage du christianisme mésopotamien. Selon la Tradition, l’apôtre saint Thomas y a instauré les prémisses de l’Église avant de partir pour l’Inde.

 

Siège de quatre évêchés (deux catholiques et deux orthodoxes), la cité compte aussi en son sein vingt-six églises, dix couvents et plusieurs centres de catéchèse, ainsi que des écoles tenues par des religieuses. Il y a encore peu de temps, on faisait ici des projets d’avenir. À l’automne 2000, dans le cadre du grand jubilé de la naissance du Christ, les catholiques de Mossoul commémoraient l’arrivée des premiers dominicains venus d’Europe, deux cent cinquante ans auparavant.

 

Dans son couvent Notre-Dame-de-l’Heure, magnifiquement restauré, le prieur, Nagib Mikhaël, un Irakien, annonçait alors l’ouverture d’un noviciat sur place.De nombreux amis musulmans et yézidis participèrent aux journées festives organisées pour l’occasion. Je fus témoin de l’hommage qu’ils adressaient tous aux fils de saint Dominique et à l’Église en général pour les progrès apportés à la population locale. Aujourd’hui, il ne reste qu’un gardien dans le bâtiment déserté par les religieux, contraints de se replier dans les villages des alentours.

 

Mgr Casmoussa ne regrette pas le régime de Saddam Hussein. « Mais, observe-t-il, la malheureuse arrivée des Américains a entraîné une détérioration générale de l’État et de la société : on a prétendu nous apporter la démocratie, nous avons le désordre. » L’archevêque fonde malgré tout son espérance sur les gestes d’humanité de certains musulmans envers leurs voisins assiégés, même si tout semble indiquer l’existence d’un « plan pour vider l’Irak et tout le Proche-Orient de ses chrétiens ». Les autorités irakiennes, malgré leurs promesses, ne s’opposent que mollement à cette entreprise. Il a fallu dix jours avant que des renforts militaires arrivent à Mossoul, explique Mgr Casmoussa, qui dénonce « l’irresponsabilité » de l’État face au fondamentalisme islamique. (…)

 

(Source : Annie Laurent, Valeurs actuelles, 6/11/2008)