" Les Nouvelles

de

Chrétienté "

n° 20

Le 15 septembre 2005

La Rentrée dans l'Eglise de Dieu

 

Monsieur l'abbé de Tanoüarn, directeur du Centre Saint Paul à Paris m'a invité, le mardi 13 septembre, à donner une conférence sur un sujet très actuel : " Que penser des contacts repris entre le pape Benoît XVI et Mgr Fellay, Supérieur Général de la Fraternité Saint Pie X " ? Il a donné comme titre à la conférence : " Benoît XVI reçoit Mgr Bernard Fellay : perspectives et réalités ". Il inscrivait cette conférence dans le cadre plus global appelé " La rentrée dans l'Eglise de Dieu ". Et dans ce cadre, lui-même devait analyser le " catéchisme catholique abrégé ", que d'aucuns présentent comme le catéchisme de Benoît XVI. La " rentrée dans l'Eglise de Dieu " ? Ce titre risque bien de faire hurler d'indignation " nos " confrères de la FSSPX, les plus intransigeants ! Laissons pour l'instant cette remarque. Nous y reviendrons.
J'ai très volontiers accepté cette invitation. Je désirais depuis longtemps rappeler la pensée de Mgr Lefebvre sur ce sujet : " les relations et contacts avec Rome ". L'occasion m'en était donnée. Je la saisissais. Je n'allais pas la manquer. Mgr Lefebvre nous a tout de même laissé sur ce problème capital, une pensée, je dirais volontiers " un jurisprudence ", la " jurisprudence lefebvre ". Il est bon de la connaître, même sans vouloir faire de " lefébvrisme "…
Ce contact " nouveau ", en date du 29 août 2005, de la Fraternité avec Rome s'inscrit en effet dans une histoire. Ce n'est pas le premier contact qui a lieu entre Rome et la Fraternité. Ce n'est pas la première fois qu'une tentative de rapprochement est envisagée.
Nous nous souvenons des contacts que Mgr Lefebvre eut avec Rome au temps du Pontificat de Paul VI. Nous nous souvenons de la première visite canonique décidée par Rome et acceptée par Mgr Lefebvre, en novembre 1974. Nous nous souvenons des contacts qu'il eut avec la fameuse commission composée de trois cardinaux Garronne, Tabera et Wright. Mgr Lefebvre avait le chic de nous faire vivre tous ces événements. Il nous livrait sa pensée. Il rédigeait même des articles que Jean Madiran s'honorait de publier dans Itinéraires.
Nous nous souvenons de sa rencontre fameuse, contre toute espérance, avec le Pape Paul VI, au palais pontificale de Castel Gandolfo, en un fameux été chaud….
Nous nous souvenons de son contact avec Jean-Paul II, juste après son élection sur le Siège de Pierre, en 1982. Nous nous souvenons surtout des contacts qui faillirent aboutir avec Rome en 1987-1988, le 5 mai 1988. Nous étions au plus fort de l'agitation moderniste dans l'Eglise avec la réunion œcuménique d'Assise, qui fit date. Et Mgr Lefebvre, pourtant, en pareille circonstance, ne craignait de se rapprocher de Rome, ou du moins, ne craignait pas d'envisager un tel rapprochement.
Aussi ne faut-il pas non plus nous étonner de voir ces contacts se renouveler…Des circonstances particulières et nouvelles peuvent les favoriser. Les accepter, les vouloir, les rechercher, c'est une excellente chose. C'est très " chrétien ". Voilà qui est parfaitement " lefebvriste ".
Tous nous avons pu nous réjouir des contacts qui eurent lieu, à l'issue de l'année Sainte, en l'an 2000. Le pèlerinage de la " Tradition " impressionna par son nombre et son bon ordre. Le pape Jean-Paul II souhaitait régler le problème. Le cardinal Castrillon Hoyos mena ces relations, au nom du Pape, avec énergie et courage. Ce fut la belle période, pleine d'espérance, des six premiers mois de l'année 2001. Ce fut encore l'échec. Mais de leur côté, nos amis prêtres du diocèse de Campos poursuivirent les négociations et en l'an 2002, le 18 janvier 2002, Rome les recevait dans " son sein ", en pleine communion, et créait l'Administration apostolique Saint Jean Marie Vianney, avec à sa tête, un évêque ayant sur ses sujets désirant garder la " tradition liturgique ancienne et latine ", pleine juridiction, juridiction personnelle, propre, cumulative avec celle de l'évêque du lieu.
Ainsi, grâce à ces contacts historiques, répétés et somme toute assez réguliers, nous avons en mains, sur ce sujet, tout une documentation, faite à la fois d'écrits,d'expériences d'échecs, mais aussi de succès. Il s'est ainsi créé, au fil du temps, toute une " jurisprudence ". Les éléments matériels qui la composent sont faits des écrits de Mgr Lefebvre, de ceux de Mgr Fellay. Tous deux se sont exprimés sur ce sujet. Tous deux ont mené des " négociations " concrètes. Mais nous connaissons aussi les réactions des amis, de nos prêtres, surtout de Monsieur l'abbé Laguérie, de Monsieur l'abbé deTanouärn, mais aussi de Monsieur l'abbé de Jorna. Ils se sont exprimés publiquement. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous gardons aussi précieusement les documents constitutifs de l'Administration apostolique Saint Jean Marie Vianney, sise au diocèse de Campos au Brésil.
Cette documentation, je l'ai recueillie au fil du temps. Et tout particulièrement alors que j'étais en Belgique et que je dirigeais, au nom de la FSSPX, l'Agence de Presse DICI que j'avais créée.
Ainsi dès que j'appris la nouvelle des nouveaux contacts entre Benoît XVI et Mgr Fellay, je repris mes dossiers. J'ai relu tout cela. Je brûle du désir de vous en faire part.
Cette documentation est un trésor. Il faut la faire vivre. Il faut en tirer la " substantifique moelle ". Il faut en tirer la sagesse.
Alors que les relations reprennent - il faut cette fois arriver à une heureuse solution, sans trop tarder, elle est aujourd'hui nécessaire. Je ne crains pas de l'affirmer - c'est pour le coup une question de " survie " - il est bon de se pencher sur cette documentation, surtout sur la pensée de Mgr Lefebvre, mais pas uniquement, sur la pensée aussi des actuelles détenteurs de l'autorité de la FSSPX, mais pas uniquement, sur la pensée et sur la réalité obtenue par les pères de Campos, mais aussi sur les jugements de nos amis, prêtres de la FSSPX.
Cette étude devrait nous permettre de tirer une doctrine prudentielle qui devrait permettre de mener à bonne fin ces nouvelles " négociations ". Que les autorités n'oublient pas qu'elles ne mènent pas seuls ce combat. Qu'elles veuillent bien prendre en compte les fidèles…avant qu'il ne soit trop tard…Le refus de la solution romaine en 2001-2002 nous a obligé, pour nous justifier, à durcir nos positions et ce durcissement va de mal en pis , ce qui n'est pas bon. De plus il y a une lassitude parce qu'il n'y a plus d'élan suffisant de conquête, comme nous l'avons connu avec Mgr Lefbvre…On finira par perdre la raison d'être de la FSSPX. Je le dis comme je le pense sans aucun désir de polémique, mais seulement pour le bien et attirer l'attention de ceux qui dirigent la FSSPX…Il est bien tard…Mais il n'est jamais trop tard pour les personnes qui veulent, du plus profond de leur cœur, le bien…
Notre étude aura donc tout naturellement trois titres
-la pensée de Mgr Lefebvre qu'il exprima d'une manière claire, le 21 novembre 1987.
-la pensée de Mgr Fellay, lors des négociations de l'an 2000
-la pensée et l'œuvre réalisée par Mgr Rangel et Mgr Rifan, comme un modèle possible de structure juridique acceptable pour poursuivre le beau combat de la foi.
Je vous livre en ce numéro exceptionnel, exceptionnel quant au mode, la pensée de Mgr Lefebvre. Le reste vous sera donné dans un livre prochain intitulé : " la rentrée dans l'Eglise de Dieu ".


La pensée de Mgr Lefebvre


Les circonstances historiques

Avançant en âge et préoccupé très sérieusement et uniquement par l'avenir du sacerdoce catholique, bien plus que par sa propre œuvre sacerdotale - son œuvre n'étant qu'une condition circonstancielle pour assurer la pérennité du sacerdoce - Mgr Lefebvre annonça lors du sermon des ordinations de juin 1987, à Ecône, son intention de se donner des successeurs dans l'épiscopat. Il l'envisage comme nécessaire au maintien du sacerdoce catholique et de la Tradition. Il s'instituerait des auxiliaires avec la seule mission d'assurer les ordinations et les confirmations, sans juridiction. Ni schisme ! Ni secret !
Cette annonce provoqua une très intense et immédiate inquiétude du côté de Rome. Le cardinal Ratzinger se chargea immédiatement du dossier. Il entre en contact avec Mgr Lefebvre et l'invite à une rencontre à Rome. Cette rencontre a lieu le 14 juillet. C'est avec égard et déférence que Mgr Lefebvre est reçu au siège de l'ex Saint Office.
Un communiqué est signé. On peut y lire : " Les entretiens se sont déroulés dans une atmosphère de dialogue ouvert et sincère. Ils ont eu pour objet les problèmes concernant les rapports entre la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et le Saint Siège. Les deux parties se sont engagés à ne pas diffuser d'autre communiqué " (Fideliter n°60)
Le 28 juillet 1987, le cardinal adresse une lettre à Mgr Lefebvre. Elle contient, nous dira Mgr Lefebvre, " des offres généreuses auxquelles on ne s'attendait plus ". En effet, sans plus parler d'obtenir de lui une signature préalable de reconnaissance de ses torts comme on voulait l'y astreindre précédemment, Rome offrait à la Fraternité :
- la possibilité d'utiliser, sans entrave, le rite de la messe tridentine, les livres liturgiques dits de Jean XXIII, de 1962,
- la possibilité, dans les cinq séminaires de la Fraternité, de former les candidats au sacerdoce selon le " charisme " propre à la Fraternité. Ce mot faisait sourire Mgr Lefebvre. Le cardinal parlait aussi de l'envoi d'un visiteur apostolique, ce que Mgr Lefebvre souhaitait depuis longtemps. Toutefois ce visiteur aurait joui, dans la pensée du cardinal, des pouvoirs les plus étendus. Qu'on en juge : " …le cardinal visiteur se portera garant de l'orthodoxie de l'enseignement dans vos séminaires, de l'esprit ecclésial et de l'unité avec le Saint Siège. Au cours de cette période (précédant l'approbation de la structure juridique définitive de la Fraternité), le Cardinal Visiteur décidera également de l'admission des séminaristes au sacerdoce en tenant compte de l'avis des supérieurs compétents ".
Le 1er octobre, Mgr Lefebvre répond à la lettre du cardinal et donne son accord pour la visite, voit quelques indices qui permettent d'espérer d'arriver à une solution mais affirme ne pouvoir se départir de son autorité vis-à-vis des séminaristes, " ce serait contraire au droit que vous avez l'intention de nous accorder " (Fideliter, hors série, juin 1988). Rome accepte sur ce point de modifier son exigence.
Le 29 octobre, le cardinal Ratzinger informe les membres du Synode des évêques qui se tient à Rome, des " pourparlers " avec Mgr Lefebvre. Il donne le communiqué suivant : " En ce qui concerne le dialogue en cours entre le Saint Siège et Mgr Lefebvre, je suis en mesure de fournir à l'assemblée synodale les informations suivantes : Comme cela a déjà été annoncé par la Salle de Presse du Saint Siège, une rencontre avec ce prélat a eu lieu le 18 octobre, à l'issue de laquelle le prélat a accepté la proposition concernant la nomination d'un visiteur apostolique ayant mission de recueillir tous les éléments d'information susceptibles de permettre de régler la situation canonique de la Fraternité Sacerdotale saint Pie X. A ce sujet, je peux maintenant ajouter que le Saint Père a nommé le visiteur canonique en la personne de S. Em. le cardinal Edouard Gagnon, qui lui rendra compte directement du déroulement de sa mission. Evidemment la solution définitive souhaitée repose sur la condition nécessaire de l'obéissance due au Souverain Pontife et la fidélité au Magistère de l'Eglise ".
La visite eut lieu, de fait, fin novembre, pour se terminer le 8 décembre 1987. Le cardinal assista en " habit de chœur " à la messe solennelle célébrée par Mgr Lefebvre en cette fête et signa le livre d'or du séminaire. Il écrivait : " Que la Vierge immaculée écoute nos prières ferventes pour que l'œuvre de formation merveilleusement accomplie en cette maison, trouve son rayonnement pour la vie de l'Eglise ".
A l'issue de cette visite canonique, Mgr Lefebvre lui remit un pli. Il est daté du 21 novembre 1987. Il comprend une lettre personnelle adressée au cardinal et un dossier intitulé : " Proposition de Règlement apportant une solution au problème des Œuvres et des Initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ".
Dans ces deux textes, Mgr Lefebvre précise sa pensée sur le règlement de la crise que connaît l'Eglise. Nous trouvons là ce que j'appellerais volontiers la jurisprudence lefebvre. Si l'on veut agir dans la fidélité à la pensée de notre fondateur, il faut les bien connaître pour s'en inspirer. C'est ce que nous allons faire.

Section I : la lettre.

 

Elle est une déclaration claire d'intention. Mgr Lefebvre rappelle ce que nous sommes et rappelle notre " idéal ".
" Nous formons une grande famille, vivant dans cette ambiance et cette atmosphère catholique attachée à l'Eglise Romaine, attachée à Pierre et à ses Successeurs, mais absolument et radicalement allergique à l'esprit conciliaire de la liberté religieuse, de l'œcuménisme, de la collégialité, à l'esprit d'Assise, fruits du modernisme, du libéralisme tant de fois condamnés par le Saint Siège. Les conséquences de cet esprit sont désastreuses et nous les fuyons comme la peste de nos esprits et de nos cœurs ; nous faisons tout pour nous en protéger et en protéger la jeunesse de nos foyers catholiques. Comparez-nous à Israël au milieu des nations perverses, aux Macchabées et encore à tous ces saints réformateurs du clergé : Saint Charles Borromée, Saint Vincent de Paul, Saint Jean Eudes, Monsieur Olier. Voilà la réalité, nous formons une armada décidée à tout prix à demeurer catholique face à la déchristianisation qui s'opère à l'extérieur et à l'intérieur de l'Eglise "
La présentation de cette petite " armada ", nous rappelle l'esprit de la déclaration solennelle du 21 novembre 1974 où Mgr Lefebvre affirmait son attachement à l'Eglise éternelle et son refus de l'Eglise moderniste.
Mais ici, il affirme, en plus, être disposé à " apporter (sa) collaboration au renouveau de l'Eglise " dès lors que nous serions " reconnus par le Pape tels que nous sommes ". " Nous désirons avoir un siège dans la Ville Eternelle ", " nous n'avons jamais voulu rompre avec le Successeur de Pierre, ni considérer que le Saint Siège est vacant, malgré les épreuves que cela nous a values ".
Se protéger des erreurs, rester indemne de toutes influences " modernistes " exprime bien la pensée de Mgr Lefebvre.
Toutefois, avant même le règlement des problèmes doctrinaux existant réellement dans le sein de l'Eglise, Mgr Lefebvre envisageait comme possible d' " apporter sa collaboration au renouveau de l'Eglise ", in sinu Eccleisae, dès lors que nous serions acceptés tels que " nous sommes " et qu'on nous en laisse les moyens. Se protéger de toutes influences pernicieuses était la préoccupation majeure de Mgr Lefebvre. Attendre le règlement des problèmes doctrinaux pour œuvrer " au renouveau de l'Eglise " dans le sein même de l'Eglise ne me paraît pas être la position de Mgr Lefebvre. On peut penser différemment et vouloir surtout régler ce problème doctrinal pour aller plus avant. Mais il faut savoir que cette opinion n'est certainement pas la pensée de Mgr Lefebvre… Cette condition n'entre pas dans la " jurisprudence lefebvre ". Son intention est autre. Se garder du mal est très certainement sa pensée. Mais une fois cette garde assurée, ne pas craindre d'aller au front, dans la mêlée pour aider au renouveau de l'Eglise. Participer à ce renouveau de l'Eglise doit se faire ou peut se faire à l'intérieur de l'Eglise dès lors que l'on a les garanties suffisantes de garder notre " idéal ". On peut, encore une fois, ne pas partager ce point de vue…Mais alors qu'on ne parle pas au nom de Mgr Lefebvre…
Dans ce but clairement affirmé et pour permettre de l'atteindre sûrement, Mgr Lefebvre remet au cardinal et soumet à son attention un projet, un projet de réintégration et de normalisation de nos rapports avec Rome : " Nous vous soumettons un projet de réintégration et de normalisation de nos rapports avec Rome ".
Je vous prie de noter les termes. Tous les mots ont du être pesés par Mgr Lefebvre avant d'être couchés sur le papier. Le sujet était important. A l'évidence, il le pensait tel. Les mots choisis le disent clairement. Il parle " d'exigences ". Elles sont fondées uniquement " sur le zèle pour le bien de l'Eglise et le salut des âmes, pour la gloire de Dieu ". Elles doivent être prises en compte et retenues nécessairement. Autrement ce sera l'échec. " C'est seulement dans cet esprit et en tenant compte de ces considérations qu'une solution peut être valable et stable ". Si nos exigences ne sont pas retenues, - redisons que ces exigences réclamées par Mgr Lefebvre ne portaient pas d'abord sur le règlement du conflit doctrinal mais bel et bien sur la sauvegarde de " notre armada " -, " alors nous poursuivrons notre chemin comme à présent, en attendant des circonstances plus favorables, " perseverantes in oratione et praedicatione verbi ".
Veuillez également noter cette expression de Mgr Lefebvre : " en attendant des circonstances plus favorables ". Il ne demande pas des circonstances absolument et totalement et définitivement idéales. Il parle seulement de " circonstances plus favorables ". Mgr Lefebvre a le sens du relatif et de l'absolu. L'un n'est pas l'autre. Ce ne sont pas des mots identiques.

 

Section II : Les propositions de Règlement

 

Analyse du titre

J'attire votre attention sur le titre même de cette nouvelle section. : " Proposition de règlement apportant une solution au problème des Œuvres et des Initiatives en faveur de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ".
Vous remarquerez la finalité des deux différentes propositions. Mgr Lefebvre considère les choses sous l'angle de leur finalité. C'est la juste pensée. Le dicton populaire nous l'enseigne avant même le philosophe. " En toute chose il faut considérer la fin ". La fin constitue la raison des choses, des êtres. Ici Mgr Lefebvre considère la finalité de ce " règlement " proposée et la finalité des œuvres dont il faut régler le " problème ".
La finalité du " règlement " est d'apporter une solution au problème de " ces Oeuvres et Initiatives ".
La finalité de ces " Œuvres elles-mêmes et de leurs Initiatives " est d'être centrées " sur la liturgie traditionnel dans l'Eglise ". Ces œuvres ont toutes pour particularité d'être " en faveur de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ". C'est vrai pour toutes les œuvres. Quelles soient féminines, masculines, contemplatives, éducatives, apostoliques, missionnaires…
En ce qui concerne la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, ce fut toujours clairement enseigné par Mgr Lefebvre. . Qu'il me soit permis de relever quelques passages de sa lettre du 18 novembre 1978 adressée aux membres de la FSSPX. Et tout d'abord, ce passage : " Notre naissance s'est faite dans l'Eglise et pour l'Eglise et pour ce que l'Eglise a de meilleur et d'essentiel : le sacerdoce véritable, fait pour le Saint sacrifice, tel que Notre Seigneur l'a institué, tel que l'Eglise l'a confirmé dans tout son Magistère ".
Ou encore : " Nous avons persévéré dans ce sauvetage du Sacerdoce et du sacrifice éternel de Notre Seigneur, raison d'être de l'Eglise "
Ou encore : " C'est dans la confiance absolue dans la pérennité du Sacerdoce catholique et du sacrifice que nous avons persévéré dans le développement de l'œuvre "
Ou encore : " A quelle source puiser notre unité, notre cohésion, notre fermeté ? Dans l'obéissance à la foi catholique et par conséquent à l'Eglise, foi qui se concrétise et se résume toute entière dans le saint Sacrifice de la Messe. C'est le grand don de Notre Seigneur pour lequel Il a institué son Eglise et la hiérarchie, et par lequel Notre Seigneur veut que soit continuée l'œuvre de la Rédemption ".
Ce fut là, n'en doutons pas, la grande action missionnaire de Mgr Lefebvre depuis 1969 : l'amour de la sainte Messe dans son rite traditionnel. J'en veux pour preuve encore son homélie prononcée à la porte de Versailles, lors de son jubilé en 1979. Elle est encore dans toutes les oreilles.
Si je prends en compte cette grande préoccupation de Mgr Lefbvre toujours présente en son âme et en sa prédication, la messe traditionnelle, si je prends en compte ces deux finalités précisées ici, dans cette " proposition de règlement ", je peux conclure que la finalité essentielle de ce règlement doit être lui aussi en " faveur de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ", pour la protéger certainement , pour qu'elle reste bien la propriété de ces Œuvres, ce sacrifice dans le rite ancestral les constituant dans ce qu'elles sont toutes. Qu'on veuille bien nous prendre " tels que nous sommes " répétera Mgr Lefebvre. Mais la messe tridentine est notre " être ", dit ce que nous sommes.

L'analyse du texte : " Proposition de règlement "

Ce texte " Proposition " qui expose la " jurisprudence lefebvre ", comprend 24 articles en trois sections précédées d'une introduction. L'introduction fait les six premiers articles. La 1er section concerne le " secrétariat romain " à créer. C'est l'objet des articles 7 à 11. La 2ème section concerne le statut canonique des diverses sociétés attachées à la messe traditionnelles. Il s'intitule exactement : " Statut canonique des diverses sociétés des prêtres, religieux, religieuses isolés. Relation avec le Secrétariat romain ". Il va de l'article 12 à 18. La 3ème section traite de l'incardination et de la juridiction des prêtres de ces Œuvres. " Incardination et Juridiction vis-à-vis des fidèles ". Il comprend trois articles : du numéro 19 au numéro 22. Puis le texte se termine par un conclusion : les numéros 23 et 24. Voilà la présentation " matérielle " de ce texte : " jurisprudence lefebvre ".
Il convient de l'analyser.

Analyse de l'Introduction.

Dans le premier paragraphe, Mgr Lefebvre cite un texte conciliaire, celui de " Presbyterorum ordinis ", le n° 10.
Ce texte semble être pour Mgr Lefebvre très important. Il le cite en effet deux fois à des moments particulièrement solennels de son action apostolique : lors de la fondation du séminaire de Fribourg et de la Fraternité Sacerdotale en 1969 et dans ce texte qu'il remet dans les mains du cardinal Gagnon, alors qu'il envisage très sérieusement la procédure d'une " réintégration et d'une normalisation " de nos rapports avec Rome. Ces moments sont de fait particulièrement importants. On me le concédera sans difficulté.
Que dit cet article 10 : " Là où les conditions de l'apostolat la réclameront, on facilitera non seulement la répartition des prêtres, mais encore les œuvres pastorales adaptées aux différents milieux sociaux à l'échelle d'une région, d'une nation ou de divers endroits dans le monde. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers, prélatures personnelles, et autres institutions auxquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de toute l'Eglise, suivants des modalités à établir pour chaque cas et toujours dans le respect des droits des ordinaires locaux ".
Voilà une déclaration de principe du Concile particulièrement souple, tout à fait pastoral permettant de prendre en compte facilement la richesse de la vie faite de particularités, de circonstances propres…pour leur donner cependant un cadre juridique nécessaire dans une société hiérarchisée qu'est l'Eglise. Je résumerai volontiers cet article en disant que l'Eglise aime l'ordre mais aussi les initiatives. Elles ne doivent pas être étouffées, mais, bien au contraire, aidées. Ce principe est à l'opposé de tout centralisme, centralisme qui est le fait de tout esprit " jacobin et socialiste ". Là, dans cet article 10, l'Eglise donne un principe réaliste qui épouse la vie qui est toujours diverse et variée.
C'est ce principe vrai, nullement laxiste que Mgr Lefebvre va invoquer pour présenter ses initiatives à la hiérarchie catholique, hier, la création de son séminaire à Fribourg, de sa Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, aujourd'hui, cette réintégration et cette normalisation des " forces de la Tradition " dans le sein de l'Eglise. Il veut, ici et là, l'appliquer à la réalité, à la vie de la " Tradition ". Il prend en compte cette réalité : face au progressisme, s'est dressé, se dresse un courant traditionaliste. C'est un fait qu'on ne peut nier. Ce courant perdure, s'intensifie. On a tout fait pour le faire disparaître. Rien n'y a fait. Il demeure et s'est développé. C'est une condition particulière dans l'apostolat d'après le Concile. Les autorités ne peuvent éternellement nier la réalité. De guerre lasse, peut être, mais c'est ainsi. Il faut la prendre en compte. Des fidèles sont attachés, restent attachés à la messe latine et grégorienne, ancienne, dite de saint Pie V. Il faut les prendre en compte. Voilà une condition particulière de l'après concile. C'est incontournable. On peut le regretter. Ce regret ne facilitera pas le règlement du problème…On en sait quelque chose. On peut le tolérer, la situation s'améliorera alors. On peut le justifier, on finit par reconnaître la légitimité de cette réaction, une solution sera alors facilement trouvée. Cette " condition nouvelle ", ce courant de la tradition fut, de fait, pris en compte dans le discours du cardinal Ratzinger au Chili alors qu'il s'adressait à l'épiscopat chilien, juste après les sacres. C'est très important de le noter ici au passage…On pourra se fonder alors sur l'article 10 de " Presbyterorum ordinis ". Cet article prévoît que, les circonstances le réclamant, on puisse faciliter " les œuvres pastorales adaptées aux différents milieux sociaux à l'échelle d'une région, - si la " condition nouvelle" touche une région- , d'une nation - s'il en est de même pour une nation - ou de divers endroits dans le monde - si le problème est planétaire. C'est alors que l'on pourra faciliter la création de séminaires internationaux, séminaires qui permettront une répartition plus aisée des prêtres de part le monde ; la création mêmes de diocèses particuliers, même de prélatures personnelles ou toutes autres institutions. Les circonstances justifieront de telles créations. Ces créations permettront ainsi plus facilement l'affectation et l'incardination des prêtres pour le bien commun de toute l'Eglise, sans faire fi des droits légitimes des ordinaires locaux.
Quelle sagesse dans cet article.
Il permettrait la création de séminaires internationaux.
Or voilà un certain nombre de jeunes qui veulent une formation traditionnelle dans leur préparation sacerdotale. Ils rencontrent d'énormes difficultés dans cette période " soixante-huitard " qui a aussi agité l'Eglise. Ils s'adressent à Mgr Lefebvre. Cette réaction est légitime. Voilà une condition particulière. Il faut en tenir compte. Mgr Lefebvre visite Mgr Charrière, évêque de Fribourg et pour fonder sa demande, Mgr Lefebvre propose une application concrète de cet article 10. Il demande, fort de cet article, la possibilité de créer dans le diocèse de Fribourg en Suisse, un " séminaire international ". Il l'obtînt. Tous ces séminaires seront des séminaires internationaux.
Quelle sagesse dans cet article.
Il permettrait la création même de " diocèses particuliers ".
Voilà tout un diocèse sans dessus dessous, dans la division, des églises qui restent attachées à l'ordinaire du lieu. Des églises " sauvages " créées tout à côté. Des fidèles voulaient garder la messe " tridentine ". Un nombre important de prêtres du diocèse soutient cette réaction. Le nouvel évêque fait tout pour contrer cette réaction. Rien n'a faire. Des prêtres de son clergé veulent continuer à célébrer la messe de leur ordination. Ils ne lâchent pas, bien au contraire. La situation est vraiment pénible. Rome trouve là une "situation particulière ", une condition nouvelle. Elle finit par trouver cette fidélité à la messe tridentine bien légitime. Elle veut régler le problème. Les circonstances le permettent. Un nouvel évêque est nommé dans le diocèse. Il se trouve qu'il a des amis dans ce clergé " rebelle ", des amis de " coeur ". Les vraies amitiés sont éternelles… Une solution est trouvée. Et les prêtres de Campos au Brésil sont organisés en véritable " diocèse " par la création d'une Administration apostolique. Un évêque est nommé à sa tête avec juridiction cumulative, l'un sur le territoire, l'autre sur les fidèles qui veulent la Tradition. Certains, même des évêques, pourront trouver la chose étonnante, voire même la refuser dans leur diocèse…Toujours est-il qu'aujourd'hui la paix règne, là où il y avait la guerre. Et la situation canonique trouvée respectent parfaitement " l'idéal " et des prêtres et des fidèles. Rome les a pris tous " comme ils sont ". Ils gardent la messe tridentine et tous les autres sacrements. Les fidèles entendent la prédication qu'ils ont toujours entendue, le catéchisme qui leur fut toujours enseigné. La paix règne. Deo Gratias.
L'article 10 de " Presbyterorum ordinis " permet de prendre en compte de telles circonstances. L'Eglise s'est même engagée solennellement, dans un Concile, d'en prendre acte et de faciliter la création d'œuvres pastorales adaptées à de légitimes désirs. Dans cette création, le droit est respecté, celui prévu par l'article 10 de Presbyterorum ordinis, le droit des fidèles et des prêtres à garder la " tradition latine ", le droit de l'ordinaire du lieu. Vraiment cet article 10 est la preuve que l'Eglise sait garder grand amour du respect de la vie.
Quelle sagesse dans cet article.
Il permettrait même la création d'œuvres particulières même dans " divers endroits dans le monde ". Il permettrait la création de " prélatures personnelles " ou toutes autres institutions adaptées aux nouvelles circonstances.
Voilà tout un ensemble de fidèles de par le monde qui résiste à l'esprit faussement conciliaire " une grande famille attachée à l'Eglise Romaine, attachés à Pierre et à ses Successeurs, mais absolument et radicalement allergique à l'esprit conciliaire de la liberté religieuse, de l'œcuménisme tel que pratiqué à Assise, de la collégialité comprise en dehors de la " nota brevia " de Paul VI… Voilà " une armada décidée à tout prix à demeurer catholique face à la déchristianisation qui s'opère à l'extérieur et à l'intérieur de l'Eglise "…L'Eglise doit en prendre compte Ces circonstances sont aujourd'hui considérées, peu ou prou, comme légitimes par le Vatican. Alors l'Eglise pourrait envisager d'organiser une structure particulière pour gérer ce problème pastoral nouveau à l'échelon du monde entier. Cela est prévu par le n° 10 : " On facilitera… les œuvres pastorales adaptées aux différents milieux sociaux à l'échelle d'une région, d'une nation, ou de divers endroits dans le monde. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers, prélatures personnelles et autres institutions ".
L'avantage évident de ces créations " possibles ", " légitimes ", est de prendre en compte non seulement des circonstances particulières, mais aussi d'assurer " l'affectation et l'incardination des prêtres pour le bien commun de toute l'Eglise ".
Ainsi, fort de ce principe reconnu, déclaré solennellement par l'Eglise, Mgr Lefebvre donne, dans son pli du 21 novembre 1987, " sa " solution, une jurisprudence et précise les " modalités " à établir pour une telle fondation. Il le fait dans le respect et l'amour de l'Eglise et du Bien commun. Il le fait, dit-il encore, se fondant sur la lettre du 28 juillet 1987 du cardinal Ratzinger dont nous avons parlé plus haut. Voyons donc les modalités pratiques du règlement.

Les modalités du Règlement

Mgr Lefebvre précise dès le départ une condition qui est pour lui " sine qua non " pour aboutir à une solution souhaitée : " Il nous semble indispensable avant d'aller plus avant dans les entretiens avec le Saint Siège d'exprimer une condition " sine qua non " nous faisant l'écho de tous les prêtres et fidèles attachés à la Tradition " (n° 3) Cette condition ne lui est pas personnelle. Il la formule au nom de tous les prêtres et des fidèles. Il se fait en quelque sorte leur écho. C'est important de remarquer cela. C'est aussi un principe de gouvernement.
Quelle est donc cette condition dite " sine qua non " ?
" Si le Saint Siège désire sincèrement que nous devenions officiellement des collaborateurs efficaces pour le renouveau de l'Eglise, sous son autorité, il est de toute nécessité que nous soyons reçus comme nous sommes, qu'on ne nous demande pas de modifier notre enseignement, ni nos moyens de sanctification, qui sont ceux de l'Eglise de toujours ". (n°4)
Or l'application de cette condition " sine qua non ", - et là on voit le réalisme pratique, pastoral de Mgr Lefebvre - suppose que ces relations, ces entretiens, ces contacts qui aboutiront à cette " œuvre " à créer selon l'article 10 de Presbyterorum ordinis soient confiées à des personnes jouissant de deux qualités : " à la fois très respectueuses et attachées au Saint Siège, mais aussi convaincues de l'urgente nécessité pour l'Eglise de favoriser les initiatives qui maintienne la Tradition et de ne rein faire qui les contraignent à s'éloigner de nouveau ". (n° 5)
Ce sont donc de telles personnes, animées et de l'amour du Saint Siège et de l'amour de la Tradition et de son maintien ou de son retour qui doivent composer le " Secrétariat Romain " dont Mgr Lefebvre suggère la création. Il serait une sorte de Congrégation Romaine chargée de cette Tradition à sauvegarder, à développer, à respecter. Un peu, comme le dira plus loin Mgr Lefebvre, un peu comme la Congrégation des Eglises orientales, " l'Orientale ", chargée de la protection et de la sauvegarde des spécificités propres aux églises uniates, aux églises d'Orient restées ou revenues dans l'unité romaine. Dès lors, comme toutes les Congrégations romaines, ce " Secrétariat Romain " aura à sa tête un cardinal, un secrétaire et des " minutanti ", tous animés d'un même amour du saint Siège et de Tradition ancestrale. (n°6)

Le " secrétariat romain "

C'est l'objet, avons-nous dit, de la section I du document de Mgr Lefebvre. Il comprend les articles 7 à 11.

a-de la nécessité de ce " secrétariat ".

Cette nécessité fait l'objet du numéro 7 : " L'extension mondiale rapide de la Fraternité sacerdotale saint Pie X et la multiplication d'œuvres similaires réclament une organisation qui ait son siège à Rome, à l'instar d'un Secrétariat ou d'une commission pour le maintien et le développement de la liturgie latine selon les prescriptions de Jean XXIII ". (n°7)
Ce secrétariat va tirer, de sa finalité, sa raison d'être, son existence. C'est là encore un principe de bonne philosophie. Cette finalité est clairement énoncée : Ce secrétariat existera " pour le maintien et le développement de la liturgie latine selon les prescriptions de Jean XXIII ".
Je ne vois pas ici que Mgr Lefebvre ait réclamé, comme on le fit plus tard, la déclaration du " droit pour tout prêtre de célébrer la messe ancienne ". Certes, et il en était bien d'accord, c'est bien un droit légitime pour tout prêtre. Le Bulle " Quo Primum Tempore " a conféré ce droit et avec quelle solennité…à tout prêtre. Mais ici, il ne le demande pas. Il sait ce qui peut être obtenu et ce qui ne le peut pas. Il fut toujours animé d'un profond réalisme. C'est ce qui faisait le charme de son gouvernent. Je ne l'ai jamais vu donner un ordre qu'il savait ne pas être accepté ou accepté très difficilement par un de ses sujets…ou il faisait en sorte, par la manière et la douceur, que son ordre puisse être accepté. Une véritable autorité qui connaît les difficultés du gouvernement ne demande jamais, non plus quelque chose qu'elle sait ne pourvoir obtenir. Les circonstances ecclésiales sont telles qu'il est et était peu probable que l'autorité puisse, de cette manière, s'engager dans une déclaration publique sur ce droit. Les choses exigent parfois plus de ménagement… Ainsi Rome, par le cardinal Castrillon Hoyos, fit savoir, en 2001, que ce préalable demandé était impossible à satisfaire. J'eus aimé qu'on finisse par le comprendre.
Quoi qu'il en soit, il est juste de reconnaître que cette réclamation du " droit pour tout prêtre de dire la messe saint Pie V " ne fait pas partie de la " jurisprudence lefebvre ". Certes, il posa une condition " sine qua non ". Mais elle était autre et autrement prudente et réaliste.
Il lui suffisait, mais c'était là une condition sine qua non, que " ce droit à la liturgie latine selon les prescriptions de Jean XXIII " soit reconnu, maintenu, développé seulement au niveau des " Œuvres " entrant dans cette structure juridique à créer.
On peut être contre une telle demande. On peut la juger trop minimaliste ou tout autre chose. On peut de fait demander "comme condition préalable à toute " négociation " le droit de tout prêtre à dire la messe saint Pie V…Mais qu'on ne prétende pas alors la demander au nom de Mgr Lefebvre et dans sa fidélité. Ou alors qu'on fasse entendre qu'on peut " négocier " une telle condition. Mais ce serait imprudent…Parce que cela nous mettrait en position de faiblesse, d'une certaine façon. Ce qu'il ne faut pas faire dans une " négociation ". Par réalisme, il eut été prudent de ne pas la faire…Il eut été plus prudent de faire la proposition de Mgr Lefebvre. Autant que … Pas plus que… C'est la sagesse, nous dit Saint Ignace. Dans une " négociation ", il faut aussi avoir le sens du " relatif ". Et Mgr Lefebvre l'avait et bigrement.
Ne nous disait-il pas un jour, c'était le 3 avril 1977, je le cite intégralement tellement ce passage me parait important… pour bien connaître l'esprit de Mgr Lefebvre, (le garde-t-on, dans la FSSPX, cet esprit? On a l'impression que la dureté est devenue la seule loi ou mode possible de fidélité) : " Et si demain, il s'avérait que les hommes qui occupent les postes d'autorité reprennent une ligne droite (…) nous serions les premiers à leur demander leur bénédiction " nous sommes à votre service ". Pas de se rebeller pour se rebeller contre l'autorité (…) bien au contraire. J'espère que ce jour viendra. Quand on verra que nos prieurés, quand on verra que nos paroisses ne prêchent que la vérité, que la vertu, que le bien…ne manifestent que les vertus de Notre Seigneur et bien ce n'est pas possible qu'un jour ne vienne pas où les évêques diront : " Qu'est-ce qu'on peut leur reprocher ? Ils enseignent la doctrine de l'Eglise, ils enseignent les vertus de l'Eglise, ils ont le rite que l'Eglise a toujours pratiqué, ils ont les sacrements que l'Eglise a toujours enseigné. Qu'est-ce qu'on peut leur reprocher ? Rien ". Mais ne pouvant rien reprocher, il n'est pas possible qu'un jour les évêques conscients de leur charge ne finissent par dire : " Eh bien, oui, on est obligé de les reconnaître. Eh bien, cette paroisse est reconnue désormais ", même peut-être dans une situation un peu hybride, je dirai, en ce sens qu'ils diraient : " Eh bien les paroisses actuelles continuent dans ce qu'elles ont fait jusqu'à présent, mais nous reconnaissons cette paroisse personnelle pour toutes les personnes qui veulent y venir et fréquenter les prêtres, nous les reconnaissons aussi ". Ce serait peut-être une solution…je dirai…une étape, peut-être, je n'en sais rien, je ne connais pas l'avenir, je ne suis pas prophète. Mais c'est possible. En tout cas, il faut être dans ces dispositions et non pas dans une disposition de rupture et une disposition d'opposition pour opposition, d'opposition à l'Eglise, pas le moins du monde ". (Cité dans DICI n°7)
Ah que cette phrase est importante. Elle exprime une pensée, un mode d'être…Gardons le, de grâce !
Retenez ces expressions de " situation hybride ", " ce serait peut être une solution.. .Je dirai.. .une étape ". Là se trouve le véritable esprit de Mgr Lefebvre, un esprit de prudence pastorale, fait d'absolu mais aussi de relatif. Voilà la vraie prudence pastorale. Qu'on se le dise.
C'est une prudence. C'est une prudence de demander ce que l'on sait pouvoir obtenir…De même que c'est un sage gouvernement que de savoir donner des ordres qui pourront être acceptés…C'est une prudence que de savoir procéder par étape…et de savoir supporter, un temps, des solutions " hybrides ". Voilà l'esprit de sagesse de Mgr Lefebvre. Voilà ce qu'il faut et faudra toujours imiter…Mais qui ne voit que c'est là ce que Mgr Angel, premier administrateur de l'Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney a su accepter et a su faire. Ils vivent dans la paix et s'accroissent et à Campos, au Brésil et dans d'autres diocèses avec l'accord des ordinaires des lieux…Mais nous y reviendrons…

b- de la composition de ce Secrétariat

C'est le numéro 8 du document de Mgr Lefebvre, sa " jurisprudence ". Ce secrétariat sera composé de personnes idoines, avec les qualités requises. Ceci étant admis, il sera composé comme les autres congrégations romaine : un cardinal-préfet, un secrétaire, et quelques minutanti ".
Et quant à la première nomination, le préfet qui sera nommé par le Pape, le sera avec l'agrément du Supérieur général de la FSSPX. Cette mesure pourrait être temporaire ou définitive. Ce serait à discuter. Quant au secrétaire et aux munitanti, ils pourraient être présentés par le Supérieur général de la Fraternité saint Pie X. Touts ces points dans la pensée de Mgr Lefebvre seraient très souhaitables, mais sont sujet de négociation possible.

c- des pouvoirs de ce secrétariat.

Il pourrait être semblables à ceux que possèdent l' " Orientale " sur les églises uniates de rites orientaux ou de la " Propagande " vis-à-vis des territoires de Mission. C'est le numéro 9 : " Ils seraient assez semblables à ceux qu'ont la Propagande vis-à-vis des territoires de Missions et l'Orientale vis-à-vis des rites orientaux ".
N'aurait-on pas grand intérêt, sans faire pour autant de " lefebvrisme ", de suivre les avis de cet homme, sa prudence, ses conseils, lui qui fut grand serviteur de l'Eglise et qui fréquenta sa vie durant les Congrégations romaines en raison de ses responsabilités archiépiscopales et de ses fonctions de" Délégué apostolique ". Si il y a une personne qui connaît bien le fonctionnement de l'Eglise, sa vie, son organisation, c'est bien Mgr Lefebvre. Que sont les autres…Même avec…
Et je pense personnellement que cette note que nous analysons et qui fut remise au cardinal Gagnon, a retenu, de fait, l'attention du Vatican. Le Vatican s'en est inspiré…un peu, mal mais un peu toutefois, lors de la création des " communautés Ecclesia Dei adflicta "…Mais surtout et beaucoup mieux, lors de la création de l'Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney, à Campos, au Brésil. Ne va-t-elle pas s'en inspirer pour l'organisation plus vaste, non plus au niveau d'un diocèse, mais au niveau mondiale cette fois ? C'est mon " intuition ". J'attends avec fébrilité la fin de l'année 2005. Je ne suis pas le seul…Monsieur l'abbé Philippe Laguerie de Saint Eloy aussi… pour des raisons différentes mais complémentaires…

d- le but de ces pouvoirs.

Nous devons retrouver là le but principal déjà clairement expliqué par Mgr Lefebvre au n° 5.
Ces buts, qu'il va un peu détailler, sont tous ordonnés au but principal déjà donné, à savoir : " le maintien et le développement de la liturgie latine selon les prescriptions de Jean XXIII ".
Le maintien de la liturgie latine selon les livres de Jean XXIII…ce qui suppose le désir louable d'assurer la pérennité des Œuvres qui veulent garder jalousement ce rite. Aussi faudrait-il " penser à l'octroi de l'épiscopat à plusieurs membres " écrit Mgr Lefebvre. Ainsi serait assurée la continuité des œuvres et donc la continuité de la liturgie latine. (Déjà le Pape Paul VI se réjouissait de savoir que le rite latin et grégorein était conservé surement dans les abbayes bénédictines...) C'est ce que le Cardinal Ratzinger avait accepté finalement de guerre lasse avec Mgr Lefebvre dans le " protocole du 5 mai 1988 ". De guerre lasse… Mais le temps passa. Et ce point ne fit plus aucune difficulté pour les Pères de Campos, en 2002, lors de la création de l'Administration Apostolique. L'idée de Mgr Lefebvre avait fait son petit bonhomme de chemin dans les couloirs romains.
Il me semble que l'on serait bien inspiré de reprendre purement et simplement ce texte et de le présenter de nouveau à Rome alors que les relations sont reprises…Ce texte a fait déjà ces preuves…Et il est pour moi bien douloureux de voir que ce texte n'est même plus pris en compte par les autorités actuelles de la FSSPX. Les jeunes prêtres le connaissent-ils seulement ? Monsieur l'abbé de Jorna le leur a-t-il expliqué, analysé ? Qui est fidèle à la pensée de Mgr Lefebvre ?
Ce " secrétariat " romain aurait pour but aussi " de veiller au développement harmonieux et dans la paix vis-à-vis des évêques diocésains et de la part de ceux-ci ". Sur ce sujet très important, le cardinal Ratzinger avait fait des réflexions très heureuses alors qu'il recevait les " communautés Ecclesia Dei Adflicta ", venues à Rome, le 24 octobre 1998, en pèlerinage d'action de grâces pour le " Motu Proprio " du même nom de juillet 1988. Il indiquait quelques conditions pour assurer la paix liturgique dans un diocèse acceptant le bi ritualisme. J'ai repris cette analyse dans le chapitre 7 de mon livre " la Bataille de la messe " aux éditions de Paris, septembre 2005.
Ce " Secrétariat " serait vraiment utile et nécessaire pour assurer ce développement harmonieux et la paix avec les Ordinaires des lieux et en matière liturgique et au niveau de la simple " collaboration " pastorale. Là, le travail sera difficile dans certains endroits, en France particulièrement mais pas partout, loin sans faut. Au Canada, cette collaboration existe déjà, en Belgique aussi dans le diocèse de Namur. Quelques diocèses de France connaissent déjà cette bonne et simple collaboration. Il faut travailler en ce sens. Ce serait une des grandes missions du " Secrétariat Romain "….En France, la chose ne va pas de soi… Il ne faut pas oublier les déclarations de l'évêque de Metz, Mgr Ruffin qui disait, en janvier 2001, dans sa revue diocésaine " Prêtres diocésains ", refuser une telle collaboration. Il écrivait : " A ces communautés nouvelles, au charisme plus ou moins affirmé, s'ajoutent des communautés dont la spécificité n'apparaît guère à première vue. On a l'impression que dans les années 1970, la défiance à l'égard de la formation donnée dans les séminaires de France a conduit à certaines fondations dont le seul but était d'assurer l'avenir du clergé français. L'esprit et les moyens mis en œuvre par ces fondations ont-ils été à la hauteur des ambitions et les prêtres qui en sont issus sont-ils pour les évêques de France des collaborateurs pleinement qualifiés ? On peut se permettre d'en douter. Le port d'une tenue ecclésiastique stricte et la fidélité aux exercices de piété - toutes choses bonnes en elles-mêmes - voire le rigorisme doctrinal, ne préparent pas automatiquement des pasteurs aptes à proposer la foi dans la société contemporaine. Comme les évêques de France le signalaient au terme de leurs ateliers autour du thème : " Des temps nouveaux pour l'Evangile. Pour un discernement pastoral ", il faut une nécessaire empathie avec le monde contemporain pour lui proposer la foi. La nécessaire " fuga mundi ", préconisée par les auteurs spirituels, doit s'accompagner d'un amour concret du monde sauvé par Dieu et qui dit amour concret, dit connaissance empreinte de bienveillance du Monde contemporain. Les évêques ne pourront associer à leur ministère apostolique des diacres ou des prêtres qui n'auront pas cette indispensable ouverture du cœur ".
La déclaration est forte…Les prêtres de la Fraternité sont montrés ici du doigt…A eux de faire aussi leur preuve…Je pense que beaucoup l'ont faites…Mais le temps passe aussi et les choses évoluent aussi… Parfois aussi la nécessité fait loi. Et sur le terrain, les choses et les êtres peuvent être appréciés différemment que dans un bureau, selon des idées préconçues. Et Benoît XVI va travailler en ce sens par sa prudence pastoral et ses nominations épiscopales…Mais ne minimisons pas la difficulté. Le " Secrétariat Romain " aura un beau travail. Il est bien nécessaire. Et n'oublions pas que le " personnel " de ce " secrétariat ", du cardinal aux " minutanti ", doivent être animés d'un double amour et celui de Saint Siège et celui du respect de sa liturgie latine.
Voilà la pensée de Mgr Lefebvre sur ce " Secrétariat Romain ".

 

Section III : les statuts canoniques des diverses sociétés…

 

Qu'en est-il maintenant de sa pensée sur le statut canonique des différentes " œuvres " attachées à la liturgie latine et romaine codifiée par Saint Pie V ? Quelles sont ses " propositions de règlement " ? Il nous le dit dans sa 2ème section intitulée : " Statut canonique des diverses sociétés, des prêtres, religieux, religieuses isolés. Relations avec le " Secrétariat romain ". Mgr Lefebvre le précise dans les n° 12 à 18.
Mais avant tout, il demande la levée des suspens et interdits. C'est le n° 12-1. " Avant de procéder à l'étude et à la normalisation de toutes ces sociétés et personnes adonnées à la Tradition, ce qui peut se réaliser avec le temps, il est urgent de lever les suspens et interdits ".
Cette demande sera une constante sous tous les supériorats que l'histoire, déjà longue, de la FSSPX a connu. Tous ont réclamé cette levée des sanctions.
Ensuite, Mgr Lefebvre demande que soit reconnu, de nouveau, les statuts de la FSSPX, comme avant 1975 : " Il est urgent de reconnaître à nouveau les statuts de la FSSPX, comme avant 1975 ". (n° 12-2). Je ferais volontiers remarquer que Mgr Lefebvre utilise le verbe " reconnaître ". Il demande une reconnaissance des statuts….alors qu'il a toujours affirmé que les statuts de la FSSPX étaient toujours valables parce qu'injustement abrogés. C'est ainsi qu'il a toujours considéré que la FSSPX était toujours apte à incardiner ses membres, comme les statuts le prévoyaient. C'est pourquoi, et de la même manière, je peux parler de retrouver le " sein de l'Eglise ", " in sinu Ecclesiae "…alors que je sais pertinemment n'avoir jamais quitté l'Eglise…Mais les circonstances étant ce qu'elles sont, il est bien légitime de soumettre, comme le fait Mgr lefebvre, " un projet de réintégration et de normalisation de nos rapports avec Rome ". (lettre du 21 nov. 1987). De " réintégration " ?…Alors nous étions en dehors ? De " reconnaissance " ? Alors nous étions condamnés ? Il y a des gens qui ont tellement " l'esprit géométrique " qu'ils ne comprennent jamais rien ? Mais ils savent se dirent pourtant les vrais " fidèles de Mgr Lefebvre " !
Il est encore urgent, dit-il, d'assurer la pérennité de l'œuvre en prévoyant la succession épiscopale de Mgr Lefebvre. C'est le troisième point du n° 12 : " Il est urgent de modifier quelques articles de ses statuts afin de pourvoir à la succession épiscopale de Mgr Lefebvre ".
C'est ce qui fut prévu aussi lors du règlement de l'affaire de Campos. Le pape, le 25 décembre 2001, écrivait à Mgr Rangel : " …Après avoir considéré toutes ces choses et ayant devant les yeux la gloire de Dieu, le bien de la sainte Eglise, ainsi que cette loi suprême qu'est la salut des âmes, et étant d'accord sincèrement avec votre requête de pouvoir être admis à l'entière communion avec l'Eglise catholique, nous reconnaissons que vous lui appartenez canoniquement.
En même temps, nous vous informons, Vénérable frère, qu'un document législatif va être préparé, document qui établira la forme juridique de la confirmation de vos biens ecclésiastiques et par lequel, le respect de vos biens sera garanti.
Par ce document, l'Union sera érigée canoniquement en une Administration apostolique personnelle qui sera directement soumise au Siège apostolique et aura son territoire dans le diocèse de Campos. La question de la juridiction cumulative avec l'ordinaire du lieu sera traitée. Son gouvernement vous sera confié, Vénérable Frère, et votre succession sera prévue ".
N'oublions pas que Mgr Rangel fut sacré évêque par Mgr Tissier de Mallerais…
Ainsi le Pape prévoyait-il dans cette lettre, comme le suggérait Mgr Lefebvre dans son rapport à cardinal Gagnon, d'assurer la pérennité de l'œuvre des pères de Campos, par la création de cette Administration, ayant à sa tête un évêque qui préside à son gouvernement. Ici comme là, il était nécessaire de " pourvoir à la succession épiscopale " et de Mgr Lefebvre et Mgr Rangel. Si cette succession épiscopale était difficilement acceptable par Rome en 1988, pour la FSSPX, elle ne le fut plus en 2002 pour les pères de Campos. Les mentalités en avaient accepté le principe et la nécessité. La succession épiscopale était nécessaire pour maintenir la liberté des œuvres dans leur choix de la liturgie traditionnelle.
Enfin et c'est le quatrième point, il est urgent que l'on s'inspire pour l'organisation canonique de ces œuvres désirant garder la liturgie traditionnelle, du document daté du 21 avril 1986, créant ce qu'on appelle aujourd'hui, l'Ordinariat aux armées, publié par Jean Paul II dans sa constitution apostolique : " Spirituali militum curae ".
C'est un document très simple de 14 articles qui prévoit l'organisation de ce qu'on appelait jadis les " Vicariats militaires ". J'ai publié ce texte dans le n° 37 de DICI en date du 11 janvier 2002. Ce problème canonique, de fait, n'est pas un problème difficile dès lors que l'on veut bien respecter l'entité de ces œuvres attachées à la Tradition latine et les recevoir vraiment dans l'Eglise.
" Respecter l'entité de ces œuvres attachées à la liturgie latine "… mais c'est ce qu'a demandé à plusieurs reprises le cardinal Ratzinger. Une seule citation, celle d'un des ses derniers livres, " Voici quel est notre Dieu ". Il écrivait : " Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie,, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu'en 1970. Celui qui, à l'heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique, est traité comme un lépreux : c'est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu'on n'en a pas connu durant toute l'histoire de l'Eglise. On méprise par là tout le passé de l'Eglise. Comment pourrait-on avoir confiance en elle au présent, s'il en est ainsi. J'avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d'intolérance, qui s'oppose aux réconciliations nécessaires dans l'Eglise sans raison valable ". (p. 291) Tout cela me donne personnellement bon espoir !
Tout en s'inspirant de ce texte " Spirituali militum curae ", Mgr Lefebvre se permet de proposer quelques précisions ou compléments, tenant compte des circonstances particulières des œuvres en question à organiser.
En son article 14, il suggère que la FSSPX puisse être considérée, vu son importance, comme " le support de l'Ordinariat pour la liturgie latine "n° 14 -1 : " Considérer la Fraternité comme le support de l'Ordinariat pour la liturgie latine… "
Je vous prie de bien vouloir retenir l'expression de Mgr Lefebvre : " Ordinariat pour la liturgie latine ", comme il existe des églises uniates. Ce ne serait pas créer, comme on l'a dit à tort " une réserve d'indiens ". Les églises uniates n'ont rien à voir avec de telles réserves. Elles sont au cœur même de l'Eglise, dans l'Eglise. Mais toutefois, je tiens à préciser qu'il s'agit là que d'une simple analogie. La différence, ici, dans les " analogués ", c'est que le rite latine vaut, de soi, pour toute l'Eglise latine, alors que les églises orientales gardent chacune leurs rites divers….Mais, comme le disait Mgr Lefebvre, on peut accepter des situations " hybrides " et procéder par " étapes ". C'est la Providence qui gouverne aussi l'Eglise…
Il conviendrait également, demande Mgr Lefebvre, que, de soi, le Supérieur général de la FSSPX , une fois agrée par Rome, comme pour toutes les élections faites par les capitulants des chapitres généraux des sociétés diverses, " reçoive la consécration épiscopale et puisse présenter deux auxiliaires, eux-mêmes évêques ". C'est le n° 14 -2. Je vous ferai remarquer que ce point de la consécration épiscopale ne fait plus de problème à Rome. Le pape l'a confirmé dans sa lettre du 25 décembre 2001. Nous l'avons vu plus haut.
Ceci étant admis et accepté par les " parties ", on s'inspirera pour l'organisation pratique de cette " œuvre " à créer, du texte, relativement récent, organisant les " ordinariats aux armées ". Mgr Lefebvre attire l'attention sur le problème de la juridiction de cet ordinariat. C'est le § 4 de " Spirituali militum curae " qui dit : " La juridiction de l'Ordinariat militaire est :
-personnelle, de sorte qu'elle s'exerce sur les personnes qui appartiennent à l'Ordinariat, même si elles se trouvent parfois en dehors des frontières nationales ;
-ordinaire, tant au for interne qu'au for externe,
-propre, mais cumulative avec la juridiction de l'évêque diocésain, car les personnes appartenant à l'Ordinariat continuent à être des fidèles de cette église particulière dont ils sont une partie du peuple en raison du domicile ou du rite ".
L'intérêt de cet article sur la juridiction cumulative n'a pas échappée à Mgr Lefebvre. Lui-même écrit dans son texte : " … Viendra alors une étude plus approfondie des applications à faire de l'exemple de l'Ordinariat aux armées à la situation de la Fraternité saint Pie X. Ainsi l'application de la juridiction cumulative semble très réaliste et résout beaucoup de problème ". (n° 16)
Dans le n° 17, Mgr Lefebvre répond à une objection que l'on pourrait faire contre le sacre du supérieur général. C'est là une fonction élective alors que l'épiscopat est " quelque chose " de stable et définitif. Il réfute cette objection : " Il ne semble pas que le fait que le Supérieur général soit évêque soit un inconvénient : s'il n'est pas réélu, il peut ou devenir auxiliaire ou être chargé d'un diocèse ou être employé au Secrétariat romain ou occuper d'autres fonctions ". (n°17)
Comme il a du réfléchir à cette organisation canonique. Tout était clair dans sa tête. Il ne faut pas oublié que Mgr Lefebvre dut organiser en Afrique de nombreuses structures canoniques, ne serait-ce que les organes des différentes " collégialités ". Il m'a dit, un jour, nous étions à Rome, en avoir créées beaucoup…Et on le prenait au Concile pour être contre la " collégialité ". Ces problèmes d'organisation lui étaient très familiers.
Je crois à un tel homme d'expérience. Il est vraiment bien dommage que ce texte soit passé au " oubliette " et qu'on n'en parle jamais aux fidèles dans la FSSPX. On ne l'a même pas mentionné lors de notre réunion de 13 janvier 2001, au Conseil Général. Je m'en veux personnellement de n'y avoir pas pensé…Heureusement que Rome veille et garde ce texte en mémoire. Il a déjà servi au règlement de l'affaire de Campos. Il risque bien de servir à la création de quelque chose de plus grand encore… J'attends.
Enfin dans son article 18, Mgr Lefebvre parle des relations entre les différentes œuvres amies qui appartiendraient à cette " Ordinariat pour la liturgie latine " : " Les relations entre les diverses Œuvres et initiatives d'une part et la Fraternité d'autres part, demeureraient celles qu'elles sont actuellement pour les ordinations, confirmations et autres assistances : bénédictions, retraites, cérémonies de professions etc.. .Mais tout ce qui concerne le statut canonique et les dispenses à soumettre à Rome, irait directement au Secrétariat Romain ". (n° 18).
Ainsi, j'y insiste, rien ne serait changé, par suite de la création de ce cadre juridique légitime, dans nos relations avec ce que nous avons connu jusque là… …sinon que les choses se feraient dans l'ordre et légitimement. La forme canonique aurait bien son intérêt…Ne pas le voir m'étonna, m'étonnera toujours. Je l'ai dit…On m'a mis dehors…On aurait bien pu le prendre un peu plus en compte…La situation ne serait pas aujourd'hui aussi dégradée…Elle va, du reste, éclater bientôt, dans les mains de son supérieur…
Nous arrivons enfin à la troisième idée: de l'incardination et de la juridiction vis-à-vis des fidèles.

 

Section IV : Incardination et Juridiction vis-à-vis des fidèles

 

Sur ce sujet si important, Mgr Lefebvre demande que l'on s'inspire là encore du texte régissant les Ordinariat aux armées. Ne sommes-nous pas, écrit-il, nous aussi, une petite armée.
C'est l'article 19. C'est un très beau texte, plein de fraîcheur et de noblesse. " Les normes de la constitution apostolique " Spirituali militum curae ", au sujet de l'incardination peuvent bien être appliquées à la FSSPX chargées des soins spirituels d'une petite armée de ceux qui maintiennent la Tradition liturgique ".
Je fais ici remarquer l'expression de Mgr Lefdebvre : " Tradition liturgique ". Il ne parle pas de " Tradition anti-conciliaire " ni de " Tradition ante-conciliaire ". Comme le disait très justement un jour Monsieur l'abbé Celier, la liturgie est comme un " organisme vivant ". Elle croît. Le cardinal Ratzinger utilisait lui- aussi cette expression…dans sa préface au livre " La réforme liturgique en question " : " ce qui s'est passé après le Concile signifie tout autre chose : à la place de la liturgie fruit du développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n'a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles et on les a remplacés, à la manière de la production technique, par une fabrication, produit banal de l'instant ". ( Card Ratzinger. La Réforme liturgique en question. p. 8).
Les autres œuvres diverses, les sociétés religieuses auront de la même manière " la possibilité " d'incardiner ".
Et enfin quant à la juridiction, elle viendrait de Rome par l'intermédiaire, pour la FSSPX, du Supérieur général et nullement des ordinaires des lieux, des évêques résidents. Qu'on veuille bien prêter à cette condition, aussi une attention soutenue…Je n'insiste pas… Et pour les autres œuvres, elle viendrait directement aussi de Rome à la demande des divers supérieurs. Cela fait l'objet des articles très courts 20, 21 22.
Et n'oublions pas - je dis cela pour parer à l'objection du risque de la perte de notre légitime liberté, que les membres du Secrétariat Romain dont l'Ordinariat ou l'Administration dépendrait, sont des personnes - c'est même une condition sine qua non - on s'en souvient, " à la fois respectueuses et attachées au Saint Siège, mais aussi convaincues de l'urgente nécessité pour l'Eglise de favoriser les initiatives qui maintiennent la tradition et de ne rien faire qui les contraignent à s'éloigner de nouveau ". (n° 5)
La conclusion sonne comme pleine d'optimisme : " Il ne semble pas qu'il doive y avoir de difficultés majeures du point de vue canonique, ni de la part des fidèles de la Tradition, si les indications ci-dessus sont exactement observées " (n° 23)
Il n'a pas ajouté : " ni de la part du clergé ". Etonnant ? Je n'en serais pas si sûr que cela…aujourd'hui.
Enfin " nous souhaitons ne pas dépasser le dimanche du Bon pasteur, le 17 avril 1988 pour les consécrations épiscopales " (n° 24).