" Les Nouvelles
de
Chrétienté "
n° 20
Le 15 septembre 2005
La Rentrée dans l'Eglise de Dieu
Monsieur l'abbé de Tanoüarn, directeur du Centre
Saint Paul à Paris m'a invité, le mardi 13 septembre, à
donner une conférence sur un sujet très actuel : " Que penser
des contacts repris entre le pape Benoît XVI et Mgr Fellay, Supérieur
Général de la Fraternité Saint Pie X " ? Il a donné
comme titre à la conférence : " Benoît XVI reçoit
Mgr Bernard Fellay : perspectives et réalités ". Il inscrivait
cette conférence dans le cadre plus global appelé " La rentrée
dans l'Eglise de Dieu ". Et dans ce cadre, lui-même devait analyser
le " catéchisme catholique abrégé ", que d'aucuns
présentent comme le catéchisme de Benoît XVI. La "
rentrée dans l'Eglise de Dieu " ? Ce titre risque bien de faire
hurler d'indignation " nos " confrères de la FSSPX, les plus
intransigeants ! Laissons pour l'instant cette remarque. Nous y reviendrons.
J'ai très volontiers accepté cette invitation. Je désirais
depuis longtemps rappeler la pensée de Mgr Lefebvre sur ce sujet : "
les relations et contacts avec Rome ". L'occasion m'en était donnée.
Je la saisissais. Je n'allais pas la manquer. Mgr Lefebvre nous a tout de même
laissé sur ce problème capital, une pensée, je dirais volontiers
" un jurisprudence ", la " jurisprudence lefebvre ". Il
est bon de la connaître, même sans vouloir faire de " lefébvrisme
"
Ce contact " nouveau ", en date du 29 août 2005, de la Fraternité
avec Rome s'inscrit en effet dans une histoire. Ce n'est pas le premier contact
qui a lieu entre Rome et la Fraternité. Ce n'est pas la première
fois qu'une tentative de rapprochement est envisagée.
Nous nous souvenons des contacts que Mgr Lefebvre eut avec Rome au temps du
Pontificat de Paul VI. Nous nous souvenons de la première visite canonique
décidée par Rome et acceptée par Mgr Lefebvre, en novembre
1974. Nous nous souvenons des contacts qu'il eut avec la fameuse commission
composée de trois cardinaux Garronne, Tabera et Wright. Mgr Lefebvre
avait le chic de nous faire vivre tous ces événements. Il nous
livrait sa pensée. Il rédigeait même des articles que Jean
Madiran s'honorait de publier dans Itinéraires.
Nous nous souvenons de sa rencontre fameuse, contre toute espérance,
avec le Pape Paul VI, au palais pontificale de Castel Gandolfo, en un fameux
été chaud
.
Nous nous souvenons de son contact avec Jean-Paul II, juste après son
élection sur le Siège de Pierre, en 1982. Nous nous souvenons
surtout des contacts qui faillirent aboutir avec Rome en 1987-1988, le 5 mai
1988. Nous étions au plus fort de l'agitation moderniste dans l'Eglise
avec la réunion cuménique d'Assise, qui fit date. Et Mgr
Lefebvre, pourtant, en pareille circonstance, ne craignait de se rapprocher
de Rome, ou du moins, ne craignait pas d'envisager un tel rapprochement.
Aussi ne faut-il pas non plus nous étonner de voir ces contacts se renouveler
Des
circonstances particulières et nouvelles peuvent les favoriser. Les accepter,
les vouloir, les rechercher, c'est une excellente chose. C'est très "
chrétien ". Voilà qui est parfaitement " lefebvriste
".
Tous nous avons pu nous réjouir des contacts qui eurent lieu, à
l'issue de l'année Sainte, en l'an 2000. Le pèlerinage de la "
Tradition " impressionna par son nombre et son bon ordre. Le pape Jean-Paul
II souhaitait régler le problème. Le cardinal Castrillon Hoyos
mena ces relations, au nom du Pape, avec énergie et courage. Ce fut la
belle période, pleine d'espérance, des six premiers mois de l'année
2001. Ce fut encore l'échec. Mais de leur côté, nos amis
prêtres du diocèse de Campos poursuivirent les négociations
et en l'an 2002, le 18 janvier 2002, Rome les recevait dans " son sein
", en pleine communion, et créait l'Administration apostolique Saint
Jean Marie Vianney, avec à sa tête, un évêque ayant
sur ses sujets désirant garder la " tradition liturgique ancienne
et latine ", pleine juridiction, juridiction personnelle, propre, cumulative
avec celle de l'évêque du lieu.
Ainsi, grâce à ces contacts historiques, répétés
et somme toute assez réguliers, nous avons en mains, sur ce sujet, tout
une documentation, faite à la fois d'écrits,d'expériences
d'échecs, mais aussi de succès. Il s'est ainsi créé,
au fil du temps, toute une " jurisprudence ". Les éléments
matériels qui la composent sont faits des écrits de Mgr Lefebvre,
de ceux de Mgr Fellay. Tous deux se sont exprimés sur ce sujet. Tous
deux ont mené des " négociations " concrètes.
Mais nous connaissons aussi les réactions des amis, de nos prêtres,
surtout de Monsieur l'abbé Laguérie, de Monsieur l'abbé
deTanouärn, mais aussi de Monsieur l'abbé de Jorna. Ils se sont
exprimés publiquement. Comment pourrait-il en être autrement ?
Nous gardons aussi précieusement les documents constitutifs de l'Administration
apostolique Saint Jean Marie Vianney, sise au diocèse de Campos au Brésil.
Cette documentation, je l'ai recueillie au fil du temps. Et tout particulièrement
alors que j'étais en Belgique et que je dirigeais, au nom de la FSSPX,
l'Agence de Presse DICI que j'avais créée.
Ainsi dès que j'appris la nouvelle des nouveaux contacts entre Benoît
XVI et Mgr Fellay, je repris mes dossiers. J'ai relu tout cela. Je brûle
du désir de vous en faire part.
Cette documentation est un trésor. Il faut la faire vivre. Il faut en
tirer la " substantifique moelle ". Il faut en tirer la sagesse.
Alors que les relations reprennent - il faut cette fois arriver à une
heureuse solution, sans trop tarder, elle est aujourd'hui nécessaire.
Je ne crains pas de l'affirmer - c'est pour le coup une question de " survie
" - il est bon de se pencher sur cette documentation, surtout sur la pensée
de Mgr Lefebvre, mais pas uniquement, sur la pensée aussi des actuelles
détenteurs de l'autorité de la FSSPX, mais pas uniquement, sur
la pensée et sur la réalité obtenue par les pères
de Campos, mais aussi sur les jugements de nos amis, prêtres de la FSSPX.
Cette étude devrait nous permettre de tirer une doctrine prudentielle
qui devrait permettre de mener à bonne fin ces nouvelles " négociations
". Que les autorités n'oublient pas qu'elles ne mènent pas
seuls ce combat. Qu'elles veuillent bien prendre en compte les fidèles
avant
qu'il ne soit trop tard
Le refus de la solution romaine en 2001-2002 nous
a obligé, pour nous justifier, à durcir nos positions et ce durcissement
va de mal en pis , ce qui n'est pas bon. De plus il y a une lassitude parce
qu'il n'y a plus d'élan suffisant de conquête, comme nous l'avons
connu avec Mgr Lefbvre
On finira par perdre la raison d'être de la
FSSPX. Je le dis comme je le pense sans aucun désir de polémique,
mais seulement pour le bien et attirer l'attention de ceux qui dirigent la FSSPX
Il
est bien tard
Mais il n'est jamais trop tard pour les personnes qui veulent,
du plus profond de leur cur, le bien
Notre étude aura donc tout naturellement trois titres
-la pensée de Mgr Lefebvre qu'il exprima d'une manière claire,
le 21 novembre 1987.
-la pensée de Mgr Fellay, lors des négociations de l'an 2000
-la pensée et l'uvre réalisée par Mgr Rangel et Mgr
Rifan, comme un modèle possible de structure juridique acceptable pour
poursuivre le beau combat de la foi.
Je vous livre en ce numéro exceptionnel, exceptionnel quant au mode,
la pensée de Mgr Lefebvre. Le reste vous sera donné dans un livre
prochain intitulé : " la rentrée dans l'Eglise de Dieu ".
La pensée de Mgr Lefebvre
Les circonstances historiques
Avançant en âge et préoccupé
très sérieusement et uniquement par l'avenir du sacerdoce catholique,
bien plus que par sa propre uvre sacerdotale - son uvre n'étant
qu'une condition circonstancielle pour assurer la pérennité du
sacerdoce - Mgr Lefebvre annonça lors du sermon des ordinations de juin
1987, à Ecône, son intention de se donner des successeurs dans
l'épiscopat. Il l'envisage comme nécessaire au maintien du sacerdoce
catholique et de la Tradition. Il s'instituerait des auxiliaires avec la seule
mission d'assurer les ordinations et les confirmations, sans juridiction. Ni
schisme ! Ni secret !
Cette annonce provoqua une très intense et immédiate inquiétude
du côté de Rome. Le cardinal Ratzinger se chargea immédiatement
du dossier. Il entre en contact avec Mgr Lefebvre et l'invite à une rencontre
à Rome. Cette rencontre a lieu le 14 juillet. C'est avec égard
et déférence que Mgr Lefebvre est reçu au siège
de l'ex Saint Office.
Un communiqué est signé. On peut y lire : " Les entretiens
se sont déroulés dans une atmosphère de dialogue ouvert
et sincère. Ils ont eu pour objet les problèmes concernant les
rapports entre la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X et le Saint Siège.
Les deux parties se sont engagés à ne pas diffuser d'autre communiqué
" (Fideliter n°60)
Le 28 juillet 1987, le cardinal adresse une lettre à Mgr Lefebvre. Elle
contient, nous dira Mgr Lefebvre, " des offres généreuses
auxquelles on ne s'attendait plus ". En effet, sans plus parler d'obtenir
de lui une signature préalable de reconnaissance de ses torts comme on
voulait l'y astreindre précédemment, Rome offrait à la
Fraternité :
- la possibilité d'utiliser, sans entrave, le rite de la messe tridentine,
les livres liturgiques dits de Jean XXIII, de 1962,
- la possibilité, dans les cinq séminaires de la Fraternité,
de former les candidats au sacerdoce selon le " charisme " propre
à la Fraternité. Ce mot faisait sourire Mgr Lefebvre. Le cardinal
parlait aussi de l'envoi d'un visiteur apostolique, ce que Mgr Lefebvre souhaitait
depuis longtemps. Toutefois ce visiteur aurait joui, dans la pensée du
cardinal, des pouvoirs les plus étendus. Qu'on en juge : "
le
cardinal visiteur se portera garant de l'orthodoxie de l'enseignement dans vos
séminaires, de l'esprit ecclésial et de l'unité avec le
Saint Siège. Au cours de cette période (précédant
l'approbation de la structure juridique définitive de la Fraternité),
le Cardinal Visiteur décidera également de l'admission des séminaristes
au sacerdoce en tenant compte de l'avis des supérieurs compétents
".
Le 1er octobre, Mgr Lefebvre répond à la lettre du cardinal et
donne son accord pour la visite, voit quelques indices qui permettent d'espérer
d'arriver à une solution mais affirme ne pouvoir se départir de
son autorité vis-à-vis des séminaristes, " ce serait
contraire au droit que vous avez l'intention de nous accorder " (Fideliter,
hors série, juin 1988). Rome accepte sur ce point de modifier son exigence.
Le 29 octobre, le cardinal Ratzinger informe les membres du Synode des évêques
qui se tient à Rome, des " pourparlers " avec Mgr Lefebvre.
Il donne le communiqué suivant : " En ce qui concerne le dialogue
en cours entre le Saint Siège et Mgr Lefebvre, je suis en mesure de fournir
à l'assemblée synodale les informations suivantes : Comme cela
a déjà été annoncé par la Salle de Presse
du Saint Siège, une rencontre avec ce prélat a eu lieu le 18 octobre,
à l'issue de laquelle le prélat a accepté la proposition
concernant la nomination d'un visiteur apostolique ayant mission de recueillir
tous les éléments d'information susceptibles de permettre de régler
la situation canonique de la Fraternité Sacerdotale saint Pie X. A ce
sujet, je peux maintenant ajouter que le Saint Père a nommé le
visiteur canonique en la personne de S. Em. le cardinal Edouard Gagnon, qui
lui rendra compte directement du déroulement de sa mission. Evidemment
la solution définitive souhaitée repose sur la condition nécessaire
de l'obéissance due au Souverain Pontife et la fidélité
au Magistère de l'Eglise ".
La visite eut lieu, de fait, fin novembre, pour se terminer le 8 décembre
1987. Le cardinal assista en " habit de chur " à la messe
solennelle célébrée par Mgr Lefebvre en cette fête
et signa le livre d'or du séminaire. Il écrivait : " Que
la Vierge immaculée écoute nos prières ferventes pour que
l'uvre de formation merveilleusement accomplie en cette maison, trouve
son rayonnement pour la vie de l'Eglise ".
A l'issue de cette visite canonique, Mgr Lefebvre lui remit un pli. Il est daté
du 21 novembre 1987. Il comprend une lettre personnelle adressée au cardinal
et un dossier intitulé : " Proposition de Règlement apportant
une solution au problème des uvres et des Initiatives en faveur
de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ".
Dans ces deux textes, Mgr Lefebvre précise sa pensée sur le règlement
de la crise que connaît l'Eglise. Nous trouvons là ce que j'appellerais
volontiers la jurisprudence lefebvre. Si l'on veut agir dans la fidélité
à la pensée de notre fondateur, il faut les bien connaître
pour s'en inspirer. C'est ce que nous allons faire.
Section I : la lettre.
Elle est une déclaration claire d'intention.
Mgr Lefebvre rappelle ce que nous sommes et rappelle notre " idéal
".
" Nous formons une grande famille, vivant dans cette ambiance et cette
atmosphère catholique attachée à l'Eglise Romaine, attachée
à Pierre et à ses Successeurs, mais absolument et radicalement
allergique à l'esprit conciliaire de la liberté religieuse, de
l'cuménisme, de la collégialité, à l'esprit
d'Assise, fruits du modernisme, du libéralisme tant de fois condamnés
par le Saint Siège. Les conséquences de cet esprit sont désastreuses
et nous les fuyons comme la peste de nos esprits et de nos curs ; nous
faisons tout pour nous en protéger et en protéger la jeunesse
de nos foyers catholiques. Comparez-nous à Israël au milieu des
nations perverses, aux Macchabées et encore à tous ces saints
réformateurs du clergé : Saint Charles Borromée, Saint
Vincent de Paul, Saint Jean Eudes, Monsieur Olier. Voilà la réalité,
nous formons une armada décidée à tout prix à demeurer
catholique face à la déchristianisation qui s'opère à
l'extérieur et à l'intérieur de l'Eglise "
La présentation de cette petite " armada ", nous rappelle l'esprit
de la déclaration solennelle du 21 novembre 1974 où Mgr Lefebvre
affirmait son attachement à l'Eglise éternelle et son refus de
l'Eglise moderniste.
Mais ici, il affirme, en plus, être disposé à " apporter
(sa) collaboration au renouveau de l'Eglise " dès lors que nous
serions " reconnus par le Pape tels que nous sommes ". " Nous
désirons avoir un siège dans la Ville Eternelle ", "
nous n'avons jamais voulu rompre avec le Successeur de Pierre, ni considérer
que le Saint Siège est vacant, malgré les épreuves que
cela nous a values ".
Se protéger des erreurs, rester indemne de toutes influences " modernistes
" exprime bien la pensée de Mgr Lefebvre.
Toutefois, avant même le règlement des problèmes doctrinaux
existant réellement dans le sein de l'Eglise, Mgr Lefebvre envisageait
comme possible d' " apporter sa collaboration au renouveau de l'Eglise
", in sinu Eccleisae, dès lors que nous serions acceptés
tels que " nous sommes " et qu'on nous en laisse les moyens. Se protéger
de toutes influences pernicieuses était la préoccupation majeure
de Mgr Lefebvre. Attendre le règlement des problèmes doctrinaux
pour uvrer " au renouveau de l'Eglise " dans le sein même
de l'Eglise ne me paraît pas être la position de Mgr Lefebvre. On
peut penser différemment et vouloir surtout régler ce problème
doctrinal pour aller plus avant. Mais il faut savoir que cette opinion n'est
certainement pas la pensée de Mgr Lefebvre
Cette condition n'entre
pas dans la " jurisprudence lefebvre ". Son intention est autre. Se
garder du mal est très certainement sa pensée. Mais une fois cette
garde assurée, ne pas craindre d'aller au front, dans la mêlée
pour aider au renouveau de l'Eglise. Participer à ce renouveau de l'Eglise
doit se faire ou peut se faire à l'intérieur de l'Eglise dès
lors que l'on a les garanties suffisantes de garder notre " idéal
". On peut, encore une fois, ne pas partager ce point de vue
Mais
alors qu'on ne parle pas au nom de Mgr Lefebvre
Dans ce but clairement affirmé et pour permettre de l'atteindre sûrement,
Mgr Lefebvre remet au cardinal et soumet à son attention un projet, un
projet de réintégration et de normalisation de nos rapports avec
Rome : " Nous vous soumettons un projet de réintégration
et de normalisation de nos rapports avec Rome ".
Je vous prie de noter les termes. Tous les mots ont du être pesés
par Mgr Lefebvre avant d'être couchés sur le papier. Le sujet était
important. A l'évidence, il le pensait tel. Les mots choisis le disent
clairement. Il parle " d'exigences ". Elles sont fondées uniquement
" sur le zèle pour le bien de l'Eglise et le salut des âmes,
pour la gloire de Dieu ". Elles doivent être prises en compte et
retenues nécessairement. Autrement ce sera l'échec. " C'est
seulement dans cet esprit et en tenant compte de ces considérations qu'une
solution peut être valable et stable ". Si nos exigences ne sont
pas retenues, - redisons que ces exigences réclamées par Mgr Lefebvre
ne portaient pas d'abord sur le règlement du conflit doctrinal mais bel
et bien sur la sauvegarde de " notre armada " -, " alors nous
poursuivrons notre chemin comme à présent, en attendant des circonstances
plus favorables, " perseverantes in oratione et praedicatione verbi ".
Veuillez également noter cette expression de Mgr Lefebvre : " en
attendant des circonstances plus favorables ". Il ne demande pas des circonstances
absolument et totalement et définitivement idéales. Il parle seulement
de " circonstances plus favorables ". Mgr Lefebvre a le sens du relatif
et de l'absolu. L'un n'est pas l'autre. Ce ne sont pas des mots identiques.
Section II : Les propositions
de Règlement
Analyse du titre
J'attire votre attention sur le titre même de cette nouvelle
section. : " Proposition de règlement apportant une solution au
problème des uvres et des Initiatives en faveur de la liturgie
traditionnelle dans l'Eglise ".
Vous remarquerez la finalité des deux différentes propositions.
Mgr Lefebvre considère les choses sous l'angle de leur finalité.
C'est la juste pensée. Le dicton populaire nous l'enseigne avant même
le philosophe. " En toute chose il faut considérer la fin ".
La fin constitue la raison des choses, des êtres. Ici Mgr Lefebvre considère
la finalité de ce " règlement " proposée et la
finalité des uvres dont il faut régler le " problème
".
La finalité du " règlement " est d'apporter une solution
au problème de " ces Oeuvres et Initiatives ".
La finalité de ces " uvres elles-mêmes et de leurs Initiatives
" est d'être centrées " sur la liturgie traditionnel
dans l'Eglise ". Ces uvres ont toutes pour particularité d'être
" en faveur de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ". C'est vrai
pour toutes les uvres. Quelles soient féminines, masculines, contemplatives,
éducatives, apostoliques, missionnaires
En ce qui concerne la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, ce fut toujours
clairement enseigné par Mgr Lefebvre. . Qu'il me soit permis de relever
quelques passages de sa lettre du 18 novembre 1978 adressée aux membres
de la FSSPX. Et tout d'abord, ce passage : " Notre naissance s'est faite
dans l'Eglise et pour l'Eglise et pour ce que l'Eglise a de meilleur et d'essentiel
: le sacerdoce véritable, fait pour le Saint sacrifice, tel que Notre
Seigneur l'a institué, tel que l'Eglise l'a confirmé dans tout
son Magistère ".
Ou encore : " Nous avons persévéré dans ce sauvetage
du Sacerdoce et du sacrifice éternel de Notre Seigneur, raison d'être
de l'Eglise "
Ou encore : " C'est dans la confiance absolue dans la pérennité
du Sacerdoce catholique et du sacrifice que nous avons persévéré
dans le développement de l'uvre "
Ou encore : " A quelle source puiser notre unité, notre cohésion,
notre fermeté ? Dans l'obéissance à la foi catholique et
par conséquent à l'Eglise, foi qui se concrétise et se
résume toute entière dans le saint Sacrifice de la Messe. C'est
le grand don de Notre Seigneur pour lequel Il a institué son Eglise et
la hiérarchie, et par lequel Notre Seigneur veut que soit continuée
l'uvre de la Rédemption ".
Ce fut là, n'en doutons pas, la grande action missionnaire de Mgr Lefebvre
depuis 1969 : l'amour de la sainte Messe dans son rite traditionnel. J'en veux
pour preuve encore son homélie prononcée à la porte de
Versailles, lors de son jubilé en 1979. Elle est encore dans toutes les
oreilles.
Si je prends en compte cette grande préoccupation de Mgr Lefbvre toujours
présente en son âme et en sa prédication, la messe traditionnelle,
si je prends en compte ces deux finalités précisées ici,
dans cette " proposition de règlement ", je peux conclure que
la finalité essentielle de ce règlement doit être lui aussi
en " faveur de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise ", pour la
protéger certainement , pour qu'elle reste bien la propriété
de ces uvres, ce sacrifice dans le rite ancestral les constituant dans
ce qu'elles sont toutes. Qu'on veuille bien nous prendre " tels que nous
sommes " répétera Mgr Lefebvre. Mais la messe tridentine
est notre " être ", dit ce que nous sommes.
L'analyse du texte : " Proposition
de règlement "
Ce texte " Proposition " qui expose la
" jurisprudence lefebvre ", comprend 24 articles en trois sections
précédées d'une introduction. L'introduction fait les six
premiers articles. La 1er section concerne le " secrétariat romain
" à créer. C'est l'objet des articles 7 à 11. La 2ème
section concerne le statut canonique des diverses sociétés attachées
à la messe traditionnelles. Il s'intitule exactement : " Statut
canonique des diverses sociétés des prêtres, religieux,
religieuses isolés. Relation avec le Secrétariat romain ".
Il va de l'article 12 à 18. La 3ème section traite de l'incardination
et de la juridiction des prêtres de ces uvres. " Incardination
et Juridiction vis-à-vis des fidèles ". Il comprend trois
articles : du numéro 19 au numéro 22. Puis le texte se termine
par un conclusion : les numéros 23 et 24. Voilà la présentation
" matérielle " de ce texte : " jurisprudence lefebvre
".
Il convient de l'analyser.
Analyse de l'Introduction.
Dans le premier paragraphe, Mgr Lefebvre cite un
texte conciliaire, celui de " Presbyterorum ordinis ", le n° 10.
Ce texte semble être pour Mgr Lefebvre très important. Il le cite
en effet deux fois à des moments particulièrement solennels de
son action apostolique : lors de la fondation du séminaire de Fribourg
et de la Fraternité Sacerdotale en 1969 et dans ce texte qu'il remet
dans les mains du cardinal Gagnon, alors qu'il envisage très sérieusement
la procédure d'une " réintégration et d'une normalisation
" de nos rapports avec Rome. Ces moments sont de fait particulièrement
importants. On me le concédera sans difficulté.
Que dit cet article 10 : " Là où les conditions de l'apostolat
la réclameront, on facilitera non seulement la répartition des
prêtres, mais encore les uvres pastorales adaptées aux différents
milieux sociaux à l'échelle d'une région, d'une nation
ou de divers endroits dans le monde. Il pourra être utile de créer
à cette fin des séminaires internationaux, diocèses particuliers,
prélatures personnelles, et autres institutions auxquelles les prêtres
pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun
de toute l'Eglise, suivants des modalités à établir pour
chaque cas et toujours dans le respect des droits des ordinaires locaux ".
Voilà une déclaration de principe du Concile particulièrement
souple, tout à fait pastoral permettant de prendre en compte facilement
la richesse de la vie faite de particularités, de circonstances propres
pour
leur donner cependant un cadre juridique nécessaire dans une société
hiérarchisée qu'est l'Eglise. Je résumerai volontiers cet
article en disant que l'Eglise aime l'ordre mais aussi les initiatives. Elles
ne doivent pas être étouffées, mais, bien au contraire,
aidées. Ce principe est à l'opposé de tout centralisme,
centralisme qui est le fait de tout esprit " jacobin et socialiste ".
Là, dans cet article 10, l'Eglise donne un principe réaliste qui
épouse la vie qui est toujours diverse et variée.
C'est ce principe vrai, nullement laxiste que Mgr Lefebvre va invoquer pour
présenter ses initiatives à la hiérarchie catholique, hier,
la création de son séminaire à Fribourg, de sa Fraternité
Sacerdotale Saint Pie X, aujourd'hui, cette réintégration et cette
normalisation des " forces de la Tradition " dans le sein de l'Eglise.
Il veut, ici et là, l'appliquer à la réalité, à
la vie de la " Tradition ". Il prend en compte cette réalité
: face au progressisme, s'est dressé, se dresse un courant traditionaliste.
C'est un fait qu'on ne peut nier. Ce courant perdure, s'intensifie. On a tout
fait pour le faire disparaître. Rien n'y a fait. Il demeure et s'est développé.
C'est une condition particulière dans l'apostolat d'après le Concile.
Les autorités ne peuvent éternellement nier la réalité.
De guerre lasse, peut être, mais c'est ainsi. Il faut la prendre en compte.
Des fidèles sont attachés, restent attachés à la
messe latine et grégorienne, ancienne, dite de saint Pie V. Il faut les
prendre en compte. Voilà une condition particulière de l'après
concile. C'est incontournable. On peut le regretter. Ce regret ne facilitera
pas le règlement du problème
On en sait quelque chose. On
peut le tolérer, la situation s'améliorera alors. On peut le justifier,
on finit par reconnaître la légitimité de cette réaction,
une solution sera alors facilement trouvée. Cette " condition nouvelle
", ce courant de la tradition fut, de fait, pris en compte dans le discours
du cardinal Ratzinger au Chili alors qu'il s'adressait à l'épiscopat
chilien, juste après les sacres. C'est très important de le noter
ici au passage
On pourra se fonder alors sur l'article 10 de " Presbyterorum
ordinis ". Cet article prévoît que, les circonstances le réclamant,
on puisse faciliter " les uvres pastorales adaptées aux différents
milieux sociaux à l'échelle d'une région, - si la "
condition nouvelle" touche une région- , d'une nation - s'il en
est de même pour une nation - ou de divers endroits dans le monde - si
le problème est planétaire. C'est alors que l'on pourra faciliter
la création de séminaires internationaux, séminaires qui
permettront une répartition plus aisée des prêtres de part
le monde ; la création mêmes de diocèses particuliers, même
de prélatures personnelles ou toutes autres institutions. Les circonstances
justifieront de telles créations. Ces créations permettront ainsi
plus facilement l'affectation et l'incardination des prêtres pour le bien
commun de toute l'Eglise, sans faire fi des droits légitimes des ordinaires
locaux.
Quelle sagesse dans cet article.
Il permettrait la création de séminaires internationaux.
Or voilà un certain nombre de jeunes qui veulent une formation traditionnelle
dans leur préparation sacerdotale. Ils rencontrent d'énormes difficultés
dans cette période " soixante-huitard " qui a aussi agité
l'Eglise. Ils s'adressent à Mgr Lefebvre. Cette réaction est légitime.
Voilà une condition particulière. Il faut en tenir compte. Mgr
Lefebvre visite Mgr Charrière, évêque de Fribourg et pour
fonder sa demande, Mgr Lefebvre propose une application concrète de cet
article 10. Il demande, fort de cet article, la possibilité de créer
dans le diocèse de Fribourg en Suisse, un " séminaire international
". Il l'obtînt. Tous ces séminaires seront des séminaires
internationaux.
Quelle sagesse dans cet article.
Il permettrait la création même de " diocèses particuliers
".
Voilà tout un diocèse sans dessus dessous, dans la division, des
églises qui restent attachées à l'ordinaire du lieu. Des
églises " sauvages " créées tout à côté.
Des fidèles voulaient garder la messe " tridentine ". Un nombre
important de prêtres du diocèse soutient cette réaction.
Le nouvel évêque fait tout pour contrer cette réaction.
Rien n'a faire. Des prêtres de son clergé veulent continuer à
célébrer la messe de leur ordination. Ils ne lâchent pas,
bien au contraire. La situation est vraiment pénible. Rome trouve là
une "situation particulière ", une condition nouvelle. Elle
finit par trouver cette fidélité à la messe tridentine
bien légitime. Elle veut régler le problème. Les circonstances
le permettent. Un nouvel évêque est nommé dans le diocèse.
Il se trouve qu'il a des amis dans ce clergé " rebelle ", des
amis de " coeur ". Les vraies amitiés sont éternelles
Une solution est trouvée. Et les prêtres de Campos au Brésil
sont organisés en véritable " diocèse " par la
création d'une Administration apostolique. Un évêque est
nommé à sa tête avec juridiction cumulative, l'un sur le
territoire, l'autre sur les fidèles qui veulent la Tradition. Certains,
même des évêques, pourront trouver la chose étonnante,
voire même la refuser dans leur diocèse
Toujours est-il qu'aujourd'hui
la paix règne, là où il y avait la guerre. Et la situation
canonique trouvée respectent parfaitement " l'idéal "
et des prêtres et des fidèles. Rome les a pris tous " comme
ils sont ". Ils gardent la messe tridentine et tous les autres sacrements.
Les fidèles entendent la prédication qu'ils ont toujours entendue,
le catéchisme qui leur fut toujours enseigné. La paix règne.
Deo Gratias.
L'article 10 de " Presbyterorum ordinis " permet de prendre en compte
de telles circonstances. L'Eglise s'est même engagée solennellement,
dans un Concile, d'en prendre acte et de faciliter la création d'uvres
pastorales adaptées à de légitimes désirs. Dans
cette création, le droit est respecté, celui prévu par
l'article 10 de Presbyterorum ordinis, le droit des fidèles et des prêtres
à garder la " tradition latine ", le droit de l'ordinaire du
lieu. Vraiment cet article 10 est la preuve que l'Eglise sait garder grand amour
du respect de la vie.
Quelle sagesse dans cet article.
Il permettrait même la création d'uvres particulières
même dans " divers endroits dans le monde ". Il permettrait
la création de " prélatures personnelles " ou toutes
autres institutions adaptées aux nouvelles circonstances.
Voilà tout un ensemble de fidèles de par le monde qui résiste
à l'esprit faussement conciliaire " une grande famille attachée
à l'Eglise Romaine, attachés à Pierre et à ses Successeurs,
mais absolument et radicalement allergique à l'esprit conciliaire de
la liberté religieuse, de l'cuménisme tel que pratiqué
à Assise, de la collégialité comprise en dehors de la "
nota brevia " de Paul VI
Voilà " une armada décidée
à tout prix à demeurer catholique face à la déchristianisation
qui s'opère à l'extérieur et à l'intérieur
de l'Eglise "
L'Eglise doit en prendre compte Ces circonstances sont
aujourd'hui considérées, peu ou prou, comme légitimes par
le Vatican. Alors l'Eglise pourrait envisager d'organiser une structure particulière
pour gérer ce problème pastoral nouveau à l'échelon
du monde entier. Cela est prévu par le n° 10 : " On facilitera
les uvres pastorales adaptées aux différents milieux sociaux
à l'échelle d'une région, d'une nation, ou de divers endroits
dans le monde. Il pourra être utile de créer à cette fin
des séminaires internationaux, diocèses particuliers, prélatures
personnelles et autres institutions ".
L'avantage évident de ces créations " possibles ", "
légitimes ", est de prendre en compte non seulement des circonstances
particulières, mais aussi d'assurer " l'affectation et l'incardination
des prêtres pour le bien commun de toute l'Eglise ".
Ainsi, fort de ce principe reconnu, déclaré solennellement par
l'Eglise, Mgr Lefebvre donne, dans son pli du 21 novembre 1987, " sa "
solution, une jurisprudence et précise les " modalités "
à établir pour une telle fondation. Il le fait dans le respect
et l'amour de l'Eglise et du Bien commun. Il le fait, dit-il encore, se fondant
sur la lettre du 28 juillet 1987 du cardinal Ratzinger dont nous avons parlé
plus haut. Voyons donc les modalités pratiques du règlement.
Les modalités du Règlement
Mgr Lefebvre précise dès le départ
une condition qui est pour lui " sine qua non " pour aboutir à
une solution souhaitée : " Il nous semble indispensable avant d'aller
plus avant dans les entretiens avec le Saint Siège d'exprimer une condition
" sine qua non " nous faisant l'écho de tous les prêtres
et fidèles attachés à la Tradition " (n° 3) Cette
condition ne lui est pas personnelle. Il la formule au nom de tous les prêtres
et des fidèles. Il se fait en quelque sorte leur écho. C'est important
de remarquer cela. C'est aussi un principe de gouvernement.
Quelle est donc cette condition dite " sine qua non " ?
" Si le Saint Siège désire sincèrement que nous devenions
officiellement des collaborateurs efficaces pour le renouveau de l'Eglise, sous
son autorité, il est de toute nécessité que nous soyons
reçus comme nous sommes, qu'on ne nous demande pas de modifier notre
enseignement, ni nos moyens de sanctification, qui sont ceux de l'Eglise de
toujours ". (n°4)
Or l'application de cette condition " sine qua non ", - et là
on voit le réalisme pratique, pastoral de Mgr Lefebvre - suppose que
ces relations, ces entretiens, ces contacts qui aboutiront à cette "
uvre " à créer selon l'article 10 de Presbyterorum
ordinis soient confiées à des personnes jouissant de deux qualités
: " à la fois très respectueuses et attachées au Saint
Siège, mais aussi convaincues de l'urgente nécessité pour
l'Eglise de favoriser les initiatives qui maintienne la Tradition et de ne rein
faire qui les contraignent à s'éloigner de nouveau ". (n°
5)
Ce sont donc de telles personnes, animées et de l'amour du Saint Siège
et de l'amour de la Tradition et de son maintien ou de son retour qui doivent
composer le " Secrétariat Romain " dont Mgr Lefebvre suggère
la création. Il serait une sorte de Congrégation Romaine chargée
de cette Tradition à sauvegarder, à développer, à
respecter. Un peu, comme le dira plus loin Mgr Lefebvre, un peu comme la Congrégation
des Eglises orientales, " l'Orientale ", chargée de la protection
et de la sauvegarde des spécificités propres aux églises
uniates, aux églises d'Orient restées ou revenues dans l'unité
romaine. Dès lors, comme toutes les Congrégations romaines, ce
" Secrétariat Romain " aura à sa tête un cardinal,
un secrétaire et des " minutanti ", tous animés d'un
même amour du saint Siège et de Tradition ancestrale. (n°6)
Le " secrétariat
romain "
C'est l'objet, avons-nous dit, de la section I
du document de Mgr Lefebvre. Il comprend les articles 7 à 11.
a-de la nécessité de ce "
secrétariat ".
Cette nécessité fait l'objet du numéro
7 : " L'extension mondiale rapide de la Fraternité sacerdotale saint
Pie X et la multiplication d'uvres similaires réclament une organisation
qui ait son siège à Rome, à l'instar d'un Secrétariat
ou d'une commission pour le maintien et le développement de la liturgie
latine selon les prescriptions de Jean XXIII ". (n°7)
Ce secrétariat va tirer, de sa finalité, sa raison d'être,
son existence. C'est là encore un principe de bonne philosophie. Cette
finalité est clairement énoncée : Ce secrétariat
existera " pour le maintien et le développement de la liturgie latine
selon les prescriptions de Jean XXIII ".
Je ne vois pas ici que Mgr Lefebvre ait réclamé, comme on le fit
plus tard, la déclaration du " droit pour tout prêtre de célébrer
la messe ancienne ". Certes, et il en était bien d'accord, c'est
bien un droit légitime pour tout prêtre. Le Bulle " Quo Primum
Tempore " a conféré ce droit et avec quelle solennité
à
tout prêtre. Mais ici, il ne le demande pas. Il sait ce qui peut être
obtenu et ce qui ne le peut pas. Il fut toujours animé d'un profond réalisme.
C'est ce qui faisait le charme de son gouvernent. Je ne l'ai jamais vu donner
un ordre qu'il savait ne pas être accepté ou accepté très
difficilement par un de ses sujets
ou il faisait en sorte, par la manière
et la douceur, que son ordre puisse être accepté. Une véritable
autorité qui connaît les difficultés du gouvernement ne
demande jamais, non plus quelque chose qu'elle sait ne pourvoir obtenir. Les
circonstances ecclésiales sont telles qu'il est et était peu probable
que l'autorité puisse, de cette manière, s'engager dans une déclaration
publique sur ce droit. Les choses exigent parfois plus de ménagement
Ainsi Rome, par le cardinal Castrillon Hoyos, fit savoir, en 2001, que ce préalable
demandé était impossible à satisfaire. J'eus aimé
qu'on finisse par le comprendre.
Quoi qu'il en soit, il est juste de reconnaître que cette réclamation
du " droit pour tout prêtre de dire la messe saint Pie V " ne
fait pas partie de la " jurisprudence lefebvre ". Certes, il posa
une condition " sine qua non ". Mais elle était autre et autrement
prudente et réaliste.
Il lui suffisait, mais c'était là une condition sine qua non,
que " ce droit à la liturgie latine selon les prescriptions de Jean
XXIII " soit reconnu, maintenu, développé seulement au niveau
des " uvres " entrant dans cette structure juridique à
créer.
On peut être contre une telle demande. On peut la juger trop minimaliste
ou tout autre chose. On peut de fait demander "comme condition préalable
à toute " négociation " le droit de tout prêtre
à dire la messe saint Pie V
Mais qu'on ne prétende pas alors
la demander au nom de Mgr Lefebvre et dans sa fidélité. Ou alors
qu'on fasse entendre qu'on peut " négocier " une telle condition.
Mais ce serait imprudent
Parce que cela nous mettrait en position de faiblesse,
d'une certaine façon. Ce qu'il ne faut pas faire dans une " négociation
". Par réalisme, il eut été prudent de ne pas la faire
Il
eut été plus prudent de faire la proposition de Mgr Lefebvre.
Autant que
Pas plus que
C'est la sagesse, nous dit Saint Ignace.
Dans une " négociation ", il faut aussi avoir le sens du "
relatif ". Et Mgr Lefebvre l'avait et bigrement.
Ne nous disait-il pas un jour, c'était le 3 avril 1977, je le cite intégralement
tellement ce passage me parait important
pour bien connaître l'esprit
de Mgr Lefebvre, (le garde-t-on, dans la FSSPX, cet esprit? On a l'impression
que la dureté est devenue la seule loi ou mode possible de fidélité)
: " Et si demain, il s'avérait que les hommes qui occupent les postes
d'autorité reprennent une ligne droite (
) nous serions les premiers
à leur demander leur bénédiction " nous sommes à
votre service ". Pas de se rebeller pour se rebeller contre l'autorité
(
) bien au contraire. J'espère que ce jour viendra. Quand on verra
que nos prieurés, quand on verra que nos paroisses ne prêchent
que la vérité, que la vertu, que le bien
ne manifestent que
les vertus de Notre Seigneur et bien ce n'est pas possible qu'un jour ne vienne
pas où les évêques diront : " Qu'est-ce qu'on peut
leur reprocher ? Ils enseignent la doctrine de l'Eglise, ils enseignent les
vertus de l'Eglise, ils ont le rite que l'Eglise a toujours pratiqué,
ils ont les sacrements que l'Eglise a toujours enseigné. Qu'est-ce qu'on
peut leur reprocher ? Rien ". Mais ne pouvant rien reprocher, il n'est
pas possible qu'un jour les évêques conscients de leur charge ne
finissent par dire : " Eh bien, oui, on est obligé de les reconnaître.
Eh bien, cette paroisse est reconnue désormais ", même peut-être
dans une situation un peu hybride, je dirai, en ce sens qu'ils diraient : "
Eh bien les paroisses actuelles continuent dans ce qu'elles ont fait jusqu'à
présent, mais nous reconnaissons cette paroisse personnelle pour toutes
les personnes qui veulent y venir et fréquenter les prêtres, nous
les reconnaissons aussi ". Ce serait peut-être une solution
je
dirai
une étape, peut-être, je n'en sais rien, je ne connais
pas l'avenir, je ne suis pas prophète. Mais c'est possible. En tout cas,
il faut être dans ces dispositions et non pas dans une disposition de
rupture et une disposition d'opposition pour opposition, d'opposition à
l'Eglise, pas le moins du monde ". (Cité dans DICI n°7)
Ah que cette phrase est importante. Elle exprime une pensée, un mode
d'être
Gardons le, de grâce !
Retenez ces expressions de " situation hybride ", " ce serait
peut être une solution.. .Je dirai.. .une étape ". Là
se trouve le véritable esprit de Mgr Lefebvre, un esprit de prudence
pastorale, fait d'absolu mais aussi de relatif. Voilà la vraie prudence
pastorale. Qu'on se le dise.
C'est une prudence. C'est une prudence de demander ce que l'on sait pouvoir
obtenir
De même que c'est un sage gouvernement que de savoir donner
des ordres qui pourront être acceptés
C'est une prudence que
de savoir procéder par étape
et de savoir supporter, un temps,
des solutions " hybrides ". Voilà l'esprit de sagesse de Mgr
Lefebvre. Voilà ce qu'il faut et faudra toujours imiter
Mais qui
ne voit que c'est là ce que Mgr Angel, premier administrateur de l'Administration
Apostolique Saint Jean Marie Vianney a su accepter et a su faire. Ils vivent
dans la paix et s'accroissent et à Campos, au Brésil et dans d'autres
diocèses avec l'accord des ordinaires des lieux
Mais nous y reviendrons
b- de la composition de ce Secrétariat
C'est le numéro 8 du document de Mgr Lefebvre,
sa " jurisprudence ". Ce secrétariat sera composé de
personnes idoines, avec les qualités requises. Ceci étant admis,
il sera composé comme les autres congrégations romaine : un cardinal-préfet,
un secrétaire, et quelques minutanti ".
Et quant à la première nomination, le préfet qui sera nommé
par le Pape, le sera avec l'agrément du Supérieur général
de la FSSPX. Cette mesure pourrait être temporaire ou définitive.
Ce serait à discuter. Quant au secrétaire et aux munitanti, ils
pourraient être présentés par le Supérieur général
de la Fraternité saint Pie X. Touts ces points dans la pensée
de Mgr Lefebvre seraient très souhaitables, mais sont sujet de négociation
possible.
c- des pouvoirs de ce secrétariat.
Il pourrait être semblables à ceux
que possèdent l' " Orientale " sur les églises uniates
de rites orientaux ou de la " Propagande " vis-à-vis des territoires
de Mission. C'est le numéro 9 : " Ils seraient assez semblables
à ceux qu'ont la Propagande vis-à-vis des territoires de Missions
et l'Orientale vis-à-vis des rites orientaux ".
N'aurait-on pas grand intérêt, sans faire pour autant de "
lefebvrisme ", de suivre les avis de cet homme, sa prudence, ses conseils,
lui qui fut grand serviteur de l'Eglise et qui fréquenta sa vie durant
les Congrégations romaines en raison de ses responsabilités archiépiscopales
et de ses fonctions de" Délégué apostolique ".
Si il y a une personne qui connaît bien le fonctionnement de l'Eglise,
sa vie, son organisation, c'est bien Mgr Lefebvre. Que sont les autres
Même
avec
Et je pense personnellement que cette note que nous analysons et qui fut remise
au cardinal Gagnon, a retenu, de fait, l'attention du Vatican. Le Vatican s'en
est inspiré
un peu, mal mais un peu toutefois, lors de la création
des " communautés Ecclesia Dei adflicta "
Mais surtout
et beaucoup mieux, lors de la création de l'Administration Apostolique
Saint Jean Marie Vianney, à Campos, au Brésil. Ne va-t-elle pas
s'en inspirer pour l'organisation plus vaste, non plus au niveau d'un diocèse,
mais au niveau mondiale cette fois ? C'est mon " intuition ". J'attends
avec fébrilité la fin de l'année 2005. Je ne suis pas le
seul
Monsieur l'abbé Philippe Laguerie de Saint Eloy aussi
pour des raisons différentes mais complémentaires
d- le but de ces pouvoirs.
Nous devons retrouver là le but principal
déjà clairement expliqué par Mgr Lefebvre au n° 5.
Ces buts, qu'il va un peu détailler, sont tous ordonnés au but
principal déjà donné, à savoir : " le maintien
et le développement de la liturgie latine selon les prescriptions de
Jean XXIII ".
Le maintien de la liturgie latine selon les livres de Jean XXIII
ce qui
suppose le désir louable d'assurer la pérennité des uvres
qui veulent garder jalousement ce rite. Aussi faudrait-il " penser à
l'octroi de l'épiscopat à plusieurs membres " écrit
Mgr Lefebvre. Ainsi serait assurée la continuité des uvres
et donc la continuité de la liturgie latine. (Déjà le Pape
Paul VI se réjouissait de savoir que le rite latin et grégorein
était conservé surement dans les abbayes bénédictines...)
C'est ce que le Cardinal Ratzinger avait accepté finalement de guerre
lasse avec Mgr Lefebvre dans le " protocole du 5 mai 1988 ". De guerre
lasse
Mais le temps passa. Et ce point ne fit plus aucune difficulté
pour les Pères de Campos, en 2002, lors de la création de l'Administration
Apostolique. L'idée de Mgr Lefebvre avait fait son petit bonhomme de
chemin dans les couloirs romains.
Il me semble que l'on serait bien inspiré de reprendre purement et simplement
ce texte et de le présenter de nouveau à Rome alors que les relations
sont reprises
Ce texte a fait déjà ces preuves
Et il
est pour moi bien douloureux de voir que ce texte n'est même plus pris
en compte par les autorités actuelles de la FSSPX. Les jeunes prêtres
le connaissent-ils seulement ? Monsieur l'abbé de Jorna le leur a-t-il
expliqué, analysé ? Qui est fidèle à la pensée
de Mgr Lefebvre ?
Ce " secrétariat " romain aurait pour but aussi " de veiller
au développement harmonieux et dans la paix vis-à-vis des évêques
diocésains et de la part de ceux-ci ". Sur ce sujet très
important, le cardinal Ratzinger avait fait des réflexions très
heureuses alors qu'il recevait les " communautés Ecclesia Dei Adflicta
", venues à Rome, le 24 octobre 1998, en pèlerinage d'action
de grâces pour le " Motu Proprio " du même nom de juillet
1988. Il indiquait quelques conditions pour assurer la paix liturgique dans
un diocèse acceptant le bi ritualisme. J'ai repris cette analyse dans
le chapitre 7 de mon livre " la Bataille de la messe " aux éditions
de Paris, septembre 2005.
Ce " Secrétariat " serait vraiment utile et nécessaire
pour assurer ce développement harmonieux et la paix avec les Ordinaires
des lieux et en matière liturgique et au niveau de la simple " collaboration
" pastorale. Là, le travail sera difficile dans certains endroits,
en France particulièrement mais pas partout, loin sans faut. Au Canada,
cette collaboration existe déjà, en Belgique aussi dans le diocèse
de Namur. Quelques diocèses de France connaissent déjà
cette bonne et simple collaboration. Il faut travailler en ce sens. Ce serait
une des grandes missions du " Secrétariat Romain "
.En
France, la chose ne va pas de soi
Il ne faut pas oublier les déclarations
de l'évêque de Metz, Mgr Ruffin qui disait, en janvier 2001, dans
sa revue diocésaine " Prêtres diocésains ", refuser
une telle collaboration. Il écrivait : " A ces communautés
nouvelles, au charisme plus ou moins affirmé, s'ajoutent des communautés
dont la spécificité n'apparaît guère à première
vue. On a l'impression que dans les années 1970, la défiance à
l'égard de la formation donnée dans les séminaires de France
a conduit à certaines fondations dont le seul but était d'assurer
l'avenir du clergé français. L'esprit et les moyens mis en uvre
par ces fondations ont-ils été à la hauteur des ambitions
et les prêtres qui en sont issus sont-ils pour les évêques
de France des collaborateurs pleinement qualifiés ? On peut se permettre
d'en douter. Le port d'une tenue ecclésiastique stricte et la fidélité
aux exercices de piété - toutes choses bonnes en elles-mêmes
- voire le rigorisme doctrinal, ne préparent pas automatiquement des
pasteurs aptes à proposer la foi dans la société contemporaine.
Comme les évêques de France le signalaient au terme de leurs ateliers
autour du thème : " Des temps nouveaux pour l'Evangile. Pour un
discernement pastoral ", il faut une nécessaire empathie avec le
monde contemporain pour lui proposer la foi. La nécessaire " fuga
mundi ", préconisée par les auteurs spirituels, doit s'accompagner
d'un amour concret du monde sauvé par Dieu et qui dit amour concret,
dit connaissance empreinte de bienveillance du Monde contemporain. Les évêques
ne pourront associer à leur ministère apostolique des diacres
ou des prêtres qui n'auront pas cette indispensable ouverture du cur
".
La déclaration est forte
Les prêtres de la Fraternité
sont montrés ici du doigt
A eux de faire aussi leur preuve
Je
pense que beaucoup l'ont faites
Mais le temps passe aussi et les choses
évoluent aussi
Parfois aussi la nécessité fait loi.
Et sur le terrain, les choses et les êtres peuvent être appréciés
différemment que dans un bureau, selon des idées préconçues.
Et Benoît XVI va travailler en ce sens par sa prudence pastoral et ses
nominations épiscopales
Mais ne minimisons pas la difficulté.
Le " Secrétariat Romain " aura un beau travail. Il est bien
nécessaire. Et n'oublions pas que le " personnel " de ce "
secrétariat ", du cardinal aux " minutanti ", doivent
être animés d'un double amour et celui de Saint Siège et
celui du respect de sa liturgie latine.
Voilà la pensée de Mgr Lefebvre sur ce " Secrétariat
Romain ".
Section III : les statuts canoniques
des diverses sociétés
Qu'en est-il maintenant de sa pensée sur le statut canonique
des différentes " uvres " attachées à la
liturgie latine et romaine codifiée par Saint Pie V ? Quelles sont ses
" propositions de règlement " ? Il nous le dit dans sa 2ème
section intitulée : " Statut canonique des diverses sociétés,
des prêtres, religieux, religieuses isolés. Relations avec le "
Secrétariat romain ". Mgr Lefebvre le précise dans les n°
12 à 18.
Mais avant tout, il demande la levée des suspens et interdits. C'est
le n° 12-1. " Avant de procéder à l'étude et à
la normalisation de toutes ces sociétés et personnes adonnées
à la Tradition, ce qui peut se réaliser avec le temps, il est
urgent de lever les suspens et interdits ".
Cette demande sera une constante sous tous les supériorats que l'histoire,
déjà longue, de la FSSPX a connu. Tous ont réclamé
cette levée des sanctions.
Ensuite, Mgr Lefebvre demande que soit reconnu, de nouveau, les statuts de la
FSSPX, comme avant 1975 : " Il est urgent de reconnaître à
nouveau les statuts de la FSSPX, comme avant 1975 ". (n° 12-2). Je
ferais volontiers remarquer que Mgr Lefebvre utilise le verbe " reconnaître
". Il demande une reconnaissance des statuts
.alors qu'il a toujours
affirmé que les statuts de la FSSPX étaient toujours valables
parce qu'injustement abrogés. C'est ainsi qu'il a toujours considéré
que la FSSPX était toujours apte à incardiner ses membres, comme
les statuts le prévoyaient. C'est pourquoi, et de la même manière,
je peux parler de retrouver le " sein de l'Eglise ", " in sinu
Ecclesiae "
alors que je sais pertinemment n'avoir jamais quitté
l'Eglise
Mais les circonstances étant ce qu'elles sont, il est bien
légitime de soumettre, comme le fait Mgr lefebvre, " un projet de
réintégration et de normalisation de nos rapports avec Rome ".
(lettre du 21 nov. 1987). De " réintégration " ?
Alors
nous étions en dehors ? De " reconnaissance " ? Alors nous
étions condamnés ? Il y a des gens qui ont tellement " l'esprit
géométrique " qu'ils ne comprennent jamais rien ? Mais ils
savent se dirent pourtant les vrais " fidèles de Mgr Lefebvre "
!
Il est encore urgent, dit-il, d'assurer la pérennité de l'uvre
en prévoyant la succession épiscopale de Mgr Lefebvre. C'est le
troisième point du n° 12 : " Il est urgent de modifier quelques
articles de ses statuts afin de pourvoir à la succession épiscopale
de Mgr Lefebvre ".
C'est ce qui fut prévu aussi lors du règlement de l'affaire de
Campos. Le pape, le 25 décembre 2001, écrivait à Mgr Rangel
: "
Après avoir considéré toutes ces choses
et ayant devant les yeux la gloire de Dieu, le bien de la sainte Eglise, ainsi
que cette loi suprême qu'est la salut des âmes, et étant
d'accord sincèrement avec votre requête de pouvoir être admis
à l'entière communion avec l'Eglise catholique, nous reconnaissons
que vous lui appartenez canoniquement.
En même temps, nous vous informons, Vénérable frère,
qu'un document législatif va être préparé, document
qui établira la forme juridique de la confirmation de vos biens ecclésiastiques
et par lequel, le respect de vos biens sera garanti.
Par ce document, l'Union sera érigée canoniquement en une Administration
apostolique personnelle qui sera directement soumise au Siège apostolique
et aura son territoire dans le diocèse de Campos. La question de la juridiction
cumulative avec l'ordinaire du lieu sera traitée. Son gouvernement vous
sera confié, Vénérable Frère, et votre succession
sera prévue ".
N'oublions pas que Mgr Rangel fut sacré évêque par Mgr Tissier
de Mallerais
Ainsi le Pape prévoyait-il dans cette lettre, comme le suggérait
Mgr Lefebvre dans son rapport à cardinal Gagnon, d'assurer la pérennité
de l'uvre des pères de Campos, par la création de cette
Administration, ayant à sa tête un évêque qui préside
à son gouvernement. Ici comme là, il était nécessaire
de " pourvoir à la succession épiscopale " et de Mgr
Lefebvre et Mgr Rangel. Si cette succession épiscopale était difficilement
acceptable par Rome en 1988, pour la FSSPX, elle ne le fut plus en 2002 pour
les pères de Campos. Les mentalités en avaient accepté
le principe et la nécessité. La succession épiscopale était
nécessaire pour maintenir la liberté des uvres dans leur
choix de la liturgie traditionnelle.
Enfin et c'est le quatrième point, il est urgent que l'on s'inspire pour
l'organisation canonique de ces uvres désirant garder la liturgie
traditionnelle, du document daté du 21 avril 1986, créant ce qu'on
appelle aujourd'hui, l'Ordinariat aux armées, publié par Jean
Paul II dans sa constitution apostolique : " Spirituali militum curae ".
C'est un document très simple de 14 articles qui prévoit l'organisation
de ce qu'on appelait jadis les " Vicariats militaires ". J'ai publié
ce texte dans le n° 37 de DICI en date du 11 janvier 2002. Ce problème
canonique, de fait, n'est pas un problème difficile dès lors que
l'on veut bien respecter l'entité de ces uvres attachées
à la Tradition latine et les recevoir vraiment dans l'Eglise.
" Respecter l'entité de ces uvres attachées à
la liturgie latine "
mais c'est ce qu'a demandé à plusieurs
reprises le cardinal Ratzinger. Une seule citation, celle d'un des ses derniers
livres, " Voici quel est notre Dieu ". Il écrivait : "
Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie,, il est important
aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu'en 1970.
Celui qui, à l'heure actuelle, intervient pour la validité de
cette liturgie, ou qui la pratique, est traité comme un lépreux
: c'est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu'on n'en a pas connu
durant toute l'histoire de l'Eglise. On méprise par là tout le
passé de l'Eglise. Comment pourrait-on avoir confiance en elle au présent,
s'il en est ainsi. J'avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de
mes confrères évêques se soumettent à cette loi d'intolérance,
qui s'oppose aux réconciliations nécessaires dans l'Eglise sans
raison valable ". (p. 291) Tout cela me donne personnellement bon espoir
!
Tout en s'inspirant de ce texte " Spirituali militum curae ", Mgr
Lefebvre se permet de proposer quelques précisions ou compléments,
tenant compte des circonstances particulières des uvres en question
à organiser.
En son article 14, il suggère que la FSSPX puisse être considérée,
vu son importance, comme " le support de l'Ordinariat pour la liturgie
latine "n° 14 -1 : " Considérer la Fraternité comme
le support de l'Ordinariat pour la liturgie latine
"
Je vous prie de bien vouloir retenir l'expression de Mgr Lefebvre : " Ordinariat
pour la liturgie latine ", comme il existe des églises uniates.
Ce ne serait pas créer, comme on l'a dit à tort " une réserve
d'indiens ". Les églises uniates n'ont rien à voir avec de
telles réserves. Elles sont au cur même de l'Eglise, dans
l'Eglise. Mais toutefois, je tiens à préciser qu'il s'agit là
que d'une simple analogie. La différence, ici, dans les " analogués
", c'est que le rite latine vaut, de soi, pour toute l'Eglise latine, alors
que les églises orientales gardent chacune leurs rites divers
.Mais,
comme le disait Mgr Lefebvre, on peut accepter des situations " hybrides
" et procéder par " étapes ". C'est la Providence
qui gouverne aussi l'Eglise
Il conviendrait également, demande Mgr Lefebvre, que, de soi, le Supérieur
général de la FSSPX , une fois agrée par Rome, comme pour
toutes les élections faites par les capitulants des chapitres généraux
des sociétés diverses, " reçoive la consécration
épiscopale et puisse présenter deux auxiliaires, eux-mêmes
évêques ". C'est le n° 14 -2. Je vous ferai remarquer
que ce point de la consécration épiscopale ne fait plus de problème
à Rome. Le pape l'a confirmé dans sa lettre du 25 décembre
2001. Nous l'avons vu plus haut.
Ceci étant admis et accepté par les " parties ", on
s'inspirera pour l'organisation pratique de cette " uvre " à
créer, du texte, relativement récent, organisant les " ordinariats
aux armées ". Mgr Lefebvre attire l'attention sur le problème
de la juridiction de cet ordinariat. C'est le § 4 de " Spirituali
militum curae " qui dit : " La juridiction de l'Ordinariat militaire
est :
-personnelle, de sorte qu'elle s'exerce sur les personnes qui appartiennent
à l'Ordinariat, même si elles se trouvent parfois en dehors des
frontières nationales ;
-ordinaire, tant au for interne qu'au for externe,
-propre, mais cumulative avec la juridiction de l'évêque diocésain,
car les personnes appartenant à l'Ordinariat continuent à être
des fidèles de cette église particulière dont ils sont
une partie du peuple en raison du domicile ou du rite ".
L'intérêt de cet article sur la juridiction cumulative n'a pas
échappée à Mgr Lefebvre. Lui-même écrit dans
son texte : "
Viendra alors une étude plus approfondie des
applications à faire de l'exemple de l'Ordinariat aux armées à
la situation de la Fraternité saint Pie X. Ainsi l'application de la
juridiction cumulative semble très réaliste et résout beaucoup
de problème ". (n° 16)
Dans le n° 17, Mgr Lefebvre répond à une objection que l'on
pourrait faire contre le sacre du supérieur général. C'est
là une fonction élective alors que l'épiscopat est "
quelque chose " de stable et définitif. Il réfute cette objection
: " Il ne semble pas que le fait que le Supérieur général
soit évêque soit un inconvénient : s'il n'est pas réélu,
il peut ou devenir auxiliaire ou être chargé d'un diocèse
ou être employé au Secrétariat romain ou occuper d'autres
fonctions ". (n°17)
Comme il a du réfléchir à cette organisation canonique.
Tout était clair dans sa tête. Il ne faut pas oublié que
Mgr Lefebvre dut organiser en Afrique de nombreuses structures canoniques, ne
serait-ce que les organes des différentes " collégialités
". Il m'a dit, un jour, nous étions à Rome, en avoir créées
beaucoup
Et on le prenait au Concile pour être contre la " collégialité
". Ces problèmes d'organisation lui étaient très familiers.
Je crois à un tel homme d'expérience. Il est vraiment bien dommage
que ce texte soit passé au " oubliette " et qu'on n'en parle
jamais aux fidèles dans la FSSPX. On ne l'a même pas mentionné
lors de notre réunion de 13 janvier 2001, au Conseil Général.
Je m'en veux personnellement de n'y avoir pas pensé
Heureusement
que Rome veille et garde ce texte en mémoire. Il a déjà
servi au règlement de l'affaire de Campos. Il risque bien de servir à
la création de quelque chose de plus grand encore
J'attends.
Enfin dans son article 18, Mgr Lefebvre parle des relations entre les différentes
uvres amies qui appartiendraient à cette " Ordinariat pour
la liturgie latine " : " Les relations entre les diverses uvres
et initiatives d'une part et la Fraternité d'autres part, demeureraient
celles qu'elles sont actuellement pour les ordinations, confirmations et autres
assistances : bénédictions, retraites, cérémonies
de professions etc.. .Mais tout ce qui concerne le statut canonique et les dispenses
à soumettre à Rome, irait directement au Secrétariat Romain
". (n° 18).
Ainsi, j'y insiste, rien ne serait changé, par suite de la création
de ce cadre juridique légitime, dans nos relations avec ce que nous avons
connu jusque là
sinon que les choses se feraient dans l'ordre
et légitimement. La forme canonique aurait bien son intérêt
Ne
pas le voir m'étonna, m'étonnera toujours. Je l'ai dit
On
m'a mis dehors
On aurait bien pu le prendre un peu plus en compte
La
situation ne serait pas aujourd'hui aussi dégradée
Elle va,
du reste, éclater bientôt, dans les mains de son supérieur
Nous arrivons enfin à la troisième idée: de l'incardination
et de la juridiction vis-à-vis des fidèles.
Section IV : Incardination
et Juridiction vis-à-vis des fidèles
Sur ce sujet si important, Mgr Lefebvre demande que l'on s'inspire
là encore du texte régissant les Ordinariat aux armées.
Ne sommes-nous pas, écrit-il, nous aussi, une petite armée.
C'est l'article 19. C'est un très beau texte, plein de fraîcheur
et de noblesse. " Les normes de la constitution apostolique " Spirituali
militum curae ", au sujet de l'incardination peuvent bien être appliquées
à la FSSPX chargées des soins spirituels d'une petite armée
de ceux qui maintiennent la Tradition liturgique ".
Je fais ici remarquer l'expression de Mgr Lefdebvre : " Tradition liturgique
". Il ne parle pas de " Tradition anti-conciliaire " ni de "
Tradition ante-conciliaire ". Comme le disait très justement un
jour Monsieur l'abbé Celier, la liturgie est comme un " organisme
vivant ". Elle croît. Le cardinal Ratzinger utilisait lui- aussi
cette expression
dans sa préface au livre " La réforme
liturgique en question " : " ce qui s'est passé après
le Concile signifie tout autre chose : à la place de la liturgie fruit
du développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On
est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la
fabrication. On n'a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques
du vivant à travers les siècles et on les a remplacés,
à la manière de la production technique, par une fabrication,
produit banal de l'instant ". ( Card Ratzinger. La Réforme liturgique
en question. p. 8).
Les autres uvres diverses, les sociétés religieuses auront
de la même manière " la possibilité " d'incardiner
".
Et enfin quant à la juridiction, elle viendrait de Rome par l'intermédiaire,
pour la FSSPX, du Supérieur général et nullement des ordinaires
des lieux, des évêques résidents. Qu'on veuille bien prêter
à cette condition, aussi une attention soutenue
Je n'insiste pas
Et pour les autres uvres, elle viendrait directement aussi de Rome à
la demande des divers supérieurs. Cela fait l'objet des articles très
courts 20, 21 22.
Et n'oublions pas - je dis cela pour parer à l'objection du risque de
la perte de notre légitime liberté, que les membres du Secrétariat
Romain dont l'Ordinariat ou l'Administration dépendrait, sont des personnes
- c'est même une condition sine qua non - on s'en souvient, " à
la fois respectueuses et attachées au Saint Siège, mais aussi
convaincues de l'urgente nécessité pour l'Eglise de favoriser
les initiatives qui maintiennent la tradition et de ne rien faire qui les contraignent
à s'éloigner de nouveau ". (n° 5)
La conclusion sonne comme pleine d'optimisme : " Il ne semble pas qu'il
doive y avoir de difficultés majeures du point de vue canonique, ni de
la part des fidèles de la Tradition, si les indications ci-dessus sont
exactement observées " (n° 23)
Il n'a pas ajouté : " ni de la part du clergé ". Etonnant
? Je n'en serais pas si sûr que cela
aujourd'hui.
Enfin " nous souhaitons ne pas dépasser le dimanche du Bon pasteur,
le 17 avril 1988 pour les consécrations épiscopales " (n°
24).