« Les Nouvelles de Chrétienté »

 

Le vendredi 15 avril 2005

 

Sommaire :

 

Présentation : Jean-Paul II : « Vingt-sept ans de  Pontificat au cœur de l’histoire »

 

 

A-  : Rapide aperçu quantitatif du Pontificat de Jean-Paul II.

 

B-   :Des témoignages divers et variés

 

 

 

1-Message des Autorités de la République de Pologne pour le décès de Jean-Paul II :

2- Le cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat de Jean-Paul II.

3- le cardinal Poupard

4-Le cardinal Ratzinger

5- Mgr Fellay et Jean-Paul II

6- Jean Madiran et Jean-Paul II : « C’est un puissant génie religieux ».

7- Yves Chiron.  Jean-Paul II, « pape antimoderne », « anti libéral »

8- Mr l’abbé Barthe et l’œcuménisme de Jean-Paul II et de Vatican II

9- Camille-Marie Galic, éditorialiste de Rivarol  « Le pape des paradoxes ».

10-Le « Courrier de  Rome » et la théologie du pape Jean-Paul II

11- Abbé Paul Aulagnier et le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta » 

12- Me Georges-Paul Wagner juge  le pontificat de Jean-Paul II

13- Alain de Penanster  de « Valeurs Actuelles » et Jean-Paul II : « le dernier géant »

14- Abbé Claude Barthe. La monarchie pontificale à l’épreuve »

 

 

Jean-Paul II

Vingt-sept ans de  Pontificat

au cœur de l’histoire

 

Les obsèques du Pape Jean-Paul II, célébrées sur la place saint Pierre, le vendredi 8 avril 2005, furent grandioses. Une journée, pour beaucoup de fidèles, inoubliable.  L’affluence des fidèles, non seulement à Rome, mais dans de très nombreuses capitales de part le monde  et tout particulièrement à Cracovie, en Pologne, fut étonnante, surprenante. Ce pape a su toucher le peuple, la jeunesse.  Le peuple fut présent, ému, recueilli, vibrant, souffrant. Les visages ne cachaient pas  la peine. De très nombreux chefs d’Etat étaient aussi présents… au pied de la Basilique saint Pierre, au pied du tombeau de saint Pierre, auprès de son successeur. Les cardinaux, de nombreux évêques, de nombreux prélats étaient là aussi … C’était un peu de la chrétienté  que l’on pouvait voir,  un peu de la Royauté sociale de Notre Seigneur… quelques instants du moins. Je  n’ai pu rester insensible à la belle ordonnance de la cérémonie, en latin,  même si on aurait aimé entendre dans sa totalité la belle liturgie romaine dite de saint Pie V, les beaux chants grégoriens, le chant de « l’offertoire », le chant du « In paradisum », le « Dies Irae » aux accents si plein d’espérance…Je ne comprends pas ce qu’ils ont contre ce chant… Le cardinal Ratzinger, au beau visage, si noble et si calme, était  solennel… L’émotion a gagné les cœurs. Tout fut digne, bien ordonné .. .L’accueil des hommes d’Etat était aimable, simple, affectueux  même…Tout était beau…On était heureux d’être catholique. Oui une journée inoubliable. Oui une journée de paix.

 

Beaucoup se sont exprimés sur ce Pontificat. Beaucoup ont déjà écrit. Des hommes d’Etat, des penseurs, des hommes d’action, des journalistes, des philosophes, des professeurs d’histoire…des avocats….Je voudrais en recueillir certains  témoignages, et comme une sorte de florilège, les présenter à votre réflexion. .

 

Mais auparavant  donnons un rapide aperçu quantitatif du Pontificat de Jean-Paul II.

 

A-    Rapide aperçu quantitatif du Pontificat

de Jean-Paul II

 

Jean-Paul II a été élu le 16 octobre 1978 et a inauguré solennellement sa mission le 22 octobre ; son Pontificat a été le plus long du siècle, depuis ceux de Léon XIII ( 25 ans et 5 mois, de 1878 à 1903) et de Pie IX (31 ans et sept mois, de 1846 à 1878).

 

Il a effectué 104 voyages apostoliques, visitant 129 pays différents, parcourant ainsi plus de 1.303.000 kilomètres et prononçant plus de 3.300 discours. La presque totalité  du quasi milliard de catholiques de la terre  l’ont reçu.

 

Il a effectué 143 visites pastorales en Italie ( au 7 octobre 2003) et 740 visites à Rome et à Castel Gandolfo, dont 301 visites à des paroisses  romaines.

 

Il a écrit 14 Encycliques, 14 Exhortations apostoliques, 11 Constitutions apostoliques, 45 Lettres apostoliques et 28 Motu Proprio. Les Encycliques  de Jean-Paul II peuvent se diviser en différents groupes thématiques : le « triptyque trinitaire » (12979-1986), qui contient  tout le programme des Encycliques suivantes : Redemptor hominis, Dives in Misericordia et Dominum et vivificantem ; le » triptyque social » (1981-1991) : Laborem exercens. Sollicitudo rei socialis et Centesimus annus. Ensuite, cinq Encycliques traitent de thèmes « ecclésiologies » : Salvorum apostoli, Redemptoris missio, Ut unum sint, Redemtoris Mater et Ecclesia de Eucharistia. Enfin trois textes doctrinaux peuvent être classés dans le domaine « anthropologique » : Veritais splendor, Evangelium vitae, et Fides et Ratio.

 

La pape Jean-Paul II a présidé 147 cérémonies de béatification, au cours desquelles il a proclamé 1338 bienheureux (dont 198 Français) et 51 cérémonies de canonisation, au cours desquelles il a proclamé 482 saints (dont 30 français)

 

Il a tenu 9 consistoires pour la création de 231 cardinaux. Il a également convoqué 6 réunions plénières du Collège des Cardinaux. Il a réuni 15 Synodes des Evêques : 6 Assemblées générales ordinaires (sur la famille en 1980, la réconciliation en 1983, les laïcs en 1987, la formation des prêtres en 1990, la vie consacrée en 1994 et, en 2001, sur le ministère épiscopal, une Assemblée générale extraordinaire (sur le Concile Vatican II en 1985), 7 Assemblées spéciales (sur l’Europe en 1991 et en 1999, l’Afrique en 1994, le Liban en 1995, l’Amérique en 1997, l’Asie et l’Océanie en 1998) et un Synode particulier (pour les Pays-Bas en 1980). Il a consacré environ dix mille audiences aux évêques  venus en visite « ad limina ». Il a présidé 1.145 Audiences générales hebdomadaires sur divers thèmes, en présence  d’environ 20.000.000 pèlerins, provenant du monde entier(octobre 2003).

 

Il a participé à plus de 1500 entretiens avec des personnalités politiques, comprenant les visites officielles de chefs d’Etat et de gouvernement.

 

B- Des témoignages divers et variés

 

 

 

1-Message des Autorités de la République de Pologne pour le décès de Jean-Paul II :

 

« Il était fier de la Pologne et la Pologne était fière de Lui »

 

 

« Nous avons appris avec un profond regret et une grande tristesse la nouvelle de la mort du pape Jean-Paul II

Grand Personnage, Grand Polonais et depuis plus de vingt six ans chef de l’Eglise catholique.

Il fut l’une des figures les plus éminentes de notre époque . Ses paroles et ses actions ont eu une immense  influence sur la réalité de la République de Pologne, de l’Europe et du monde entier. En tant que défenseur inlassable de la paix, du dialogue et de la réconciliation, Il a contribué à l’abolition de nombreuses barrières qui divisaient les peules et les religions. Le contenu de son Magistère a atteint toutes les personnes, réconforté les cœurs et ému les consciences. Pour des millions de personnes, le pape représentait une véritable Autorité et un authentique guide spirituel.
Le peuple polonais a subi une perte irréparable. Une personne qui était un symbole de la grande transformation de notre planète s’est éteinte. Une personne qui a toujours apporté force et espérance  à ses concitoyens, les a soutenus dans leur chemin vers la liberté, les a   aidés à faire les justes choix.

Il était fier de la Pologne et la Pologne était fière de Lui.

Aujourd’hui, nous disons adieu au Pape, mais nous ne perdons pas confiance. La grande œuvre de ce Pape restera vivante dans son cœurs et dans notre esprit, elle demeurera un guide important pour notre Patrie.

 

Aleksander Kwasniewski (Président de la république de Pologne.

Wlodzimierz Cimoszewicz président de la chambre des députés

Longin Pastusiak  Président du sénat

Marek Belka Président du Conseil des Minsitres de la RP)

 

 

2- Le cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat

de Jean-Paul II.

 

Le cardinal Sodano fut le premier cardinal a conféré le titre de « grand » au pape Jean-Paul II. Ce fut au cours de son homélie sur la place saint Pierre, le dimanche de la miséricorde, fête instituée par Jean-Paul II. Il  s’exclama : « Jean-Paul II, ou plutôt Jean-Paul le Grand ». Il affirma également que Jean-Paul II «   devint ainsi le héraut de la civilisation de l’amour, voyant dans ce terme l’une des définitions les  plus belles de la « civilisation chrétienne ».

 

Voici quelques unes des paroles du cardinal Sodano, cliquez ici :

 

« Il est vrai, notre âme est ébranlée par un événement douloureux ; notre Père et Pasteur, Jean-Paul II nous a quittés. Toutefois, pendant vingt-six  années, il nous a toujours invités à nous tourner vers le Christ, unique raison de notre espérance. Pendant vingt-six années, Il a apporté sur toutes les places du monde l’Evangile de l’espérance chrétienne

Il serait émouvant de relire l’une des plus belles Encyclique, « Dives in misericordia », qui nous a été offerte en 1980, en la troisième année de son Pontificat. Le pape nous invitait alors à regarder le Père « des miséricordes et le Dieu de toute consolation dans toute notre tribulations » (cf 2 Cor 1 3-4)

Dans la même Encyclique, Jean-paul II nous invitait ensuite à nous tourner vers Marie, Mère de la Miséricorde, Celle qui, au cours de sa visite à Elizabeth, louait le Seigneur  en s’exclamant que « sa miséricorde s’étend d’âge en âge » (cf 1 50)

Et ce  fut notre Pape bien-aimé lui-même qui appelé, ensuite, les Eglises d’aujourd’hui à être la maison de la miséricorde, pour accueillir tous ceux qui ont besoin d’aide, de pardon  et d’amour.

Combien de fois le Pape a-t-il répété au cours de ces 26 années que les rapports mutuels entre les hommes  et entre les peuples ne peuvent pas se fonder uniquement sur la justice, mais qu’ils doivent être perfectionnés par l’amour miséricordieux, qui est caractéristique du message chrétien.

Jean-Paul II, ou plutôt Jean-Paul le Grand, devint ainsi le héraut de la civilisation de l’amour, voyant dans ce terme l’une des définitions les  plus belles de la « civilisation chrétienne ». Oui la civilisation chrétienne est la civilisation de l’amour, à la différence radicale de ces civilisations de la haine  qui furent proposées par le nazisme et par le communisme. …Que son message demeure pour toujours gravé dans le cœur des hommes d’aujourd’hui. A tous, Jean-Paul II répète encore une fois les paroles du Christ : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par Lui » (Jn 3 17). Jean-Paul II a diffusé dans le monde cet Evangile du salut, en invitant toute l’Eglise à se pencher sur l’homme d’aujourd’hui pour l’embrasser et le réconforter avec un amour rédempteur. Que notre tâche soit de recueillir le message de celui qui nous a quittés et de le faire fructifier pour le salut du monde ». (Paroles prononcées par le cardinal  lors de la messe du dimanche 3 avril, à 10h30, célébrée sur la place saint Pierre en ce dimanche de la miséricorde.

 

3- le cardinal Poupard

 

Le cardinal Poupart, président, depuis 1980, du Conseil pontifical de la culture a donné son sentiment sur Jean-Paul II dans le journal  « L’Homme Nouveau », le 10 avril. Il résume sa pensée en ces mots :  « Jean-Paul II était pour l’Eglise et pour le monde un modèle bouleversant inégalable d’intelligence et de courage. Homme de foi, d’espérance et d’amour. Homme tout donné au Christ par la vierge Marie. « Totus tuus ».

 

Pour lire son texte, cliquez ici

 

 « Si je devais, d’un mot, traduire mon sentiment personnel pour Jean-paul II…je lui donnerais sans hésiter le qualificatif de « Jean-Paul le Grand ».

Grand, Jean-Paul II l’était par la sainteté d’une vie où la prière est la respiration intérieure d’une existence toute donnée à l’Eglise  et au monde.

Grand, Jean-Paul II l’était par ses  intuitions prophétiques, la solidité de sa théologie nourrie par une culture impressionnante et éclairée par une recherche philosophique approfondie sur l’homme, le courage de ses positions pour la défense de l’intégrité de la Foi avec le souci constant d’éclairer les consciences.

Grand, Jean-Paul II l’était par son dévouement sans limite, son attention délicate pour les plus petits comme les plus grands, son amour privilégié des enfants et des jeunes, qui le lui rendent si bien : je pense au Parc des Princes en 1990, et aux extraordinaires Journées Mondiales  de la Jeunesse dont il a eu en 1984 l’heureuse et féconde initiative.

Grand, Jean-Paul II l’était devant l’ensemble des chefs d’Etat du monde entier, qui, des plus grandes puissances comme des plus petites nations dont ils ont la charge, ressentaient

la nécessité de venir en la Cité du Vatican pour y accomplir d’importantes visites d’Etat

Grand, Jean-Paul II l’était devant les chefs  des grandes religions qu’il a à plusieurs reprises  réunis dans la ville symbolique d’Assise, pour unir les hommes et les femmes de toutes cultures du monde entier dans la prière pour la paix du monde.

Grand, plus que tous, en ce monde si inquiet et tourmenté à l’aube du troisième millénaire, Jean-Paul II était pour l’Eglise et pour le monde un modèle bouleversant inégalable d’intelligence et de courage. Homme de foi, d’espérance et d’amour. Homme tout donné au Christ par la vierge Marie. « Totus tuus ». (HN Le 10 avril 2005 p. 20)

 

 

4-Le cardinal Ratzinger

 

Dans son homélie, du 8 avril 2005, jour des obsèques du Pape Jean-Paul II,  le cardinal Joseph Ratzinger, Doyen du Collège des cardinaux, a surtout insisté sur  le don que Jean-Paul II a fait de lui-même, de sa personne  en acceptant et en accomplissant sa charge pétrinienne, de sa souffrance en la vivant en union à la Passion du Christ.  .

 

 

Il a dit :   

 

« Le Saint-Père a été … prêtre jusqu’au bout, parce qu’il a offert sa vie à Dieu pour ses brebis, et pour la famille humaine tout entière, dans une donation de soi quotidienne au service de l’Église et surtout dans les épreuves difficiles de ces derniers mois »

 

« Notre Pape - nous le savons tous - n’a jamais voulu sauvegarder sa propre vie, la garder pour lui ; il a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi. »

 

Il a aussi insisté sur la fraîcheur et l’élan de sa foi ;

 

« Il nous a réveillés, a-t-il dit, d’une foi fatiguée, du sommeil des disciples d’hier et d’aujourd’hui ».

 

A tel point qu’ :« il a donné une nouvelle fraîcheur, une nouvelle actualité, un nouvel attrait à l’annonce de l’Évangile, même lorsque ce dernier est signe de contradiction.

 

Et il puisait tout cet élan dans son amour du Christ :« L’amour du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint-Père » ou encore « Il a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde »

 

« Ainsi grâce à son profond enracinement dans le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces purement humaines : être le pasteur du troupeau du Christ, de son Église universelle.

«  Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles : « C’est un autre qui te mettra ta ceinture ... ». Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1).

 

 

« le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond. »

 

(Homélie du Cardinal Ratzinger, le jour des obsèques de Jean-Paul II, cliquez ici )

 

 

 

« Suis-moi », dit le Seigneur ressuscité à Pierre ; telle est sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. « Suis-moi. » Cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé pape Jean-Paul II, dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité - avec le cœur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude.

Tels sont les sentiments qui nous animent, Frères et Sœurs dans le Christ, présents sur la place Saint-Pierre, dans les rues adjacentes et en divers autres lieux de la ville de Rome, peuplée en ces jours d’une immense foule silencieuse et priante. Je vous salue tous cordialement. Au nom du Collège des cardinaux, je désire aussi adresser mes salutations respectueuses aux chefs d’État, aux chefs de gouvernement et aux délégations des différents pays. Je salue les autorités et les représentants des Églises et des communautés chrétiennes, ainsi que des diverses religions. Je salue ensuite les archevêques, les évêques, les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles, venus de tous les continents; et de façon particulière les jeunes, que Jean-Paul II aimait définir comme l’avenir et l’espérance de l’Église. Mon salut rejoint également tous ceux qui, dans chaque partie du monde, nous sont unis par la radio et la télévision, dans cette participation unanime au rite solennel d’adieu à notre Pape bien-aimé.

Suis-moi - depuis qu’il était jeune étudiant, Karol Wojtyla s’enthousiasmait pour la littérature, pour le théâtre, pour la poésie. Travaillant dans une usine chimique, entouré et menacé par la terreur nazie, il a entendu la voix du Seigneur: Suis-moi ! Dans ce contexte très particulier, il commença à lire des livres de philosophie et de théologie, il entra ensuite au séminaire clandestin créé par le cardinal Sapieha et, après la guerre, il put compléter ses études à la faculté de théologie de l’université Jagellon de Cracovie. Très souvent, dans ses lettres aux prêtres et dans ses livres autobiographiques, il nous a parlé de son sacerdoce, lui qui fut ordonné prêtre le 1er novembre 1946. Dans ces textes, il interprète son sacerdoce en particulier à partir de trois paroles du Seigneur. Avant tout celle-ci: « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15, 16). La deuxième parole est celle-ci: « Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11). Et finalement: « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 9). Dans ces trois paroles, nous voyons toute l’âme de notre Saint-Père. Il est réellement allé partout, et inlassablement, pour porter du fruit, un fruit qui demeure. « Levez-vous, allons! », c’est le titre de son avant-dernier livre. « Levez-vous, allons! » Par ces paroles, il nous a réveillés d’une foi fatiguée, du sommeil des disciples d’hier et d’aujourd’hui. « Levez-vous, allons! » nous dit-il encore aujourd’hui. Le Saint-Père a été ensuite prêtre jusqu’au bout, parce qu’il a offert sa vie à Dieu pour ses brebis, et pour la famille humaine tout entière, dans une donation de soi quotidienne au service de l’Église et surtout dans les épreuves difficiles de ces derniers mois. Ainsi, il s’est uni au Christ, le bon pasteur qui aime ses brebis. Et enfin, « demeurez dans mon amour » : le Pape, qui a cherché la rencontre avec tous, qui a eu une capacité de pardon et d’ouverture du cœur pour tous, nous dit, encore aujourd’hui, avec ces différentes paroles du Seigneur : en demeurant dans l’amour du Christ nous apprenons, à l’école du Christ, l’art du véritable amour.

Suis-moi ! En juillet 1958, commence pour le jeune prêtre Karol Wojtyla une nouvelle étape sur le chemin avec le Seigneur et à la suite du Seigneur. Karol s’était rendu comme d’habitude avec un groupe de jeunes passionnés de canoë aux lacs Masuri pour passer des vacances avec eux. Mais il portait sur lui une lettre qui l’invitait à se présenter au Primat de Pologne, le cardinal Wyszynski et il pouvait deviner le but de la rencontre : sa nomination comme évêque auxiliaire de Cracovie. Laisser l’enseignement académique, laisser cette communion stimulante avec les jeunes, laisser le grand combat intellectuel pour connaître et interpréter le mystère de la créature humaine, pour rendre présent dans le monde d’aujourd’hui l’interprétation chrétienne de notre être - tout cela devait lui apparaître comme se perdre soi-même, perdre précisément ce qui était devenu l’identité humaine de ce jeune prêtre. Suis-moi ! Karol Wojtyla accepta, entendant la voix du Christ dans l’appel de l’Église. Et il a compris ensuite jusqu’à quel point était vraie la parole du Seigneur : « Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera » (Lc 17, 33). Notre Pape - nous le savons tous - n’a jamais voulu sauvegarder sa propre vie, la garder pour lui ; il a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi. Il a fait ainsi l’expérience que tout ce qu’il avait remis entre les mains du Seigneur lui était restitué de manière nouvelle. Son amour du verbe, de la poésie, des lectures, fut une part essentielle de sa mission pastorale et a donné une nouvelle fraîcheur, une nouvelle actualité, un nouvel attrait à l’annonce de l’Évangile, même lorsque ce dernier est signe de contradiction.

Suis-moi ! En octobre 1978, le cardinal Wojtyla entendit de nouveau la voix du Seigneur. Se renouvelle alors le dialogue avec Pierre, repris dans l’Évangile de cette célébration: « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Sois le pasteur de mes brebis ! » À la question du Seigneur, Karol, m’aimes-tu ? L’archevêque de Cracovie répond du plus profond de son cœur: « Seigneur, tu sais tout: tu sais bien que je t’aime ». L’amour du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint-Père; ceux qui l’ont vu prier, ceux qui l’ont entendu prêcher, le savent bien. Ainsi, grâce à son profond enracinement dans le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces purement humaines : être le pasteur du troupeau du Christ, de son Église universelle. Ce n’est pas ici le moment de parler des différents aspects d’un pontificat aussi riche. Je voudrais seulement relire deux passages de la liturgie de ce jour, dans lesquels apparaissent des éléments centraux qui l’annoncent. Dans la première lecture, saint Pierre nous dit et le Pape le dit aussi avec saint Pierre: « En vérité, je le comprends : Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ; mais, quelle que soit leur race, il accueille les hommes qui l’adorent et qui font ce qui est juste. Il a envoyé la Parole aux fils d’Israël, pour leur annoncer la paix par Jésus Christ : c’est lui, Jésus, qui est le Seigneur de tous » (Ac 10, 34-36). Et, dans la deuxième lecture, saint Paul, et avec saint Paul notre Pape défunt nous exhorte à haute voix : « Mes frères bien-aimés que je désire tant revoir, vous, ma joie et ma récompense; tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés » (Ph 4, 1).

Suis-moi ! En même temps qu’il lui confiait de paître son troupeau, le Christ annonça à Pierre son martyre. Par cette parole qui conclut et qui résume le dialogue sur l’amour et sur la charge de pasteur universel, le Seigneur rappelle un autre dialogue, qui s’est passé pendant la dernière Cène. Jésus avait dit alors : « Là où je m’en vais, vous ne pouvez pas y aller ». Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? ». Jésus lui répondit : « Là où je m’en vais, tu ne peux pas me suivre pour l’instant; tu me suivras plus tard » (Jn 13, 33.36). Jésus va de la Cène à la Croix, et à la Résurrection il entre dans le mystère pascal ; Pierre ne peut pas encore le suivre. Maintenant après la Résurrection ce moment est venu, ce « plus tard ». En étant le Pasteur du troupeau du Christ, Pierre entre dans le mystère pascal, il va vers la Croix et la Résurrection. Le Seigneur le dit par ces mots, « Quand tu étais jeune ... tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » (Jn 21, 18). Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles : « C’est un autre qui te mettra ta ceinture ... ». Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1).

Il a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde. Il écrit dans son dernier livre la limite imposée au mal « est en définitive la Divine miséricorde » (Mémoire et identité, p. 71). Et en réfléchissant sur l’attentat, il affirme : « En souffrant pour nous tous, le Christ a conféré un sens nouveau à la souffrance, il l’a introduite dans une nouvelle dimension, dans un nouvel ordre: celui de l’amour [...]. C’est la souffrance qui brûle et consume le mal par la flamme de l’amour et qui tire aussi du péché une floraison multiforme de bien » (ibid., p. 201-202).

Animé par cette perspective, le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond. Divine miséricorde : le Saint-Père a trouvé le reflet le plus pur de la miséricorde de Dieu dans la Mère de Dieu. Lui, qui tout jeune avait perdu sa mère, en a d’autant plus aimé la Mère de Dieu. Il a entendu les paroles du Seigneur crucifié comme si elles lui étaient personnellement adressées : « Voici ta Mère ». Et il a fait comme le disciple bien-aimé : il l’a accueillie au plus profond de son être (eis ta idia : Jn 19, 27) Totus tuus. Et de cette Mère il a appris à se conformer au Christ.

Pour nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction Urbi et Orbi. Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint Père, nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. Amen.

 

 

5- Mgr Fellay et Jean-Paul II

 

Mgr fellay, supérieur général de la FSSPX a publié un communiqué dans lequel il affirme :  « La Fraternité Saint Pie X, fondée par Monseigneur Marcel Lefebvre, salue les batailles menées par Karol Wojtyla pour la défense de la vie et son engagement sur le plan moral. Mais elle se sent aujourd’hui le devoir de redire qu’elle a toujours réprouvé l’engagement inlassable du pape Jean-Paul II pour l’œcuménisme, engagement qui a conduit à un affaiblissement de la foi et de la défense de la vérité ».

 

Mais il y a œcuménisme et œcuménisme. Il eut été bon de préciser un peu…

 

(Lire le communiqué)

 

 

Communiqué de presse de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X

 

Menzingen, ce Samedi de Pâques, 2 avril 2005


Le Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et ses deux Assistants généraux auxquels s'associent tous ses membres : évêques, prêtres, frères, sœurs, ainsi que les fidèles, s'unissent à la prière de l'Église universelle à l'annonce de la disparition du Saint-Père, le Pape Jean-Paul II, et confient son âme à la miséricorde de Dieu le Père et à l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie.

Dans toutes les maisons de la Fraternité une Messe de Requiem sera célébrée pour le repos de l'âme du Saint Père.

La Fraternité Saint Pie X, fondée par Monseigneur Marcel Lefebvre, salue les batailles menées par Karol Wojtyla pour la défense de la vie et son engagement sur le plan moral. Mais elle se sent aujourd'hui le devoir de redire qu'elle a toujours réprouvé l'engagement inlassable du pape Jean-Paul II pour l’œcuménisme, engagement qui a conduit à un affaiblissement de la foi et de la défense de la vérité.

La Fraternité est consciente des tâches surhumaines qui attendent le futur Pontife et prie le Saint-Esprit d'éclairer les cardinaux. Elle espère que le nouveau Vicaire du Christ pourra reprendre avec une main sûre le timon de l'Église et porter remède aux dommages survenus dans le sillage du Concile Vatican II : l'unité liturgique et l'unité de la foi ont éclaté et des erreurs doctrinales se sont diffusées dans tout le clergé.

Dans cette attente et cette espérance, l'heure est à la prière pour celui qui vient d'entrer dans son éternité.

 

Son Exc. Mgr Bernard Fellay

Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X

 

 

6- Jean Madiran et Jean-Paul II :

« C’est un puissant génie religieux ».

 

Dans Présent du 5 avril, Jean Madiran a écrit : « Du pape Jean-Paul II, l’abbé de Tanoüarn, je crois bien, écrivait naguère : « C’est un puissant génie religieux ».On peut trouver là un aperçu à la fois des grandeurs et des limites de ce pontificat »

La grandeur la plus immédiatement visible du génie de Jean-Paul II est d’avoir pendant plus d’un quart de siècle assuré une éclatante présence chrétienne dans un monde médiatique farouchement hostile à Dieu et à l’Eglise. Il a rassemblé des foules, enthousiasmé des masses de jeunes…Sans lui il est probable que le monde aurait enfermé l’Eglise sous un silence écrasant. Il a envahi l’espace médiatique, il y a conquis une place souveraine ». (Présent su 5 avril 2005)

Jean Madiran fait une autre remarque très pertinente : « Il a multiplié les formules fulgurantes, explosives, contre la « culture de mort », contre « la démocratie totalitaire », « contre la dramatique illusion de faire le bonheur de l’homme en se passant de Dieu », ou pour avertir qu’ « une nation qui tue ses propres enfants n’a pas d’avenir »

 

C’est ce constat qui fait dire à Yves Chiron que Jean-PauL II est « antimoderne » comme nous allons le voir plus bas.

 

Mais poursuit Jean Madiran, « Jean-Paul II a peu gouverné ». C’est mon avis. Ce sera la tache et le devoir de son successeur…

 

            Jean Madiran fait surtout remarquer qu’ il n’a pas rendu à l’Eglise ce qui avait été demandé en vain à Paul VI, le 27 octobre 1972 et à lui-même, le 1er août 1988 : « Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe ». Ce qui signifiait, ce qui signifie toujours : rendez-nous la version et l’interprétation traditionnelle de l’Ecriture ; rendez-nous la catéchisme des trois connaissances nécessaires au salut ; rendez-nous la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V ».

 

Espérons que son successeur, lui, entendra cet appel des « petits »… Et combien cela serait nécessaire…Quand on voit une Père abbé,  Dom Forgeot, de Fontgombeault, être « tenu » ( ?) de concélébrer à Saint Ferdinand des Ternes, à Paris, dans  le rite nouveau, en français, sans ordre, à l’occasion des obsèques de Marcel Clément, le 13 avril 2005, on comprend l’actualité toujours pressante de cet appel. J’en  avais honte pour lui. J’en avais honte pour l’Eglise. J’en avais honte pour la famille.  Tout en français…Rien…Mais vraiment rien de la belle liturgie romaine…qu’ils disent pourtant au monastère de Fontgombault, dont il était l’oblat…Rien, vous dis-je, juste un petit chant du « pater noster » en latin. L’absoute…mais ridicule…Comment un père abbé peut-il accepter cela… Oui la crise n’est pas finie !… J’entends saint Paul nous dire « Esto vir ». Voilà ce que devra être le futur pape…

(Pour lire l’article de Jean Madiran, cliquez ici)

 

Saint Père, reposez en paix.

JEAN MADIRAN

 

Présent. N° 5805 Mardi 5 avril 2005.

 

DU PAPE JEAN-PAUL II, l’abbé de Tanoüarn, je crois bien, écrivait naguère : – C’est un puissant génie religieux.

On peut trouver là un aperçu à la fois des grandeurs et des limites de ce pontificat.

 

La grandeur la plus immédiatement visible du génie de Jean- Paul II est d’avoir pendant plus d’un quart de siècle assuré une éclatante présence chrétienne dans un monde médiatique farouchement hostile à Dieu et à l’Eglise. Il a

rassemblé des foules, enthousiasmé des masses de jeunes. La question stalinienne n’était pas entièrement dénuée de sens en temps de guerre :

 

— Le pape, combien de divisions ?

 

La question stalinienne serait devenue aujourd’hui :

 

Combien de voix ? Combien de manifestants ? Quel audimat ?

 

Sur ce terrain, le pape Jean-Paul II se défendait mieux que personne. Sans lui, il est probable que le monde

aurait enfermé l’Eglise sous un silence écrasant. Il a envahi l’espace médiatique, il y a conquis une place souveraine.

 

Moins immédiatement accessibles, il a souvent posé les vraies questions. Pas toutes ? Mais pour nous Français, celle qui nous frappe au coeur :

 

France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?

 

Il a multiplié les formules fulgurantes, explosives, contre « la culture de mort », contre « la démocratie totalitaire », contre « la dramatique illusion de faire le bonheur de l’homme en se passant de Dieu », ou pour avertir qu’ « une nation qui tue ses propres enfants n’a pas d’avenir ». Il a en somme dit à peu près tout l’essentiel en philosophie et en théologie, avec ses encycliques Veritatis splendor et Fides et ratio.

 

Il a peu gouverné, dit-on. Trop peu. C’est possible. Y aurait-il exagération à déplorer que ce soit seulement contre Mgr Lefebvre qu’il ait vraiment gouverné ? C’est ce qui a donné l’impression que sous son pontificat l’Eglise risquait d’apparaître plus proche de Mgr Gaillot que de Mgr Lefebvre…

 

Je le sais, bien sûr, il n’a pas rendu à l’Eglise ce qui avait été demandé en vain à Paul VI le 27 octobre 1972, et à lui-même le 1er août 1988 :

 

Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe.

 

Ce qui signifiait, ce qui signifie toujours : rendez-nous la version et l’interprétation traditionnelles de l’Ecriture ; rendez-nous le catéchisme des trois connaissances nécessaires au salut ; rendez-nous la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V.

 

L’ECRITURE demeure livrée aux impiétés de la Bible Bayard, et autres analogues, selon lesquelles les paroles attribuées au Seigneur dans l’Evangile ne seraient que des fabrications postérieures, inventées par des anonymes qui n’avaient même pas connu Jésus.

 

LE CATÉCHISME ? Jean-Paul II a fait éditer un Catéchisme catholique .Mais c’est un épais et savant  catéchisme pour adultes. Ce n’est pas le petit catéchisme, adaptation pour les enfants de la méthode et de la substance du catéchisme du

concile de Trente, que la mode mondaine et nos évêques ont chassé des diocèses. Les petits baptisés sont abandonnés depuis quarante ans à une catéchèse insaisissable et vide. Ainsi sont ravagées à la racine les vocations sacerdotales. Le nombre des catholiques dans le monde a largement augmenté sous ce pontificat, le nombre des nations représentées

auprès du Saint-Siège a quasiment doublé (selon les estimations oralement validées par René Rémond), mais nos écoles catholiques diocésaines sont devenues des écoles « catholiques non confessionnelles », et le clergé a continué à se dépeupler.  Le pontificat a mieux réussi à susciter des sympathisants qu’à former des pratiquants.

 

Quant à LA MESSE que Paul VI avait voulu interdire, il a fallu tout le pontificat de Jean-Paul II pour en arriver enfin à la reconnaissance officielle du fait que le rite romain traditionnel n’avait été l’objet d’aucune interdiction canoniquement

valable et qu’il conservait un éminent droit de cité dans l’Eglise. Ce droit de cité rétabli ne passe dans la réalité diocésaine qu’au compte gouttes. La « générosité » que d’emblée Jean-Paul II avait voulu qu’on y mît est restée bloquée par une épiscopale cruauté idéologique

 

 Peut-être l’Eglise d’après Pie XII était-elle entrée, pour une durée indéfinie, dans une période incertaine.

Quand il y a une éclipse, disait Péguy, tout le monde est dans l’ombre. Peut-être est-elle, pour un temps, devenue ingouvernable. Peut-être ne restait-il au Souverain Pontife que la possibilité de prier, de parler, de témoigner, et cela il l’a fait jusque ad mortem, entraînant le monde entier dans une méditation sur la mort et la vie éternelles. Seigneur,

donnez à votre serviteur intrépide, aventureux et pieux, de maintenant reposer en paix.

 

 

 

7- Yves Chiron.  Jean-Paul II,

« pape antimoderne », « anti libéral »

 

L‘a-t-il été vraiment ?

 

Dans sa « lettre d’informations religieuses », Alethia, Yves Chiron, historien bien connu, fin connaisseur de la réalité ecclésiale, a dressé un portrait de Jean-Paul II.

 

Ce portrait me paraît juste en bien des points. Disons  que certaines de ses affirmations me semblent parfaitement soutenables.

 

Dire comme Yves Chiron : « Jean-Paul II fut, finalement, un pape intransigeant dans la lignée de Pie IX et de Pie XI. Lui aussi a affirmé, en philosophie, comme en morale, le primat de la vérité sur la liberté ». C’est juste.

 

Dire « le primat de la vérité vaut autant pour les société que pour les individus », comme le pape n’a cessé de le rappeler,  c’est vrai.

 

Dire que le pape est en conséquence « anti-subjectiviste », « qu’il ne croyait pas non plus à l’immanence de l’Histoire et qu’il plaçait le Christ au centre de toute l’histoire de l’humanité »…c’est vrai. Et tout cela est bien « antimoderne ».

 

Oui, Je ne serais donc pas loin de signer le titre de l’article de Yves Chiron : « Jean-Paul II Pape antimoderne ».

 

Il y a quelques années, j’aurais hésité. Mais après avoir lu le dernier livre du Pape, « Mémoire et identité », je serais plus ouvert à ce thème.

 

Nul doute que « les « non » de Jean Paul II », comme le dit Yves Chiron, affirmés face au monde moderne, sont bien « antimodernes ». Ces « non », dits clairement et avec audace devaient dresser, de soi, contre lui, la colère, l’ironie du monde moderne…des « medias. A la fin, il n’en fut rien. Je pense même que  s’il ne fut pas « moqué », il le doit à son courage « héroïque » des dernières années de sa vie. Ce « courage », tout imprégné  de la Passion du Christ, et d’une « vie théologale » profonde qui se manifestait dans beaucoup de ses discours, ce courage, vous-dis-je, a conquis, me semble-t-il, le cœur du peuple… Les médias ont suivis… Ils pouvaient difficilement faire autrement. Les « medias » peuvent faire l’opinion…Mais le peuple peut aussi se dresser et admirer…Ce qui fut le cas…La foule présente aux obsèques du pape, ne s’explique pas autrement… Elle fut conquise par le courage du pape…elle a voulu manifester son  admiration  et son estime…

 

Oui, avec Yves Chiron, je pense qu’il est vrai de dire : « Jean-Paul, anti moderne ». Certaines affirmations du derniers livre du pape, que j’ai lu la plume à la main (cf les trois derniers « Regard sur le monde » ), pourraient largement le fonder. Si vous les comparez à « Antimoderne » de Jacques Maritain, vous  serez frappé de l’identité de la pensée…Je vais, du reste , le faire…

 

Il y a peut être eu une évolution de la pensée du pape…Yves Chiron le fait remarquer…Elle serait dû, pour lui, à la progression du mal constatée.  Le pape serait passé de l’ « utopie » du texte conciliaire « Gaudium et Spes » au réalisme terrible de la situation. actuelle du monde : «  la déchristianisation s’est aggravée, la « culture de mort » s’est répandue, le monde a poursuivi son évolution. Si l’Eglise  de 2005 n’est pas dans la situation où elle était en 1978, ne peut-on penser que Jean-Paul II, lui aussi, a changé en 1978 et 2005, dans sa perception du monde  et des évolutions historiques ». 

 

C’est la même évolution que l’on peut constater chez le pape et les Congrégations  romaines en matière liturgique. Constatant les drames, les déviations …le pape a voulu redresser la barre. Sur ce sujet, Yves Chiron me cite. Je l’en remercie : « L’abbé Aulagnier, dans un message diffusé le dimanche 3 avril, a justement noté : “ Je retiendrai les efforts soutenus qu’il a manifestés avec les dicastères romains pour la restauration du culte eucharistique et éradiquer les abus liturgiques qui se sont introduits, pour le grand malheur des fidèles, dans la vie eucharistique des églises ? A-t-il réussi ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il a voulu également, timidement, faiblement, mais réellement, je crois, le retour, sur les autels de la chrétienté, de la messe dit de saint Pie V. Il aurait pu la dire lui-même, cela eut été une véritable affirmation. Il n’a pas vraiment réussi. Mais il y a, mystérieusement, en cette affaire, tant d’oppositions. C’est que le modernisme se cache toujours dans les rouages de l’Eglise et de son gouvernement.” (1)

 

Je serais moins favorable au jugement que donne Yves Chiron sur l’œcuménisme du pape. Non pas que je critique l’ «oecuménisme » en tant qu’il est le souci de retrouver ceux qui, par le temps et l’indigence humaine ont quitté le « bateau ecclésiale »…et  leur permettre, leur faciliter  le retour. Non ! Mais je critique « cet œcuménisme là » - celui d’Assise, celui de l’embrassade du Coran… parce qu’il est fondé sur  des principes théologiques qui ne sont pas justes. Cet œcuménisme là n’est pas « ecclésial ».  Il  trouve son principe dans le Concile Vatican II et le « fameux « subsistit in » qui est gravement  équivoques et préjudiciables à la vérité catholique. Ne pas y voir le risque de « syncrétisme » ou d’ « indifférentisme » me paraît difficile. Il ne suffit pas de dire qu’il n’en est rien, pour qu’il n’en soit rien…Je partage tout à fait le jugement de Mr l’abbé Barthe sur ce sujet de l’œcuménisme. Vous le trouverez au point 8.  Et j’encourage Yves Chiron d’y porter son attention…

 

Quoiqu’il en soit, le jugement de Yves Chiron mérite attention ! (Lire)

 
 

JEAN-PAUL II
PAPE ANTIMODERNE
(1978-2005)

 
Depuis deux jours, un déluge d’images, de commentaires, d’articles et de numéros spéciaux de journaux déferle, à travers le monde, pour évoquer Jean-Paul II. Ce déluge va dépasser, en nombre de pages, les actes magistériels, pourtant extraordinairement nombreux, de Jean-Paul II : 14 encycliques, 11 constitutions apostoliques, 42 lettes apostoliques, 28 motu proprio, auxquels s’ajoutent des milliers de messages et de discours ; sans oublier les cinq ouvrages, personnels, publiés par Jean-Paul II depuis son élévation au pontificat. “ Il a beaucoup parlé, peut-être trop ” estime l’historien Philippe Levillain.

La mondialisation de l’information a relayé l’émotion universelle. Pourtant, au Vatican, la veille de la mort du Pape et le soir de la mort du Pape, les autorités du Saint-Siège ne se sont pas laissé submerger par la spectacularisation que recherche l’information immédiate et mondialisée. Ce sont deux veillées de prières, sobres, auprès d’un agonisant puis d’un défunt, qui ont été improvisées dans un grande simplicité chrétienne. Les médias télévisés ont dû se plier à cette spiritualisation de l’événement.

Ces prières publiques, deux soirs de suite, sous le regard des caméras du monde entier, étaient bien dans l’esprit de ce qu’a été le pontificat de Jean-Paul II. Le Pape s’est montré modernissime par l’art de se servir des médias pour faire passer le message de l’Eglise. Il fut le premier pape “ cathodique ” a-t-on dit. La visibilité d’un Souverain Pontife n’avait jamais été aussi grande dans l’histoire.

Jean-Paul II a su donner, aux médias, les images spectaculaires, symboliques ou émotionnelles, qu’ils attendaient. Au risque de susciter l’incompréhension voire le scandale parmi les fidèles catholiques. Ainsi en est-il de cette image d’un pape embrassant le Coran ou encore la vision inouïe, dans l’histoire de l’Eglise, comme ce fut le cas à Assise, en 1986, d’un Chef de l’Eglise catholique entouré des représentants d’une douzaine de confessions religieuses, chrétiennes et non-chrétiennes.

Image forte, louée par les uns, incomprise par beaucoup de catholiques, chacun, finalement, y voyant la même chose, pour s’en féliciter ou pour le déplorer : l’impression d’un relativisme affirmé.

La réunion d’Assise, et les autres réunions inter-religieuses qui ont suivi, ont été, dans l’esprit de Jean-Paul II, comme la médiatisation précédemment évoquée, un moyen qu’il a cru pouvoir utiliser pour répandre le message évangélique. Il n’y eut, de sa part, ni syncrétisme ni même indifférentisme, mais volonté de dialogue. Au risque de créer la confusion entre la foi révélée et les sentiments religieux qui animaient les représentants des religions rassemblés. C’est pour corriger cette image que sera publiée, en 2000, la très forte Déclaration Dominus Jesus sur l’unité et l’universalité de Jésus-Christ et de l’Eglise catholique ”.  

Cette correction, et d’autres (voir, notamment, la condamnation de certains ouvrages théologiques), n’ont pas empêché qu’une tendance à la minimisation du caractère non-réductible de la foi catholique s’est répandue au sein même de certains dicastères et chez certains évêques dans le monde (sans parler des théologiens et des commentateurs).

Le “ scandale d’Assise ”, comme ont dit Mgr Lefebvre et nombre de traditionalistes, fut non pas une évolution de la théologie des religions mais, pour Jean-Paul II, un élément d’une stratégie de présence au monde et d’expansion du christianisme.

Jean-Paul II est allé à la “ rencontre du monde et de l’homme ”, comme un Paul VI avant lui. Mais, plus que chez son prédécesseur, sans doute, il y avait, chez lui, une défiance envers la culture moderne et une hostilité aux valeurs libérales. Les continuités entre Paul VI, Vatican II et Jean-Paul II ont pu masquer  certaines ruptures. Le temps avait fait son oeuvre. Alors qu’il n’était encore que Mgr Karol Wojtyla, le pape avait pris une part déterminante à la rédaction de la célèbre constitution pastorale, Gaudium et Spes, si optimiste. Devenu pape, il n’a pas rédigé et signé de texte équivalent dans sa tonalité. C’est qu’entre temps, la déchristianisation s’est aggravée, la “ culture de mort ” s’est répandue, le monde a poursuivi son évolution. Si l’Eglise de 2005 n’est pas dans la situation où elle était en 1978, ne peut-on penser que Jean-Paul II, lui aussi, a changé entre 1978 et 2005, dans sa perception du monde et des évolutions historiques.

Antilibéral

 Jean-Paul II fut, finalement, un pape intransigeant dans la lignée de Pie IX et de Pie XI. Lui aussi a affirmé, en philosophie comme en morale, le primat de la vérité sur la liberté. Devant le Parlement italien, le 14 novembre 2002, il a rappelé un des enseignements de l’encyclique Centesimus annus :

 S’il n’existe aucune vérité ultime qui guide et oriente l’action politique […] Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois.

 Le primat de la vérité vaut autant pour les sociétés que pour les individus. La conscience individuelle n’est pas la dernière instance de l’agir humain. Jean-Paul II l’a affirmé face à l’individualisme areligieux moderne :

 On a attribué à la conscience individuelle des prérogatives d’instance suprême de jugement moral qui détermine de manière catégorique et infaillible le bien et le mal. À l’affirmation du devoir de suivre, on a indûment ajouté que le jugement moral est vrai par le fait même qu’il vient de la conscience. Mais, de cette façon, la nécessaire exigence de vérité a disparu au profit d’un critère de sincérité, d’authenticité, “d’accord avec soi-même“, au point que l’on est arrivé à une conception radicalement subjectiviste du jugement moral. (veritatis splendor)

                                                                                                                                       

Anti-subjectiviste, Jean-Paul II ne croyait pas non plus à I’immanence de l’Histoire. Il plaçait le Christ au centre de toute l’histoire de l’humanité.
Lors de son premier voyage en Pologne, lors de la messe célébrée, le 2 juin 1979, Place de la Victoire, à Varsovie, il a affirmé :

 On ne peut exclure le Christ de l’histoire de l’homme en quelque partie que ce soit du globe, sous quelque longitude ou latitude géographique que l’on soit. Exclure le Christ de l’histoire de l’homme est un acte contre l’homme.

 L’affirmation était si forte, si provocante, au pays du diamat, que les télévisions soviétiques interrompirent la retransmission de la messe.
Et après avoir été un artisan de la chute du communisme en Europe de l’Est, Jean-Paul II ne s’est pas satisfait de la victoire de la démocratie et des droits de l’homme. À Lubaczow, à nouveau en terre polonaise, le 3 juin 1991, il a mis en garde ses compatriotes face à la société hédoniste et consumériste qui avait remplacé la société communiste :

 Le postulat de n’admettre en aucune manière dans la vie sociale et étatique la dimension de la sainteté est un postulat qui correspond à installer l’athéisme dans l’Etat et dans la vie sociale et cela n’a rien de commun avec la neutralité idéologique.

 Jean-Paul II n’appelait pas seulement l’individu à être chrétien, il interpellait les Etats et les sociétés. En ce sens, il était donc profondément antilibéral et antimoderne.  

 Les “ Non ” de Jean-Paul II

Jean-Paul II a assumé les apparences de la modernité et a su jouer de la mondialisation et de l’immédiateté des moyens d’information pour mieux rejoindre chaque homme, et pas seulement les croyants. Aucun être humain sur terre n’a ignoré le visage de Jean-Paul II et aussi, ce fut le but de ses102 voyages hors d’Italie, à un moment ou à un autre, chacun a pu entendre au moins les lignes forces de son enseignement en matière morale  : non à “ la culture de mort ” (avortement, contraception, etc.), “ la permissivité morale ne rend pas les hommes heureux ”, “ faire le bonheur de l’homme en se passant de Dieu est une dramatique illusion ”.

Les millions de jeunes qui, sur presque tous les continents, ont participé aux “ Journées Mondiales de Jeunesse ” – une des innovations majeures du pontificat –, ne sont, certes, pas tous devenus des croyants pratiquants. Mais tous ont entendu les invitations du Pape à “ garder la fidélité au Christ ” et à vivre de la vérité “ ce bien éternel ”.  Qui peut connaître le moment de la floraison des semences ainsi jetées ?

Philippe Maxence a bien défini Jean-Paul II en mettant en lumière la double force qui l’animait : “ Comme Jean, il était un contemplatif et comme Paul, un évangélisateur tout terrain ”.

Les pessimistes, analysant le pontificat, diront que “ dans le quotidien [de l’Eglise], rien n’a vraiment changé ”. Est-ce bien sûr ? L’histoire dressera les actes et les axes de la restauration accomplie par Jean-Paul II durant les vingt-six ans de son pontificat pour faire face à la crise de l’Eglise. Ce travail de reconquête est passé par la nomination d’évêques d’un nouveau type, la publication du Catéchisme de l’Eglise catholique, d’encycliques et de déclarations de réaffirmation doctrinale. Il est passé aussi par l’encouragement donné à des communautés nouvelles ou traditionnelles et par l’appel à la “ nouvelle évangélisation ”. Beaucoup reste à faire ? Sans doute. Un Petit catéchisme est en préparation, qui pourra être mis dans les mains de tous les enfants. Et en matière liturgique, la “ réforme de la réforme ” n’a-t-elle pas été affirmée comme une nécessité par le cardinal Ratzinger, le plus solide soutien de Jean-Paul II pendant tout son pontificat ?

Jean-Paul II aura été, dans le domaine liturgique, celui qui aura commencé la restauration (loin d’être achevée). La liturgie célébrée en Pologne en 1978, donc celle célébrée par celui qui devenait pape, était dans sa forme et, plus encore dans son esprit, fort différente de celle pratiquée dans certains pays ouest-européens, et particulièrement en France. Jean-Paul II s’est soucié, très vite, des dérives en matière liturgique. On pourrait dresser une chronologie de ses interventions et initiatives, elle commencerait dès 1979. De manière plus précise, c’est il y a plus de vingt ans que le rite traditionnel a recommencé à avoir droit de “ droit de cité ” dans l’Eglise (l’indult de 1984).

L’abbé Aulagnier, dans un message diffusé le dimanche 3 avril, a justement noté : “ Je retiendrai les efforts soutenus qu’il a manifestés avec les dicastères romains pour la restauration du culte eucharistique et éradiquer les abus liturgiques qui se sont introduits, pour le grand malheur des fidèles, dans la vie eucharistique des églises ? A-t-il réussi ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il a voulu également, timidement, faiblement, mais réellement, je crois, le retour, sur les autels de la chrétienté, de la messe dit de saint Pie V. Il aurait pu la dire lui-même, cela eut été une véritable affirmation. Il n’a pas vraiment réussi. Mais il y a, mystérieusement, en cette affaire, tant d’oppositions. C’est que le modernisme se cache toujours dans les rouages de l’Eglise et de son gouvernement.” (1)

L’erreur de perspective serait de juger de l’efficacité d’une pastorale et d’une politique à l’aune de la situation d’un pays (la France) ou un demi-continent (l’Europe occidentale). Si en France, il est fréquent que six ou sept paroisses doivent se partager une messe ou deux messes dominicales (où le pire liturgique est toujours possible), à Saigon, au Vietnam, il y a six messes par dimanche à la cathédrale, et de la première (à 5h30) à la dernière, l’église est pleine d’une foule fervente qui s’agenouille pendant la lecture du canon et l’Agnus Dei et qui ne reçoit pas la communion dans la main.

 Le paradoxe

La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, qui a été, en France et dans le monde, l’opposante la plus déterminée à certaines initiatives spectaculaires de Jean-Paul II et à beaucoup de réformes conciliaires, en particulier celle de la liturgie, a fait paraître, dès le jour du décès de Jean-Paul II, un communiqué de son Supérieur général, Mgr Fellay. La FSSPX, dit-il, “ salue les batailles menées par Karol Wojtyla pour la défense de la vie et son engagement sur le plan moral ” mais aussi “ elle se sent aujourd’hui le devoir de redire qu’elle a toujours réprouvé l’engagement inlassable du pape Jean-Paul II pour l’¦cuménisme, engagement qui a conduit à un affaiblissement de la foi et de la défense de la  vérité ”.

Un des paradoxes du pontificat aura été d’avoir emprunté des chemins nouveaux pour faire connaître l’enseignement de l’Eglise et sa doctrine du salut et, par ce fait-même, d’avoir désorienté certains de ses fidèles et leurs pasteurs. Il ne faut pas voir là une opposition entre un Pape progressiste voire moderniste et des traditionalistes dépassés, mais plutôt deux voies, parfois convergentes parfois divergentes, d’affronter la modernité.
 
(1°) L’abbé Aulagnier fait référence à un entretien avec le cardinal Medina (qui fut Préfet de la Congrégation pour le Culte divin de 1996 à 2002). Dans cet entretien, paru simultanément dans l’Homme nouveau (numéro du 3 avril) et dans la Nef (numéro d’avril), le cardinal Medina déclare notamment : “ La dimension sacrificielle de la célébration eucharistique en est un élément essentiel, et pas seulement dans l’ancienne forme du rite romain, mais bien pour la doctrine catholique tout court […] C’est pourquoi j’aurais voulu, à l’occasion de la troisième édition typique du missel de Paul VI, alors que j’étais préfet de la Congrégation du Culte divin, réintroduire quelques éléments de la forme ancienne, mais j’ai rencontré des oppositions très décidées ”.
Fin de la reproduction d’Alethia n°73 du 4 avril 2005

 

 

8- Mr l’abbé Barthe et l’œcuménisme de Jean-Paul II et du Concile Vatican II

 

Le pontificat de Jean-Paul II fut certainement brillant. Ses obsèques furent grandioses. Nous le confessons avec joie et honneur…. Mais certains  points « théologiques » restent toutefois des ombres douloureuses. Mr l’abbé Barthe, dans « Catholica » est un de ceux qui le font remarquer avec clarté. Il soulève en particulier celui de l’œcuménisme. Il affirme très précisément que  « Le point essentiel en litige (au sujet de l’œcuménisme)  semble bien être celui-ci : l’Esprit-Saint se servirait des Eglises et communautés séparées comme de moyens de salut. Pour nombre de catholiques ceci n’est pas compatible avec la foi catholique. Le temps approche peut-être où l’on pourra soumettre une « proposition » de ce type et d’autres semblables au magistère de l’Eglise »

 

Pour lire son article, cliquez ici.

 

« L’œcuménisme est particulièrement préjudiciable pour l’ecclésiologie, non seulement ad extra, mais aussi ad intra : le thème de la « diversité réconciliée » tend à effacer les frontières de l’orthodoxie et donc les frontières de l’Eglise.

Or l’œcuménisme est au centre de ce que l’on nomme « esprit du Concile ». Celui-ci est structuré par une espèce de colonne vertébrale faite de trois documents fondamentaux, œcuméniques au sens large : le décret sur l’œcuménisme ; la déclaration sur la liberté religieuse ; la déclaration sur les religions non chrétiennes. Ces trois textes avaient été mis au point par le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, dans une visée primordialement œcuménique. De sorte que, au cœur de ce système nouveau assez indéfinissable qu’a promu le dernier concile, se trouve le décret Unitatis redintegratio.

 

A- la difficulté doctrinale fondamentale

 

Elle se trouve dans le raisonnement contenu dans le n. 3 de Unitatis redintegratio, qui s’organise ainsi :

 

a) Le n. 3 d’Unitatis redintegratio note que, entre autres biens, dans les Eglises et communautés séparées « s’accomplissent beaucoup d’actions sacrées de la religion chrétienne [baptême, ordre, par exemple]… qui peuvent certainement produire effectivement la grâce [on suppose que Unitatis redintegratio veut dire : dans la mesure des bonnes dispositions de récipiendaires de bonne foi] ».

En soi, ces « éléments », « biens », « actions sacrées » appartiennent à l’Eglise catholique. Le baptême des donatistes, expliquait saint Augustin, était en réalité un baptême catholique, qui pouvait « revivre », si le donatiste retournait à l’Eglise.

Unitatis redintegratio devrait donc poursuivre classiquement en expliquant que, tout en étant apparemment hors de l’Eglise, certains sujets de bonne foi peuvent recevoir la sanctification par le moyen de sacrements et biens catholiques reçus de facto dans des Eglises et communautés séparées.

 

b) Mais Unitatis redintegratio accorde ce rôle aux Eglises et communautés séparées comme telles, en tant que branches séparées du cep, au titre de moyens seconds et dérivés si l’on peut dire : « En conséquence, ces Eglises et communautés séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Eglise catholique ».

 

On voit le saut patent du raisonnement du n. 3 d’Unitatis redintegratio : du fait, par exemple, que le baptême conféré dans le cadre de l’Eglise luthérienne peut procurer la grâce, Unitatis redintegratio infère que l’Eglise luthérienne est un canal de grâce.

 

B- Bien délimiter la « proposition » qui fait difficulté 

 

A juste titre, il fait remarquer que « la seule chose que ces communautés séparées peuvent réaliser par leur propre vertu, c’est la séparation de ces âmes de l’unité ecclésiale ».

Fondamentalement, en effet, on ne voit pas comment les Eglises et communautés séparées pourraient avoir comme telles un statut surnaturel. C’est assurément sur ce point décisif que devrait se fixer le projecteur.

Il pourrait se porter aussi sur le principe posé dans Gaudium et spes n. 8 (le fameux subsistit in, la « petite trouvaille » du P. Congar, en vertu de laquelle, disait-il, « il y a de l’Eglise en dehors de l’Eglise ») et sur la conséquence : les frères séparés jouiraient d’une « communion imparfaite ». Etrange concept, congardien sans doute : en fait, la communion avec le Christ et son Eglise est ou n’est pas, mais on n’avait jamais entendu parler d’une communion à 15 ou 20%.

Le point essentiel en litige semble bien être celui-ci : l’Esprit-Saint se servirait des Eglises et communautés séparées comme de moyens de salut. Pour nombre de catholiques ceci n’est pas compatible avec la foi catholique. Le temps approche peut-être où l’on pourra soumettre une « proposition » de ce type et d’autres semblables au magistère de l’Eglise.

 

L’abbé Claude Barthe (Catholica)

 

 
 
 
9- Camille-Marie Galic, éditorialiste de Rivarol
« Le pape des paradoxes ».

 

Le directeur de la rédaction de Rivarol, Camille-Marie Galic  dans sa livraison  n° 2711, du 8 avril 2005, nous donne son jugement sur le pontife qui vient de rejoindre la maison du Père. Elle parle sans ambages. Elle titre « Le pape des paradoxes ».

Elle reconnaît toutefois son courage et son charisme : Il a été dit-elle,  un de ceux qui a « le plus allié courage et charisme ».

Elle apprécie fortes certaines affirmations de son enseignement. Elle cite « Fides et  Ratio » et le dernier livre du pape « Mémoire et identité ». Là, elle trouve que le pontife combat à juste titre le « scientisme » qui « considérant comme relevant de l’irrationnel ou de l’imaginaire tout ce qui touche à la question du sens de la vie », refuse tout mystère. Elle aime son combat aussi contre le relativisme doctrinal puisque le pape écrit  explicitement que « les énoncés dogmatiques de l’Eglise formulent une vérité stable et définitive ».

            Elle applaudit aussi aux jugements de Jean-Paul II affirmant, dans « Mémoire et identité » que la « culture de mort » est plus virulente que jamais : « L’extermination légale d’êtres humains qui ont été conçus mais ne sont pas encore nés est toujours en cours ». Pis, cette extermination a été autorisée par rien moins que des parlements démocratiquement élus où l’on entend normalement des appels aux progrès de la société et de l’humanité ».  Ces mêmes parlements qui, « sont aujourd’hui en train de légaliser de nouvelles  formes du mal et de nouvelles exterminations », au nom d’une nouvelle idéologie du mal, peut-être plus insidieuse et plus secrète » que les totalitarismes du XX siècle, national-socialisme inclus » .

 

Elle pense que ce sont toutes ses bonnes choses qui lui ont rallier « tant de traditionalistes sincères »…C’est probable…Mais il n’y a là rien d’extraordinaire. Les traditionalistes ne sont  pas de soi contestataires. Ils sont toujours, en toutes circonstances, les « fils de leur Père » parce qu’ils aiment la vérité… et lorsque cette vérité sort de la bouche « du père commun » ils s’en réjouissent et applaudissent. Ils n’ont  pas besoin de se « rallier » puisqu’ils sont toujours « fils ». De plus, je ne dirais pas avec notre auteur que  ces bonnes choses aient  été dites par le pape pour « démanteler l’opposition authentique à la révolution liturgique, doctrinale et disciplinaire de Vatican II ». Non ! On ne peut le dire. On ne peut en donner la preuve. C’est « sonder les reins et les cœurs. Ce qui n’appartient qu’à Dieu seul. 

Par contre, je partagerais volontiers le jugement de Mme Galic qui voit d’un bon œil les efforts du pape pour la restauration liturgique…N’aurait été l’opposition des épiscopats locaux, il y a tout lieu de croire que la « messe de toujours » eut été restaurée dans l’Eglise. Elle écrit  « les Indults distribués ici ou là pour la célébration du rite trident in  - Pourquoi  ne pas parler clairement de Campos ?…- témoignaient d’ailleurs de son attachement à la messe de toujours et ce n’était pas  sa faute si les épiscopats locaux, n’en faisant qu’à leur tête, continuaient à persécuter les « intégristes ». « Attachement à la messe de toujours »… « Attachement » c’est peut-être beaucoup dire…Je dirai plus justement «  reconnaissance du droit  de la messe de toujours et désir d’apaiser ce conflit » et m’arrêterais là…dans mon jugement sans chercher à savoir autre chose et surtout pas à scruter « l’intime »du pape. Je n’aime attribuer des « pensées » mauvaises et machiavéliques » aux personnes…surtout lorsqu’il s’agit du Souverain Pontife.

           Elle reconnaît que  les voyages du pape sur tous les continents et tout particulièrement les journées des JMJ  « furent de moments forts du Pontificat ». C’est juste… Quant aux fruits…Elle parlerait volontiers d’échec.  Laissons-en, là encore, le jugement à la puissance de  Dieu… Les fruits ne mûrissent pas en un jour…Et puis s’il fallait être sûr de gagner pour entreprendre…peu de choses se ferait dans le monde et en religion et en politique. Et surtout n’attribuons pas ce échec, cette « déchristianisation » galopante de l’Europe à un « parcours illisible » de l’enseignement et de l’action de Jean-Paul II.

 

Certes, tout fut loin d’être « idoine »…il faut dénoncer, de fait, en ce pontificat, « la kermesse d’Assise » « le lâchage des carmélites d’Auschwitz sacrifiées sur l’autel de la Shoah », « l’excommunication en 1988 de Mgr Lefebvre et des quatre évêques qu’il avait sacrés, l’abandon de la béatification d’Isabelle la Catholique, son initiative de baiser un Coram et sa perpétuelles allégeance aux juifs, ses repentances pour les Croisades…autant de virages spectaculaires propres à déboussoler les chrétiens ». C’est juste…. Tout ceci est-il de nature à rendre le « parcours du pape illisible » ? je ne le pense. « Equivoque »...sur certains points certainement…

 

La conclusion de Madame Galic me paraît sévère :  « Complexe, dual, (je pense, dans le sens de double)  homme de réflexion mais formidable communicateur, mystique mais moderniste, le slave Jean-Paul II aura résumé toutes les contradictions de son siècle. Là se situent les limites du pontificat si brillant mais également décevant qui s’est achevé quelques heures avant le dimanche de la Miséricorde qu’il avait lui-même institué ».

              Je pense que ce pontificat si riche et si long n’a pas fini d’exercer la réflexion des « scrutateurs du vrai ». Il serait intéressant de réunir « Aletheia » et « Rivarol ». Pour l’un le pape « Jean-Paul II est « antimoderne ». Pour l’autre « il est « moderniste » ?  Cerner, dans la vérité, la réalité n’est pas toujours facile…

 

(Pour lire le texte., Cliquez ici) 

 

 

 

LE PAPE DES PARADOXES

 

SUCCESSIONS… Le 31 mars, constatant « l’empêchement pour S.A.S. Rainier III d’exercer ses hautes fonctions », le Conseil de la Couronne nommait régent de Monaco le prince héréditaire Albert, désormais régnant après la mort de Rainier III avant-hier, et Nicolas Sarkozy profitait quant à lui de son « 100 minutes pour convaincre » (le troisième, au grand déplaisir de la Chiraquie) pour annoncer tout crûment que, « oui », l’UMP qu’il préside présentera sans doute un candidat à l’Elysée en 2007, même si le sortant brigue un troisième mandat, car il ne saurait y avoir en démocratie de « candidat primus ». Sans mésestimer l’importance du député-maire de Neuilly et de l’altesse monégasque, c’est à une autre succession toutefois que songeaient les chancelleries et une bonne partie de la planète ce soir-là : celle de Jean Paul II qui, refusant une énième hospitalisation après tant d’épreuves physiques, avait souhaité s’éteindre au Vatican dans la paix du Seigneur. « Amen » fut le 2 avril au soir son dernier souffle.

A la fois par sa longueur (près de vingt-sept ans) et son originalité, le pontificat de Karol Wojtyla aura si profondément marqué les esprits, suscité tant d’espoirs et d’antagonismes que tous les preferiti évoqués, du cardinal nigérian Arinze à l’Autrichien Ratzinger en passant par l’Indien Dias et les Italiens Tettamanzi ou Scola, apparaissent assez fades.

L’importance historique d’un pontificat ne se mesure pas cependant au nombre d’émissions de télévision qui lui ont été consacrées, de ses tours du monde (133 pays visités) et des chefs d’Etat rencontrés (près de 800 !) mais à sa capacité à semer et faire pousser le bon grain, à consolider tout à la fois le trône de Pierre et la foi. Quel aura été le bilan du premier pape slave de l’histoire, et sans doute l’un de ceux qui aura le plus allié courage et charisme ?

Il y a une remarquable continuité entre l’encyclique Fides et ratio qu’il promulgua en octobre 1998 pour le vingtième anniversaire de son élection et le testament Mémoire et identité publié le 25 février dernier (Flammarion éd.). Dans Fides et ratio, qui prend un relief particulier alors que l’ONU feint de s’épouvanter enfin, dans son rapport du 31 mars sur l’avenir de la planète, de la folie des apprentis-sorciers du tout-économique, de la Science et du Progrès, Jean Paul II dénonçait avec force le « scientisme [qui] considère comme relevant de l’irrationnel ou de l’imaginaire tout ce qui touche à la question du sens de la vie », c’est-à-dire au « mystère ». Mot repris comme un leitmotiv dans cette encyclique solidement ancrée dans la Tradition puisqu’il y était dit explicitement que les « énoncés dogmatiques de l’Eglise  formulent une vérité stable et définitive » dans un monde soumis au « primat de l’éphémère » d’où résultent « diverses formes d’agnosticisme et de relativisme qui ont conduit la recherche philosophique à s’égarer dans les sables mouvants d’un scepticisme général… »

C’est ce même relativisme que le pontife déjà épuisé et se sentant proche de la fin attaquait dans Mémoire et Identité où, après s’être rétrospectivement indigné de la « solution finale » en ce 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz, il rappelait que la « culture de mort » est plus virulente que jamais : « L’extermination légale d’êtres humains qui ont été conçus mais ne sont pas encore nés est toujours en cours. » Pis, cette extermination «  a été autorisée par rien moins que des parlements démocratiquement élus où l’on entend normalement des appels aux progrès de la société et de l’humanité ». Ces mêmes parlements qui « sont aujourd’hui en train de légaliser de nouvelles formes du mal et de nouvelles exterminations », au nom d’une « nouvelle idéologie du mal, peut-être plus insidieuse et plus secrète » que les totalitarismes du XXe siècle, national-socialisme inclus.

Ce sont ces textes fondateurs qui ont permis à l’ « athlète de Dieu », auréolé par sa réputation de prélat anticommuniste, puis par l’attentat du 13 mai 1981 dont il est maintenant avéré qu’il fut préparé par la Stasi est-allemande avec l’aide du KGB bulgare utilisant le petit mafieux et farouche islamiste turc Mehmet Ali Aqsa comme homme de main, de rallier à lui tant de traditionalistes sincères… et de démanteler ainsi l’opposition authentique à la révolution liturgique, doctrinale et disciplinaire de Vatican II.

A l’opposé des derniers pontifes-apparatchiks italiens, le quinquagénaire polonais, avec son regard clair, sa bonne tête de paysan et sa carrure de sportif, était porteur d’espérance et faisait figure de môle contre les « dérives nihilistes » (cf. le cardinal Ratzinger) du concile. Les indults distribués ici où là pour la célébration du rite tridentin témoignaient d’ailleurs de son attachement à la « messe de toujours » et ce n’était pas sa faute si les épiscopats locaux, n’en faisaient qu’à leur tête, continuaient à persécuter les « intégristes ». Mais cette indulgence théorique pour ces derniers s’expliquait-elle par le fait que, in intimo pectore, Jean Paul II savait que le bon droit était du côté des « résistants » ou s’inscrivait-elle dans une stratégie de neutralisation ? On ne saura jamais maintenant quelle issue le Saint-Père souhaitait réellement aux conversations amorcées, puis rompues, entre Ecône et le cardinal Castrillon Hoyos mais il n’est pas interdit de penser que la récente rupture au sein de la Fraternité Saint-Pie X n’aura pas attristé celui que la Camarde a privé des Journées mondiales de la Jeunesse prévues cet été à Cologne.

Avec les bains rituels dans les foules énormes qu’il déplaçait en Afrique, en Amérique et en Asie, les JMJ auront été les moments forts du pontificat. Pour quel résultat ? L’édition 1997 à Paris aurait déplacé jusqu’à un million de jeunes. L’événement aurait dû susciter la recrudescence des vocations, la renaissance de la pratique religieuse. Au contraire, les séminaires sont plus vides que jamais et les mariages religieux en chute libre, ainsi du reste que les mariages tout court, du moins chez les Européens qui plébiscitent l’union libre et procréent de moins en moins – un phénomène auquel même l’Irlande et la « très catholique Pologne » n’échappent plus.

Cette déchristianisation aurait sûrement été plus galopante encore sans l’inlassable « pèlerin de la foi » Jean Paul II. Mais le « pape de la réévangélisation » n’aura pu l’endiguer.

Peut-être parce que son parcours aura finalement été illisible. Ainsi, lui qui critiquait le « relativisme », l’a-t-il trop souvent pratiqué. Avec la kermesse d’Assise où toutes les religions, y compris le chamanisme, furent mises sur le même plan, le lâchage des carmélites d’Auschwitz sacrifiées sur l’autel de la Shoah, l’excommunication en 1988 de Mgr Lefebvre et des quatre évêques qu’il avait sacrés, l’abandon de la procédure de béatification d’Isabelle la Catholique, son initiative de baiser un Coran et sa perpétuelle allégeance aux juifs. « Vous êtes nos frères préférés, et d’une certaine manière, nos frères aînés » leur avait-il dit en avril 1986 à la grande synagogue de Rome, lors d’une « visite de pénitence » préludant au pèlerinage de mars 2000 à Yad Vashem et au Mur des Lamentations où il gagna le surnom de « pape des juifs », rappelé dimanche par Shimon Pérès. Et s’il entreprit la béatification du grand Pie XII si décrié, nul n’a oublié ses repentances  pour les Croisades, l’évangélisation musclée des Indiens d’Amérique, la part qu’aurait prise l’Eglise dans la traite négrière.

Autant de virages spectaculaires (le jeune Karol ne fut pas acteur pour rien), propres à déboussoler les chrétiens qui, dans notre monde en total bouleversement, ont désespérément besoin de certitudes, et à les conduire au scepticisme, à l’incroyance, à la tentation du bouddhisme, voire à celle de l’islam pour les orphelins les plus en quête d’absolu.

Mêmes sinuosités sur le plan politique. Jean Paul II condamna les deux guerres d’Irak, ce qui est tout à son honneur, mais pas l’agression en 1999 de la Serbie immolée aux Albanais, pourtant mauvais coup porté à l’Europe et à la chrétienté. S’il a joué un rôle capital dans l’effondrement  d’un communisme malade de sa faillite économique, il fut moins actif contre le « totalitarisme rampant » mondialiste qui lui a succédé et qu’a même favorisé sa tendance au syncrétisme. Il avait certes reçu Jean-Marie Le Pen et Bernard Antony au Vatican mais, loin de crosser les Episcopats qui, comme en France, s’alliaient à la Maçonnerie contre les réactions vraiment nationales, il a par son adhésion à l’idéologie des droits de l’homme, dont il n’aura que trop tardivement perçu l’intrinsèque perversité, encouragé l’immigration, ferment de dissolution des identités européennes et chrétiennes.

Complexe, dual, homme de réflexion mais formidable communicateur, mystique mais moderniste, le Slave Jean Paul II aura résumé toutes les contradictions de son siècle. Là se situent les limites de son pontificat si brillant mais également décevant qui s’est achevé quelques heures avant le dimanche de la Miséricorde qu’il avait lui-même institué.

« Le pape de quel combat ? », ainsi s’intitulait dans la livraison de novembre 1978 de notre revue Ecrits de Paris un article où était hasardé un parallèle entre le nouveau pontife, dont étaient déjà soulignés les paradoxes, et ce parangon d’ambiguïté que fut De Gaulle. Vingt-sept ans plus tard, la question n’est pas résolue.

 

Editorial de Camille GALIC (<galic@rivarol.com>) dans RIVAROL numéro 2711 du vendredi 8 avril 2005.

 

10-  Le « Courrier de  Rome » et la théologie du pape Jean-Paul II

 

Pour le « Courrier de Rome » et ses théologiens, « certaines des affirmations du pape ne seraient  pas en accord avec le « depositum fidei »(Courrier de Rome . Janvier 2005) et tout particulièrement son « œcuménisme » et certaines affirmations de sa  théologie sur la Rédemption ». Elle serait une  rédemption « automatique »

 

Pour comprendre ce pontificat, on ne peut pas ne pas prendre en compte les critiques que le « Courrier de Rome » donna sur la journée d’Assise du 27 octobre 1986. Les rédacteurs ( qui gardent l’anonymat)  démontraient très justement que « cette rencontre de prières » ne pouvait être considérée, à la lumière de la foi, que comme « une injure faite à Dieu, une négation de la nécessité universelle de la Rédemption, un manque de justice et de charité envers les infidèles, un danger et un scandale pour les catholiques, enfin une trahison de la mission de l’Eglise et de saint Pierre ». (L’œcuménisme. Publication du Courrier de Rome p. 70). Cet acte d’Assise ne fut jamais démenti…Bien mieux, le pape Jean-Paul II renouvela ces journées à Rome même, à Assise… encore vers la fin de son pontificat… Cette pratique de l’œcuménisme, avec ces nouveaux principes « conciliaires »  restera une ombre dans l’action apostolique de Jean-Paul II. Les rédacteurs du Courrier de Rome  parlent de l’œcuménisme de Vatican II comme étant « un piège mortel pour l’Eglise ». Or le pontife s’est engagé résolument pendant ses 27 ans de gouvernement dans ce sens. Ce qui est une pratique qui relève du libéralisme ou de l’utopie (Sunt idem). Ce qui devrait obliger Yves Chiron à quelques nuances dans  certaines de ses affirmations. « Antimoderne », le pape !    Oui ! dans certains aspects de sa pensée, mais malheureusement pas sur tous !  Le pape reste parfois très « équivoque ».

 

 C’est ce que les auteurs de « Courrier de Rome soutiennent depuis des années déjà. Tout récemment encore , ils attiraient l’attention sur sa théologie de la « Rédemption » exprimée dans sa première Encyclique : « Redemptor hominis ».

 

Il est difficile de passer sous silence  une telle critique lorsque l’on veut juger le pontificat de Jean-Paul II.

 

Pour lire le texte, cliquez ici..  

 

« Le paragraphe 13 de la première encyclique de Jean-Paul II, Redemptor hominis : « Il s’agit donc ici de l’homme dans toute sa vérité, dans sa pleine dimension (…). Il s’agit de chaque homme , parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus-Christ s’est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère. Tout homme vient au monde en étant conçu dans le sein de sa mère et en naissant de sa mère, et c’est précisément  à cause du mystère de la Rédemption qu’il est confié à la sollicitude de l’Eglise. Cette sollicitude  s’étend à l’homme tout entier et est centrée sur lui d’une manière toute particulière. L’objet de cette profonde attention est l’homme dans sa réalité  humaine unique et impossible à répéter, dans laquelle demeure  intacte l’image , la ressemblance avec Dieu lui-même (Gen 1 27) (…) L’homme tel qu’il est voulu par Dieu, « choisi » par Lui de toute éternité, appelé, destiné à la grâce et à la gloire : voilà ce qu’est « tout » homme, l’homme, « le plus concret », « le plus réel » ; c’est cela, l’homme dans toute la plénitude  du mystère dont il est devenu participant en Jésus-Christ et dont devient participant chacun des quatre milliards d’hommes  vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près le cœur de sa mère ».

 

D’après la pensée de Jean-Paul II, donc, chaque homme  - et il insiste à plusieurs reprises sur cette universalité : une bonne dizaine de fois dans ce seul paragraphe  - est uni au Christ  grâce au mystère de la Rédemption. Toujours d’après Jean-Paul II, il ne s’agit pas de l’union de  tout homme à Dieu en tant que créature ; il s’agirait au contraire d’une nouvelle union, nouvelle parce que réalisée par la Rédemption. Cette union, qui concernerait, nous le répétons, « chaque homme », serait définitive ( pour toujours » dit Jean-Paul II). A peine est-il au  monde que chaque homme se trouverait déjà uni à la Rédemption du Christ, déjà bénéficiaire du salut qu’Il nous a gagné par sa Passion et sa Mort. Mais alors, à quoi sert le Saint Baptême ? Et ce n’est pas tout : en chaque homme venant au monde demeureraient intactes, d’après Jean-Paul II, aussi bien l’image que la ressemblance avec Dieu. Quel est alors l’effet du péché originel, et quelle est la nécessité du Baptême pour retrouver la ressemblance perdue ? La confusion entre l’imago et la similitude est ici évidente ; cette dernière a en effet été complètement  perdue, et l’homme ne peut la retrouver qu’à travers la « renaissance de l’eau et de l’Esprit ». Mais si cette distinction entre imago (naturelle) et similitude (surnaturelle) a disparu, il est permis de se demander si le dogme du péché originel et la nécessité du Saint Baptême n’ont pas disparu eux aussi. En effet, la doctrine traditionnelle est que « la tache du péché originel, dont nous parlons, demeure dans les fils de ceux qui ont été régénérés, tant qu’elle n’a pas été lavée en eux par l’eau de régénération. En effet  le régénéré ne régénère pas ses enfants, il les génère ; et il ne leur communique pas la régénération, mais il leur transmet le vice de sa naissance. Et donc ni l’infidèle coupable, ni le fidèle absous ne génèrent de fils innocents, mais coupables… C’est pourquoi la première naissance  tient l’homme sous le joug de la damnation, dont  seule la seconde naissance peut le délivrer ». (St Augiustin, De gratia Christi et de peccato originali » II 40).

 

Affirmer au contraire que « chacun des quatre milliards d’hommes vivant sur notre planète, dès  l’instant de sa conception près du cœur de sa mère », est déjà uni à Jésus-Christ par la Rédemption qu’Il a accomplie, c’est être en contradiction patente avec la doctrine catholique traditionnelle.

 

Il ne faudrait pas croire que cette idée se présente accidentellement dans  la pensée de Jean-Paul II. Elle était déjà présente dans un commentaire  du paragraphe 22 de Gaudium et Spes , qu’il écrivit lorsqu’il était cardinal. Nous  citerons tout d’abord le passage du texte conciliaire en question, puis le commentaire du Cardinal Wojtyla : «  En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné …Nouvel Adam, le Christ, dans sa révélation même du mystère du Père et de son amour , manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité  de sa vocation… « Image du Dieu invisible » (Col 115) Il (Jésus) est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance divine, altérée dès le premier péché. Parce qu’en Lui la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en  nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte  uni Lui-même à tout homme. »

 

Et voici  le commentaire du cardinal Wojtyla : «  …Le texte conciliaire, en appliquant la catégorie du mystère de l’homme, explique le caractère anthropologique  ou même anthropocentrique de la Révélation offerte aux hommes en le Christ. Cette Révélation est concentrée sur l’homme : Le Christ révèle pleinement l’homme, mais il le fait  au moyen de la Révélation du Père et de son amour  (cf Jn 17 6)…. La Révélation consiste en le fait que le Fils de Dieu, à travers son incarnation s’est uni à tout homme, il est devenu, en tant qu’Homme, l’un de nous : «  en tout semblable à nous, à l’exception du péché » (Heb 4 15) » ( Cit in J Dormann, la Théologie dfe Jean-Paul II et l’esprit d’Assise)

 

Selon ces deux passages, le Christ, en révélant le Père, révélerait aussi l’homme à lui-même. Or il est évident que le Christ révèle le Père en tant  que Lui-même est Dieu (en effet, il ne pourrait pas révéler Dieu le Père si Lui-même n’était pas Dieu), mais si en révélant le Père parce que Lui-même est Dieu, Jésus-Christ révèle aussi l’homme à lui-même, alors cela signifie que l’homme  lui-même doit être Dieu, ou qu’il possède de toute façon la vie divine en lui-même en tant qu’homme, et non en tant que chrétien régénéré par l’eau baptismale.

 

Il apparaît clairement, dans ce commentaire, que l’on a  complètement perdu de vue la distinction entre Rédemption objective, pour laquelle Jésus a mérité de façon infinie et donc « suffisamment » pour chaque homme, et la Rédemption subjective, par laquelle les mérites de la rédemption objective sont appliqués sous certaines conditions à la personne individuelle. Jean-Paul II, lui, résout tout cela par la Rédemption sans distinction ; et dans le commentaire que nous venons de citer, il s’arrête même à l’incarnation, à travers laquelle « le Fils de Dieu… s’est uni à chaque homme » !

 

Comment peut-on concilier de telles positions avec celles qui ont depuis toujours été enseignées par l’Eglise ?  Et que l’on ne nous dise pas que ce n’est pas ce que Jean-Paul II voulait dire : nous jugeons le sens de ce qui est écrit et non les  intentions. Et ce qui est le plus grave, c’est que tout ce que Jean-Paul II a fait par la suite se  révèle en plein cohérence avec ce qu’il a écrit quand il était cardinal puis pape, et cela provoque  de nombreux problèmes et de grands dangers pour la Foi catholique ». (Courrier de Rome. Janvier 2005)

 

 

 



11- Abbé Paul Aulagnier et le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta »

 

On a vu, en commentant nos deux précédents auteurs, Yves Chiron et Camille Galic,  que le Motu Proprio  « Ecclesia Dei Adflicta » fait parti des actes qui ont été reprochés, en son temps, au pape Jean-Paul II. Que faut-il penser de cet acte de gouvernement du Pontife ?

 

S’ il y a un acte important dans le pontificat de Jean-Paul II qui intéresse au plus haut point les membres de la FFSX, c’est bien le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta ». C’est l’acte en effet où le pape condamne  Mgr Lefebvre, le déclare « excommunié», ainsi que Mgr de Castro Meyer, co-consécrateur et  les quatre évêques consacrés le 30 juin 1988. J’eus l’occasion de me prononcer sur cette affaire en différentes occasions.

 

Pour moi,  cet acte était difficilement acceptable parce que celui que nous aimions était injustement condamné. Injustement pour les sacres faits et pour la raison invoquée…Mgr Lefebvre n’aurait  pas juste intelligence   de la « Tradition vivante ».

 

De plus la place qui était faite, encore  à cette époque, à la sainte messe dite de Saint Pie V n’était pas conforme au droit qui est le sien dans l’Eglise parce que « coutume immémoriale jamais abolie par l’Eglise ».  Ce  droit n’était pas encore reconnu. La messe de « toujours » était seulement « concédée. Voici ma pensée.

 

( Pour lire le texte, Cliquez ici)

 

 

 

 

 

« Le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta ».

 

J’y suis très opposé. Je l’ai dit clairement à la Congrégation du Clergé. Je l’ai dit encore tout récemment dans ma lettre ouverte à Mgr Fellay. Je ne peux pas être favorable à ce Motu Proprio pour une question d’honneur. Mgr Lefebvre y fut condamné injustement… et pour les sacres faits et parce qu’il n’aurait pas eu  juste conception de la « Tradition vivante ». Faudrait-il encore   préciser ce terme. Des grands, théologiens et philosophes, - avant même l’affaire Lefebvre, nous étions du temps de Pie XII, autour de  la publication d’ « Humani generis »  - étaient déjà contre cette expression et surtout contre la théologie sous-jacente. Voyez le Père Garrigou-Lagrange, dominicain. Voyez le Père Boyer, jésuite de la Grégorienne. Quelle « guerre n’ont-ils pas mener contre cette « nouvelle théologie » ?. Si vous voulez vous régaler, intellectuellement,  je vous conseille de lire l’article du Père Garrigou, publié dans « Angelicum » en 1946.  le volume 23. Son titre, lui seul, en dit long : « La nouvelle théologie, où va-t-elle »? La doctrine est la doctrine.

 

A ce « Motu Proprio »,  j’y suis encore opposé  en raison de la situation faite à la « messe traditionnelle ». Certes, j’applaudis à ce que l’autorité romaine demande que l’on fasse bon accueil à ceux qui désirent cette messe de toujours…Mais  je remarque que la législation  encore en vigueur, en cette année 1988, est celle prévue par la lettre « Quattuor abhinc annos »…La messe traditionnelle était, là encore, seulement « concédée » pour des raisons purement circonstancielles…  Permettre le retour des « Lefebvristes » dans le « giron »  de l’Eglise sans pour autant « pérenniser » les formes anciennes. C’était l’expression  du  cardinal Re. Monsieur de Saventhem avait alors beau jeu de lui répondre,  - j’aime cette phrase, je vous la cite : « Même ecclésiologiquement,  cette clause paraît indéfendable. La « liturgie classique »  du rite romain de la messe est déjà douée de pérennité intrinsèque en tant que monument incomparable de la foi. Son usage universel et multi-séculaire, bien avant la Constitution apostolique « Quo Primum », lui confère en outre la pérennité canonique de la « consuetudo immemorabilis ». Par conséquent, la « pérennisation » dont parle votre lettre n’est aujourd’hui ni à octroyer ni à ôter à la liturgie classique  - elle est  simplement à reconnaître et à faire respecter dans les dispositions réglant son emploi à côté des rites réformés » (p. 388 in « Enquête sur la Messe «  La Nef) .

 

Voilà pourquoi je suis opposé à ce « Motu Proprio » et mes confrères qui ont fondé la Fraternité saint Pierre et les autres communautés « amies » ont eu bien tort, - eux – de l’accepter.  Cela leur a valu les pires ennuis en 1999. On n’a jamais intérêt à accepter des situations « équivoques ». C’est là où je vois la grande force de Mgr Fellay.

 

Ceci étant dit, je dois ajouter et reconnaître que l’attitude de l’Eglise de Rome par rapport à la messe traditionnelle a changé. Elle en confesse aujourd’hui « doctrinalement » son bon droit dans l’Eglise. Oui, je constate une évolution à ce  sujet.  Même une grande évolution. Et  cela est, pour moi, un motif de joie. Voyez : entre 1974, exactement entre le  24 mai 1974, -  date du Consistoire tenu par Paul VI où le pape, de son autorité apostolique, demandait que seule la messe nouvelle, sa messe, soit célébrée pieusement par toutes les communautés et que sa messe n’était pas laissé au libre choix des personnes …-  et le 24 mai 2003,  - où le cardinal Castrillon Hoyos, célébrait, au nom du pape Jean-Paul II, la messe tridentine à Sainte Marie Majeure, déclarant de plus qu’elle avait « droit de citoyenneté » dans la sainte Eglise  -   Oui, entre ces deux dates,  que de chemin parcouru. Le droit de la messe de toujours est affirmé. Il suffit de le faire reconnaître par les épiscopats. La chose semble assez facile dans les pays des USA, plus difficile en France. Mais, remarquez-le bien,  ce problème  relève  de la politique et non plus, maintenant de la doctrine. Cette distinction est très importante.  Le mouvement va dans le bon sens. Si la victoire n’est pas encore obtenue, elle n’est plus loin. C’est l’intime conviction du cardinal Stickler. C’est l’opinion aujourd’hui du cardinal Medina. J’ai eu l’occasion de le rencontrer lors de mes deux voyages romains. Il me la dit explicitement. C’est ma conviction. C’est pourquoi ce n’est pas le moment de baisser les bras.

 

Une autre remarque…tout en étant très « opposé » au Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta », il ne faudrait pas en « exagérer » l’importance. L’exemple de Campos en est la preuve.  Mgr Rangel fut reconnu par Rome, malgré l’irrégularité de son sacre… et non seulement reconnu, mais Rome lui donna autorité et juridiction sur l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney. Du « motu proprio » on en parlait plus…ni à Campos ni à Rome…Ce qui est tout simplement remarquable…Les choses évoluent…dans le bon sens ».

 

 

12- Me Georges-Paul Wagner juge  le pontificat de Jean-Paul II

 

Me Wagner, dans Présent du 12 avril, juge le pontificat de Jean-Paul II.

 

Et d’abord il s’offusque de l’attitude de la République Française, bien laïque, encore une fois. qui   mit, si peu de temps, 24 heures, les drapeaux nationaux en berne. Ce qui souleva pourtant des contestations d’un Melanchon, d’un Charasse…mais aussi,  ce qui est un peu plus surprenant, d’un Bayrou qui expliqua qu’il était « contre la confessionalisation de la politique » et qu’il ne fallait pas « mélanger l’Etat et ce mouvement profond de l’âme qui est la foi ». Cette déclaration aurait, nous dit Wagner, « suscité la protestation de la plupart de ses amis ». Et Wagner de défendre le rôle social de notre religion en disant très a propos :  « On peut penser qu’il est en réalité dans la logique des positions de nos élus, catholiques par le baptême et quelquefois par la foi, qui pensent que leur catholicisme doit rester à usage interne et un « élan de l’âme inaudible aux oreilles les plus fines et invisible à l’œil nu ».  On comprend alors pourquoi, dans notre République « la seule législation qui compte est celle qui est issue du suffrage et qu’il faut toujours la préférer à la loi naturelle, surtout si elle ressemble aux commandements de Dieu et de l’Eglise. Or, les programmes et les discours de nos catholiques de gouvernement ne font jamais référence à ces commandements. C’est trop peu dire qu’ils s’en écartent. Ils les ignorent. Si leur foi est un élan de l’âme, il ne transparaît ni dans leurs écrits ni dans leurs paroles . Ils écoutent les rumeurs de l’opinion que leur donnent des sondages… ». Il ne faut donc pas s’étonner si «  la législation de l’Etat est tout à fait séparée de la législation de l’Eglise »… Ainsi « voir la religion se réinstaller subrepticement dans la société française est du domaine de la chimère ». Ce qu’il regrette.

 

Il remarque la force de ce pontife, sa force médiatique : « La pape Jean-Paul II, par son enseignement, son langage, sa stature, son allure, puis enfin en souffrant et mourant à la face du monde, a soufflé la vedette à nos media, avides et gorgés de la politique de mort qu’il dénonçait. Il leur a lancé aux yeux, en dernier acte, le spectacle qu’ils refusent de voir et qui contredit toute leur doctrine, celui de la souffrance et de la mort. Passus et sepultus est ».

 

Il insiste aussi, in fine, sur les nombreux voyages du pape au cours de son Pontificat. Il en était inquiet. Il l’avoue : « Il m’est arrivé, je l’avoue, de critiquer tant de voyages et même de l’écrire. Garo aussi en remontrait à son  curé. Ne courait-il pas le risque de vouloir séduire plus que convertir. N’aurait-il pas dû rester plus au-dessus des marées humaines et plus lointain, presque invisible » ?

 

Humblement il confesse son erreur : « J’avais tort de critiquer. L’extrême ferveur qui a accompagné ses derniers jours et sa mort n’était pas dirigée vers lui seulement, mais vers son message chrétien. Elle traduisait souvent chez les indifférents ou tièdes un retour de foi.

 Pour conclure : « Dans un monde si laid, si menteur, si désespéré, si désespérant, quand les media ne pouvaient se séparer du spectacle de l’Eglise, c’est qu’ils savaient bien qu’ils s’y passait quelque chose. » 

 

(Pour lire le texte, cliquez ici  )

 

 

PRÉSENT — Mardi 12 avril 2005

La chronique du lundi de Georges-Paul Wagner

Laïcité en berne

 

LA MORT et les obsèques du pape Jean-Paul II ont jeté un trait de lumière sur la laïcité, non pas comme on la raconte dans les livres, mais telle qu’elle est. Le drapeau en berne pour vingt-quatre

heures sur les bâtiments publics a jeté la consternation chez quelques hérauts de la séparation de l’Eglise de l’Etat. Ils ont vu une   ruse maligne (je ne dis pas démoniaque) dans l’explication de ce

signe de deuil par le fait que le Vatican est aussi un Etat et pas seulement, comme dit Le Canard enchaîné, « le siège social de l’Eglise ». Certains de nos laïques ont si mal pris ce drapeau en berne, en ont paru si affectés qu’on a pensé à appeler à leur secours une cellule psychologique.

 

Ainsi Mélanchon faisait peine à voir plus encore que de coutume. Ainsi Charasse, que le cher André Figueras, se souvenant de Gogol, appelait Charasse-Boulba. Ainsi Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, protestant de toutes ses forces (j’allais écrire de toute son

âme, mea culpa) contre « cette République qui en rajoute ». Ainsi Patrick Gonthier, secrétaire général de l’UNSA-Education, s’exclamant au comble de la tristesse : « Ce gouvernement conservateur (…) réinstalle subrepticement la religion dans la société française. »

 

Il ne manquait à ce lamento laïque qu’une voix catholique et ce fut celle de Bayrou, qui expliqua qu’il était contre « la confessionnalisation de la politique » et qu’il ne fallait pas « mélanger l’Etat et ce mouvement profond de l’âme qu’est la foi ».

 

Cette déclaration a suscité la protestation de la plupart de ses amis, qui ont vu en elle, avec indulgence, un souci de marquer une fois de plus sa différence avec le gouvernement et avec Chirac. Ce serait la raison pour laquelle il aurait mis son catholicisme en berne. On peut penser qu’il est en réalité dans la logique des positions de nos élus, catholiques par le baptême et quelquefois par la foi, qui pensent que leur catholicisme doit rester à usage interne et un « élan

de l’âme » inaudible aux oreilles les plus fines et invisible à l’oeil nu.

 

Séparation de l’Eglise et des media

 

Le Canard, qui fait depuis toujours de l’anticléricalisme bête son fonds de commerce, pose en une et en gros caractères la bonne question qui les obsède : « A quand la séparation de l’Eglise et des media ? » Ce qui revient à dire : à quand une Eglise invisible et inaudible qui n’aurait aucune prétention d’avoir de l’influence sur la morale, la législation, les comportements, les habitudes, l’habillement (à bas la calotte !), le langage ?

 

Sur ce point, Bayrou ne se sépare de Chirac qu’en apparence. Car celui-ci a plusieurs fois affirmé que la seule législation qui compte pour lui est celle qui est issue du suffrage et qu’il faut toujours la préférer à la loi naturelle, surtout si elle ressemble aux commandements de Dieu et de l’Eglise. Or, les programmes et les discours de nos catholiques de gouvernement ne font jamais référence à ces commandements. C’est trop peu dire qu’ils s’en écartent. Ils les ignorent. Si leur foi est un élan de l’âme, il ne transparaît ni dans leurs écrits ni dans leurs paroles. Ils écoutent les rumeurs de l’opinion, que leur donnent des sondages, qui écoutent eux-mêmes d’autres voix et conseillent d’autres voies, loin de la morale de papa, considérée comme dépassée et ne valant que pour l’hiver, enfin terminé, de l’humanité.

 

On peut ainsi dire que la législation de l’Etat est tout à fait séparée de la législation de

l’Eglise et que la crainte de Patrick Gonthier, plus haut cité, de voir la religion se réinstaller

subrepticement dans la société française est du domaine de la chimère. Le plus clair exemple de cela nous est fourni par la dernière loi de divorce préparée et soutenue par Dominique Perben qui fut élève d’un collège catholique de Lyon. Rien, dans le texte qu’il a fait voter, ne diffère de celui que Danton avait fait voter le dernier jour de la Législative. C’est la même brièveté de procédure pour mettre un terme à un mariage qui n’est plus une institution ni même un contrat. C’est l’installation dans nos lois, sinon dans nos moeurs, d’une répudiation possible après deux

ans d’une séparation mettant le divorce à la seule volonté de celui qui saura prendre

la poudre d’escampette. Les media font la législation en façonnant les élus du peuple

à leur image et ils organisent méthodiquement en France une séparation qui ressemble

à une répudiation : la législation des suffrages d’un côté, et d’un autre côté la législation chrétienne.

 

Evolution

 

Le pape Jean-Paul II par son enseignement, son langage, sa stature, son allure, puis enfin en souffrant et mourant à la face du monde, a soufflé la vedette à nos media, avides et gorgés de la politique de mort qu’il dénonçait. Il leur a lancé aux yeux, en dernier acte, le spectacle qu’ils refusent de voir et qui contredit toute leur doctrine, celui de la souffrance et de la mort. Passus et sepultus est.

 

Les commentateurs de micro ont glissé, au milieu de quelquesexclamations d’étonnement sur cette fin puis sur cette foule de beaucoup de foi, l’espoir d’un nouveau pape qui saurait enfin aligner son enseignement sur l’évolution du monde. Les cardinaux du futur conclave sont priés d’y réfléchir et de songer qu’une religion fondée depuis deux mille ans sur l’amour doit savoir faire sa part au sexe et à ses exigences. Il se trouve que la mort de Jean-Paul II est survenue le 2 avril en pleine soirée de sidaction, pour l’interrompre, et certains ne sont pas loin d’y voir une suprême malice de celui qui osa, disent-ils, interdire la capote au nom de la calotte (langage du Canard).

Nos cardinaux sont priés de choisir un pape qui trouvera d’autres solutions pour préserver le monde du sida que la vertu, la fidélité et qui comprendra enfin les nécessités du

tourisme sexuel. Çà ou là, des jeunes catholiques et même des séminaristes interrogés à Rome ont cru bien faire d’aller dans le sens du vent qui tourne. Les mêmes sans doute demanderont au Code pénal, qui interdit le vol et l’assassinat, de fournir également, en note explicative, les moyens d’éviter au voleur et à l’assassin les inconvénients et les sanctions de leur faute. Plus généralement, il paraît à la plupart des commentateurs difficile d’admettre que les règles morales n’ont pas à s’adapter à la société, mais que la société doit se façonner sur ces règles, qui furent

toujours celles des sociétés vivantes et confiantes en la vie. La plupart des pèlerins venus à Rome n’avaient pas fait ce chemin pour écouter des paroles changeantes et fugitives, mais regarder

une croix immobile et écouter une Eglise qui ne change pas.

 

Les cardinaux, qui sont en train de s’interroger et d’interroger les autres cardinaux, n’ont pu manquer d’entendre ce que disait, ce que criait, ce que priait, ce que chantait cette foule immense qui souhaite que l’Eglise demeure ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire, comme disait Maurras, « le temple des définitions du devoir ».

 

Pouvoir médiatique

Un auditeur d’une émission de télé que j’écoutais demanda quels étaient les pouvoirs réels du pape. Un commentateur lui expliqua que certes il était monarque absolu, mais que, comme Louis XIV, il était soumis à des lois fondamentales qu’il ne pouvait changer. La doctrine, la morale, les croyances n’étaient pas entre ses mains. Chef d’un orchestre, à moitié terrestre, à moitié céleste, il dirige l’interprétation d’une musique dont il n’est pas l’auteur.

 

Ici quelqu’un observa qu’il avait du moins tout le pouvoir médiatique et que Jean-Paul II l’avait pleinement exercé, en allant d’une marche d’abord rapide, puis lente et difficile, enseigner les nations.

 

Il m’est arrivé, je l’avoue, de critiquer tant de voyages et même de l’écrire. Garo aussi en remontrait à son curé. Ne courait-il pas le risque de vouloir séduire plus que convertir. N’aurait-il pas dû rester plus au-dessus des marées humaines et plus lointain, presque invisible ?

J’avais tort de critiquer. L’extrême ferveur qui a accompagné ses derniers jours et

sa mort n’était pas dirigée vers lui seulement, mais vers son message chrétien. Elle traduisait souvent chez des indifférents ou des tièdes un retour de foi. Dans un monde si laid, si menteur, si désespéré, si désespérant, quand les mediane pouvaient se séparer du spectacle de l’Eglise, c’est qu’ils savaient bien qu’il s’y passait quelque chose.

G.-P.W.

 

 

13- Alain de Penanster  de « Valeurs Actuelles » et Jean-Paul II : « le dernier géant »

Le dernier géant

Succéder à ce géant exposera à des comparaisons, affirme Alain de Penanster.  Mais il a tracé plusieurs voies. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et quand il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins », avait dit Paul VI. Jean-Paul II aura été le maître et témoin. Double qualité exprimée par son double prénom : Jean fut l’apôtre de l’amour de Dieu et du prochain, Paul l’énergique stimulateur itinérant. Ce double prénom représentait un programme. Il a été magnifiquement exécuté. Par sa durée et son intensité, le pontificat que nous venons de vivre marquera l’Histoire.


Alain de Penanster (lire son article. Cliquez ici)
 
Le deuil est planétaire. La disparition de Jean-Paul II est pour les catholiques celle d’un des plus grands papes des temps modernes. Pour les hommes de toutes croyances, elle est celle du dernier géant de notre époque. L’influence mondiale de ce pape vient d’abord de l’adéquation entre un monde en quête de sens et une personnalité exceptionnelle. Le succès de la phrase simple « N’ayez pas peur ! » est caractéristique du désarroi de notre époque : elle avait surtout peur de l’effacement de ses repères. Jean-Paul II, de formation philosophique, a réaffirmé et précisé la doctrine. Le rappel positif des valeurs chrétiennes et des finalités de la vie humaine a contribué à la chute du communisme, construction artificielle et inhumaine. Jean-Paul II n’a pas détruit le communisme, il l’a déclassé. En proposant des valeurs plus conformes à la nature réelle de l’homme et à son destin spirituel, il a mobilisé les consciences dans la vérité. Il y était aidé par sa personnalité forte et complexe. Dès son élection, au soir du 16 octobre 1978, il est entré avec naturel dans la soutane blanche. Il s’est adapté à la fonction pontificale jusqu’à lui donner des dimensions nouvelles. C’était un homme complexe. En bon chef, il savait surprendre volontairement. Il déroutait aussi involontairement certains esprits cartésiens par les circonvolutions de son esprit slave et par l’interférence de dons variés rarement réunis chez le même homme. Chez cet homme foisonnant, on peut distinguer sept aspects d’une personnalité totalement identifiée à sa mission.

Un pape incarné.
La formule “l’athlète de Dieu”, appliquée à ce pape dès ses débuts, traduit une première impression ressentie par tous : la force spirituelle, qui fut longtemps soutenue par une force physique. Élu à 58 ans, il est d’abord apparu comme un homme robuste et sportif, ce qui était nouveau dans la papauté. Ses mains qui bénissaient avaient travaillé en usine, tenu des pagaies de canoë comme des bâtons de ski.
Jean-Paul II aimait les vacances à la montagne. Il s’est laissé offrir une piscine dans la résidence pontificale de Castel Gandolfo. Après l’attentat du 13 mai 1981 et ses séquelles, il est allé simplement à la clinique et a fait publier ses bulletins de santé. Il embrassait des personnes avec naturel. Acceptant d’avoir un corps et de surmonter les inhibitions de son entourage à ce sujet, ce pape incarné dans son temps a mis fin à un tabou révérenciel.
Avec l’âge est venue la fatigue chez un homme qui s’est consumé à la tâche. Le bras gauche tremblait, les jambes ne suivaient pas toujours la tête ; la voix faiblissait parfois. Il avait le courage de ne pas cacher ses misères physiques. Mais, dans l’enveloppe de chair, la vigueur de l’âme demeurait intacte. Des adolescents du monde entier, réunis à Paris en août 1997 pour les Journées mondiales de la jeunesse, ont admiré l’énergie de cet aïeul : il surmontait sa lassitude pour les stimuler et leur délivrer un message spirituel qui n’a pas d’âge. Cette leçon d’énergie lui survit.

Le grand sourcier.
La puissance charismatique de Jean-Paul II n’était pas celle d’un grand sorcier, mais d’un grand sourcier. Cet intuitif avait le pouvoir de faire surgir, des profondeurs de l’âme d’un homme ou d’un peuple, la nappe phréatique de ses ressources enfouies.
Aux personnes comme aux communautés, il posait vite les questions essentielles. Lors de son premier voyage pontifical en France, en 1980, il interpellait au Bourget une foule clairsemée : « France, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? France, éducatrice des peuples, es-tu fidèle à ton alliance avec la Sagesse éternelle ? » La réponse ne fut pas immédiate. Mais les Français étaient plus nombreux et fervents en 1986 lors de sa visite à Lyon, puis en 1996 à Sainte-Anne-d’Auray, à Tours et à Reims. L’appel du Bourget avait fait lentement remonter la nappe. Le succès des JMJ en 1997 en est aussi une conséquence.
De même, la conviction de Jean-Paul II, qu’il partageait avec l’archiduc Otto de Habsbourg, était que les nations d’Europe participent à une identité commune issue de leur évangélisation et des siècles de formation chrétienne. Les totalitarismes nazi, communiste et néocommuniste étaient des avatars provisoires qui recouvraient une identité chrétienne beaucoup plus ancienne. Ils disparaîtraient tôt ou tard. Le pape voulait y contribuer en faisant sourdre des vérités enfouies. Il pensait que les peuples valent mieux, sur le long terme, que les régimes politiques qu’ils ont choisis ou acceptés.

L’un des vainqueurs du communisme.
La connivence était naturelle entre le grand sourcier et la Pologne de ses origines. Ses trois premiers voyages dans son pays sous régime communiste, en 1979, 1983 et 1987, ont largement contribué à l’effondrement de ce régime. Contrairement aux papes précédents, Jean-Paul II connaissait de l’intérieur la mentalité slave et le vécu du communisme. Les Polonais l’ont compris à demi-mot.
Au cours de ces voyages, il a peu critiqué le communisme : un système mensonger ne l’intéressait pas. Il a rappelé positivement les valeurs chrétiennes qui devaient constituer les bases d’un système de remplacement. À partir de 1980, les Polonais de Solidarité ont édifié ce réseau en faisant appel au pays réel. Contrairement aux Hongrois de 1956, aux Tchèques et aux Slovaques de 1968, ils n’ont voulu ni renverser ni aménager le communisme. Ils ont bâti un autre système à côté de lui.
Cela supposait une large entente, y compris avec certains agnostiques. Jean-Paul II a défini l’Église comme “route de l’homme” et pris la défense des droits de l’homme, pratiquant ou non. Il a demandé à l’Unesco, le 2 juin 1980, que les sociétés “respectent l’homme comme valeur particulière et autonome, comme le sujet porteur de la transcendance de la personne”. Il s’est ainsi placé en moraliste universel, au-delà de la défense des seuls catholiques. Sa lutte et celle des Polonais ont rejoint et amplifié le combat spirituel de dissidents comme Alexandre Soljenitsyne et Vaclav Havel.
Quand Mikhaïl Gorbatchev vient pour la première fois au Vatican, le 1er décembre 1989, Jean-Paul II sait que le communisme s’écroule en Europe et que son interlocuteur connaît son opinion. Raïssa Gorbatcheva, qui ne veut pas encore croire à cette défaite, arbore une robe rouge au lieu de la robe noire requise par le protocole pontifical. Lors de la seconde visite du couple Gorbatchev chez le pape, elle mettra une robe grise, acceptant en partie les usages du camp vainqueur.

Le défenseur de Dieu chez César.
Pour Jean-Paul II, la nation est un ensemble vivant. Sa culture et sa politique résultent de choix spirituels, officiels ou implicites. Quand le spirituel est en cause, les droits de Dieu sont présents dans le domaine de César. Ce pape a débordé du terrain strictement religieux vers certains domaines profanes comme les libertés, l’accès à l’enseignement, le partage des ressources et des terres, la spéculation sans valeur ajoutée.
Les pontifes précédents ne voulaient pas intervenir dans les affaires internes d’une nation. Il l’a fait plusieurs fois, passant avec naturel du spirituel à l’éthique, puis au politique. Ainsi a-t-il déclaré au Chili, en avril 1987 : « Les droits de l’homme, ce qui veut dire justice, appartiennent au contenu de notre mission. Ce n’est pas de la politique. »
Jean-Paul II intervenait au service de la nation dans sa continuité, au service de la liberté. En 1983, en Pologne, il avait osé déclarer : « La souveraineté de l’État est profondément liée à sa capacité de promouvoir la liberté de la nation. » L’aliénation par une idéologie ou par une domination étrangère rendait le pouvoir illégitime. Déjà en 1980 à l’Unesco, il avait demandé : « N’y a-t-il pas sur la carte de l’Europe et du monde des nations qui ont une merveilleuse souveraineté historique provenant de leur culture et qui sont en même temps privées de leur pleine souveraineté ? » C’était le cas en Europe de l’Est. On y a changé de César.

L’apôtre planétaire.
Aucun de ses prédécesseurs n’a utilisé ainsi les voyages comme moyen systématique d’information, de contacts, d’enseignement et d’apostolat. Ce pape de grand vent est allé presque partout où il était invité, venant, disait-il “pour recevoir autant que pour donner”. Du Grand Nord canadien à la Papouasie, il a voyagé à la rencontre des hommes dans leur diversité.
Dans certains voyages pastoraux, il se limitait à “confirmer la foi de ses frères”, selon la demande de Jésus à Pierre. Dans d’autres cas, il entrait dans le domaine qu’un État s’était réservé. Ainsi avait-il déclaré à son arrivée au Paraguay, le 16 mai 1988 : « Le but de ce voyage apostolique est de faire en sorte que le message évangélique continue à modeler toujours davantage nos cœurs, se projetant avec force et efficacité sur toutes les structures de la coexistence civique et sociale. » Cette visite hâta la démocratisation du Paraguay.
Aidé par un exceptionnel don des langues, ce “curé du monde” a été un prodigieux agent de relations publiques pour l’Église sur les terrains les plus divers.
Cependant il a connu deux sortes d’échecs. Les uns au cours des voyages réalisés : indifférence de la foule turque, caricatures grossières aux Pays-Bas, messe perturbée de slogans politiques au Nicaragua sandiniste. Les autres sont les voyages qu’il n’a pas pu faire : la Chine (son grand regret), la Russie, l’Irak et la quasi-totalité des pays musulmans.

Le moraliste rigoureux.
Sur le terrain de la morale, Jean-Paul II est resté très ferme. Il n’a admis ni l’avortement, ni l’euthanasie active, ni la contraception artificielle. Le droit canon continue à exclure le mariage des prêtres, l’ordination d’hommes mariés et l’accès des femmes au sacerdoce.
Aidé du strict cardinal Ratzinger, Jean-Paul II a même réitéré le refus de la contra-ception artificielle, énoncé par Paul VI, en le durcissant : « La décision de créer ou non une vie est une prérogative de Dieu. Par la contraception, l’être humain prend la place de Dieu. »
Pour préciser l’ensemble de la doctrine, il a fait réaliser, sous la direction du cardinal Schönborn, le Catéchisme de l’Église catholique, qui restera l’une des œuvres capitales du pontificat.
Jean-Paul II savait que sa rigueur plairait à certains jeunes mais en détournerait d’autres d’une pratique jugée trop exigeante. Ceux-ci disaient : « Nous aimons le chanteur, mais pas la chanson. » Refusant de modifier la chanson pour contenter une partie du public, il a accepté d’être plus admiré que suivi. Il aurait préféré l’inverse.

Le chercheur de réconciliations.
Paradoxe apparent : ce pape a réaffirmé avec vigueur l’identité du catholicisme, mais il a été aussi très ouvert à l’œcuménisme et s’est beaucoup excusé de fautes d’hommes d’Église dans le passé. « L’Église doit respirer par ses deux poumons, l’occidental et l’oriental », disait ce Polonais, né près de la limite entre les mondes catholique et orthodoxe. Tout son pontificat a cherché un rapprochement avec les orthodoxes. Déception partielle ! Il a pu aller en Roumanie, en Géorgie, en Ukraine, en Grèce et en Bulgarie, mais pas dans cette Russie où le “prosélytisme romain” est critiqué.
Jean-Paul II a demandé pardon pour l’attitude des catholiques lors du schisme d’Orient en 1054. Sur les croisades, l’Inquisition, Jan Hus, Luther, les guerres de Religion, les Indiens d’Amérique, la traite des Noirs, les juifs, Galilée, les dictatures, il a exprimé des regrets pour les fautes commises alors. Le catholicisme aurait dû être libérateur et ne l’a pas toujours été par la faute des hommes.
Le but était de “purifier la mémoire de l’Église” pour le jubilé de l’an 2000. Mais ces repentances ont désemparé certains catholiques. Bientôt détournées du cadre précis que leur avait assigné le pape, elles ont été perçues comme une nouvelle relativisation des certitudes. Un consistoire de cardinaux a mis le pape en garde contre le risque d’anachronismes : « Les époques anciennes doivent être étudiées dans le contexte vivant de leur temps. » De plus, ces désaveux du passé n’ont suscité presque aucune réciprocité chez les protestants et les orthodoxes et aucune chez les musulmans.
Surmontant déceptions et difficultés de santé, Jean-Paul II s’est battu sur tous les fronts. Il était décidé à réaliser la prédiction que lui avait faite le cardinal Wyszynski : « Tu dois être le pape qui fera entrer l’Église dans le troisième millénaire. » Il l’a fait.
Succéder à ce géant exposera à des comparaisons. Mais il a tracé plusieurs voies. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et quand il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins », avait dit Paul VI. Jean-Paul II aura été le maître et témoin. Double qualité exprimée par son double prénom : Jean fut l’apôtre de l’amour de Dieu et du prochain, Paul l’énergique stimulateur itinérant.
Ce double prénom représentait un programme. Il a été magnifiquement exécuté. Par sa durée et son intensité, le pontificat que nous venons de vivre marquera l’Histoire
.
Alain de Penanster . Valeurs actuelles », n° 3567 paru le 8 Avril 2005

 

 

 

 

14- Abbé Claude Barthe. La monarchie pontificale à l’épreuve »

 

Sur le pontificat qui se termine, Mr l’abbé Barthe s’est exprimé dans le Figaro-Magasine, Le Figaro Hors-Série d’avril 2005 titré « Jean-Paul II. La légende d’une vie. Les grandes heures d’un pontificat » . Ce numéro, réalisé sous la haute autorité de Michel De Jaehgere, est très intéressant et vaut le détour.  Là, sur deux petites pages, les pages 66 et 67,  l’abbé Barthe donne son avis. Il intitule son article : « La monarchie pontificale à l’épreuve ».

 

Il procède  de question en question.  Son papier ainsi va de rebond en rebond. Mais il est uni par cette préoccupation  majeure : qu’en est-il aujourd’hui de l’autorité pontificale que laisse Jean-Paul II ? Est-elle bien assise ? Le charisme de Jean-Paul II a-t-il fortifié cette autorité ou au contraire affaiblie. « En a-t-il sauvé l'autori­té ? » : voilà la question à la quelle veut répondre finalement  l’abbé Barthe.

 

Quelle est donc sa réponse ? Serait-il exagéré de résumer sa pensée sur ce pontificat avec cette phrase un peu désolante mais  peut-être  très réaliste, trop réaliste :  Dans son pontificat  « Il y aura eu « infla­tion de papier » et impuissance dans le gouvernement ». C’est ce que remarquait déjà le journaliste italien Vittorio Messori ». Je ne serais pas loin de l’admettre. Et l’on pourrait peut-être tempérer ce jugement par cette autre phrase :  : « Il aura été une tentative de pallier l'évanouissement de l'autorité doc­trinale traditionnelle, en rempla­çant en quelque sorte, comme diraient les sociologues, la « struc­ture » par l'« enthousiasme ».   C’est bien vu.

 

L’Eglise semble aujourd’hui difficilement gouvernable. Oui !Quelle autorité, va-t-il  falloir à son successeur…Mais pourtant, c’est de « gouvernement » qu’il nous faut…un bon !Prions ! 

 

 

Pour lire l’article de Mr l’abbé Barthe, cliquez ici

 

«  La monarchie pontificale à l’épreuve »

 

Claude BARTHE

 

Est-ce la fin d'un pontificat ou d'une certaine idée de la papauté ? Car on peut se demander si, avec Jean-Paul II, ce n'est pas l'image que Rome donne au monde depuis les grandes figures des papes du XIXe et du XXe siècle, et même peut-être depuis la centralisation du catholicisme opérée par la réforme grégorienne au XIe siècle, qui s'efface. Le règne qui vient de s'achever est, à cet égard, fascinant : Jean-Paul II a hérité au pire moment d'une charge qui n'avait jamais été autant contestée à l'inté­rieur du catholicisme. Quoi de plus difficile, en effet, à faire aujourd'hui entendre, dans un monde qui fait de l'absence de contrainte la valeur des valeurs, que le « magistère » d'un homme seul, revêtu de l'« infaillibi­lité », puisse contraindre à croire comme ceci et à agir comme cela ? Jean-Paul II a mis tout en œuvre pour « sauver la mise » grâce à un quotient personnel tout à fait excep­tionnel : c'est-à-dire qu'il a voulu combler le déficit institutionnel par un charisme individuel, que le temps, l'âge, la maladie, non seulement n'ont pas usé, mais ont surdimensionné. Il a sauvé, sublimé l'image de sa fonction. En a-t-il sauvé l'autori­té ? C'est précisément parce qu'il a réussi à personnaliser sa fonction à un tel degré, qu'on peut se deman­der si une autre personnalité pourra vraiment en assumer l'héritage.

 

Il faut se souvenir de quelle situa­tion d'autorité, ou plutôt d'absence d'autorité, Jean-Paul II a pris la charge, il y a presque un quart de siècle. L'Eglise tournoyait dans le cyclone d'après Mai 68, ses propres incertitudes nourrissant la tempête. Bien avant cela, c'est vrai, le gros des catholiques en prenait et en laissait dans les obligations que rap­pelait le Magistère, mais ils conti­nuaient à venir à la messe le dimanche. Et puis voilà que d'un coup, entre Concile et crise de société, à la fin des années soixan­te, tout s'est envolé, soutanes, cer­titudes. Les deux tiers des catho­liques ont cessé de pratiquer et ceux qui restaient, quand ils n'étaient pas d'accord, se sont mis à le dire tout haut. Cet effondrement soudain, comme celui d'une falaise qui s'af­faisse sur ses bases sapées depuis longtemps, peut être daté de 1968-1969. On a alors connu (novembre 1969) une refonte totale de la litur­gie, imposée mais dans la libre interprétation, « à la manière de la révolution culturelle de Mao », dira plus tard le cardinal Lustiger. Plus déstabilisant encore a été le large refus opposé à l'encyclique Humanae Vitae (25 juillet 1968), par laquelle Paul VI condamnait la contraception artificielle. Une contestation, ouverte ou larvée, s'est partout propagée avec le sen­timent (pour s'en réjouir ou pour le déplorer) que la religion chan­geait, le tout sur fond de « départs » de prêtres et religieux, « affaires » de théologiens contestataires, supé­rieurs qui faisaient psychanalyser leurs religieux.

Les cardinaux, qui se réunirent deux fois en 1978, une première fois pour élire l'éphémère Jean-Paul Ier, une seconde fois pour porter leurs voix sur celui qui devint Jean-Paul II, étaient convaincus qu'il fallait « siffler la fin de la récréation » (toujours Jean-Marie Lustiger). C'est d'ailleurs le cardinal König, arche­vêque de Vienne, un prélat réputé d'ouverture, qui avait proposé « l'hypothèse Karol Wojtyla » : l'élection du cardinal de Cracovie, le plus traditionnel parmi les cardi­naux incontestablement conciliaires, ressemblait un peu à un coupe-feu. Ainsi a commencé un long effort de « restauration », qui a été visible à partir de 1985, lorsque le cardinal Ratzinger a publié son Entretien sur la foi. Le plus marquant a été le rappel insistant de la doctrine morale (Donum Vitae sur la bioéthique, 1987 ; Veritatis Splendor, 1993 ; Evangelium Vitae sur la vie humaine, 1995). Mais il y eut aussi le soutien accordé à des organisa­tions telles que l'Opus Dei, les Légionnaires du Christ, Comunione e Liberazione, pendant qu'était torpillée la théologie de la libéra­tion. Sans parler du renouvellement des épiscopats, au fur et à mesure des démissions, dans un sens modéré.

Mais dans le même temps, les grandes « ouvertures » ont été confirmées, et de manière particu­lièrement spectaculaire : journée d'Assise, en 1986 ; visite à la synagogue de Rome ; baiser au Coran ; billet de repentir introduit dans le mur des Lamentations ; visite à la mosquée de Damas ; avalanche de gestes, accords, déclarations œcuméniques ; repentances du grand Jubilé de l'an 2000 ; linéaments d'une réforme œcuménique de la papauté (ency­clique Ut Unum Sint). Ce pontificat aura donc représenté un gigan­tesque effort pour unir les deux bouts de la chaîne, l'« ouverture » et l'autorité traditionnelle de la foi. Il aura été une tentative de pallier l'évanouissement de l'autorité doc­trinale traditionnelle, en rempla­çant en quelque sorte, comme diraient les sociologues, la « struc­ture » par l'« enthousiasme ». Le tout grâce à l'exceptionnelle volon­té d'un homme doté d'une présen­ce médiatique non moins excep­tionnelle. Mais au bout du compte avec quel succès ? Celui de la production d'une mas­se impressionnante de documents qu'on peut considérer comme autant de pierres d'attente. Le nou­veau Catéchisme universel, publié le 11 octobre 1992, trente ans après l'ouverture du Concile, que le cardinal Ratzinger, pivot de l'entreprise, qualifie de « remontée del'intérieur », la lettre Ordinatio Sacerdotalis, du 22 mai 1994, qui est peut-être le document le plus contesté du pontificat et qui refuse d'étendre aux femmes l'ordination sacerdotale, l'encyclique Fides et Ratio, le nouveau code de droit canonique de 1983, l'instruction sur la vocation ecclésiale du théologien, la « Profession de foi » théoriquement imposée à tous ceux qui exercent charge d'âmes, l'instruction « sur quelques ques­tions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres », qui tente d'empêcher l'effacement des frontières entre sacerdoce et laicat, la lettre apostolique Apostolos Suos, qui voudrait délimiter l'autorité des conférences épiscopales, et d'autres encore, sont autant de bornes.

Mais dans le quotidien, rien n'a vraiment changé, sauf dans la manière de dire « non ». En 1968, les six cents prêtres du groupe Echanges et Dialogue demandaient « la mort du clerc ». Aujourd'hui, un synode diocésain peut publier paisiblement des vœux en faveur de l'ordination de prêtres mariés. Rome réprouve les théologiens contestataires, mais estime ne pas pouvoir exiger leur soumission sous peine d'exclusion, et tel ne croit pas au péché originel, tel conteste la virginité de Marie, tel autre esti­me qu'on peut être bouddhiste et chrétien en même temps. Rome a tranché à propos de l'ordination des femmes ? Le catholique de base « ne voit pas pourquoi... », même si dans les faits il n'aimerait pas recourir aux services d'une femme-prêtre. Il y aura eu « infla­tion de papier » et impuissance dans le gouvernement, remarquait le journaliste italien Vittorio Messori. Mais comment eût-il été possible de mieux faire sans disposer d'une hiérarchie entièrement remaniée ? Jean-Paul II a dû gérer, en réalité, une Eglise éclatée, en proie à un schisme multiforme, avec en outre, diversification des pratiques liturgiques, émiettement des communautés. Il est vrai que cet émiettement a permis aussi une réaction de survie : les forces vives qui se sont manifestées à l'occasion des grands rassemblements des JMJ ont mis en cause les orientations « progressistes » de leurs aînés en profitant paradoxalement des espaces de liberté que la contesta­tion de ces derniers avaient créés. Mais, paradoxe contre paradoxe, ces immenses rassemblements de jeunes, symboles du renouveau, en marquent aussi les limites : celles d'un catholicisme des mani­festations et pèlerinages plus que de la vie quotidienne, une religion de la chaleureuse adhésion plutôt que de la soumission à la loi du Christ. Reste que les jeunes prêtres identitaires, les groupes de prière, les communautés jeunes, les paroisses revitalisées existent dans les années deux mille, et existent en quelque sorte contre le grand remue-ménage des années soixan­te-dix, traduisant une même aspi­ration profonde à être conduits au nom du Christ.

Evanouissement de l'autorité, dernière chance de l'autorité ? Le présent étant ingouvernable, c'était peut-être ce pari sur le futur, pari intuitif ou utopique, qu'a fait Jean-Paul II ».