« Les
Nouvelles de Chrétienté »
Sommaire :
Présentation : Jean-Paul II : « Vingt-sept
ans de Pontificat au cœur de l’histoire »
A- : Rapide aperçu quantitatif du Pontificat
de Jean-Paul II.
1-Message des Autorités de
2- Le cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat de Jean-Paul II.
6- Jean Madiran
et Jean-Paul II : « C’est un puissant génie religieux ».
7- Yves Chiron. Jean-Paul II, « pape antimoderne », « anti libéral »
8- Mr l’abbé
Barthe et l’œcuménisme de Jean-Paul II et de Vatican II
9- Camille-Marie
Galic, éditorialiste de Rivarol « Le pape des paradoxes ».
10-Le « Courrier
de Rome » et la théologie
du pape Jean-Paul II
11- Abbé
Paul Aulagnier et le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta »
12- Me Georges-Paul
Wagner juge le pontificat de Jean-Paul
II
13- Alain
de Penanster de « Valeurs
Actuelles » et Jean-Paul II : « le dernier géant »
14- Abbé
Claude Barthe. “La monarchie pontificale
à l’épreuve »
Les obsèques du Pape Jean-Paul II,
célébrées sur la place saint Pierre, le vendredi 8 avril
2005, furent grandioses. Une journée, pour beaucoup de fidèles,
inoubliable. L’affluence
des fidèles, non seulement à Rome, mais dans de très
nombreuses capitales de part le monde
et tout particulièrement à Cracovie, en Pologne, fut
étonnante, surprenante. Ce pape a su toucher le peuple, la jeunesse.
Le peuple fut présent, ému, recueilli, vibrant, souffrant.
Les visages ne cachaient pas la
peine. De très nombreux chefs d’Etat étaient aussi présents…
au pied de
Beaucoup se sont exprimés sur ce Pontificat. Beaucoup ont déjà écrit. Des hommes d’Etat, des penseurs, des hommes d’action, des journalistes, des philosophes, des professeurs d’histoire…des avocats….Je voudrais en recueillir certains témoignages, et comme une sorte de florilège, les présenter à votre réflexion. .
A- Rapide aperçu quantitatif du Pontificat
Jean-Paul II a été élu le 16 octobre 1978 et a inauguré solennellement sa mission le 22 octobre ; son Pontificat a été le plus long du siècle, depuis ceux de Léon XIII ( 25 ans et 5 mois, de 1878 à 1903) et de Pie IX (31 ans et sept mois, de 1846 à 1878).
Il a effectué 104 voyages apostoliques,
visitant 129 pays différents, parcourant ainsi plus de
Il a effectué 143 visites pastorales en Italie ( au 7 octobre 2003) et 740 visites à Rome et à Castel Gandolfo, dont 301 visites à des paroisses romaines.
Il a écrit 14 Encycliques, 14 Exhortations apostoliques, 11 Constitutions apostoliques, 45 Lettres apostoliques et 28 Motu Proprio. Les Encycliques de Jean-Paul II peuvent se diviser en différents groupes thématiques : le « triptyque trinitaire » (12979-1986), qui contient tout le programme des Encycliques suivantes : Redemptor hominis, Dives in Misericordia et Dominum et vivificantem ; le » triptyque social » (1981-1991) : Laborem exercens. Sollicitudo rei socialis et Centesimus annus. Ensuite, cinq Encycliques traitent de thèmes « ecclésiologies » : Salvorum apostoli, Redemptoris missio, Ut unum sint, Redemtoris Mater et Ecclesia de Eucharistia. Enfin trois textes doctrinaux peuvent être classés dans le domaine « anthropologique » : Veritais splendor, Evangelium vitae, et Fides et Ratio.
La pape Jean-Paul II a présidé 147 cérémonies de béatification, au cours desquelles il a proclamé 1338 bienheureux (dont 198 Français) et 51 cérémonies de canonisation, au cours desquelles il a proclamé 482 saints (dont 30 français)
Il a tenu 9 consistoires pour la création de 231 cardinaux. Il a également convoqué 6 réunions plénières du Collège des Cardinaux. Il a réuni 15 Synodes des Evêques : 6 Assemblées générales ordinaires (sur la famille en 1980, la réconciliation en 1983, les laïcs en 1987, la formation des prêtres en 1990, la vie consacrée en 1994 et, en 2001, sur le ministère épiscopal, une Assemblée générale extraordinaire (sur le Concile Vatican II en 1985), 7 Assemblées spéciales (sur l’Europe en 1991 et en 1999, l’Afrique en 1994, le Liban en 1995, l’Amérique en 1997, l’Asie et l’Océanie en 1998) et un Synode particulier (pour les Pays-Bas en 1980). Il a consacré environ dix mille audiences aux évêques venus en visite « ad limina ». Il a présidé 1.145 Audiences générales hebdomadaires sur divers thèmes, en présence d’environ 20.000.000 pèlerins, provenant du monde entier(octobre 2003).
Il a participé à plus de 1500 entretiens avec des personnalités politiques, comprenant les visites officielles de chefs d’Etat et de gouvernement.
1-Message des Autorités
de
« Il
était fier de
« Nous avons appris avec un profond regret et une grande tristesse la nouvelle de la mort du pape Jean-Paul II
Grand Personnage, Grand Polonais et depuis plus de vingt six ans chef de l’Eglise catholique.
Il fut l’une des figures les plus éminentes
de notre époque . Ses paroles et ses actions ont eu une immense influence sur la réalité
de
Le peuple polonais a subi une perte irréparable. Une personne qui était
un symbole de la grande transformation de notre planète s’est
éteinte. Une personne qui a toujours apporté force et espérance
à ses concitoyens, les a soutenus dans leur chemin vers la liberté,
les a aidés à faire les justes
choix.
Il était fier de
Aujourd’hui, nous disons adieu au Pape, mais nous ne perdons pas confiance. La grande œuvre de ce Pape restera vivante dans son cœurs et dans notre esprit, elle demeurera un guide important pour notre Patrie.
Aleksander Kwasniewski (Président de la république de Pologne.
Wlodzimierz Cimoszewicz président de la chambre des députés
Longin Pastusiak Président du sénat
Marek Belka Président du Conseil des
Minsitres de
2- Le cardinal Sodano,
Secrétaire d’Etat
Le cardinal Sodano fut le premier cardinal a
conféré le titre de « grand » au
pape Jean-Paul II. Ce fut au cours de son homélie sur la place saint
Pierre, le dimanche de la miséricorde, fête instituée
par Jean-Paul II. Il s’exclama :
« Jean-Paul II, ou plutôt Jean-Paul le Grand ».
Il affirma également que Jean-Paul II « devint
ainsi le héraut de la civilisation de l’amour, voyant
dans ce terme l’une des définitions les
plus belles de la « civilisation chrétienne ».
Voici quelques unes des paroles du cardinal
Sodano, cliquez ici :
« Il est vrai, notre âme est ébranlée par un événement douloureux ; notre Père et Pasteur, Jean-Paul II nous a quittés. Toutefois, pendant vingt-six années, il nous a toujours invités à nous tourner vers le Christ, unique raison de notre espérance. Pendant vingt-six années, Il a apporté sur toutes les places du monde l’Evangile de l’espérance chrétienne…
Il serait émouvant de relire l’une des plus belles Encyclique, « Dives in misericordia », qui nous a été offerte en 1980, en la troisième année de son Pontificat. Le pape nous invitait alors à regarder le Père « des miséricordes et le Dieu de toute consolation dans toute notre tribulations » (cf 2 Cor 1 3-4)
Dans la même Encyclique, Jean-paul II
nous invitait ensuite à nous tourner vers Marie, Mère de
Et ce fut notre Pape bien-aimé lui-même qui appelé, ensuite, les Eglises d’aujourd’hui à être la maison de la miséricorde, pour accueillir tous ceux qui ont besoin d’aide, de pardon et d’amour.
Combien de fois le Pape a-t-il répété au cours de ces 26 années que les rapports mutuels entre les hommes et entre les peuples ne peuvent pas se fonder uniquement sur la justice, mais qu’ils doivent être perfectionnés par l’amour miséricordieux, qui est caractéristique du message chrétien.
Jean-Paul II, ou plutôt Jean-Paul le Grand, devint ainsi le héraut de la civilisation de l’amour, voyant dans ce terme l’une des définitions les plus belles de la « civilisation chrétienne ». Oui la civilisation chrétienne est la civilisation de l’amour, à la différence radicale de ces civilisations de la haine qui furent proposées par le nazisme et par le communisme. …Que son message demeure pour toujours gravé dans le cœur des hommes d’aujourd’hui. A tous, Jean-Paul II répète encore une fois les paroles du Christ : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par Lui » (Jn 3 17). Jean-Paul II a diffusé dans le monde cet Evangile du salut, en invitant toute l’Eglise à se pencher sur l’homme d’aujourd’hui pour l’embrasser et le réconforter avec un amour rédempteur. Que notre tâche soit de recueillir le message de celui qui nous a quittés et de le faire fructifier pour le salut du monde ». (Paroles prononcées par le cardinal lors de la messe du dimanche 3 avril, à 10h30, célébrée sur la place saint Pierre en ce dimanche de la miséricorde.
Le cardinal Poupart, président, depuis
1980, du Conseil pontifical de la culture a donné son sentiment sur
Jean-Paul II dans le journal « L’Homme
Nouveau », le 10 avril. Il résume sa pensée en ces
mots : « Jean-Paul II était
pour l’Eglise et pour le monde un modèle bouleversant inégalable
d’intelligence et de courage. Homme de foi, d’espérance
et d’amour. Homme tout donné au Christ par la vierge Marie. « Totus
tuus ».
Pour lire son texte, cliquez ici
« Si je devais, d’un mot, traduire mon sentiment personnel pour Jean-paul II…je lui donnerais sans hésiter le qualificatif de « Jean-Paul le Grand ».
Grand, Jean-Paul II l’était par la sainteté d’une vie où la prière est la respiration intérieure d’une existence toute donnée à l’Eglise et au monde.
Grand, Jean-Paul II l’était par
ses intuitions prophétiques, la solidité
de sa théologie nourrie par une culture impressionnante et éclairée
par une recherche philosophique approfondie sur l’homme, le courage
de ses positions pour la défense de l’intégrité
de
Grand, Jean-Paul II l’était par
son dévouement sans limite, son attention délicate pour les
plus petits comme les plus grands, son amour privilégié des
enfants et des jeunes, qui le lui rendent si bien : je pense au Parc
des Princes en 1990, et aux extraordinaires Journées Mondiales de
Grand, Jean-Paul II l’était devant l’ensemble des chefs d’Etat du monde entier, qui, des plus grandes puissances comme des plus petites nations dont ils ont la charge, ressentaient
la nécessité de venir en
Grand, Jean-Paul II l’était devant les chefs des grandes religions qu’il a à plusieurs reprises réunis dans la ville symbolique d’Assise, pour unir les hommes et les femmes de toutes cultures du monde entier dans la prière pour la paix du monde.
Grand, plus que tous, en ce monde si inquiet et tourmenté à l’aube du troisième millénaire, Jean-Paul II était pour l’Eglise et pour le monde un modèle bouleversant inégalable d’intelligence et de courage. Homme de foi, d’espérance et d’amour. Homme tout donné au Christ par la vierge Marie. « Totus tuus ». (HN Le 10 avril 2005 p. 20)
Dans son homélie, du 8 avril 2005, jour des obsèques du Pape
Jean-Paul II, le cardinal
Joseph Ratzinger, Doyen du Collège des cardinaux, a surtout insisté sur le don que Jean-Paul II a fait de lui-même,
de sa personne en acceptant et
en accomplissant sa charge pétrinienne, de sa souffrance en la vivant
en union à
Il
a dit :
« Le
Saint-Père a été … prêtre jusqu’au
bout, parce qu’il a offert sa vie à Dieu pour ses brebis, et
pour la famille humaine tout entière, dans une donation de soi quotidienne
au service de l’Église et surtout dans les épreuves difficiles
de ces derniers mois »
« Notre
Pape - nous le savons tous - n’a jamais voulu sauvegarder
sa propre vie, la garder pour lui ;
il a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au
dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi. »
Il
a aussi insisté sur la fraîcheur et l’élan de sa
foi ;
« Il
nous a réveillés, a-t-il dit, d’une foi fatiguée, du sommeil des disciples
d’hier et d’aujourd’hui ».
A
tel point qu’ :« il a donné une nouvelle fraîcheur,
une nouvelle actualité, un nouvel attrait à l’annonce
de l’Évangile, même lorsque ce dernier est signe de contradiction.
Et
il puisait tout cet élan dans son amour du Christ :« L’amour
du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint-Père »
ou encore « Il a interprété pour nous le mystère
pascal comme mystère de
« Ainsi grâce à son profond enracinement dans le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces purement humaines : être le pasteur du troupeau du Christ, de son Église universelle.
« Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles : « C’est un autre qui te mettra ta ceinture ... ». Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1).
« le
Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est
pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été
si éloquent et si fécond. »
(Homélie du Cardinal Ratzinger, le jour des obsèques de Jean-Paul II, cliquez ici )
« Suis-moi », dit le Seigneur ressuscité à Pierre ; telle est sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. « Suis-moi. » Cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé pape Jean-Paul II, dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité - avec le cœur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude.
Tels sont les sentiments qui nous
animent, Frères et Sœurs dans le Christ, présents sur la
place Saint-Pierre, dans les rues adjacentes et en divers autres lieux de
la ville de Rome, peuplée en ces jours d’une immense foule silencieuse
et priante. Je vous salue tous cordialement. Au nom du Collège des
cardinaux, je désire aussi adresser mes salutations respectueuses aux
chefs d’État, aux chefs de gouvernement et aux délégations
des différents pays. Je salue les autorités et les représentants
des Églises et des communautés chrétiennes, ainsi que
des diverses religions. Je salue ensuite les archevêques, les évêques,
les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles, venus
de tous les continents; et de façon particulière les jeunes,
que Jean-Paul II aimait définir comme l’avenir et l’espérance
de l’Église. Mon salut rejoint également tous ceux qui,
dans chaque partie du monde, nous sont unis par la radio et la télévision,
dans cette participation unanime au rite solennel d’adieu à notre
Pape bien-aimé.
Suis-moi
- depuis qu’il était jeune étudiant, Karol Wojtyla
s’enthousiasmait pour la littérature, pour le théâtre,
pour la poésie. Travaillant dans une usine chimique, entouré
et menacé par la terreur nazie, il a entendu la voix du Seigneur: Suis-moi !
Dans ce contexte très particulier, il commença à lire
des livres de philosophie et de théologie, il entra ensuite au séminaire
clandestin créé par le cardinal Sapieha et, après la
guerre, il put compléter ses études à la faculté
de théologie de l’université Jagellon de Cracovie. Très
souvent, dans ses lettres aux prêtres et dans ses livres autobiographiques,
il nous a parlé de son sacerdoce, lui qui fut ordonné prêtre
le 1er novembre 1946. Dans ces textes, il interprète son
sacerdoce en particulier à partir de trois paroles du Seigneur. Avant
tout celle-ci: « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi,
c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez,
que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15, 16). La deuxième parole est celle-ci: « Le
vrai berger donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11). Et finalement: « Comme
le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez
dans mon amour » (Jn 15, 9). Dans ces trois paroles, nous voyons toute l’âme
de notre Saint-Père. Il est réellement allé partout,
et inlassablement, pour porter du fruit, un fruit qui demeure. « Levez-vous,
allons! », c’est le titre de son avant-dernier livre. « Levez-vous,
allons! » Par ces paroles, il nous a réveillés
d’une foi fatiguée, du sommeil des disciples d’hier et
d’aujourd’hui. « Levez-vous, allons! »
nous dit-il encore aujourd’hui. Le Saint-Père a été
ensuite prêtre jusqu’au bout, parce qu’il a offert sa vie
à Dieu pour ses brebis, et pour la famille humaine tout entière,
dans une donation de soi quotidienne au service de l’Église et
surtout dans les épreuves difficiles de ces derniers mois. Ainsi,
il s’est uni au Christ, le bon pasteur qui aime ses brebis. Et enfin,
« demeurez dans mon amour » : le Pape, qui a cherché
la rencontre avec tous, qui a eu une capacité de pardon et d’ouverture
du cœur pour tous, nous dit, encore aujourd’hui, avec ces différentes
paroles du Seigneur : en demeurant dans l’amour du Christ nous
apprenons, à l’école du Christ, l’art du véritable
amour.
Suis-moi !
En juillet 1958, commence pour le jeune prêtre Karol Wojtyla une nouvelle
étape sur le chemin avec le Seigneur et à la suite du Seigneur.
Karol s’était rendu comme d’habitude avec un groupe de
jeunes passionnés de canoë aux lacs Masuri pour passer des vacances
avec eux. Mais il portait sur lui une lettre qui l’invitait à
se présenter au Primat de Pologne, le cardinal Wyszynski et il pouvait
deviner le but de la rencontre : sa nomination comme évêque
auxiliaire de Cracovie. Laisser l’enseignement académique, laisser
cette communion stimulante avec les jeunes, laisser le grand combat intellectuel
pour connaître et interpréter le mystère de la créature
humaine, pour rendre présent dans le monde d’aujourd’hui
l’interprétation chrétienne de notre être - tout
cela devait lui apparaître comme se perdre soi-même, perdre précisément
ce qui était devenu l’identité humaine de ce jeune prêtre.
Suis-moi ! Karol Wojtyla accepta, entendant la voix du Christ dans
l’appel de l’Église. Et il a compris ensuite jusqu’à
quel point était vraie la parole du Seigneur : « Qui
cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera »
(Lc 17, 33). Notre Pape - nous le savons tous - n’a
jamais voulu sauvegarder sa propre vie, la garder pour lui ; il
a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au dernier
instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi. Il a fait ainsi
l’expérience que tout ce qu’il avait remis entre les mains
du Seigneur lui était restitué de manière nouvelle. Son
amour du verbe, de la poésie, des lectures, fut une part essentielle
de sa mission pastorale et a donné une nouvelle fraîcheur,
une nouvelle actualité, un nouvel attrait à l’annonce
de l’Évangile, même lorsque ce dernier est signe de contradiction.
Suis-moi !
En octobre 1978, le cardinal Wojtyla entendit de nouveau la voix du Seigneur.
Se renouvelle alors le dialogue avec Pierre, repris dans l’Évangile
de cette célébration: « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ?
Sois le pasteur de mes brebis ! » À la question du
Seigneur, Karol, m’aimes-tu ? L’archevêque de Cracovie
répond du plus profond de son cœur: « Seigneur, tu
sais tout: tu sais bien que je t’aime ». L’amour
du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint-Père;
ceux qui l’ont vu prier, ceux qui l’ont entendu prêcher,
le savent bien. Ainsi, grâce à son profond enracinement dans
le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces purement
humaines : être le pasteur du troupeau du Christ, de son
Église universelle. Ce n’est pas ici le moment de parler
des différents aspects d’un pontificat aussi riche. Je voudrais
seulement relire deux passages de la liturgie de ce jour, dans lesquels apparaissent
des éléments centraux qui l’annoncent. Dans la première
lecture, saint Pierre nous dit et le Pape le dit aussi avec saint Pierre:
« En vérité, je le comprends : Dieu ne fait
pas de différence entre les hommes ; mais, quelle que soit leur
race, il accueille les hommes qui l’adorent et qui font ce qui est juste.
Il a envoyé
Suis-moi !
En même temps qu’il lui confiait de paître son troupeau,
le Christ annonça à Pierre son martyre. Par cette parole qui
conclut et qui résume le dialogue sur l’amour et sur la charge
de pasteur universel, le Seigneur rappelle un autre dialogue, qui s’est
passé pendant la dernière Cène. Jésus avait dit
alors : « Là où je m’en vais, vous ne
pouvez pas y aller ». Pierre lui dit : « Seigneur,
où vas-tu ? ». Jésus lui répondit :
« Là où je m’en vais, tu ne peux pas me suivre
pour l’instant; tu me suivras plus tard » (Jn 13, 33.36). Jésus va de
Il
a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère
de
Animé
par cette perspective, le Pape a souffert et aimé en communion avec
le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence
a été si éloquent et si fécond. Divine miséricorde :
le Saint-Père a trouvé le reflet le plus pur de la miséricorde
de Dieu dans
Pour
nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier dimanche
de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par
la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre
du Palais apostolique et a donné une dernière fois
Mgr
fellay, supérieur général de
Mais
il y a œcuménisme et œcuménisme. Il eut été
bon de préciser un peu…
Communiqué
de presse de
Menzingen, ce Samedi de Pâques,
2 avril 2005
Le Supérieur
Général de
Dans toutes les maisons de
Dans cette attente et cette espérance,
l'heure est à la prière pour celui qui vient d'entrer dans son
éternité.
Son
Exc. Mgr Bernard Fellay
Supérieur Général
de
6- Jean Madiran et Jean-Paul II :
« C’est un puissant génie religieux ».
Dans
Présent du 5 avril, Jean Madiran a écrit : « Du
pape Jean-Paul II, l’abbé de Tanoüarn, je crois bien, écrivait
naguère : « C’est un puissant génie religieux ».On
peut trouver là un aperçu à la fois des grandeurs et
des limites de ce pontificat »
La
grandeur la plus immédiatement visible du génie de Jean-Paul
II est d’avoir pendant plus d’un quart de siècle assuré
une éclatante présence chrétienne dans un monde médiatique
farouchement hostile à Dieu et à l’Eglise. Il a rassemblé
des foules, enthousiasmé des masses de jeunes…Sans lui il est
probable que le monde aurait enfermé l’Eglise sous un silence
écrasant. Il a envahi l’espace médiatique, il y a conquis
une place souveraine ». (Présent su 5 avril 2005)
Jean
Madiran fait une autre remarque très pertinente : « Il
a multiplié les formules fulgurantes, explosives, contre la « culture
de mort », contre « la démocratie totalitaire »,
« contre la dramatique illusion de faire le bonheur de l’homme
en se passant de Dieu », ou pour avertir qu’ « une
nation qui tue ses propres enfants n’a pas d’avenir »
C’est
ce constat qui fait dire à Yves Chiron que Jean-PauL II est « antimoderne »
comme nous allons le voir plus bas.
Mais poursuit Jean Madiran, « Jean-Paul II a peu gouverné ». C’est mon avis. Ce sera la tache et le devoir de son successeur…
Jean Madiran fait surtout remarquer qu’ il n’a pas
rendu à l’Eglise ce qui avait été demandé
en vain à Paul VI, le 27 octobre 1972 et à lui-même, le
1er août 1988 : « Rendez-nous l’Ecriture,
le catéchisme et la messe ». Ce qui signifiait, ce qui signifie
toujours : rendez-nous la version et l’interprétation traditionnelle
de l’Ecriture ; rendez-nous la catéchisme des trois connaissances
nécessaires au salut ; rendez-nous la messe catholique traditionnelle,
latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V ».
Espérons que
son successeur, lui, entendra cet appel des « petits »…
Et combien cela serait nécessaire…Quand on voit une Père
abbé, Dom Forgeot, de Fontgombeault,
être « tenu » ( ?) de concélébrer
à Saint Ferdinand des Ternes, à Paris, dans
le rite nouveau, en français, sans ordre, à l’occasion
des obsèques de Marcel Clément, le 13 avril 2005, on comprend
l’actualité toujours pressante de cet appel. J’en avais honte pour lui. J’en avais
honte pour l’Eglise. J’en avais honte pour la famille. Tout en français…Rien…Mais
vraiment rien de la belle liturgie romaine…qu’ils disent pourtant
au monastère de Fontgombault, dont il était l’oblat…Rien,
vous dis-je, juste un petit chant du « pater noster »
en latin. L’absoute…mais ridicule…Comment un père
abbé peut-il accepter cela… Oui la crise n’est pas finie !…
J’entends saint Paul nous dire « Esto vir ». Voilà
ce que devra être le futur pape…
(Pour
lire l’article de Jean Madiran, cliquez ici)
JEAN MADIRAN
Présent. N° 5805 Mardi 5 avril 2005.
DU PAPE JEAN-PAUL II,
l’abbé de Tanoüarn, je crois bien, écrivait naguère
: – C’est un puissant
génie religieux.
On peut trouver là un aperçu
à la fois des grandeurs et des limites de ce pontificat.
La grandeur la plus immédiatement
visible du génie de Jean- Paul II est d’avoir pendant plus d’un
quart de siècle assuré une éclatante présence
chrétienne dans un monde médiatique farouchement hostile à
Dieu et à l’Eglise. Il a
rassemblé des foules, enthousiasmé
des masses de jeunes. La question stalinienne n’était pas entièrement
dénuée de sens en temps de guerre :
—
Le pape, combien de divisions ?
La question stalinienne serait devenue
aujourd’hui :
— Combien de voix ? Combien de manifestants ? Quel audimat ?
Sur ce terrain, le pape Jean-Paul
II se défendait mieux que personne. Sans lui, il est probable que le
monde
aurait enfermé l’Eglise
sous un silence écrasant. Il a envahi l’espace médiatique,
il y a conquis une place souveraine.
Moins immédiatement accessibles,
il a souvent posé les vraies questions. Pas toutes ? Mais pour nous
Français, celle qui nous frappe au coeur :
— France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle
aux promesses de ton baptême ?
Il a multiplié les formules
fulgurantes, explosives, contre « la culture de mort », contre
« la démocratie totalitaire », contre « la dramatique
illusion de faire le bonheur de l’homme en se passant de Dieu »,
ou pour avertir qu’ « une nation qui tue ses propres enfants n’a
pas d’avenir ». Il a en somme dit à peu près tout
l’essentiel en philosophie et en théologie, avec ses encycliques
Veritatis splendor et Fides et ratio.
Il a peu gouverné, dit-on.
Trop peu. C’est possible. Y aurait-il exagération à déplorer
que ce soit seulement contre Mgr Lefebvre qu’il ait vraiment gouverné
? C’est ce qui a donné l’impression que sous son pontificat
l’Eglise risquait d’apparaître plus proche de Mgr Gaillot
que de Mgr Lefebvre…
Je le sais, bien sûr, il n’a
pas rendu à l’Eglise ce qui avait été demandé
en vain à Paul VI le 27 octobre 1972, et à lui-même le
1er août 1988 :
— Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe.
Ce qui signifiait, ce qui signifie
toujours : rendez-nous la version et l’interprétation traditionnelles
de l’Ecriture ; rendez-nous le catéchisme des trois connaissances
nécessaires au salut ; rendez-nous la messe catholique traditionnelle,
latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V.
L’ECRITURE demeure livrée aux impiétés
de
LE CATÉCHISME ? Jean-Paul II a fait éditer un Catéchisme catholique .Mais c’est
un épais et savant catéchisme
pour adultes. Ce n’est pas le petit catéchisme, adaptation pour
les enfants de la méthode et de la substance du catéchisme du
concile de Trente, que la mode mondaine
et nos évêques ont chassé des diocèses. Les petits
baptisés sont abandonnés depuis quarante ans à une catéchèse
insaisissable et vide. Ainsi sont ravagées à la racine les vocations
sacerdotales. Le nombre des catholiques dans le monde a largement augmenté
sous ce pontificat, le nombre des nations représentées
auprès du Saint-Siège
a quasiment doublé (selon les estimations oralement validées
par René Rémond), mais nos écoles catholiques diocésaines
sont devenues des écoles « catholiques non confessionnelles »,
et le clergé a continué à se dépeupler.
Le pontificat a mieux réussi à susciter des sympathisants
qu’à former des pratiquants.
Quant à
valable et qu’il conservait
un éminent droit de cité dans l’Eglise. Ce droit de cité
rétabli ne passe dans la réalité diocésaine qu’au
compte gouttes. La « générosité » que d’emblée
Jean-Paul II avait voulu qu’on y mît est restée bloquée
par une épiscopale cruauté idéologique
Peut-être l’Eglise d’après
Pie XII était-elle entrée, pour une durée indéfinie,
dans une période incertaine.
Quand il y a une éclipse,
disait Péguy, tout le monde est dans l’ombre. Peut-être
est-elle, pour un temps, devenue ingouvernable. Peut-être ne restait-il
au Souverain Pontife que la possibilité de prier, de parler, de témoigner,
et cela il l’a fait jusque ad mortem, entraînant le monde entier dans une méditation
sur la mort et la vie éternelles. Seigneur,
donnez à votre serviteur intrépide,
aventureux et pieux, de maintenant reposer en paix.
Dans
sa « lettre d’informations religieuses », Alethia, Yves Chiron, historien bien
connu, fin connaisseur de la réalité ecclésiale, a
dressé un portrait de Jean-Paul II.
Ce portrait
me paraît juste en bien des points. Disons que certaines de ses affirmations me semblent
parfaitement soutenables.
Dire
comme Yves Chiron : « Jean-Paul II fut, finalement, un
pape intransigeant dans la lignée de Pie IX et de Pie XI. Lui aussi
a affirmé, en philosophie, comme en morale, le primat de la vérité
sur la liberté ». C’est juste.
Dire
« le primat de la vérité vaut autant pour les
société que pour les individus », comme le pape n’a
cessé de le rappeler, c’est vrai.
Dire
que le pape est en conséquence « anti-subjectiviste »,
« qu’il ne croyait pas non plus à l’immanence
de l’Histoire et qu’il plaçait le Christ au centre de toute
l’histoire de l’humanité »…c’est
vrai. Et tout cela est bien « antimoderne ».
Oui,
Je ne serais donc pas loin de signer le titre de l’article de Yves Chiron :
« Jean-Paul II Pape antimoderne ».
Il y
a quelques années, j’aurais hésité. Mais après
avoir lu le dernier livre du Pape, « Mémoire et identité »,
je serais plus ouvert à ce thème.
Nul doute
que « les « non » de Jean Paul II »,
comme le dit Yves Chiron, affirmés face au monde moderne, sont bien
« antimodernes ». Ces « non »,
dits clairement et avec audace devaient dresser, de soi, contre lui, la colère,
l’ironie du monde moderne…des « medias. A la fin, il
n’en fut rien. Je pense même que
s’il ne fut pas « moqué », il le
doit à son courage « héroïque » des
dernières années de sa vie. Ce « courage »,
tout imprégné de
Oui,
avec Yves Chiron, je pense qu’il est vrai de dire : « Jean-Paul,
anti moderne ». Certaines
affirmations du derniers livre du pape, que j’ai lu la plume à
la main (cf les trois derniers « Regard sur le monde »
), pourraient largement le fonder. Si vous les comparez à « Antimoderne »
de Jacques Maritain, vous serez frappé de l’identité
de la pensée…Je vais, du reste , le faire…
Il y
a peut être eu une évolution de la pensée du pape…Yves
Chiron le fait remarquer…Elle serait dû, pour lui, à la
progression du mal constatée.
Le pape serait passé de l’ « utopie »
du texte conciliaire « Gaudium et Spes » au réalisme
terrible de la situation. actuelle du monde : « la
déchristianisation s’est aggravée, la « culture
de mort » s’est répandue, le monde a poursuivi son
évolution. Si l’Eglise de
2005 n’est pas dans la situation où elle était en 1978,
ne peut-on penser que Jean-Paul II, lui aussi, a changé en 1978 et
2005, dans sa perception du monde et
des évolutions historiques ».
C’est
la même évolution que l’on peut constater chez le pape
et les Congrégations romaines
en matière liturgique. Constatant les drames, les déviations
…le pape a voulu redresser la barre. Sur ce sujet, Yves Chiron me cite.
Je l’en remercie : « L’abbé Aulagnier,
dans un message diffusé le dimanche 3 avril, a justement noté
: “ Je retiendrai les efforts soutenus qu’il a manifestés
avec les dicastères romains pour la restauration du culte eucharistique
et éradiquer les abus liturgiques qui se sont introduits, pour le grand
malheur des fidèles, dans la vie eucharistique des églises ?
A-t-il réussi ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il a voulu
également, timidement, faiblement, mais réellement, je crois,
le retour, sur les autels de la chrétienté, de la messe dit
de saint Pie V. Il aurait pu la dire lui-même, cela eut été
une véritable affirmation. Il n’a pas vraiment réussi.
Mais il y a, mystérieusement, en cette affaire, tant d’oppositions.
C’est que le modernisme se cache toujours dans les rouages de l’Eglise
et de son gouvernement.” (1)
Je serais
moins favorable au jugement que donne Yves Chiron sur l’œcuménisme
du pape. Non pas que je critique l’ «oecuménisme »
en tant qu’il est le souci de retrouver ceux qui, par le temps et l’indigence
humaine ont quitté le « bateau ecclésiale »…et
leur permettre, leur faciliter
le retour. Non ! Mais je critique « cet œcuménisme
là » - celui d’Assise, celui de l’embrassade
du Coran… parce qu’il est fondé sur des principes théologiques qui ne
sont pas justes. Cet œcuménisme là n’est pas « ecclésial ». Il
trouve son principe dans le Concile Vatican II et le « fameux
« subsistit in » qui est gravement équivoques et préjudiciables
à la vérité catholique. Ne pas y voir le risque de « syncrétisme »
ou d’ « indifférentisme » me paraît
difficile. Il ne suffit pas de dire qu’il n’en est rien, pour
qu’il n’en soit rien…Je partage tout à fait le jugement
de Mr l’abbé Barthe sur ce sujet de l’œcuménisme.
Vous le trouverez au point 8. Et j’encourage Yves Chiron d’y
porter son attention…
Quoiqu’il
en soit, le jugement de Yves Chiron mérite attention ! (Lire)
JEAN-PAUL II
PAPE ANTIMODERNE
(1978-2005)
Depuis deux jours, un déluge d’images,
de commentaires, d’articles et de numéros spéciaux de
journaux déferle, à travers le monde, pour évoquer Jean-Paul
II. Ce déluge va dépasser, en nombre de pages, les actes magistériels,
pourtant extraordinairement nombreux, de Jean-Paul II : 14 encycliques, 11
constitutions apostoliques, 42 lettes apostoliques, 28 motu proprio, auxquels
s’ajoutent des milliers de messages et de discours ; sans oublier les
cinq ouvrages, personnels, publiés par Jean-Paul II depuis son élévation
au pontificat. “ Il a beaucoup parlé, peut-être trop ”
estime l’historien Philippe Levillain.
La mondialisation de l’information a relayé l’émotion
universelle. Pourtant, au Vatican, la veille de la mort du Pape et le
soir de la mort du Pape, les autorités du Saint-Siège ne se
sont pas laissé submerger par la spectacularisation que recherche l’information
immédiate et mondialisée. Ce sont deux veillées de prières,
sobres, auprès d’un agonisant puis d’un défunt,
qui ont été improvisées dans un grande simplicité
chrétienne. Les médias télévisés ont dû
se plier à cette spiritualisation de l’événement.
Ces prières publiques, deux soirs de suite, sous le regard des caméras
du monde entier, étaient bien dans l’esprit de ce qu’a
été le pontificat de Jean-Paul II. Le Pape s’est montré
modernissime par l’art de se servir des médias pour faire passer
le message de l’Eglise. Il fut le premier pape “ cathodique
” a-t-on dit. La visibilité d’un Souverain Pontife n’avait
jamais été aussi grande dans l’histoire.
Jean-Paul II a su donner, aux médias, les images spectaculaires,
symboliques ou émotionnelles, qu’ils attendaient. Au risque de
susciter l’incompréhension voire le scandale parmi les fidèles
catholiques. Ainsi en est-il de cette image d’un pape embrassant
le Coran ou encore la vision inouïe, dans l’histoire de
l’Eglise, comme ce fut le cas à Assise, en 1986, d’un
Chef de l’Eglise catholique entouré des représentants
d’une douzaine de confessions religieuses, chrétiennes et non-chrétiennes.
Image forte, louée par les uns, incomprise par beaucoup de catholiques,
chacun, finalement, y voyant la même chose, pour s’en féliciter
ou pour le déplorer : l’impression d’un relativisme
affirmé.
La réunion d’Assise, et les autres réunions inter-religieuses
qui ont suivi, ont été, dans l’esprit de Jean-Paul II,
comme la médiatisation précédemment évoquée,
un moyen qu’il a cru pouvoir utiliser pour répandre le message
évangélique. Il n’y eut, de sa part, ni syncrétisme
ni même indifférentisme, mais volonté de dialogue. Au
risque de créer la confusion entre la foi révélée
et les sentiments religieux qui animaient les représentants des religions
rassemblés. C’est pour corriger cette image que sera publiée,
en 2000, la très forte Déclaration Dominus
Jesus “ sur l’unité et l’universalité
de Jésus-Christ et de l’Eglise catholique ”.
Cette correction, et d’autres (voir, notamment, la condamnation de
certains ouvrages théologiques), n’ont pas empêché
qu’une tendance à la minimisation du caractère non-réductible
de la foi catholique s’est répandue au sein même de certains
dicastères et chez certains évêques dans le monde (sans
parler des théologiens et des commentateurs).
Le “ scandale d’Assise ”, comme ont dit Mgr Lefebvre
et nombre de traditionalistes, fut non pas une évolution de la théologie
des religions mais, pour Jean-Paul II, un élément d’une
stratégie de présence au monde et d’expansion du christianisme.
Jean-Paul II est allé à la “ rencontre du monde et
de l’homme ”, comme un Paul VI avant lui. Mais, plus que chez
son prédécesseur, sans doute, il y avait, chez lui, une défiance
envers la culture moderne et une hostilité aux valeurs libérales.
Les continuités entre Paul VI, Vatican II et Jean-Paul II ont pu masquer
certaines ruptures. Le temps avait fait son oeuvre. Alors qu’il
n’était encore que Mgr Karol Wojtyla, le pape avait pris une
part déterminante à la rédaction de la célèbre
constitution pastorale, Gaudium et Spes, si optimiste. Devenu pape, il n’a pas rédigé
et signé de texte équivalent dans sa tonalité. C’est
qu’entre temps, la déchristianisation s’est aggravée,
la “ culture de mort ” s’est répandue, le monde a
poursuivi son évolution. Si l’Eglise de 2005 n’est pas
dans la situation où elle était en 1978, ne peut-on penser que
Jean-Paul II, lui aussi, a changé entre 1978 et 2005, dans sa perception
du monde et des évolutions historiques.
Antilibéral
Jean-Paul II fut, finalement, un pape intransigeant dans la lignée
de Pie IX et de Pie XI. Lui aussi a affirmé, en philosophie
comme en morale, le primat de la vérité sur la liberté.
Devant le Parlement italien, le 14 novembre 2002, il a rappelé
un des enseignements de l’encyclique Centesimus annus :
S’il n’existe
aucune vérité ultime qui guide et oriente l’action politique
[…] Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un
totalitarisme déclaré ou sournois.
Le primat de la vérité vaut autant pour les sociétés
que pour les individus. La conscience individuelle n’est pas la dernière
instance de l’agir humain. Jean-Paul II l’a affirmé face
à l’individualisme areligieux moderne :
On a attribué à
la conscience individuelle des prérogatives d’instance suprême
de jugement moral qui détermine de manière catégorique
et infaillible le bien et le mal. À l’affirmation du devoir de
suivre, on a indûment ajouté que le jugement moral est vrai par
le fait même qu’il vient de la conscience. Mais, de cette façon,
la nécessaire exigence de vérité a disparu au profit
d’un critère de sincérité, d’authenticité,
“d’accord avec soi-même“, au point que l’on
est arrivé à une conception radicalement subjectiviste du jugement
moral. (veritatis splendor)
Anti-subjectiviste, Jean-Paul
II ne croyait pas non plus à I’immanence de l’Histoire.
Il plaçait le Christ au centre de toute l’histoire de l’humanité.
Lors de son premier voyage en Pologne, lors de la messe célébrée,
le 2 juin 1979, Place de
On ne peut exclure le Christ
de l’histoire de l’homme en quelque partie que ce soit du globe,
sous quelque longitude ou latitude géographique que l’on soit.
Exclure le Christ de l’histoire de l’homme est un acte contre
l’homme.
L’affirmation était si forte, si provocante, au pays du
diamat, que les télévisions
soviétiques interrompirent la retransmission de la messe.
Et après avoir été un artisan de la chute du communisme
en Europe de l’Est, Jean-Paul II ne s’est pas satisfait de
la victoire de la démocratie et des droits de l’homme. À
Lubaczow, à nouveau en terre polonaise, le 3 juin 1991, il a mis en
garde ses compatriotes face à la société hédoniste
et consumériste qui avait remplacé la société
communiste :
Le postulat de n’admettre
en aucune manière dans la vie sociale et étatique la dimension
de la sainteté est un postulat qui correspond à installer l’athéisme
dans l’Etat et dans la vie sociale et cela n’a rien de commun
avec la neutralité idéologique.
Jean-Paul II n’appelait pas seulement l’individu à
être chrétien, il interpellait les Etats et les sociétés.
En ce sens, il était donc profondément antilibéral et
antimoderne.
Les “ Non ” de Jean-Paul
II
Jean-Paul II a assumé les apparences de la modernité et a su
jouer de la mondialisation et de l’immédiateté des moyens
d’information pour mieux rejoindre chaque homme, et pas seulement les
croyants. Aucun être humain sur terre n’a ignoré le visage
de Jean-Paul II et aussi, ce fut le but de ses102 voyages hors d’Italie,
à un moment ou à un autre, chacun a pu entendre au moins les
lignes forces de son enseignement en matière morale : non
à “ la culture de mort ” (avortement, contraception,
etc.), “ la permissivité morale ne rend pas les hommes
heureux ”, “ faire le bonheur de l’homme en se passant de
Dieu est une dramatique illusion ”.
Les millions de jeunes qui, sur presque tous les continents, ont participé
aux “ Journées Mondiales de Jeunesse ” – une des
innovations majeures du pontificat –, ne sont, certes, pas tous
devenus des croyants pratiquants. Mais tous ont entendu les invitations du
Pape à “ garder la fidélité au Christ ”
et à vivre de la vérité “ ce bien éternel
”. Qui peut connaître le moment de la floraison des semences
ainsi jetées ?
Philippe Maxence a bien défini Jean-Paul II en mettant en lumière
la double force qui l’animait : “ Comme Jean, il était
un contemplatif et comme Paul, un évangélisateur tout terrain
”.
Les pessimistes, analysant le pontificat, diront que “ dans le quotidien [de l’Eglise],
rien n’a vraiment changé
”. Est-ce bien sûr ? L’histoire dressera les
actes et les axes de la restauration accomplie par Jean-Paul II durant les
vingt-six ans de son pontificat pour faire face à la crise de l’Eglise.
Ce travail de reconquête est passé par la nomination d’évêques
d’un nouveau type, la publication du Catéchisme
de l’Eglise catholique, d’encycliques et de déclarations
de réaffirmation doctrinale. Il est passé aussi par l’encouragement
donné à des communautés nouvelles ou traditionnelles
et par l’appel à la “ nouvelle évangélisation
”. Beaucoup reste à faire ? Sans doute. Un Petit
catéchisme est en préparation, qui pourra être
mis dans les mains de tous les enfants. Et en matière liturgique, la
“ réforme de la réforme ” n’a-t-elle pas été
affirmée comme une nécessité par le cardinal Ratzinger,
le plus solide soutien de Jean-Paul II pendant tout son pontificat ?
Jean-Paul II aura été, dans le domaine liturgique, celui
qui aura commencé la restauration (loin d’être achevée).
La liturgie célébrée en Pologne en 1978, donc celle célébrée
par celui qui devenait pape, était dans sa forme et, plus encore dans
son esprit, fort différente de celle pratiquée dans certains
pays ouest-européens, et particulièrement en France. Jean-Paul
II s’est soucié, très vite, des dérives en matière
liturgique. On pourrait dresser une chronologie de ses interventions et
initiatives, elle commencerait dès 1979. De manière plus
précise, c’est il y a plus de vingt ans que le rite traditionnel
a recommencé à avoir droit de “ droit de cité ”
dans l’Eglise (l’indult de 1984).
L’abbé Aulagnier, dans un message diffusé le dimanche
3 avril, a justement noté : “ Je retiendrai les efforts soutenus
qu’il a manifestés avec les dicastères romains pour la
restauration du culte eucharistique et éradiquer les abus liturgiques
qui se sont introduits, pour le grand malheur des fidèles, dans la
vie eucharistique des églises ? A-t-il réussi ? Il est encore
trop tôt pour le dire. Il a voulu également, timidement, faiblement,
mais réellement, je crois, le retour, sur les autels de la chrétienté,
de la messe dit de saint Pie V. Il aurait pu la dire lui-même, cela
eut été une véritable affirmation. Il n’a pas vraiment
réussi. Mais il y a, mystérieusement, en cette affaire, tant
d’oppositions. C’est que le modernisme se cache toujours dans
les rouages de l’Eglise et de son gouvernement.” (1)
L’erreur de perspective serait de juger de l’efficacité
d’une pastorale et d’une politique à l’aune de la
situation d’un pays (
Le paradoxe
Un des paradoxes du pontificat aura été d’avoir emprunté
des chemins nouveaux pour faire connaître l’enseignement de l’Eglise
et sa doctrine du salut et, par ce fait-même, d’avoir désorienté
certains de ses fidèles et leurs pasteurs. Il ne faut pas voir
là une opposition entre un Pape progressiste voire moderniste et des
traditionalistes dépassés, mais plutôt deux voies, parfois
convergentes parfois divergentes, d’affronter la modernité.
(1°) L’abbé Aulagnier fait référence
à un entretien avec le cardinal Medina (qui fut Préfet de
Fin de la reproduction d’Alethia n°73 du 4 avril 2005
8- Mr l’abbé Barthe et l’œcuménisme
de Jean-Paul II et du Concile Vatican II
Le pontificat de Jean-Paul II fut certainement brillant. Ses obsèques furent grandioses. Nous le confessons avec joie et honneur…. Mais certains points « théologiques » restent toutefois des ombres douloureuses. Mr l’abbé Barthe, dans « Catholica » est un de ceux qui le font remarquer avec clarté. Il soulève en particulier celui de l’œcuménisme. Il affirme très précisément que « Le point essentiel en litige (au sujet de l’œcuménisme) semble bien être celui-ci : l’Esprit-Saint se servirait des Eglises et communautés séparées comme de moyens de salut. Pour nombre de catholiques ceci n’est pas compatible avec la foi catholique. Le temps approche peut-être où l’on pourra soumettre une « proposition » de ce type et d’autres semblables au magistère de l’Eglise »
Pour
lire son article, cliquez ici.
« L’œcuménisme est particulièrement préjudiciable pour l’ecclésiologie, non seulement ad extra, mais aussi ad intra : le thème de la « diversité réconciliée » tend à effacer les frontières de l’orthodoxie et donc les frontières de l’Eglise.
Or l’œcuménisme est au centre de ce que l’on nomme « esprit du Concile ». Celui-ci est structuré par une espèce de colonne vertébrale faite de trois documents fondamentaux, œcuméniques au sens large : le décret sur l’œcuménisme ; la déclaration sur la liberté religieuse ; la déclaration sur les religions non chrétiennes. Ces trois textes avaient été mis au point par le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, dans une visée primordialement œcuménique. De sorte que, au cœur de ce système nouveau assez indéfinissable qu’a promu le dernier concile, se trouve le décret Unitatis redintegratio.
A- la difficulté doctrinale fondamentale
Elle se trouve
dans le raisonnement contenu dans le n. 3 de Unitatis
redintegratio, qui s’organise ainsi :
a) Le n. 3 d’Unitatis redintegratio note que, entre autres biens, dans les Eglises et communautés séparées « s’accomplissent beaucoup d’actions sacrées de la religion chrétienne [baptême, ordre, par exemple]… qui peuvent certainement produire effectivement la grâce [on suppose que Unitatis redintegratio veut dire : dans la mesure des bonnes dispositions de récipiendaires de bonne foi] ».
En soi, ces « éléments », « biens », « actions sacrées » appartiennent à l’Eglise catholique. Le baptême des donatistes, expliquait saint Augustin, était en réalité un baptême catholique, qui pouvait « revivre », si le donatiste retournait à l’Eglise.
Unitatis redintegratio devrait donc poursuivre classiquement en expliquant que, tout en étant apparemment hors de l’Eglise, certains sujets de bonne foi peuvent recevoir la sanctification par le moyen de sacrements et biens catholiques reçus de facto dans des Eglises et communautés séparées.
b) Mais Unitatis redintegratio accorde ce rôle aux Eglises et communautés séparées comme telles, en tant que branches séparées du cep, au titre de moyens seconds et dérivés si l’on peut dire : « En conséquence, ces Eglises et communautés séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Eglise catholique ».
On voit le saut patent du raisonnement du n. 3 d’Unitatis redintegratio : du fait, par exemple, que le baptême conféré dans le cadre de l’Eglise luthérienne peut procurer la grâce, Unitatis redintegratio infère que l’Eglise luthérienne est un canal de grâce.
B- Bien délimiter
la « proposition » qui fait difficulté
A juste titre, il fait remarquer que « la seule chose que ces communautés séparées peuvent réaliser par leur propre vertu, c’est la séparation de ces âmes de l’unité ecclésiale ».
Fondamentalement, en effet, on ne voit pas comment les Eglises et communautés séparées pourraient avoir comme telles un statut surnaturel. C’est assurément sur ce point décisif que devrait se fixer le projecteur.
Il pourrait se porter aussi sur le principe posé dans Gaudium et spes n. 8 (le fameux subsistit in, la « petite trouvaille » du P. Congar, en vertu de laquelle, disait-il, « il y a de l’Eglise en dehors de l’Eglise ») et sur la conséquence : les frères séparés jouiraient d’une « communion imparfaite ». Etrange concept, congardien sans doute : en fait, la communion avec le Christ et son Eglise est ou n’est pas, mais on n’avait jamais entendu parler d’une communion à 15 ou 20%.
Le point essentiel en litige semble bien être celui-ci : l’Esprit-Saint se servirait des Eglises et communautés séparées comme de moyens de salut. Pour nombre de catholiques ceci n’est pas compatible avec la foi catholique. Le temps approche peut-être où l’on pourra soumettre une « proposition » de ce type et d’autres semblables au magistère de l’Eglise.
L’abbé Claude Barthe (Catholica)
Le directeur de la rédaction de Rivarol, Camille-Marie Galic dans sa livraison n° 2711, du 8 avril 2005, nous donne son jugement sur le pontife qui vient de rejoindre la maison du Père. Elle parle sans ambages. Elle titre « Le pape des paradoxes ».
Elle reconnaît toutefois son courage et son charisme : Il a été dit-elle, un de ceux qui a « le plus allié courage et charisme ».
Elle apprécie fortes certaines affirmations de son enseignement. Elle cite « Fides et Ratio » et le dernier livre du pape « Mémoire et identité ». Là, elle trouve que le pontife combat à juste titre le « scientisme » qui « considérant comme relevant de l’irrationnel ou de l’imaginaire tout ce qui touche à la question du sens de la vie », refuse tout mystère. Elle aime son combat aussi contre le relativisme doctrinal puisque le pape écrit explicitement que « les énoncés dogmatiques de l’Eglise formulent une vérité stable et définitive ».
Elle applaudit aussi aux jugements de Jean-Paul II affirmant, dans « Mémoire et identité » que la « culture de mort » est plus virulente que jamais : « L’extermination légale d’êtres humains qui ont été conçus mais ne sont pas encore nés est toujours en cours ». Pis, cette extermination a été autorisée par rien moins que des parlements démocratiquement élus où l’on entend normalement des appels aux progrès de la société et de l’humanité ». Ces mêmes parlements qui, « sont aujourd’hui en train de légaliser de nouvelles formes du mal et de nouvelles exterminations », au nom d’une nouvelle idéologie du mal, peut-être plus insidieuse et plus secrète » que les totalitarismes du XX siècle, national-socialisme inclus » .
Elle pense que ce sont toutes ses bonnes choses qui lui ont rallier « tant de traditionalistes sincères »…C’est probable…Mais il n’y a là rien d’extraordinaire. Les traditionalistes ne sont pas de soi contestataires. Ils sont toujours, en toutes circonstances, les « fils de leur Père » parce qu’ils aiment la vérité… et lorsque cette vérité sort de la bouche « du père commun » ils s’en réjouissent et applaudissent. Ils n’ont pas besoin de se « rallier » puisqu’ils sont toujours « fils ». De plus, je ne dirais pas avec notre auteur que ces bonnes choses aient été dites par le pape pour « démanteler l’opposition authentique à la révolution liturgique, doctrinale et disciplinaire de Vatican II ». Non ! On ne peut le dire. On ne peut en donner la preuve. C’est « sonder les reins et les cœurs. Ce qui n’appartient qu’à Dieu seul.
Par contre, je partagerais volontiers le jugement de Mme Galic qui voit d’un bon œil les efforts du pape pour la restauration liturgique…N’aurait été l’opposition des épiscopats locaux, il y a tout lieu de croire que la « messe de toujours » eut été restaurée dans l’Eglise. Elle écrit « les Indults distribués ici ou là pour la célébration du rite trident in - Pourquoi ne pas parler clairement de Campos ?…- témoignaient d’ailleurs de son attachement à la messe de toujours et ce n’était pas sa faute si les épiscopats locaux, n’en faisant qu’à leur tête, continuaient à persécuter les « intégristes ». « Attachement à la messe de toujours »… « Attachement » c’est peut-être beaucoup dire…Je dirai plus justement « reconnaissance du droit de la messe de toujours et désir d’apaiser ce conflit » et m’arrêterais là…dans mon jugement sans chercher à savoir autre chose et surtout pas à scruter « l’intime »du pape. Je n’aime attribuer des « pensées » mauvaises et machiavéliques » aux personnes…surtout lorsqu’il s’agit du Souverain Pontife.
Elle reconnaît que les voyages du pape sur tous les continents et tout particulièrement les journées des JMJ « furent de moments forts du Pontificat ». C’est juste… Quant aux fruits…Elle parlerait volontiers d’échec. Laissons-en, là encore, le jugement à la puissance de Dieu… Les fruits ne mûrissent pas en un jour…Et puis s’il fallait être sûr de gagner pour entreprendre…peu de choses se ferait dans le monde et en religion et en politique. Et surtout n’attribuons pas ce échec, cette « déchristianisation » galopante de l’Europe à un « parcours illisible » de l’enseignement et de l’action de Jean-Paul II.
Certes, tout fut loin d’être « idoine »…il
faut dénoncer, de fait, en ce pontificat, « la kermesse
d’Assise » « le lâchage des carmélites
d’Auschwitz sacrifiées sur l’autel de
La conclusion de Madame Galic me paraît sévère :
« Complexe, dual, (je pense, dans le sens de double) homme de réflexion mais formidable
communicateur, mystique mais moderniste, le slave Jean-Paul II aura
résumé toutes les contradictions de son siècle.
Là se situent les limites du pontificat si brillant mais également
décevant qui s’est achevé quelques heures avant
le dimanche de
Je pense que ce pontificat si riche et si long n’a pas fini d’exercer la réflexion des « scrutateurs du vrai ». Il serait intéressant de réunir « Aletheia » et « Rivarol ». Pour l’un le pape « Jean-Paul II est « antimoderne ». Pour l’autre « il est « moderniste » ? Cerner, dans la vérité, la réalité n’est pas toujours facile…
(Pour lire le texte., Cliquez ici)
SUCCESSIONS… Le 31 mars, constatant « l’empêchement
pour S.A.S. Rainier III d’exercer ses hautes fonctions »,
le Conseil de
A la fois par sa
longueur (près de vingt-sept ans) et son originalité, le pontificat
de Karol Wojtyla aura si profondément marqué les esprits, suscité
tant d’espoirs et d’antagonismes que tous les preferiti évoqués,
du cardinal nigérian Arinze à l’Autrichien Ratzinger en
passant par l’Indien Dias et les Italiens Tettamanzi ou Scola, apparaissent
assez fades.
L’importance
historique d’un pontificat ne se mesure pas cependant au nombre d’émissions
de télévision qui lui ont été consacrées,
de ses tours du monde (133 pays visités) et des chefs d’Etat
rencontrés (près de 800 !) mais à sa capacité
à semer et faire pousser le bon grain, à consolider tout à
la fois le trône de Pierre et la foi. Quel aura été le
bilan du premier pape slave de l’histoire, et sans doute l’un
de ceux qui aura le plus allié courage et charisme ?
Il y a une remarquable
continuité entre l’encyclique Fides et ratio qu’il promulgua en octobre 1998 pour le vingtième
anniversaire de son élection et le testament Mémoire et identité publié
le 25 février dernier (Flammarion éd.). Dans Fides et ratio, qui prend un relief
particulier alors que l’ONU feint de s’épouvanter enfin,
dans son rapport du 31 mars sur l’avenir de la planète, de la
folie des apprentis-sorciers du tout-économique, de
C’est ce même
relativisme que le pontife déjà épuisé et se sentant
proche de la fin attaquait dans Mémoire et Identité où,
après s’être rétrospectivement indigné de
la « solution finale » en ce 60e anniversaire
de la libération d’Auschwitz, il rappelait que la « culture
de mort » est plus virulente que jamais : « L’extermination
légale d’êtres humains qui ont été conçus
mais ne sont pas encore nés est toujours en cours. »
Pis, cette extermination « a
été autorisée par rien moins que des parlements démocratiquement
élus où l’on entend normalement des appels aux progrès
de la société et de l’humanité ».
Ces mêmes parlements qui « sont aujourd’hui en train
de légaliser de nouvelles formes du mal et de nouvelles exterminations »,
au nom d’une « nouvelle
idéologie du mal, peut-être plus insidieuse et plus secrète »
que les totalitarismes du XXe siècle, national-socialisme inclus.
Ce sont ces textes fondateurs qui ont permis
à l’ « athlète de Dieu », auréolé
par sa réputation de prélat anticommuniste, puis par l’attentat
du 13 mai 1981 dont il est maintenant avéré qu’il fut
préparé par
A l’opposé
des derniers pontifes-apparatchiks italiens, le quinquagénaire polonais,
avec son regard clair, sa bonne tête de paysan et sa carrure de sportif,
était porteur d’espérance et faisait figure de môle
contre les « dérives nihilistes » (cf. le cardinal Ratzinger)
du concile. Les indults distribués
ici où là pour la célébration du rite tridentin
témoignaient d’ailleurs de son attachement à la « messe
de toujours » et ce n’était pas sa faute si les épiscopats
locaux, n’en faisaient qu’à leur tête, continuaient
à persécuter les « intégristes ».
Mais cette indulgence théorique pour ces derniers s’expliquait-elle
par le fait que, in intimo pectore, Jean Paul II savait
que le bon droit était du côté des « résistants »
ou s’inscrivait-elle dans une stratégie de neutralisation ?
On ne saura jamais maintenant quelle issue le Saint-Père souhaitait
réellement aux conversations amorcées, puis rompues, entre Ecône
et le cardinal Castrillon Hoyos mais il n’est pas interdit de penser
que la récente rupture au sein de
Avec les bains rituels
dans les foules énormes qu’il déplaçait en Afrique,
en Amérique et en Asie, les JMJ auront été les moments
forts du pontificat. Pour quel résultat ? L’édition
1997 à Paris aurait déplacé jusqu’à un million
de jeunes. L’événement aurait dû susciter la recrudescence
des vocations, la renaissance de la pratique religieuse. Au contraire, les
séminaires sont plus vides que jamais et les mariages religieux en
chute libre, ainsi du reste que les mariages tout court, du moins chez les
Européens qui plébiscitent l’union libre et procréent
de moins en moins – un phénomène auquel même l’Irlande
et la « très catholique Pologne » n’échappent
plus.
Cette déchristianisation
aurait sûrement été plus galopante encore sans l’inlassable
« pèlerin de la foi » Jean Paul II. Mais le « pape
de la réévangélisation » n’aura
pu l’endiguer.
Peut-être parce
que son parcours aura finalement été illisible. Ainsi, lui qui
critiquait le « relativisme », l’a-t-il trop souvent
pratiqué. Avec la kermesse d’Assise où toutes les religions,
y compris le chamanisme, furent mises sur le même plan, le lâchage
des carmélites d’Auschwitz sacrifiées sur l’autel
de
Autant de virages
spectaculaires (le jeune Karol ne fut pas acteur pour rien), propres à
déboussoler les chrétiens qui, dans notre monde en total bouleversement,
ont désespérément besoin de certitudes, et à les
conduire au scepticisme, à l’incroyance, à la tentation
du bouddhisme, voire à celle de l’islam pour les orphelins les
plus en quête d’absolu.
Mêmes sinuosités
sur le plan politique. Jean Paul II condamna les deux guerres d’Irak,
ce qui est tout à son honneur, mais pas l’agression en 1999 de
Complexe, dual, homme
de réflexion mais formidable communicateur, mystique mais moderniste,
le Slave Jean Paul II aura résumé toutes les contradictions
de son siècle. Là se situent les limites de son pontificat si
brillant mais également décevant qui s’est achevé
quelques heures avant le dimanche de
« Le pape de quel combat ? »,
ainsi s’intitulait dans la livraison de novembre 1978 de notre revue
Ecrits de Paris un article où
était hasardé un parallèle entre le nouveau pontife,
dont étaient déjà soulignés les paradoxes, et
ce parangon d’ambiguïté que fut De Gaulle. Vingt-sept ans
plus tard, la question n’est pas résolue.
Editorial de Camille GALIC (<galic@rivarol.com>)
dans RIVAROL numéro 2711 du vendredi 8 avril 2005.
10-
Le « Courrier de Rome »
et la théologie du pape Jean-Paul II
Pour le « Courrier de Rome » et ses
théologiens, « certaines des affirmations du pape ne seraient
pas en accord avec le « depositum fidei »(Courrier
de Rome . Janvier 2005) et tout particulièrement son « œcuménisme »
et certaines affirmations de sa théologie
sur
Pour comprendre ce pontificat, on ne peut pas ne pas prendre en compte
les critiques que le « Courrier de Rome » donna sur
la journée d’Assise du 27 octobre 1986. Les rédacteurs
( qui gardent l’anonymat) démontraient
très justement que « cette rencontre de prières »
ne pouvait être considérée, à la lumière
de la foi, que comme « une injure faite à Dieu, une négation
de la nécessité universelle de
C’est ce que les auteurs
de « Courrier de Rome soutiennent depuis des années déjà.
Tout récemment encore , ils attiraient l’attention sur sa théologie
de la « Rédemption » exprimée dans sa
première Encyclique : « Redemptor hominis ».
Il est difficile de passer sous silence une telle critique lorsque l’on veut
juger le pontificat de Jean-Paul II.
Pour lire le texte, cliquez ici..
« Le paragraphe 13 de la première encyclique
de Jean-Paul II, Redemptor hominis : « Il s’agit
donc ici de l’homme dans toute sa vérité, dans sa pleine
dimension (…). Il s’agit de chaque homme , parce que chacun a
été inclus dans le mystère de
D’après la pensée de Jean-Paul II, donc, chaque homme
- et il insiste à plusieurs reprises sur cette universalité :
une bonne dizaine de fois dans ce seul paragraphe
- est uni au Christ grâce
au mystère de
Affirmer au contraire que « chacun des quatre milliards d’hommes
vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près
du cœur de sa mère », est déjà uni
à Jésus-Christ par
Il ne faudrait pas croire que cette idée se présente accidentellement
dans la pensée de Jean-Paul
II. Elle était déjà présente dans un commentaire
du paragraphe 22 de Gaudium et Spes , qu’il écrivit
lorsqu’il était cardinal. Nous
citerons tout d’abord le passage du texte conciliaire en question,
puis le commentaire du Cardinal Wojtyla : « En réalité,
le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que
dans le mystère du Verbe incarné …Nouvel Adam, le Christ,
dans sa révélation même du mystère du Père
et de son amour , manifeste pleinement l’homme à lui-même
et lui découvre la sublimité
de sa vocation… « Image du Dieu invisible »
(Col 115) Il (Jésus) est l’Homme parfait qui a restauré
dans la descendance d’Adam la ressemblance divine, altérée
dès le premier péché. Parce qu’en Lui la nature
humaine a été assumée, non absorbée, par le fait
même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité
sans égale. Car, par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en
quelque sorte uni Lui-même
à tout homme. »
Et voici le commentaire du
cardinal Wojtyla : « …Le texte conciliaire, en appliquant
la catégorie du mystère de l’homme, explique le caractère
anthropologique ou même
anthropocentrique de
Selon ces deux passages, le Christ, en révélant le Père,
révélerait aussi l’homme à lui-même. Or il
est évident que le Christ révèle le Père en tant
que Lui-même est Dieu (en effet, il ne pourrait pas révéler
Dieu le Père si Lui-même n’était pas Dieu), mais
si en révélant le Père parce que Lui-même est Dieu,
Jésus-Christ révèle aussi l’homme à lui-même,
alors cela signifie que l’homme lui-même doit être Dieu, ou
qu’il possède de toute façon la vie divine en lui-même
en tant qu’homme, et non en tant que chrétien régénéré
par l’eau baptismale.
Il apparaît clairement, dans ce commentaire, que l’on a complètement perdu de vue la distinction
entre Rédemption objective, pour laquelle Jésus a mérité
de façon infinie et donc « suffisamment » pour
chaque homme, et
Comment peut-on concilier de telles positions avec celles qui ont depuis
toujours été enseignées par l’Eglise ? Et que l’on ne nous dise pas que
ce n’est pas ce que Jean-Paul II voulait dire : nous jugeons le
sens de ce qui est écrit et non les
intentions. Et ce qui est le plus grave, c’est que tout ce que
Jean-Paul II a fait par la suite se révèle
en plein cohérence avec ce qu’il a écrit quand il était
cardinal puis pape, et cela provoque de nombreux problèmes et de grands
dangers pour
11- Abbé Paul Aulagnier
et le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta »
On a vu, en commentant nos deux précédents auteurs, Yves Chiron et Camille Galic, que le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta » fait parti des actes qui ont été reprochés, en son temps, au pape Jean-Paul II. Que faut-il penser de cet acte de gouvernement du Pontife ?
S’ il y a un acte important dans le
pontificat de Jean-Paul II qui intéresse au plus haut point les membres
de
Pour moi, cet acte était difficilement acceptable parce que celui que nous aimions était injustement condamné. Injustement pour les sacres faits et pour la raison invoquée…Mgr Lefebvre n’aurait pas juste intelligence de la « Tradition vivante ».
De plus la place qui était faite, encore à cette époque, à la sainte messe dite de Saint Pie V n’était pas conforme au droit qui est le sien dans l’Eglise parce que « coutume immémoriale jamais abolie par l’Eglise ». Ce droit n’était pas encore reconnu. La messe de « toujours » était seulement « concédée. Voici ma pensée.
( Pour lire le texte, Cliquez ici)
« Le
Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta ».
J’y suis très
opposé. Je l’ai dit clairement à
A ce « Motu Proprio »,
j’y suis encore opposé
en raison de la situation faite à la « messe traditionnelle ».
Certes, j’applaudis à ce que l’autorité romaine
demande que l’on fasse bon accueil à ceux qui désirent
cette messe de toujours…Mais je remarque que la législation
encore en vigueur, en cette année 1988, est celle prévue
par la lettre « Quattuor abhinc annos »…La
messe traditionnelle était, là encore, seulement « concédée »
pour des raisons purement circonstancielles… Permettre le retour des « Lefebvristes »
dans le « giron » de l’Eglise sans pour
autant « pérenniser » les formes anciennes. C’était
l’expression du
cardinal Re. Monsieur de Saventhem avait alors beau jeu de lui répondre, - j’aime cette phrase, je vous la
cite : « Même ecclésiologiquement, cette clause paraît indéfendable.
La « liturgie classique » du rite romain de la messe est déjà
douée de pérennité intrinsèque en tant que monument
incomparable de la foi. Son usage universel et multi-séculaire, bien
avant
Voilà pourquoi je
suis opposé à ce « Motu Proprio » et mes
confrères qui ont fondé
Ceci étant dit, je dois ajouter et reconnaître que l’attitude de l’Eglise de Rome par rapport à la messe traditionnelle a changé. Elle en confesse aujourd’hui « doctrinalement » son bon droit dans l’Eglise. Oui, je constate une évolution à ce sujet. Même une grande évolution. Et cela est, pour moi, un motif de joie. Voyez : entre 1974, exactement entre le 24 mai 1974, - date du Consistoire tenu par Paul VI où le pape, de son autorité apostolique, demandait que seule la messe nouvelle, sa messe, soit célébrée pieusement par toutes les communautés et que sa messe n’était pas laissé au libre choix des personnes …- et le 24 mai 2003, - où le cardinal Castrillon Hoyos, célébrait, au nom du pape Jean-Paul II, la messe tridentine à Sainte Marie Majeure, déclarant de plus qu’elle avait « droit de citoyenneté » dans la sainte Eglise - Oui, entre ces deux dates, que de chemin parcouru. Le droit de la messe de toujours est affirmé. Il suffit de le faire reconnaître par les épiscopats. La chose semble assez facile dans les pays des USA, plus difficile en France. Mais, remarquez-le bien, ce problème relève de la politique et non plus, maintenant de la doctrine. Cette distinction est très importante. Le mouvement va dans le bon sens. Si la victoire n’est pas encore obtenue, elle n’est plus loin. C’est l’intime conviction du cardinal Stickler. C’est l’opinion aujourd’hui du cardinal Medina. J’ai eu l’occasion de le rencontrer lors de mes deux voyages romains. Il me la dit explicitement. C’est ma conviction. C’est pourquoi ce n’est pas le moment de baisser les bras.
Une autre remarque…tout en étant très « opposé » au Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta », il ne faudrait pas en « exagérer » l’importance. L’exemple de Campos en est la preuve. Mgr Rangel fut reconnu par Rome, malgré l’irrégularité de son sacre… et non seulement reconnu, mais Rome lui donna autorité et juridiction sur l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney. Du « motu proprio » on en parlait plus…ni à Campos ni à Rome…Ce qui est tout simplement remarquable…Les choses évoluent…dans le bon sens ».
Me Wagner, dans Présent du 12 avril, juge le pontificat de Jean-Paul II.
Et d’abord il s’offusque de l’attitude
de
Il remarque la force de ce pontife, sa
force médiatique : « La pape Jean-Paul II,
par son enseignement, son langage, sa stature, son allure, puis enfin en souffrant
et mourant à la face du monde, a soufflé la vedette à
nos media, avides et gorgés de la politique de mort qu’il dénonçait.
Il leur a lancé aux yeux, en dernier acte, le spectacle
qu’ils refusent de voir et qui contredit toute leur doctrine, celui
de la souffrance et de la mort. Passus et sepultus est ».
Il insiste aussi, in fine, sur les nombreux voyages du pape au cours de son Pontificat. Il en était inquiet. Il l’avoue : « Il m’est arrivé, je l’avoue, de critiquer tant de voyages et même de l’écrire. Garo aussi en remontrait à son curé. Ne courait-il pas le risque de vouloir séduire plus que convertir. N’aurait-il pas dû rester plus au-dessus des marées humaines et plus lointain, presque invisible » ?
Humblement il confesse son erreur : « J’avais tort de critiquer. L’extrême ferveur qui a accompagné ses derniers jours et sa mort n’était pas dirigée vers lui seulement, mais vers son message chrétien. Elle traduisait souvent chez les indifférents ou tièdes un retour de foi.
Pour conclure : « Dans un monde si laid, si menteur, si désespéré, si désespérant, quand les media ne pouvaient se séparer du spectacle de l’Eglise, c’est qu’ils savaient bien qu’ils s’y passait quelque chose. »
(Pour lire le texte, cliquez
ici )
La chronique du lundi de Georges-Paul Wagner
Laïcité en berne
heures sur les bâtiments publics a
jeté la consternation chez quelques hérauts de la séparation
de l’Eglise de l’Etat. Ils ont vu une ruse maligne (je ne dis pas démoniaque)
dans l’explication de ce
signe de deuil par le fait que le Vatican
est aussi un Etat et pas seulement, comme dit Le Canard enchaîné,
« le siège social de l’Eglise ». Certains de
nos laïques ont si mal pris ce drapeau en berne, en ont paru si affectés
qu’on a pensé à appeler à leur secours une cellule
psychologique.
Ainsi Mélanchon faisait peine à
voir plus encore que de coutume. Ainsi Charasse, que le cher André
Figueras, se souvenant de Gogol, appelait Charasse-Boulba. Ainsi Gérard
Aschieri, secrétaire général de
âme, mea culpa) contre «
cette République qui en rajoute ». Ainsi Patrick Gonthier, secrétaire
général de l’UNSA-Education, s’exclamant au comble
de la tristesse : « Ce gouvernement conservateur (…) réinstalle
subrepticement la religion dans la société française.
»
Il ne manquait à ce lamento laïque
qu’une voix catholique et ce fut celle de Bayrou, qui expliqua qu’il
était contre « la confessionnalisation de la politique »
et qu’il ne fallait pas « mélanger l’Etat et ce mouvement
profond de l’âme qu’est la foi ».
Cette déclaration a suscité
la protestation de la plupart de ses amis, qui ont vu en elle, avec indulgence,
un souci de marquer une fois de plus sa différence avec le gouvernement
et avec Chirac. Ce serait la raison pour laquelle il aurait mis son catholicisme
en berne. On peut penser qu’il est en réalité dans la
logique des positions de nos élus, catholiques par le baptême
et quelquefois par la foi, qui pensent que leur catholicisme doit rester à
usage interne et un « élan
de l’âme » inaudible aux
oreilles les plus fines et invisible à l’oeil nu.
Séparation de l’Eglise et des
media
Le Canard, qui fait
depuis toujours de l’anticléricalisme bête son fonds de
commerce, pose en une et en gros caractères la bonne question qui les
obsède : « A quand la séparation de l’Eglise et
des media ? » Ce qui revient à dire : à quand une Eglise
invisible et inaudible qui n’aurait aucune prétention d’avoir
de l’influence sur la morale, la législation, les comportements,
les habitudes, l’habillement (à bas la calotte !), le langage
?
Sur ce point, Bayrou ne se sépare
de Chirac qu’en apparence. Car celui-ci a plusieurs fois affirmé
que la seule législation qui compte pour lui est celle qui est issue
du suffrage et qu’il faut toujours la préférer à
la loi naturelle, surtout si elle ressemble aux commandements de Dieu et de
l’Eglise. Or, les programmes et les discours de nos catholiques de gouvernement
ne font jamais référence à ces commandements. C’est
trop peu dire qu’ils s’en écartent. Ils les ignorent. Si
leur foi est un élan de l’âme, il ne transparaît
ni dans leurs écrits ni dans leurs paroles. Ils écoutent les
rumeurs de l’opinion, que leur donnent des sondages, qui écoutent
eux-mêmes d’autres voix et conseillent d’autres voies, loin
de la morale de papa, considérée comme dépassée
et ne valant que pour l’hiver, enfin terminé, de l’humanité.
On peut ainsi dire que la législation
de l’Etat est tout à fait séparée de la législation
de
l’Eglise et que la crainte de Patrick
Gonthier, plus haut cité, de voir la religion se réinstaller
subrepticement dans la société
française est du domaine de la chimère. Le plus clair exemple
de cela nous est fourni par la dernière loi de divorce préparée
et soutenue par Dominique Perben qui fut élève d’un collège
catholique de Lyon. Rien, dans le texte qu’il a fait voter, ne diffère
de celui que Danton avait fait voter le dernier jour de
ans d’une séparation mettant
le divorce à la seule volonté de celui qui saura prendre
la poudre d’escampette. Les media font
la législation en façonnant les élus du peuple
à leur image et ils organisent méthodiquement
en France une séparation qui ressemble
à une répudiation : la législation
des suffrages d’un côté, et d’un autre côté
la législation chrétienne.
Evolution
Le pape Jean-Paul II par son
enseignement, son langage, sa stature, son allure, puis enfin en souffrant
et mourant à la face du monde, a soufflé la vedette à
nos media, avides et gorgés de la politique de mort qu’il dénonçait.
Il leur a lancé aux yeux, en dernier acte, le spectacle qu’ils
refusent de voir et qui contredit toute leur doctrine, celui de la souffrance
et de la mort. Passus et sepultus est.
Les commentateurs de micro ont glissé,
au milieu de quelquesexclamations d’étonnement sur cette fin
puis sur cette foule de beaucoup de foi, l’espoir d’un nouveau
pape qui saurait enfin aligner son enseignement sur l’évolution
du monde. Les cardinaux du futur conclave sont priés d’y réfléchir
et de songer qu’une religion fondée depuis deux mille ans sur
l’amour doit savoir faire sa part au sexe et à ses exigences.
Il se trouve que la mort de Jean-Paul II est survenue le 2 avril en pleine
soirée de sidaction, pour l’interrompre, et certains ne sont
pas loin d’y voir une suprême malice de celui qui osa, disent-ils,
interdire la capote au nom de la calotte (langage du Canard).
Nos cardinaux sont priés de choisir
un pape qui trouvera d’autres solutions pour préserver le monde
du sida que la vertu, la fidélité et qui comprendra enfin les
nécessités du
tourisme sexuel. Çà ou là,
des jeunes catholiques et même des séminaristes interrogés
à Rome ont cru bien faire d’aller dans le sens du vent qui tourne.
Les mêmes sans doute demanderont au Code pénal, qui interdit
le vol et l’assassinat, de fournir également, en note explicative,
les moyens d’éviter au voleur et à l’assassin les
inconvénients et les sanctions de leur faute. Plus généralement,
il paraît à la plupart des commentateurs difficile d’admettre
que les règles morales n’ont pas à s’adapter à
la société, mais que la société doit se façonner
sur ces règles, qui furent
toujours celles des sociétés
vivantes et confiantes en la vie. La plupart des pèlerins venus à
Rome n’avaient pas fait ce chemin pour écouter des paroles changeantes
et fugitives, mais regarder
une croix immobile et écouter une
Eglise qui ne change pas.
Les cardinaux, qui sont en train de s’interroger
et d’interroger les autres cardinaux, n’ont pu manquer d’entendre
ce que disait, ce que criait, ce que priait, ce que chantait cette foule immense
qui souhaite que l’Eglise demeure ce qu’elle a toujours été,
c’est-à-dire, comme disait Maurras, « le temple des définitions
du devoir ».
Pouvoir médiatique
Un auditeur d’une émission
de télé que j’écoutais demanda quels étaient
les pouvoirs réels du pape. Un commentateur lui expliqua que certes
il était monarque absolu, mais que, comme Louis XIV, il était
soumis à des lois fondamentales qu’il ne pouvait changer. La
doctrine, la morale, les croyances n’étaient pas entre ses mains.
Chef d’un orchestre, à moitié terrestre, à moitié
céleste, il dirige l’interprétation d’une musique
dont il n’est pas l’auteur.
Ici quelqu’un observa qu’il avait
du moins tout le pouvoir médiatique et que Jean-Paul II l’avait
pleinement exercé, en allant d’une marche d’abord rapide,
puis lente et difficile, enseigner les nations.
Il m’est arrivé, je l’avoue,
de critiquer tant de voyages et même de l’écrire. Garo
aussi en remontrait à son curé. Ne courait-il pas le risque
de vouloir séduire plus que convertir. N’aurait-il pas dû
rester plus au-dessus des marées humaines et plus lointain, presque
invisible ?
J’avais tort de critiquer. L’extrême
ferveur qui a accompagné ses derniers jours et
sa mort n’était pas dirigée
vers lui seulement, mais vers son message chrétien. Elle traduisait
souvent chez des indifférents ou des tièdes un retour de foi.
Dans un monde si laid, si menteur, si désespéré, si désespérant,
quand les mediane pouvaient se séparer du spectacle de l’Eglise,
c’est qu’ils savaient bien qu’il s’y passait quelque
chose.
G.-P.W.
13- Alain de Penanster
de « Valeurs Actuelles » et Jean-Paul II :
« le dernier géant »
Le dernier géant
Succéder à ce géant
exposera à des comparaisons, affirme Alain de Penanster.
Mais il a tracé plusieurs voies. « L’homme contemporain
écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et
quand il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont
aussi des témoins », avait dit Paul VI. Jean-Paul
II aura été le maître et témoin. Double
qualité exprimée par son double prénom : Jean
fut l’apôtre de l’amour de Dieu et du prochain, Paul l’énergique
stimulateur itinérant. Ce
double prénom représentait un programme. Il a été
magnifiquement exécuté. Par sa durée et son intensité,
le pontificat que nous venons de vivre marquera l’Histoire.
Alain
de Penanster (lire son article. Cliquez ici)
Le deuil est planétaire. La disparition de Jean-Paul
II est pour les catholiques celle d’un des plus grands papes des temps
modernes. Pour les hommes de toutes croyances, elle est celle du dernier géant
de notre époque. L’influence mondiale de ce pape vient d’abord
de l’adéquation entre un monde en quête de sens et une
personnalité exceptionnelle. Le succès de la phrase simple «
N’ayez pas peur ! » est caractéristique du désarroi
de notre époque : elle avait surtout peur de l’effacement de
ses repères. Jean-Paul II, de formation philosophique, a réaffirmé
et précisé la doctrine. Le rappel positif des valeurs chrétiennes
et des finalités de la vie humaine a contribué à la chute
du communisme, construction artificielle et inhumaine. Jean-Paul II n’a
pas détruit le communisme, il l’a déclassé. En
proposant des valeurs plus conformes à la nature réelle de l’homme
et à son destin spirituel, il a mobilisé les consciences dans
la vérité. Il y était aidé par sa personnalité
forte et complexe. Dès son élection, au soir du 16 octobre 1978,
il est entré avec naturel dans la soutane blanche. Il s’est adapté
à la fonction pontificale jusqu’à lui donner des dimensions
nouvelles. C’était un homme complexe. En bon chef, il savait
surprendre volontairement. Il déroutait aussi involontairement certains
esprits cartésiens par les circonvolutions de son esprit slave et par
l’interférence de dons variés rarement réunis chez
le même homme. Chez cet homme foisonnant, on peut distinguer sept aspects
d’une personnalité totalement identifiée à sa mission.
Un pape incarné.
La formule “l’athlète de Dieu”, appliquée
à ce pape dès ses débuts, traduit une première
impression ressentie par tous : la force spirituelle, qui fut longtemps soutenue
par une force physique. Élu à 58 ans, il est d’abord apparu
comme un homme robuste et sportif, ce qui était nouveau dans la papauté.
Ses mains qui bénissaient avaient travaillé en usine, tenu des
pagaies de canoë comme des bâtons de ski.
Jean-Paul II aimait les vacances à la montagne. Il s’est laissé
offrir une piscine dans la résidence pontificale de Castel Gandolfo.
Après l’attentat du 13 mai 1981 et ses séquelles, il est
allé simplement à la clinique et a fait publier ses bulletins
de santé. Il embrassait des personnes avec naturel. Acceptant d’avoir
un corps et de surmonter les inhibitions de son entourage à ce sujet,
ce pape incarné dans son temps a mis fin à un tabou révérenciel.
Avec l’âge est venue la fatigue chez un homme qui s’est
consumé à la tâche. Le bras gauche tremblait, les jambes
ne suivaient pas toujours la tête ; la voix faiblissait parfois. Il
avait le courage de ne pas cacher ses misères physiques. Mais, dans
l’enveloppe de chair, la vigueur de l’âme demeurait intacte.
Des adolescents du monde entier, réunis à Paris en août
1997 pour les Journées mondiales de la jeunesse, ont admiré
l’énergie de cet aïeul : il surmontait sa lassitude pour
les stimuler et leur délivrer un message spirituel qui n’a pas
d’âge. Cette leçon d’énergie lui survit.
Le grand sourcier.
La puissance charismatique de Jean-Paul II n’était pas celle
d’un grand sorcier, mais d’un grand sourcier. Cet intuitif avait
le pouvoir de faire surgir, des profondeurs de l’âme d’un
homme ou d’un peuple, la nappe phréatique de ses ressources enfouies.
Aux personnes comme aux communautés, il posait vite les questions essentielles.
Lors de son premier voyage pontifical en France, en 1980, il interpellait
au Bourget une foule clairsemée : « France, es-tu fidèle
aux promesses de ton baptême ? France, éducatrice des peuples,
es-tu fidèle à ton alliance avec
De même, la conviction de Jean-Paul II, qu’il partageait avec
l’archiduc Otto de Habsbourg, était que les nations d’Europe
participent à une identité commune issue de leur évangélisation
et des siècles de formation chrétienne. Les totalitarismes nazi,
communiste et néocommuniste étaient des avatars provisoires
qui recouvraient une identité chrétienne beaucoup plus ancienne.
Ils disparaîtraient tôt ou tard. Le pape voulait y contribuer
en faisant sourdre des vérités enfouies. Il pensait que les
peuples valent mieux, sur le long terme, que les régimes politiques
qu’ils ont choisis ou acceptés.
L’un des vainqueurs du communisme.
La connivence était naturelle entre le grand sourcier et
Au cours de ces voyages, il a peu critiqué le communisme : un système
mensonger ne l’intéressait pas. Il a rappelé positivement
les valeurs chrétiennes qui devaient constituer les bases d’un
système de remplacement. À partir de 1980, les Polonais de Solidarité
ont édifié ce réseau en faisant appel au pays réel.
Contrairement aux Hongrois de 1956, aux Tchèques et aux Slovaques de
1968, ils n’ont voulu ni renverser ni aménager le communisme.
Ils ont bâti un autre système à côté de lui.
Cela supposait une large entente, y compris avec certains agnostiques. Jean-Paul
II a défini l’Église comme “route de l’homme”
et pris la défense des droits de l’homme, pratiquant ou non.
Il a demandé à l’Unesco, le 2 juin 1980, que les sociétés
“respectent l’homme comme valeur particulière et autonome,
comme le sujet porteur de la transcendance de la personne”. Il s’est
ainsi placé en moraliste universel, au-delà de la défense
des seuls catholiques. Sa lutte et celle des Polonais ont rejoint et amplifié
le combat spirituel de dissidents comme Alexandre Soljenitsyne et Vaclav Havel.
Quand Mikhaïl Gorbatchev vient pour la première fois au Vatican,
le 1er décembre 1989, Jean-Paul II sait que le communisme s’écroule
en Europe et que son interlocuteur connaît son opinion. Raïssa
Gorbatcheva, qui ne veut pas encore croire à cette défaite,
arbore une robe rouge au lieu de la robe noire requise par le protocole pontifical.
Lors de la seconde visite du couple Gorbatchev chez le pape, elle mettra une
robe grise, acceptant en partie les usages du camp vainqueur.
Le défenseur de Dieu chez César.
Pour Jean-Paul II, la nation est un ensemble vivant. Sa culture et sa politique
résultent de choix spirituels, officiels ou implicites. Quand le spirituel
est en cause, les droits de Dieu sont présents dans le domaine de César.
Ce pape a débordé du terrain strictement religieux vers certains
domaines profanes comme les libertés, l’accès à
l’enseignement, le partage des ressources et des terres, la spéculation
sans valeur ajoutée.
Les pontifes précédents ne voulaient pas intervenir dans les
affaires internes d’une nation. Il l’a fait plusieurs fois, passant
avec naturel du spirituel à l’éthique, puis au politique.
Ainsi a-t-il déclaré au Chili, en avril 1987 : « Les droits
de l’homme, ce qui veut dire justice, appartiennent au contenu de notre
mission. Ce n’est pas de la politique. »
Jean-Paul II intervenait au service de la nation dans sa continuité,
au service de la liberté. En 1983, en Pologne, il avait osé
déclarer : « La souveraineté de l’État est
profondément liée à sa capacité de promouvoir
la liberté de la nation. » L’aliénation par une
idéologie ou par une domination étrangère rendait le
pouvoir illégitime. Déjà en 1980 à l’Unesco,
il avait demandé : « N’y a-t-il pas sur la carte de l’Europe
et du monde des nations qui ont une merveilleuse souveraineté historique
provenant de leur culture et qui sont en même temps privées de
leur pleine souveraineté ? » C’était le cas en Europe
de l’Est. On y a changé de César.
L’apôtre planétaire.
Aucun de ses prédécesseurs n’a utilisé ainsi les
voyages comme moyen systématique d’information, de contacts,
d’enseignement et d’apostolat. Ce pape de grand vent est allé
presque partout où il était invité, venant, disait-il
“pour recevoir autant que pour donner”. Du Grand Nord canadien
à
Dans certains voyages pastoraux, il se limitait à “confirmer
la foi de ses frères”, selon la demande de Jésus à
Pierre. Dans d’autres cas, il entrait dans le domaine qu’un État
s’était réservé. Ainsi avait-il déclaré
à son arrivée au Paraguay, le 16 mai 1988 : « Le but de
ce voyage apostolique est de faire en sorte que le message évangélique
continue à modeler toujours davantage nos cœurs, se projetant
avec force et efficacité sur toutes les structures de la coexistence
civique et sociale. » Cette visite hâta la démocratisation
du Paraguay.
Aidé par un exceptionnel don des langues, ce “curé du
monde” a été un prodigieux agent de relations publiques
pour l’Église sur les terrains les plus divers.
Cependant il a connu deux sortes d’échecs. Les uns au cours des
voyages réalisés : indifférence de la foule turque, caricatures
grossières aux Pays-Bas, messe perturbée de slogans politiques
au Nicaragua sandiniste. Les autres sont les voyages qu’il n’a
pas pu faire :
Le moraliste rigoureux.
Sur le terrain de la morale, Jean-Paul II est resté très ferme.
Il n’a admis ni l’avortement, ni l’euthanasie active, ni
la contraception artificielle. Le droit canon continue à exclure le
mariage des prêtres, l’ordination d’hommes mariés
et l’accès des femmes au sacerdoce.
Aidé du strict cardinal Ratzinger, Jean-Paul II a même réitéré
le refus de la contra-ception artificielle, énoncé par Paul
VI, en le durcissant : « La décision de créer ou non une
vie est une prérogative de Dieu. Par la contraception, l’être
humain prend la place de Dieu. »
Pour préciser l’ensemble de la doctrine, il a fait réaliser,
sous la direction du cardinal Schönborn, le Catéchisme de l’Église
catholique, qui restera l’une des œuvres capitales du pontificat.
Jean-Paul II savait que sa rigueur plairait à certains jeunes mais
en détournerait d’autres d’une pratique jugée trop
exigeante. Ceux-ci disaient : « Nous aimons le chanteur, mais pas la
chanson. » Refusant de modifier la chanson pour contenter une partie
du public, il a accepté d’être plus admiré que suivi.
Il aurait préféré l’inverse.
Le chercheur de réconciliations.
Paradoxe apparent : ce pape a réaffirmé avec vigueur l’identité
du catholicisme, mais il a été aussi très ouvert à
l’œcuménisme et s’est beaucoup excusé de fautes
d’hommes d’Église dans le passé. « L’Église
doit respirer par ses deux poumons, l’occidental et l’oriental
», disait ce Polonais, né près de la limite entre les
mondes catholique et orthodoxe. Tout son pontificat a cherché un rapprochement
avec les orthodoxes. Déception partielle ! Il a pu aller en Roumanie,
en Géorgie, en Ukraine, en Grèce et en Bulgarie, mais pas dans
cette Russie où le “prosélytisme romain” est critiqué.
Jean-Paul II a demandé pardon pour l’attitude des catholiques
lors du schisme d’Orient en 1054. Sur les croisades, l’Inquisition,
Jan Hus, Luther, les guerres de Religion, les Indiens d’Amérique,
la traite des Noirs, les juifs, Galilée, les dictatures, il a exprimé
des regrets pour les fautes commises alors. Le catholicisme aurait dû
être libérateur et ne l’a pas toujours été
par la faute des hommes.
Le but était de “purifier la mémoire de l’Église”
pour le jubilé de l’an 2000. Mais ces repentances ont désemparé
certains catholiques. Bientôt détournées du cadre précis
que leur avait assigné le pape, elles ont été perçues
comme une nouvelle relativisation des certitudes. Un consistoire de cardinaux
a mis le pape en garde contre le risque d’anachronismes : « Les
époques anciennes doivent être étudiées dans le
contexte vivant de leur temps. » De plus, ces désaveux du passé
n’ont suscité presque aucune réciprocité chez les
protestants et les orthodoxes et aucune chez les musulmans.
Surmontant déceptions et difficultés de santé, Jean-Paul
II s’est battu sur tous les fronts. Il était décidé
à réaliser la prédiction que lui avait faite le cardinal
Wyszynski : « Tu dois être le pape qui fera entrer l’Église
dans le troisième millénaire. » Il l’a fait.
Succéder à ce géant
exposera à des comparaisons. Mais il a tracé plusieurs voies.
« L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins
que les maîtres, et quand il écoute les maîtres, c’est
parce qu’ils sont aussi des témoins », avait dit Paul VI.
Jean-Paul II aura été le maître et témoin. Double
qualité exprimée par son double prénom : Jean fut l’apôtre
de l’amour de Dieu et du prochain, Paul l’énergique stimulateur
itinérant.
Ce double prénom représentait un programme. Il a été
magnifiquement exécuté. Par sa durée et son intensité,
le pontificat que nous venons de vivre marquera l’Histoire.
Alain de Penanster . Valeurs actuelles », n° 3567 paru le 8
Avril 2005
14- Abbé Claude Barthe. “La monarchie pontificale à l’épreuve »
Sur le pontificat qui
se termine, Mr l’abbé Barthe s’est exprimé dans
le Figaro-Magasine, Le Figaro Hors-Série d’avril 2005
titré « Jean-Paul II. La légende d’une
vie. Les grandes heures d’un pontificat » .
Ce numéro, réalisé sous la haute autorité de Michel
De Jaehgere, est très intéressant et vaut le détour. Là, sur deux petites pages, les
pages 66 et 67, l’abbé
Barthe donne son avis. Il intitule son article : « La monarchie
pontificale à l’épreuve ».
Il procède de question en question. Son papier ainsi va de rebond en rebond.
Mais il est uni par cette préoccupation majeure : qu’en est-il aujourd’hui
de l’autorité pontificale que laisse Jean-Paul II ?
Est-elle bien assise ? Le charisme de Jean-Paul II a-t-il fortifié
cette autorité ou au contraire affaiblie. « En
a-t-il sauvé l'autorité ? » : voilà la question à la
quelle veut répondre finalement
l’abbé Barthe.
Quelle est donc sa réponse ? Serait-il exagéré
de résumer sa pensée sur ce pontificat avec cette phrase un
peu désolante mais peut-être
très réaliste, trop réaliste : Dans
son pontificat « Il y aura eu « inflation
de papier » et impuissance dans le gouvernement ». C’est
ce que remarquait déjà le journaliste italien Vittorio Messori ».
Je ne serais pas loin de l’admettre. Et l’on pourrait peut-être
tempérer ce jugement par cette autre phrase :
: « Il aura été une tentative
de pallier l'évanouissement de l'autorité doctrinale traditionnelle,
en remplaçant en quelque sorte, comme diraient les sociologues,
la « structure » par l'« enthousiasme ». C’est bien vu.
L’Eglise semble aujourd’hui difficilement gouvernable.
Oui !Quelle autorité, va-t-il falloir à son successeur…Mais
pourtant, c’est de « gouvernement » qu’il
nous faut…un bon !Prions !
Pour lire l’article de Mr l’abbé
Barthe, cliquez ici
« La monarchie pontificale à l’épreuve »
Claude BARTHE
Est-ce la fin d'un pontificat
ou d'une certaine idée de la papauté ? Car on peut se demander
si, avec Jean-Paul II, ce n'est pas l'image que Rome donne au monde depuis
les grandes figures des papes du XIXe et du XXe siècle, et même
peut-être depuis la centralisation du catholicisme opérée
par la réforme grégorienne au XIe siècle, qui s'efface.
Le règne qui vient de s'achever est, à cet égard,
fascinant : Jean-Paul II a hérité au pire moment d'une charge
qui n'avait jamais été autant contestée à l'intérieur
du catholicisme. Quoi de plus difficile, en effet, à faire aujourd'hui
entendre, dans un monde qui fait de l'absence de contrainte la valeur des
valeurs, que le « magistère » d'un homme seul, revêtu
de l'« infaillibilité », puisse contraindre à
croire comme ceci et à agir comme cela ? Jean-Paul II a mis tout
en œuvre pour « sauver la mise » grâce à un
quotient personnel tout à fait exceptionnel : c'est-à-dire
qu'il a voulu combler le déficit institutionnel par un charisme individuel,
que le temps, l'âge, la maladie, non seulement n'ont pas usé,
mais ont surdimensionné. Il a sauvé, sublimé l'image
de sa fonction. En a-t-il sauvé l'autorité ? C'est
précisément parce qu'il a réussi à personnaliser
sa fonction à un tel degré, qu'on peut se demander
si une autre personnalité pourra vraiment en assumer l'héritage.
Il faut se souvenir de quelle situation
d'autorité, ou plutôt d'absence d'autorité, Jean-Paul
II a pris la charge, il y a presque un quart de siècle. L'Eglise tournoyait dans le cyclone
d'après Mai 68, ses propres incertitudes nourrissant la tempête.
Bien avant cela, c'est vrai, le gros des catholiques en prenait et en laissait
dans les obligations que rappelait le Magistère, mais ils continuaient
à venir à la messe le dimanche. Et puis voilà que d'un
coup, entre Concile et crise de société, à la fin des
années soixante, tout s'est envolé, soutanes, certitudes.
Les deux tiers des catholiques ont cessé de pratiquer et ceux
qui restaient, quand ils n'étaient pas d'accord, se sont mis à
le dire tout haut. Cet effondrement soudain, comme celui d'une falaise qui
s'affaisse sur ses bases sapées depuis longtemps, peut être
daté de 1968-1969. On a alors connu (novembre 1969) une refonte totale
de la liturgie, imposée mais dans la libre interprétation,
« à la manière de la révolution culturelle de
Mao », dira plus tard le cardinal Lustiger. Plus déstabilisant
encore a été le large refus opposé à l'encyclique
Humanae Vitae (25 juillet 1968), par laquelle Paul VI condamnait la
contraception artificielle. Une contestation, ouverte ou larvée,
s'est partout propagée avec le sentiment (pour s'en réjouir
ou pour le déplorer) que la religion changeait, le tout sur
fond de « départs » de prêtres et religieux, «
affaires » de théologiens contestataires, supérieurs
qui faisaient psychanalyser leurs religieux.
Les cardinaux, qui se réunirent
deux fois en 1978, une première fois pour élire l'éphémère
Jean-Paul Ier, une seconde fois pour porter leurs voix sur celui qui devint
Jean-Paul II, étaient convaincus qu'il fallait « siffler la
fin de la récréation » (toujours Jean-Marie Lustiger).
C'est d'ailleurs le cardinal König, archevêque de Vienne,
un prélat réputé d'ouverture, qui avait proposé
« l'hypothèse Karol Wojtyla » : l'élection du cardinal
de Cracovie, le plus traditionnel parmi les cardinaux incontestablement
conciliaires, ressemblait un peu à un coupe-feu. Ainsi a commencé
un long effort de « restauration », qui a été visible
à partir de 1985, lorsque le cardinal Ratzinger a publié son
Entretien sur la foi. Le plus marquant a été le rappel
insistant de la doctrine morale (Donum Vitae sur la bioéthique,
1987 ; Veritatis Splendor, 1993 ; Evangelium Vitae sur la vie
humaine, 1995). Mais il y eut aussi le soutien accordé à des
organisations telles que l'Opus Dei, les Légionnaires du Christ,
Comunione e Liberazione, pendant qu'était torpillée la
théologie de la libération. Sans parler du renouvellement
des épiscopats, au fur et à mesure des démissions, dans
un sens modéré.
Mais dans le même temps, les grandes
« ouvertures » ont été confirmées, et de
manière particulièrement spectaculaire : journée
d'Assise, en 1986 ; visite à la synagogue de Rome ; baiser au Coran
; billet de repentir introduit dans le mur des Lamentations ; visite à
la mosquée de Damas ; avalanche de gestes, accords, déclarations
œcuméniques ; repentances du grand Jubilé de l'an 2000
; linéaments d'une réforme œcuménique de la papauté
(encyclique Ut Unum Sint). Ce pontificat aura donc représenté un
gigantesque effort pour unir les deux bouts de la chaîne, l'«
ouverture » et l'autorité traditionnelle de la foi. Il aura été une tentative
de pallier l'évanouissement de l'autorité doctrinale traditionnelle,
en remplaçant en quelque sorte, comme diraient les sociologues,
la « structure » par l'« enthousiasme ».
Le tout grâce à l'exceptionnelle volonté d'un homme
doté d'une présence médiatique non moins exceptionnelle.
Mais au bout du compte avec quel succès ? Celui de la production
d'une masse impressionnante de documents qu'on peut considérer
comme autant de pierres d'attente. Le nouveau Catéchisme universel,
publié le 11 octobre 1992, trente ans après l'ouverture
du Concile, que le cardinal Ratzinger, pivot de l'entreprise, qualifie de
« remontée del'intérieur », la lettre Ordinatio
Sacerdotalis, du 22 mai 1994, qui est peut-être le document le plus
contesté du pontificat et qui refuse d'étendre aux femmes l'ordination
sacerdotale, l'encyclique Fides et Ratio, le nouveau code de droit
canonique de
Mais dans le quotidien, rien n'a vraiment
changé, sauf dans la manière de dire « non ».
En 1968, les six cents prêtres du groupe Echanges et Dialogue demandaient
« la mort du clerc ». Aujourd'hui, un synode diocésain
peut publier paisiblement des vœux en faveur de l'ordination de prêtres
mariés. Rome réprouve les théologiens contestataires,
mais estime ne pas pouvoir exiger leur soumission sous peine d'exclusion,
et tel ne croit pas au péché originel, tel conteste la virginité
de Marie, tel autre estime qu'on peut être bouddhiste et chrétien
en même temps. Rome a tranché à propos de l'ordination
des femmes ? Le catholique de base « ne voit pas pourquoi...
», même si dans les faits il n'aimerait pas recourir aux services
d'une femme-prêtre. Il y aura eu « inflation de papier
» et impuissance dans le gouvernement, remarquait le journaliste
italien Vittorio Messori. Mais comment eût-il été
possible de mieux faire sans disposer d'une hiérarchie entièrement
remaniée ? Jean-Paul II a dû gérer, en réalité,
une Eglise éclatée, en proie à un schisme multiforme,
avec en outre, diversification des pratiques liturgiques, émiettement
des communautés. Il est vrai que cet émiettement a permis aussi
une réaction de survie : les forces vives qui se sont manifestées
à l'occasion des grands rassemblements des JMJ ont mis en cause les
orientations « progressistes » de leurs aînés en
profitant paradoxalement des espaces de liberté que la contestation
de ces derniers avaient créés. Mais, paradoxe contre paradoxe,
ces immenses rassemblements de jeunes, symboles du renouveau, en marquent
aussi les limites : celles d'un catholicisme des manifestations et pèlerinages
plus que de la vie quotidienne, une religion de la chaleureuse adhésion
plutôt que de la soumission à la loi du Christ. Reste que
les jeunes prêtres identitaires, les groupes de prière, les communautés
jeunes, les paroisses revitalisées existent dans les années
deux mille, et existent en quelque sorte contre le grand remue-ménage
des années soixante-dix, traduisant une même aspiration
profonde à être conduits au nom du Christ.
Evanouissement de l'autorité,
dernière chance de l'autorité ? Le présent étant ingouvernable, c'était
peut-être ce pari sur le futur, pari intuitif ou utopique, qu'a fait
Jean-Paul II ».