« Les
Nouvelles de Chrétienté »
n°2
Sommaire :
B-les mots officiels d’accueil
b- de Mgr Fellay, supérieur général de
c- L’accueil de l’Allemagne, « fière de son élu »
d-Le président français Jacques Chirac
f- L'archevêque
de Paris, Mgr André Vingt-Trois
C-
l’élu du Conclave. Sa biographie. Son blason.
a- petite biographie tiré de son livre « La mia Vita ».
c-
son blason épiscopal, sa devise, et ses symboles
D- Quelques caractéristiques de sa personnalité
E-
Le Cardinal Ratzinger et la liturgie
F-
Jugements
G-
Les premiers documents du nouveau pape : Benoît XVI
HABEMUS PAPAM
QUI SIBI NOMEN IMPOSUIT
C’est en ces termes que l’Osservatore Romano, le
journal du Vatican, dans son édition
italienne, annonçait la mardi 19 avril 2005 à 19.10 l’élection du nouveau pape
Benoit XVI.
En dessous de l’image du
nouveau pape, saluant la foule massée, sur la place Saint Pierre, à la loggia,
nous pouvions lire ces paroles sorties
d’un cœur très italien, je veux dire, chaleureux, des hommes du soleil :
« Abbiamo
attraversato la tristezza del Venerdì Santo; abbiamo pianto; ci siamo sentiti
orfani di un Padre che tutto si è consumato per Cristo e per la sua Chiesa. Abbiamo pregato. Abbiamo atteso.
Abbiamo implorato il Sacro Cuore di Gesù.
Ed
ecco che il Signore dalle fibre più intime del suo Cuore ci dona il Successore
di Pietro.
Non
siamo più soli. Pietro è con noi. La navigazione riprende la rotta; il cammino riprende
il ritmo del viandante.
L'OSSERVATORE ROMANO
GIORNALE QUOTIDIANO
UNICUIQUE SUUM
POLITICO
RELIGIOSO
HABEMUS PAPAM
QUI SIBI NOMEN IMPOSUIT
BENEDICTUM XVI
Abbiamo attraversato la tristezza del Venerdì Santo; abbiamo
pianto; ci siamo sentiti orfani di un Padre che tutto si è consumato per Cristo
e per la sua Chiesa. Abbiamo
pregato. Abbiamo atteso.
Abbiamo implorato il
Sacro Cuore di Gesù.
Ed ecco che il Signore dalle fibre più intime del suo Cuore ci dona
il Successore di Pietro.
Non siamo più soli. Pietro è con noi. La navigazione riprende la
rotta; il cammino riprende il ritmo del viandante.
Grazie, Padre Santo, per aver detto «sì». Un «sì» che anche noi diciamo a Te.
Senza riserve e con amore. Con quell'amore petrino che da circa un secolo e
mezzo è la nostra fierezza.
.
Voici notre
traduction
« Nous
avons connu la tristesse du vendredi
saint ; nous avons pleuré ; nous nous sommes sentis orphelins d’un
Père tout donné au Christ et à son
Eglise ; Nous avons prié ; nous avons attendu ; Nous avons
imploré le sacré cœur de jésus
Et voici
que le Seigneur du fond de son Cœur nous donne le Successeur de Pierre.
Nous ne
sommes plus seuls. Pierre est avec nous. Le voyage reprend son cours, la marche
son rythme.
Merci, Très Saint Père d’avoir su dire »Oui ». A notre tour, nous te
disons « oui », sans réserve et même avec amour »
Nous
faisons notre ces belles paroles d’accueil !
Les 115 cardinaux réunis en conclave depuis hier, ont
donc élu ce mardi 19 avril 2005 , en milieu d’après-midi, le cardinal bavarois
et francophone distingué Joseph Ratzinger, âgé de 78 ans, et jusqu’ici pilier
du pontificat de Jean-Paul II, en tant que préfet de la congrégation pour
A- Le premier
discours de Benoît XVI
Voici le texte intégral du premier discours public prononcé mardi soir par
le pape Benoît XVI, Joseph Ratzinger (Allemagne) élu en fin d'après-midi :
"Chers frères et chères sœurs, après le grand pape Jean Paul II, Messieurs
les cardinaux m'ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne
du Seigneur.
"Le fait que le Seigneur sache travailler et agir également avec des
instruments insuffisants me console et surtout, je me remets à vos prières,
dans la joie du Christ ressuscité, confiant en Son aide constante.
"Nous allons de l'avant, le Seigneur nous aidera et Marie, Sa Très Sainte
Mère, est de notre côté".
B - Les mots officiels d’accueil
« Nous nous réjouissons,
nous rendons grâce », par Mgr Ricard
Voici le texte intégral de
la déclaration de Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, Président de
Paris, le 19 avril 2005
« L’Église catholique vient de recevoir un nouveau Pasteur, le Pape
Benoît XVI. Nous nous réjouissons et nous rendons grâce : Dieu n’abandonne pas
son Eglise !
A nous, catholiques, le Pape est donné comme point d’appui de notre foi :
enraciné, par l’Esprit, dans
Merci de tout cœur à la terre d’Allemagne qui donne l’un de ses fils à Rome et
au monde entier !
Dans ce monde où doivent être relevés de terribles défis, les défis de la faim
et de la pauvreté, de la liberté et de la paix, de la dignité de la personne et
du respect de la vie, Benoît XVI sera, après le bien aimé Jean-Paul II,
sentinelle de l’humanité, témoin de l’amour de Dieu pour tous et premier
serviteur de l’unité.
Le monde est devenu un village global : jamais nous n’avons eu autant besoin du
successeur de Pierre pour bâtir une fraternité universelle dans la vérité, pour
ouvrir l’Eglise sur le monde et la guider vers la sainteté.
Sans plus tarder, avec l’Eglise de Rome et l’Eglise universelle,
l’Eglise catholique en France prie avec ferveur et affection pour le Pape
Benoît XVI : Qu’il soit principe et fondement visible de l’unité dans la foi et
de la communion dans la charité.
+ Jean-Pierre RICARD
Archevêque de Bordeaux
Président de
b- de Mgr Fellay,
supérieur général de la FSSPX
Communiqué de
Au nom de
Monseigneur Fellay implore Notre Seigneur Jésus-Christ, Tête du Corps Mystique,
afin que
Le Supérieur général assure enfin le Successeur de Pierre, Benoît XVI, de ses
prières et de celles de toute
+ Bernard Fellay
Supérieur Général
c- L’accueil de
l’Allemagne, « fière de son élu »
L'élection du cardinal originaire de
Bavière suscite un vif émoi.
Par Odile BENYAHIA-KOUIDER
mercredi 20 avril 2005
Ratisbonne (Bavière) envoyée spéciale
« Hier soir, bravant une pluie glacée, les habitants de Ratisbonne,
la ville où le nouveau pape possède une maison et où vit son frère, se sont
spontanément réunis sur la place de la cathédrale. Dès que la nouvelle est
arrivée, les cloches se sont mises à sonner à tout rompre. Présentant un
journal télévisé «spécial pape», Ulrich Wickert, le PPDA allemand, avait les
larmes aux yeux, et butait sur chacun de ses mots. La classe politique
allemande a été elle aussi très émue. «C'est un très grand honneur pour
l'Allemagne», a estimé le chancelier Gerhard Schröder, qualifiant Benoît XVI de
«digne successeur de Jean Paul II». «C'est un moment historique», a renchéri
Angela Merkel, présidente de
d-Le président français Jacques Chirac a adressé ses vœux au nouveau pape et
assuré que «
e- Frère
Roger, de Taizé, a déclaré :
« Les premières paroles de Benoît XVI ont été pour «
le grand pape Jean-Paul II », lui qui a soulevé une telle espérance dans la
famille humaine. A Taizé, nous prions pour que le nouveau pape poursuive
l’exceptionnel ministère de paix et de communion de Jean-Paul II. Nous
attendons en particulier que les nouvelles générations soient soutenues pour
vivre de l’Évangile aujourd’hui ».
e- L'archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois,
s'est déclaré « très heureux » de l'élection de Joseph
Ratzinger qui a « des qualités éminentes qui vont se développer dans sa
nouvelle mission pontificale ».
Mgr Vingt-Trois s'est également déclaré « très heureux de la rapidité avec
laquelle le conclave a abouti » pour élire le nouveau pape Benoît XVI, montrant
que la « cohésion avait été rapide à se faire » sur un nom.
C- l’élu du Conclave. Sa biographie.
Son blason.
Présentation de
Benoit XVI par lui-même, tirée de son livre autobiographique « La mea
vita » publié chez Fayard en 1997.
a- petite biographie tiré de son livre
« La mia Vita ».
Joseph Ratzinger est né le
16 avril 1927 à Marktl am Inn, dans le diocèse de Passau, dans la très
catholique Bavière. Son père était commissaire de gendarmerie.
Il a fait ses études de théologie et de philosophie à l'université de Munich,
au lendemain de la seconde guerre mondiale, de 1946 à 1951, et à l'école
supérieure de philosophie et de théologie de Freising.
Il a été ordonné prêtre le jour de la fête de Saint-Pierre et Saint-Paul, les
deux saints patrons de Rome, le 29 juin 1951. Ce brillant théologien était voué
à l’enseignement.
En même temps il continue ses études et défend sa thèse de doctorat, en 1953,
sur le thème « Peuple et maison de Dieu dans la doctrine de l'Église de saint
Augustin ».
Il obtient quatre ans plus tard sa « maîtrise » d’enseignement grâce à une
recherche sur la théologie de l'histoire chez le docteur franciscain saint
Bonaventure.
Il enseigne dès lors en Rhénanie, à Bonn (1959-69), puis en Westphalie, à
Münster (1963-66) et dans la prestigieuse université de Tübingen (1966-69),
jusqu’à ce qu’il soit nommé professeur ordinaire de dogmatique et d'histoire
des dogmes à l'université de Ratisbonne et vice-président de cette université.
Mais dès 1962, il intervient au concile Vatican II en tant qu’expert de
l'archevêque de Cologne, le cardinal Joseph Frings.
C’est le pape Paul VI qui l’a nommé archevêque de Munich et Freising en 1977 et
l’a « créé » cardinal. Il devint membre du conseil de la deuxième section de la
secrétairerie d'Etat, de cinq congrégations (Eglises orientales, culte divin,
évêques, évangélisation des peuples, éducation catholique), des conseils
pontificaux pour la promotion de l'unité des chrétiens et de la culture et des
commissions pontificales pour l'Amérique latine et « Ecclesia Dei ». Sa
relation profonde avec Karol Wojtyla date surtout des conclaves de 1978.
Depuis 1981, le cardinal Ratzinger était le préfet de la congrégation pour
Le 30 novembre 2002 il a été élu doyen du sacré collège des cardinaux: il
succédait au cardinal Bernardin Gantin, rentré au Bénin. Le doyen est chargé,
comme prévu par la constitution apostolique de Jean-Paul II, d'assurer le
gouvernement de l'Eglise catholique pour les affaires courantes pendant la
vacance du siège apostolique et de présider l'assemblée des cardinaux.
Il a
choisi le nom de Benoît XVI : il place ainsi son pontificat sous la
protection de Saint Benoît, père du monachisme occidental et patron de
l’Europe.
c- son blason épiscopal,
sa devise, et ses symboles.
Il écrit: « Ce que je vis aujourd’hui a
commencé le jour de mon ordination épiscopale. Car le temps présent n’est pas
une date précise, il est l’Aujourd’hui d’une vie. Et cet Aujourd’hui peut être
plus ou moins long. Pour moi, ce qui a commencé avec l’imposition des mains à
mon ordination épiscopale à la cathédrale
de Munich demeure toujours l’aujourd’hui de ma vie. C’est pourquoi je ne
peux écrire mes mémoires à ce sujet, je ne peux qu’essayer de bien remplir ce
présent » .(p. 140, éditions Fayard)
Il ajoute à propos de sa devise épiscopale: « J’ai choisi pour devise
épiscopale la parole extraite de la troisième lettre de saint Jean: «
Coopérateurs de la vérité », premièrement parce que cela me paraissait faire le
lien entre ma tâche précédente et ma nouvelle mission. Toute proportion gardée,
il s’agit bien toujours de la même chose: rechercher
Il ajoute l’explication de deux autres symboles. « J’ai choisi pour moi
deux autres symboles: en premier lieu la coquille, d’abord signe de notre
pèlerinage, de notre marche: « Nous n’avons pas de cité permanente sur le terre
». Mais elle me rappelait aussi une légende selon laquelle saint Augustin,
méditant sur le mystère de
A propos de l’ours, Joseph Ratzinger raconte la légende de saint Corbinien de
Freising. Un ours dévora le cheval du saint évêque en route pour Rome. L’ours
dut porter le chargement du cheval. Le cardinal rapproche cette légende de
l’interprétation que saint Augustin fait d’un verset de psaume : « Il avait
choisi la vie de chercheur et avait été destiné par Dieu à être une « bête de
somme », un bœuf docile qui tire la charrue de Dieu en ce monde ».
Il explique : « L’ours qui remplaça le cheval – ou plutôt le mulet – de saint
Corbinien et fut chargé de son fardeau, qui devint sa bête de somme (contre son
gré), n’est-il pas l’image de ce que je dois faire et de ce que je suis ? « Je
suis devenu ton mulet chargé de ton joug, et c’est ainsi que je suis tout près
de Toi pour toujours ». » (p. 143)
Le cardinal, aujourd’hui pape Benoît XVI conclut : « Quels détails
ajouterai-je sur mes années d’épiscopat ? On raconte qu’à son arrivée à Rome
Corbinien remit l’ours en liberté. Qu’il soit allé dans les Abruzzes ou
retourné dans les Alpes, cela n’intéresse pas la légende. Quant à moi j’ai,
entre-temps, fait mes valises pour Rome et depuis longtemps je marche, mes
valises à la main, dans les rues de
D- Quelques caractéristiques de sa personnalité
Sa douceur.
« c’est la « douceur »
qui le caractérise le mieux, conviennent tous ceux qui l’ont rencontré.
Sa simplicité
humble
le cardinal Ratzinger se rend
souvent au Borgo Pio – petite rue célèbre proche du Vatican, à deux pas de chez
lui, sans escorte, sans garde du corps, sans jeune « monsignor » pour porter sa
serviette, comme un simple « curé », le béret basque noir enfoncé sur la tête.
Il se laisse aborder par qui s’approche, comme cette passante âgée, heureuse
d’échanger deux mots avec « Son Eminence », et avec laquelle il soutient une
conversation affable de plusieurs minutes.
Il s’arrête volontiers à bavarder avec le doyen de la salle de presse du
Saint-Siège, Archangelo Paglialunga, répondant tranquillement à quelque demande
que ce soit.
« On peut se promener et l’accompagner jusqu’à chez lui », confiait Giuseppe de
Carli, vaticaniste de
Avec le
cardinal Stickler, le cardinal Ratzinger est certainement le cardinal qui a
parlé le plus souvent de la liturgie. Ils
sont nombreux ses livres où il parle de la liturgie, de la réforme
liturgique. On se souviendra qu’il a reçu, le 24 octobre 1998, à Rome les
prêtres et fidèles des communautés « Ecclesia Dei Adflicta ». J’avais
fait, avec eux , le voyage à Rome. Les propos prononcés par le Cardinal
Ratzinger avaient été très importants et révélateurs d’une résolution. J’en ai
fait un large commentaire. Il constitue le chapitre 3 de
Vous pouvez en lire le texte
en cliquant ici
III partie
Chapitre III :Libres
réflexions sur un voyage à Rome
Les paroles que le cardinal
Ratzinger adressa à Rome, le 24 octobre 1998, aux fidèles et
Prêtres des communautés
religieuses relevant du Motu Proprio « Ecclesia Dei
Adflicta » ainsi que celles tenues
par le Souverain Pontife lui-même le 26 octobre, relancent le débat sur la messe
catholique.
Elles
doivent être analysées, étudiées de près.
On
ne peut pas faire comme si elles n’avaient jamais été prononcées.
Elles sont importantes.
Changent-elles la situation concrète ?
Je n’en suis pas sur.
Elles manifestent, toutefois,
des tensions et oppositions graves entre les dicastères romains.
Elles donnent peut-être,
aussi, lieu à quelques espérances.
Pour comprendre toute
l’importance des paroles du cardinal et du pape, il faut les restituer dans
leur contexte historique.
Revoyons l’affaire en en
survolant l’histoire.
Le Consistoire du 24 mai
1976
Que de chemin parcouru, me
semble-t-il – depuis le fameux discours du pape Paul VI au Consistoire du 24
mai 1976. Là, le pape met un point final à la libre célébration de l’ancienne
messe ou du moins, le désire et l’exprime clairement : « le Nouvel
Ordo – disait-il aux cardinaux – a été promulgué pour prendre la place de
l’ancien après une mure délibération et afin d’exécuter les décisions du
Concile ».
Depuis lors, que de combats
menés en faveur de
Ils furent menés, tout au
début, par des ecclésiastiques. Les plus connus, je l’écris pour les jeunes qui
ne savent pas assez les choses, sont le RP Calmel, OP, Monsieur l’abbé Dulac, Dom Guillou, Monsieur
l’abbé Coache, le père Barbara, Mgr Lefebvre,
le père André d’Angers, le père
Guérard des Lauriers…mais aussi par des laïcs, Monsieur Madiran, Melle Luce
Quénette et bien d’autres encore.
Tous ont le soutien de
revues :
-« Nouvelles de
Chrétienté », des moines bénédictins de
- La « lettre de
- Le « Combat de
- « Introïbo »
du RP André
- Mais surtout la revue
« Itinéraires » de Jean Madiran.
Une œuvre majeure,
éditée par Itinéraires, s’impose immédiatement dans ce combat. C’est le
« Bref Examen Critique », ensemble de réflexions doctrinales
et pastorales sur la réforme liturgique de
Le « Bref Examen
Critique », œuvre collective de théologiens, de pasteurs, fut
présenté, tout au début, au pape Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci,
et concluait à la non orthodoxie de la
réforme liturgique, cette réforme « s’éloignant dans l’ensemble comme dans
le détail », de la doctrine catholique sur la messe, solennellement
définie, face au protestantisme, par le Concile de Trente.
Ces combats se concentrent
très vite sur l’œuvre de Mgr Lefebvre, sa fondation, Ecône,
Son refus, connu et rendu
publique le 2 juin 1971, déclenche la « guerre », les sanctions.
Tout d’abord, la suppression
voulue et décidée par Mgr Mamie, évêque de Fribourg, avec l’appui de Rome, du
séminaire d’Ecône, de
Mgr Lefebvre va très vite se
trouver en opposition avec Rome. C’est un « face à face terrible »
qu’il n’aurait pas voulu connaître – il me l’a dit – mais qu’il supporte
vaillamment.
En effet, devant « ce
refus des dociles », le pape s’inquiète. Il craint pour sa réforme
liturgique, son instauration paisible dans l’Eglise – en France particulièrement.
Jusque là, jusqu’au 24 mai
1976, le Nouvel Ordo Missae de 1969 n’était pas revêtu d’une obligation
imposant son usage et excluant le missel ancien.
Jusque là, il est vrai, le
pape Paul VI laissait dire qu’il avait interdit ou aboli la messe traditionnelle
mais il ne le disait pas lui-même. Il laissait dire- en même temps et en sens contraire – qu’il
avait concédé souvent ses autorisations, à contre cœur, « contre son
gré », ce sont les paroles mêmes du cardinal Gut.
Dans les conversations que
Mgr Lefebvre eut avec
Les choses changèrent
toutefois avec les paroles du Pape Paul VI, le 24 mai 1976.
Il faut les relire
Elles sont capitales, aujourd’hui
surtout.
Déclarant parler « au
nom de
« C’est au nom de
Le Nouvel Ordo Missae a
été promulgué pour prendre la place de l’ancien, après mures délibérations et
afin d’exécuter les décisions du Concile ».
Et le Pape poursuit en
comparant son œuvre liturgique – le concile Vatican II et la réforme - avec
l’œuvre du Concile de Trente et la publication du Missel Romain – « recognitum »
– révisé.
Lisez bien
« De la même
manière (haud dissimuli ratione), notre prédécesseur, Saint Pie V, avait rendu
obligatoire le missel révisé sous son autorité après le Concile de Trente, la
même prompte soumission, nous l’ordonnons au nom de la même autorité suprême
qui nous vient du Christ, à toutes les autre réformes liturgiques,
disciplinaires, pastorales mûries ces dernières années, en application des
décrets conciliaires ».
Le Pape Paul VI invoque donc
le précédent de Saint Pie V et il en tire les conclusions :
« Parce qu’il a – lui,
Paul VI dans la réforme de la messe, procédé de la même manière que Saint Pie
V, il peut de la même manière – rendre, à son tour, sa réforme
obligatoire ».
Tout était dit en ces mots.
Et de fait, n’est-il pas écrit : « Qui vous écoute,
m’écoute ».
L’affaire est entendue. Il
n’était plus permis de célébrer l’ancienne messe sans aller formellement contre
la volonté du Pape, chose, pour tout catholique, extrêmement grave.
Tout était désormais clair.
Le « Nouvel Ordo
Missae » était « obligatoire ». Il abolissait, du moins dans
la pensée du Pape, l’ancien rite. Il fallait obéir.
Et c’est ainsi que beaucoup
d’ecclésiastiques, beaucoup de laïcs, des amis proches de Mg Lefebvre : un
Dom Roy, un Marcel Clément et d’autres encore « ravalèrent leur
salive » et abandonnèrent les critiques doctrinales faites heureusement par
le cardinal Ottaviani. Ils firent, dès lors, comme si le « Bref Examen
Critique » n’avait jamais existé. Ils rentrèrent dans le rang. Dom Oury,
de Solesmes, essaya de justifier ce revirement. Mais surtout, Rome avait parlé
par la bouche du Pape régnant.
« Roma locuta est,
causa finita est ».
Elle le lui avait déjà
demandé un mois auparavant par une lettre de Mgr Benelli, substitut de
Pour prouver cette communion
effective avec le Pontife… « Vous écrivez au Saint Père pour lui
dire votre acceptation du Concile Vatican II et de tous ses documents, affirmer
votre plein attachement à la personne de sa sainteté Paul VI et à la totalité
de son enseignement, en vous engageant – c’est cela qui importait - comme
preuve concrète de votre soumission au successeur de Pierre, à adopter et à
faire adopter dans les maisons qui dépendent de vous (elles étaient censées ne
plus exister depuis l’ordre de Mgr Mamie en 1974 !), le missel qu’il a
lui-même promulgué en vertu de sa suprême autorité apostolique ».
Mgr Lefebvre affirma bien
dans sa réponse sa reconnaissance du Souverain Pontife. Il lui écrivit, le
22 juin 1976 :
« Votre sainteté…
connaît ma profonde soumission au successeur de Pierre que je renouvelle dans les mains de Votre Sainteté ».
Mais il ne peut accepter
d’abandonner la messe catholique de « toujours » au profit du Nouvel
Ordo Missae, le Nouvel Ordo s’éloignant trop de la doctrine catholique.
L’article 7 de « l’Institutio Generalis » donnant une définition
protestante de la messe est, à lui seul, suffisant pour le prouver.
L’article 7
Si l’on veut bien comprendre
l’attitude de Mgr Lefebvre et du courant traditionaliste, il ne faut jamais
oublier cet article 7. Il est à lui seul, la preuve qu’un vent
« hérétique » et « protestant » soufflait dans les
dicastères romains, laissant planer une légitime suspicion sur ces autorités
romaines.
Cet article 7 était, de fait,
dans la bouche et dans les écrits de tous les traditionalistes de l’époque.
Grâce à cette pression, cet article fut corrigé mais la réforme liturgique,
elle-même, resta inchangée.
Et de fait, lorsque le
Conseil Permanent de l’Episcopat Français eut à encourager les prêtres à
appliquer la réforme liturgique – le 2 décembre 1976 - il les invita à relire
« l’Institutio Generalis » dans sa première rédaction, non corrigée,
celle du fameux « article 7 ».
Alors si certains amis
laissèrent Mgr Lefebvre, Jean Madiran, lui, lui apporta un complet soutien. Il
fit une déclaration formidable dans « Itinéraires » qu’il est bon de
relire. Il fut suivi par Dom Gérard qui prenait de l’ampleur, toujours à
Bédoin.
Nous en sommes émus encore en
le relisant aujourd’hui.
Les ordinations du 29 juin
1976
Mgr Lefebvre ne voulut pas,
lui aussi, se laisser « étrangler ». Il passa outre. Il s’inspira
« in genere » de la sagesse de Pierre et pour l’heure, nous dit qu’il
valait mieux « obéir à Dieu qu’aux hommes ». Il s’inspira – in
concreto – du droit que lui donnait
Il fit alors, en toute paix,
les ordinations sacerdotales du 29 juin 1976 – ce qu’on voulait lui empêcher de
faire – sur la prairie d’Ecône.
Ce sera alors, contre Mgr
Lefebvre, « le temps des injures et des coups » comme l’écrivait à
l’époque Jean Madiran.
Ce fut, tout d’abord, la
condamnation des jeunes prêtres, « le refus de juridiction à tous les
prêtres ordonnés par Mgr Lefebvre ce jour ».
Ce fut ensuite l’odieux
communiqué de presse de Mgr Mamie dans le discours de Fribourg :
« Personne,
désormais, ne peut plus suivre, de bonne foi, Mgr Lefebvre ».
Ce fut enfin la notification
– à Mgr Lefebvre – de la « suspens a divinis », le 22 juillet 1976.
Après quelques essais timides
de réconciliation dans l’été 1976, sa visite, en particulier, à Castel Gondolfo
qui ne servit à rien, tomba alors la lettre signée du Pape lui-même, le 11
octobre 1976, qui exigeait, de nouveau, de Mgr Lefebvre :
- « une totale docilité
au Concile, aux réformes post-conciliaires et aux orientations qui engagent le
Pape lui-même »
- « qui rejetait tout
jusqu’à l’idée d’une tolérance éventuelle de la messe traditionnelle »
- et « qui lui imposait
une capitulation totale ».
Le pape Paul VI n’envisageait,
de fait, aucune concession, ne fut-elle de pure forme, ni avant, ni pendant, ni
après la capitulation demandée.
« Nous ne pouvons pas
prendre vos requêtes en considération », tranchait le Pape.
La « réaction ».
Grâce à la force intrépide et
calme de Mgr Lefebvre, son œuvre continua.
Les fidèles le soutinrent. La
cérémonie de Lille le fit connaître du plus grand nombre…Les médias parlèrent
de lui…Il n’a pas perdu pour autant son âme, ni considéré faire chose inutile.
Il ne s’est pas, non plus, confiné dans la seule prière. Il appliquait joliment
et prudemment la maxime de Sainte Jeanne d’Arc – la mienne aussi, s’il est
permis de le confesser – « Bataillons, et Dieu donnera la victoire ».
S’il y avait un peu plus de
batailles, il y aurait aussi un peu plus de victoires…
Ses fondations, alors, se
multiplièrent autour de lui, en dehors de lui. Les Dominicaines enseignantes de
Brignoles, puis de Fanjeaux développent leurs monastères, leurs écoles. Le Père
Eugène de Villeurbanne précise sa fondation. Les écoles de
Pendant ce temps à Rome,
Ils sont menés à un train d’enfer à Rome et dans les pays
lointains.
Et c’est la visite du Pape
Jean-Paul II au Temple protestant, à Rome, le 11 décembre 1983, puis la visite
du Pape à
C’est enfin la journée
« de prières » à Assise, le 27 octobre 1986. Pour Mgr
Lefebvre c’est le comble de la trahison, le déshonneur de l’Eglise,
l’humiliation de Notre Seigneur en la personne de son Vicaire : le
Pape, au milieu des hauts dignitaires de
toutes les religions ! Une initiative antichristique au possible, dans les
faits.
le « danger du
sédévacantisme »
Il n’en fallut pas plus pour ouvrir le champ aux sirènes
sédévacantistes. Si le Pape agit ainsi, c’est qu’il n’est pas vraiment pape. Un
nombre non négligeable d’ecclésiastiques donnent de la voix : le père
Barbara, le RP Guérard des Lauriers. C’est peut-être le plus jeune, le moins
expérimenté, qui fait le plus de bruits : le père de Blignières, à
l’époque simple abbé. A ses arguments, tous devaient se ranger. Il était
péremptoire et parlait avec assurance…
Dans l’agitation, et Dieu
sait si elle fut grande dans les rangs de
Mgr Lefebvre resta serein. Il
nous dit sa pensée dans un très beau sermon d’ordination, en juin 1978.
Il reste toujours très
attaché à Rome, à la papauté comme il le sera toujours durant toute sa vie,
même lorsqu’il conféra les sacres en 1988 à quatre d’entre nous, leur
enjoignant de remettre leur épiscopat dans les mains du Souverain Pontife
lorsque les choses s’arrangeront.
Malgré des difficultés,
nombreuses et variées - c’est la loi - le combat se poursuivit.
L’attachement à
la lettre « Quattuor
abhinc annos »
Cette résistance opiniâtre
obligea Rome à lâcher du lest en faveur de
Disons mieux, à
« louvoyer ». Elle appliqua l’axiome « diviser pour
régner ».
Alors fut publiée la lettre
du 3 octobre 1984 appelée « Quattuor abhinc annos ». Constatant que
« le problème de l’ancienne messe subsiste toujours » malgré des
efforts contraires, Rome accorde un indult en faveur de l’ancien rite.
Aux évêques des diocèses, est
donnée « la faculté de consentir, par indult, la possibilité de célébrer
la messe en utilisant le missel romain dans son édition officielle de
1962 ».
Mais pour l’obtenir, les
conditions sont draconiennes.
Il fallait en faire la
demande explicite à l’évêque. Elle ne pouvait être célébrée dans les églises
paroissiales à moins que l’évêque ne le permette mais uniquement dans les
églises ou oratoires désignés par l’évêque. Et surtout, il fallait, que ceux
qui en faisaient la demande « n’aient aucun lien avec ceux qui mettent en
doute la légitimité et la rectitude doctrinale du Missel Romain
promulgué en 1970 par le Pontife Romain Paul VI ».
Jean Madiran fit sur ce
document romain, de succulents commentaires dans Itinéraires, n°288 de décembre
1984.
Malgré le désir évident de
diviser ceux qui en appelaient toujours à une juste application de
Une avancée importante était
faite.
Le monde entier apprenait que
l’ancienne messe n’était plus interdite…du moins totalement, absolument,
qu’elle pouvait être dite.
Le Motu Proprio :
« Ecclesia Dei Adflicta ».
L’âge venant et le mouvement
œcuménique allant toujours de l’avant, la réunion d’Assise ayant eu lieu, le
confirmant, Mgr Lefebvre décida de consacrer des évêques pour assurer, dans une
juste liberté, la pérennité de
Malgré quelques tentatives du
cardinal Ratzinger pour empêcher cela ou mieux, pour le contrôler, Mgr Lefebvre passa aux actes, le 30 juin
1988, à Ecône.
Alors tout soudainement, sous
le choc, pour essayer d’arracher le plus grand nombre de fidèles à Mgr
Lefebvre, pour ceux qui désiraient vivre de
Et c’est la publication du
Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta ».
Là, dans ce document, Rome
essaye de justifier l’excommunication de Mgr Lefebvre. On lui reproche de
« scléroser »
« …de collaborer avec
les évêques, les dicastères de
Rome facilite alors les
créations de communautés nouvelles.
Et c’est aussi et surtout la
concession, à tous, de la liturgie « ancestrale ». Les monastères de
Fontgonbaullt, de Randol, très audacieusement et avec un courage fou,
s’engouffrent dans le mouvement, ils reprennent
Mais peu importe…La messe
regagnait du terrain…C’était l’essentiel.
Et de fait Rome demandait aux
évêques qu’ils veuillent bien « respecter le désir spirituel de tous ceux
qui se sentent liés à
Il leur est demandé de faire « une
application large et généreuse des directives données en leur temps par le
siège apostolique pour l’usage du Missel Romain selon l’édition typique de
1962 ».
Et en note, on rappelait la
lettre « Quattuor abhinc annos», du 3 octobre 1984 où, il vous
en souvient, était demandé que soit bien établi « sans ambiguïté et même
publiquement que le prêtre et les fidèles en question (n’aient ) aucun lien
avec ceux qui mettent en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du
Missel Romain promulgué en 1970 par le Pontife romain Paul VI.
C’est ainsi que les choses se
passèrent- se sont passées et pas autrement. Les textes sont incontournables.
Constatons que Rome s’ouvre
de nouveau à la liturgie « ancienne », non point par conviction
doctrinale - elle refuse toujours
officiellement à prendre en compte les critiques doctrinales que depuis le
début nous adressons à la réforme
liturgique issue du Concile Vatican II, c’est ce qu’il faut bien retenir – mais
par la nécessité de réduire ou le désir de réduire la « casse » et
d’arracher le plus grand nombre possible de fidèles à Mgr Lefebvre. On «
tolère » ce que l’on ne peut supprimer.
Mais peu importe –
j’allais dire –
C’était l’essentiel.
Même si les choses se font
dans une « mauvaise atmosphère », au milieu d’une condamnation grave,
contradictoire à toute une pratique œcuménique, d’une manière équivoque, la
messe tridentine n’est plus formellement interdite.
Vous vous souvenez bien des
paroles du Pape Paul VI lors du Consistoire du 24 mai 1976…
La messe retrouvée
« place » grâce à son propre dynamisme.
Et l’Esprit Saint doit bien veiller sur
Il veut la restauration de ce
trésor de l’Eglise. Et malgré les obstacles que les hommes peuvent susciter,
l’Esprit Saint insuffle son souffle à l’Eglise qui est une, sainte et
apostolique…Elle ne peut se couper de
Ce choc semble faire
réfléchir les hommes d’Eglise.
les propos nouveaux tenus
par le Cardinal Ratzinger au Chili.
Non seulement la messe
regagne du terrain à partir des sacres grâce à l’énergique clairvoyance de Mgr
Lefebvre mais les critiques doctrinales qui, en leur temps, avec le « Bref Examen Critique » étaient présentées au souverain pontife Paul VI,
commencent à être prises en compte.
C’est ainsi que l’on peut
dire que :
Le Motu Proprio est le point
final d’une période d’application obstinée de la réforme liturgique.
Les sacres, le point de
départ d’une nouvelle réflexion liturgique.
C’est ainsi, que cela plaise
ou non.
Il faut le prendre en compte
dans notre plaidoyer pour Mgr Lefebvre.
Et nous, du coté de
Plédoyer
L’Eglise
« conciliaire » – de fait – se trouve devant un vrai problème, le
problème de la messe et l’amour persistant des nouvelles générations pour cette
messe « ancienne ».
La nostalgie des anciens
n’explique rien, n’est pas le problème.
Le cardinal Ratzinger le dit,
le confesse même publiquement au Chili devant les évêques, le 13 juillet
1988…quelques jours après les sacres. Il faut le noter.
« Le problème posé
par Mgr Lefebvre ne prend pas fin avec la rupture du 30juin. Il serait trop
facile de se laisser envahir par une espèce de triomphalisme et de penser que
le problème a cessé d’en être un à partir du moment où Mgr Lefebvre s’est
nettement séparé de l’Eglise.
Un chrétien ne peut ni
ne doit jamais se réjouir d’une désunion. Même s’il ne fait aucun doute que
l’on peut attribuer la faute au Saint Siège, il nous faut nous interroger sur les erreurs que nous
avons commises et que nous commettons : les critères en fonction desquels
nous jugeons le passé sur la base du décret sur l’œcuménisme de Vatican II,
doivent, comme c’est logique, être aussi appliqués au présent… »
Il poursuit… C’est très important,
Lisez bien :
« Un fait doit
nous faire réfléchir : à savoir que bon nombre de gens, hors du cercle
restreint des membres de
avec évidence. Mais
indubitablement, on ne pourrait imaginer un
phénomène de cette ampleur s’il ne mettait pas en jeu des éléments
positifs qui, en général, ne trouvent pas un espace vital suffisant au sein de
l’Eglise aujourd’hui ».
Le langage est nouveau.
La problématique aussi.
C’est le début d’une nouvelle
réflexion.
Et de fait, on voit
apparaître sous la plume, dans la bouche des autorités romaines, les premières
critiques, du jamais vu depuis le discours consistorial de 1976.
Le cardinal Stckler. La
« Commission des 9 cardinaux »
Le cardinal Stickler ne
craint pas de célébrer publiquement, à Lourdes, lors des Congrès du Cercle
Montauriol, la messe « ancienne ». Il se permet de faire l’apologie
de la messe tridentine aux USA, au centre « Latin Mass Society ».
A cette occasion, il affirme,
dans une interview, qu’une commission de 9 cardinaux, en
Vous voyez l’injustice de Mgr
Pican nous fermant les portes de
Le livre de Mgr Gamber
On voit, en même temps, le
cardinal Ratzinger commencer à dénoncer la réforme liturgique non pas seulement
les abus et extravagances mais la réforme elle-même, le texte lui-même,
l’œuvres des « experts liturgistes ».
Il préface le livre de Mgr
Gamber : «
Le « sel de
Il publie un petit ouvrage
intitulé « Le Sel de
Lisez bien :
« Je suis certes
d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement, à tous ceux qui le
souhaitent, le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce
que cela aurait de dangereux ou d’inacceptable. »
Il devient terrible :
« une communauté
qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle
tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme
inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la
croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ? »
Quel est le traditionaliste
qui n’affirmerait pas la même chose ?
Nous ne cessons de le répéter
depuis trente ans. Le cardinal Ottaviani le demandait au Souverain Pontife de
l’époque :
« C’est pourquoi
nous supplions votre Sainteté de ne pas vouloir que nous soit enlevée la
possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond missel romain de
saint Pie V si hautement loué par votre Sainteté et si profondément vénéré et
aimé du monde catholique tout entier. » (lettre à Paul VI)
« Ma vie. Mes souvenirs »
Enfin le cardinal Ratzinger
dans son dernier livre, traduit tout récemment en français : « Ma
vie, mes souvenirs », s’étonne que le Missel ancien ait pu être interdit
dans l’Eglise de Dieu.
Il constate tout d’abord cet
interdit :
« Le deuxième
grand évènement au début de mes années à Ratisbonne, fut la publication du
Missel de Paul VI, assortie de l’interdiction quasi-totale du missel
traditionnel après une phase de transition de six mois seulement ».
Il manifeste tout de suite
son étonnement :
« J’étais
consterné de l’interdiction de l’ancien missel ».
Il donne le motif de sa
consternation car « cela ne s’était jamais vu dans toute l’église de la
liturgie ».
Il critique la raison qui fut
invoquée à l’époque pour justifier cette interdiction :
« On fit croire
que c’était tout à fait normal, le missel précédent avait été conçu par Pie V
en 1570, à la suite du Concile de Trente. Il était donc normal qu’après 400 ans
et un nouveau Concile, un nouveau Pape présente un nouveau missel ».
Mais qui ne voit que ce fut
l’argument utilisé par le pape Paul VI au Consistoire du 24 mai 1976.
Notons bien au passage comme
je l’ai montré plus haut que c’est sur cet argument, sur ce principe que Mgr
Lefebvre fut déclaré désobéissant et qu’il fut condamné, par le pape, et subit
sa peine canonique. C’est un comble !
Or le cardinal explique que
cet argument est faux : « La vérité historique est tout
autre ».
Nous, nous l’avons toujours
dit. Monsieur l’abbé Dulac en fait une démonstration parfaitement claire dans
le « Courrier de Rome » et la revue « Itinéraires ».
Presque trente ans plus tard, le cardinal Ratzinger le démontre
lui aussi très exactement :
« Pie V s’était
contenté de revoir le Missel Romain en usage à l’époque comme cela se fait
normalement dans une histoire qui évolue. Ainsi, nombreux furent ses
successeurs à réviser ce missel, sans opposer un missel à un autre. Il
s’agissait d’un processus continu de croissance et d’épurement, sans
rupture…Pie V n’a jamais crée de missel. Il n’a fait que réviser le missel,
phase d’une longue évolution…
Le décret
d’interdiction de ce missel (il pourrait ajouter : la pensée de Paul VI au
Consistoire de 1976) a opéré une rupture dans l’histoire liturgique dont les
conséquences ne pouvaient qu’être tragiques ».
Mais c’est précisément ce que
craignait tout « le courant » traditionaliste de l’époque, ce que
craignait le cardinal Ottaviani, ce que craignait Mgr Lefebvre.
Il a fallu attendre les
« sacres », il a fallu attendre presque trente ans pour qu’une
autorité et quelle autorité : rien moins que le préfet de
Et c’est parce que Mgr
Lefebvre a vu ce danger qu’il déclara avec le cardinal Ottaviani, « caveamus »,
« non possumus ». .
Ce que Mgr Marcel Lefebvre disait
hier,
le cardinal Ratzinger le dit
aujourd’hui.
On s’en réjouit sincèrement.
Mais il est tout également
juste de demander à Rome, à la même autorité qu’elle veuille bien revoir le
« procès » de Mgr Lefebvre et lui rendre justice…
Le cardinal précise encore sa
pensée :
« On démolit le
vieil édifice pour en construire un autre…et de l’avoir opposé en tant que
construction nouvelle à l’histoire telle qu’elle s’était développée, d’avoir
interdit cette dernière, faisant ainsi passer la liturgie non plus comme un
organisme vivant mais comme le produit de travaux d’érudits : voilà ce qui
nous a porté un énorme préjudice ».
C’est très vrai.
Nous ne pouvons qu’applaudir.
Voilà ce que nous expliquait
Mgr Lefebvre. Voilà ce qu’il défendait
pour justifier son « non possumus ». Il était cohérent.
« Voilà ce que nous
a porté un énorme préjudice. » A
l’Eglise d’abord, certes, aux fidèles ensuite. Mais aussi à Mgr Lefebvre, à ses
prêtres, à son œuvre…Ce qu’il disait à l’époque et qui fut la raison de sa
condamnation actuelle, est dit aujourd’hui par le cardinal Ratzinger.
Le cardinal Ratzinger a
certainement raison de dire cela aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais.
Alors Mgr Lefebvre avait
également tout à fait raison de le dire à son époque…
Mais pourquoi a-t-il été
condamné ?
Nous ajoutons cette réflexion
à notre plaidoyer pour Mgr Lefebvre déposé, le 24 octobre 1998, dans les mains
du cardinal.
Le cardinal reprend enfin la
forte idée que nous avons trouvée dans le livre de Mgr Gamber :
« On eut alors
l’impression que la liturgie était « fabriquée », sans rien de
pré-établi, et dépendant de notre décision…il est donc logique que…chaque
communauté finisse par se donner à elle-même, sa propre liturgie ».
Il conclut alors :
« Je suis
convaincu que la crise de l’Eglise que nous vivons aujourd’hui repose largement
sur la désintégration de la liturgie ».
C’est nous donner raison.
Il faut alors que justice
soit faite !
Mais peu importe cela. Car plus
encore, il faut se réjouir – pour l’Eglise – que ces paroles aient été dites,
enfin.
Que de chemin parcouru depuis
le 24 mai 1976.
Le 24 octobre 1998
Et le Cardinal reprenait
ces même idées - il y a tout de même une constance pour un
esprit que d’aucuns disent hégélien - dans le commentaire qu’il fit le 24
octobre 1998 à Rome, devant les communautés « Ecclesia Dei(adflicta).
Là, il s’appuya sur
l’autorité du cardinal Newman.
« Il est bon de
rappeler ici ce qu’a constaté le cardinal Newman qui disait que l’Eglise, dans
son histoire, n’avait jamais aboli ou défendu des formes liturgiques
orthodoxes, ce qui serait tout à fait étranger à l’esprit de l’Eglise ».
Mais qu’a donc fait Paul VI,
Eminence ?
Il poursuit :
« Une liturgie
orthodoxe, c'est-à-dire qui exprime la vraie foi, n’est jamais une compilation
faite selon des critères pragmatiques de diverses cérémonies…les formes
orthodoxes d’un rite sont des réalités vivantes, nées du dialogue d’amour entre
l’Eglise et son Seigneur, sont des expressions de la vie de l’Eglise où se sont
condensées la foi, la prière et la vie même de générations…L’autorité de
l’Eglise peut définir et limiter l’usage des rites dans des situations historiques
diverses, mais jamais elle ne les défend purement et simplement ».
Ainsi parla le Cardinal à
Rome le 24 octobre 1998.
Il me semble que l’on peut
s’en réjouir. Mgr Lefebvre ne disait rien d’autre.
Le 26 octobre 1998
Arrive enfin le 26 octobre
1998.
Les « tradi »
étaient reçus par le Souverain Pontife en audience publique.
Il les reçut chaleureusement.
Il fut applaudi
chaleureusement.
Le silence se fait. J’ai eu la cassette.
Le Pape lit son discours. Il
commence en italien par saluer les délégations venues pour les béatifications
qu’il fit la veille.
« Carissimi e sorelle,
Hieri abbiamo celebrato la
solenne beatificazione de zefirino Agostini, antoniode sant Anna Colvao, Faustino
Miguez e Theodore Guerin. Tre sacerdoti ed unaoprgine… »
Pour la délégation venue pour
la béatification de Mère Théodore
Guerin, il s’adresse en anglais et un petit moment, en français.
Il salue les pèlerins de
« Je vous salue
cordialement, chers pèlerins, qui avez tenu à venir à Rome à l’occasion du 10ème
anniversaire du Motu Proprio « Ecclesia Dei » pour affermir et
renouveler votre foi au Christ et votre fidélité à l’Eglise. Chers amis, votre
présence auprès du successeur de Pierre à qui revient, en premier, de veiller à
l’unité de l’Eglise, est particulièrement significative ».
Il affirme que l’Eglise veut
donner « un signe de compréhension aux personnes attachées à certaines
formes liturgiques et disciplinaires antérieures ».
Il cite de nouveau le Motu
Proprio.
En conséquence, il invite
fraternellement les évêques – c’est la fin du discours - « à avoir
une compréhension et une attention pastorale renouvelée aux fidèles attachés à
l’ancien rite ».
Tout cela est très bien sur
le plan pratique mais les considérations doctrinales, invoquées nous ramène à
la pensée » de 1976, du Pape Paul VI.
Il affirme de nouveau et
confirme même le « bien fondé de la réforme liturgique voulue par le
Concile Vatican II et mise en œuvre par le Pape Paul VI ».
Que valent alors les
critiques de Mgr Gamber dans son livre préfacé par le cardinal Ratzinger ?
Le Pape affirme également que
« les derniers Conciles œcuméniques, Trente, Vatican I, Vatican II
se sont particulièrement attachés à éclairer le mystère de la foi et ont
entrepris des réformes nécessaires pour le bien de l’Eglise, dans le souci de
la continuité avec
Autrement dit, ce qu’a fait
le Concile de Tente fut fait par le Concile
Vatican II. La réforme liturgique, voulue par Vatican II, nécessaire au
temps présent, s’est accompli dans le souci de la continuité avec
Les critiques de cette
réforme ne sont donc pas permises. Tout est idoine.
Il en profite même pour
justifier le canon 2 universellement utilisé par les prêtres dans la liturgie
réformée qui est ou serait celui de saint Hippolyte. Comment le contester
puisque lui aussi, en son temps, a recueilli
La boucle est bouclée.
C’est le retour à la case
départ du 24 mai 1976.
Avec toute cette différence, d’une importance
capitale, Ô combien ! Jean-Paul II n’en tire plus l’interdiction de
l’ancien rite, ce que faisait son
prédécesseur. Il y a là plus qu’une nuance, une nouveauté qui laisse une
espérance.
Le travail fait par les
sacres et depuis les sacres est sous ce rapport considérable. Il ne faut pas
craindre de le dire.
L’abbé Aulagnier, remettant au Cardinal Ratzinger le 24 octobre 1998 un pli contenant le plaidoyer pour Mgr Lefebvre
a- le défi de l'unité de l'Eglise
Benoît XVI
Le pape Benoît XVI devant le défi de l'unité de l'Eglise
Thierry Boutet
« ….L'élection de Benoît
XVI intervient sur une Église plus divisée qu'on ne croit, et parfois sur
l'essentiel. La personnalité de Jean Paul II masquait pour partie cette
situation. Mais malgré les critiques dont il fut l'objet, il était devenu quasi
intouchable.
Le prochain pontife est armé pour faire face à cette situation. Jean Paul II
était parvenu à se rallier les jeunes et les forces vives du laïcat. À
l'agonie, ne disait-il pas encore : "Je
vous ai cherchés, vous êtes venus, je vous remercie." Il avait
conquis la sympathie des médias. Mais il a peiné à modifier en profondeur
l'attitude du clergé et de nombreuses universités catholiques.
La rapide élection de Benoît XVI a manifesté l'unité spirituelle du collège des
cardinaux. Mais en bien des lieux, comme en France, l'Église-institution a
encore besoin de se renouveler en profondeur. Prions pour celui que les
cardinaux “ont envoyé à la vigne du
Seigneur”.
[19 avril, 20h00]
b- lourde succession
tiré du Bulletin d'André Noël
Le Bulletin d’André Noël
Synthèse Hebdomadaire
N° 1951 4
« ….Ce sera une rude tâche pour le
nouveau pape », ….Un
des problème a affronté « est
la crise des vocations en Europe, qui risque de faire de ce continent un désert
sacerdotal dans les prochaines décennies, au moment où renaît avec virulence
l’antichristianisme. Il ne peut y avoir de vocations sacerdotales ou
religieuses que là où s’épanouissent des familles chrétiennes : c’est en
leur sein que naissent les vocations. Or désormais, en France, la moitié des
enfants ne sont plus baptisés. Naguère le scoutisme, les mouvements mariaux
étaient aussi un vivier pour les vocations ; or aujourd-
’hui, le scoutisme est exsangue et
certains mouvements de jeunes catholiques sont largement déchristianisés. C’est
pourquoi, la plupart des vocations proviennent maintenant des nouveaux
mouvements religieux, notamment charismatiques. Certes, il faut s’en réjouir
mais cela ne saurait suffire. Il convient aussi de nourrir ces vocations
naissantes d’une solide catéchèse : on ne consacre pas sa vie à un
christianisme réduit à des bluettes sentimentales à l’enseigne de la «
solidarité », ni à un Jésus devenu un « copain ». Le prochain pape a donc
devant lui
une tâche
gigantesque : reconstruire une chrétienté. Le règne de Jean-Paul II a
permis de donner, à l’extérieur, une image forte de l’Eglise, à travers la
personnalité d’un homme exceptionnel. Il est à craindre qu’il n’ait masqué, à
l’intérieur, son profond délabrement, ou pour parler comme Paul VI, son «
autodestruction ».
a- l'homélie du cardinal Ratzinger
prononcée la veille du conclave
b- l’homélie
du Saint Père le Pape Benoît XVI, le
matin du 20 avril
-------------------------------------
a- Nous publions l'homélie du cardinal
Ratzinger prononcée la veille du conclave
C’est un très intéressant document qui
prend aujourd’hui toute sa valeur.
"En cette heure de grande responsabilité, nous écoutons avec une attention
particulière ce que le Seigneur nous dit avec ses propres mots. Des trois
lectures, je voudrais choisir seulement quelques passages, qui nous concernent
directement dans un moment comme celui-ci.
La première lecture nous propose un portrait prophétique de la figure du Messie
– un portrait qui trouve toute sa signification à partir du moment où Jésus lit
ce texte dans la synagogue de Nazareth, lorsqu'il dit : " Aujourd'hui
s'accomplit ce passage de l'Ecriture " (Lc 4, 21). Au centre du texte prophétique,
nous trouvons une parole qui – au moins à première vue – apparaît
contradictoire. Le Messie, parlant de lui, dit être envoyé " annoncer une
année de grâce de la part du Seigneur, un jour de vengeance pour notre Dieu
" (Is 61, 2). Ecoutons, avec joie, l'annonce de l'année de miséricorde :
la miséricorde divine place une limite au mal, nous a dit le Saint-Père.
Jésus-Christ est la miséricorde divine en personne : rencontrer le Christ
signifie rencontrer la miséricorde de Dieu. Le mandat du Christ est devenu le nôtre
à travers l'onction sacerdotale ; nous sommes appelés à proclamer, pas
seulement par des paroles mais par notre vie, et avec les signes efficaces des
sacrements, " l'année de miséricorde du Seigneur ". Mais que veut
dire Isaïe lorsqu'il annonce le " un jour de vengeance pour notre Dieu
" ? Jésus, à Nazareth, dans sa lecture du texte prophétique, n'a pas
prononcé ces mots, il a conclu en annonçant l'année de la miséricorde. Est-ce
la raison du scandale qu'a produit ensuite sa prédication ? Nous ne le savons
pas. En tout cas, le Seigneur a offert son commentaire authentique de ces
paroles par sa mort en croix. " Il a porté nos péchés dans son corps sur
le bois de la croix ", dit saint Pierre (1 P 2, 24). Et saint Paul écrit
aux Galates : " Le Christ nous a rachetés de cette malédiction de la loi,
devenu lui-même malédiction pour nous, car il est écrit : maudit soit celui qui
pend au gibet, afin qu'aux païens passe dans le Christ Jésus la bénédiction
d'Abraham et que par la foi nous recevions l'Esprit de la promesse " (Ga
3, 13s).
La miséricorde de Dieu n'est pas une grâce à bon marché, elle ne suppose pas la
banalisation du mal. Christ porte dans son corps et dans son âme tout le poids
du mal, toute sa force destructrice. Il brûle et transforme le mal dans la
souffrance, dans le feu de son amour souffrant. Le jour de la vengeance et
l'année de la miséricorde coïncident dans le mystère pascal, dans le Christ
mort et ressuscité. Telle est la vengeance du Dieu : lui-même, dans la personne
du Fils, souffre pour nous. Plus nous sommes touchés par la miséricorde du
Seigneur, plus nous entrons en solidarité avec sa souffrance et devenons prêts
à accomplir dans notre chair " ce qui manque aux épreuves du Christ "
(col 1, 24) .
Passons à la deuxième lecture, à la lettre aux Ephésiens. Là, il s'agit, en
substance, de trois choses : en premier lieu, des ministères et des charismes
dans l'Eglise, comme don du Seigneur ressuscité et monté au ciel ; donc, de la
maturation de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, comme condition et
contenu de l'unité dans le corps du Christ ; et, enfin, de la participation
commune à la croissance du corps du Christ, c'est-à-dire de la transformation
du monde dans la communion avec le Seigneur.
Arrêtons-nous seulement sur deux points. Le premier est le chemin vers "
la maturité du Christ ", comme le dit, un peu en simplifiant, le texte
italien. Plus précisément nous devrions, selon le texte grec, parler de la
" mesure de la plénitude du Christ ", à laquelle nous sommes appelés
à parvenir pour être réellement adultes dans la foi. Nous ne devrions pas
rester des enfants dans la foi, comme des mineurs. En quoi consiste être adulte
dans la foi ? Saint Paul répond que cela signifie être " ballotté et
emporté à tout vent de la doctrine " (Ep 4, 14). Description très actuelle
!
Combien de vents de doctrines avons-nous connu au cours de ces dernières
décennies, combien de courants idéologiques, de modes de pensée… La petite
barque de la pensée de nombreux chrétiens, bien souvent, a été agitée par ces
vagues, jetée d'un extrême à l'autre : du marxisme au libéralisme, jusqu'au
libertinisme ; du collectivisme à l'individualisme radical ; de l'athéisme à un
vague mysticisme religieux ; de l'agnosticisme au syncrétisme et ainsi de
suite. Chaque jour, naissent de nouvelle sectes, réalisant ce que disait saint
Paul sur l'imposture des hommes, sur l'astuce qui entraîne dans l'erreur (cf Ep
4, 14). Avoir une foi claire, selon le Credo de l'Eglise, est souvent étiqueté
comme fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c'est-à-dire se laisser
porter " à tout vent de la doctrine ", apparaît comme l'unique
attitude digne de notre époque.
Une dictature du relativisme est en train de se constituer qui ne reconnaît
rien comme définitif et qui retient comme ultime critère que son propre ego et
ses désirs .
Nous, en revanche, nous avons une autre
mesure : le Fils de Dieu, l'homme véritable. C'est lui la mesure du
véritable humanisme. Une foi qui suit les vagues de la mode n'est pas "
adulte ". Une foi adulte et mûre est profondément enracinée dans l'amitié
avec le Christ. C'est cette amitié qui nous ouvre à tout ce qui est bon et nous
donne le critère pour discerner entre le vrai et le faux, entre l'imposture et
la vérité. C'est cette foi adulte que nous devons faire mûrir, c'est vers cette
foi que nous devons guider le troupeau du Christ. Et c'est cette foi –
seulement la foi – qui crée l'unité et se réalise dans la charité. Saint Paul
nous offre à ce propos – en opposition aux péripéties continuelles de ceux qui
sont comme des enfants ballottés par les vagues – une belle parole : faire la
vérité dans la charité, comme formule fondamentale de la vie chrétienne. En
Christ, la vérité et la charité coïncident. Dans la mesure où nous nous
approchons du Christ, y compris dans notre vie, vérité et charité se mêlent. La
charité sans vérité serait aveugle ; la vérité sans charité serait comme "
une cymbale qui retentit " (1 Co,13, 1).
Merci Jésus pour ton amitié
Venons maintenant à l'Evangile. De sa richesse je voudrais seulement extraire
deux petites observations. Le Seigneur nous adresse ces merveilleuses paroles :
" Je ne vous appelle plus serviteurs ... Mais je vous appelle amis "
(Jn 15,15). Nous nous sentons seulement, et si souvent, des serviteurs inutiles
; et cela est vrai (cf Lc 17, 10). Malgré cela, le Seigneur nous appelle amis,
il fait de nous ses amis, il nous donne son amitié.
Le Seigneur définit l'amitié de deux manières. Il n'y a pas de secrets entre
amis : le Christ dit tout ce qu'il entend du Père ; il nous donne sa pleine
confiance, et, avec la confiance, il nous donne aussi la connaissance. Il nous
révèle son visage, son coeur. Cela nous montre sa tendresse pour nous, son
amour passionné qui va jusqu'à la folie de la croix. Il s'en remet à nous, il nous
donne le pouvoir de parler avec son être intime : " ceci est mon corps...
", " je t'absous "... Il nous confie son corps, l'Eglise. Il
confie sa vérité à nos esprits faibles et à nos mains fragiles - le mystère de
Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, le mystère de Dieu qui " a tant aimé le
monde qu'il lui a donné son fils unique " (Jn, 3, 16). Il nous élevé au
rang d'amis - et nous, comment répondons-nous ?
Le second élément par lequel Jésus définit l'amitié, est la communion des
volontés. " Idem velle - idem nolle " était aussi pour les romains la
définition de l'amitié. " Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous
commande " (Jn 15, 14). L'amitié avec le Christ correspond à ce qui est
exprimé dans la troisième demande du notre Père : " Que ta volonté soit
faite, sur la terre comme au ciel ". A l'heure de Gethsémani, Jésus a
transformé notre volonté humaine rebelle en une volonté conforme à la volonté
divine et unie à elle. Il a souffert tout le drame de notre autonomie - et,
c'est justement en portant notre volonté dans les mains de Dieu, qu'il nous
donne la vraie liberté : " Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux
" (Mt 21,39). Notre rédemption se réalise dans cette communion des
volontés : être ami de Jésus, devenir amis de Dieu. Plus nous aimons Jésus,
plus nous le connaissons, plus notre vraie liberté grandit et plus croit la
joie d'être sauvé. Merci Jésus pour ton amitié !
L'autre élément de l'Evangile, que je voulais souligner, est le discours de
Jésus sur le fait de porter du fruit : " Je vous ai institué pour que
alliez, que vous portiez du fruit et un fruit qui demeure " (Jn 15, 16).
C'est ici qu'apparaît le dynamisme de l'existence du chrétien et de l'apôtre :
je vous ai institué pour que vous alliez... Nous devons être animé d'une sainte
inquiétude : l'inquiétude de porter à tous le don de la foi et de l'amitié avec
le Christ. En vérité, l'amour, l'amitié de Dieu nous a été donné pour qu'il
parvienne aussi aux autres. Nous avons reçu la foi pour la donner aux autres -
nous sommes prêtres pour servir les autres. Et nous devons porter un fruit qui
demeure. Tous les hommes veulent laisser une trace qui demeure. Mais que
reste-t-il ? Ce n'est pas l'argent. Ce ne sont pas les bâtiments et encore
moins les livres. Toutes ces choses disparaissent après un certain temps, plus
ou moins long. La seule chose qui subsiste dans l'éternité, c'est l'âme
humaine, l'homme créé par Dieu pour l'éternité. C'est ainsi que le fruit qui
demeure est celui que nous avons semé dans l'âme humaine - l'amour, la connaissance
; le geste apte à toucher le coeur ; la parole qui ouvre l'âme à la joie du
Seigneur. Alors, allons et prions le Seigneur, pour qu'il nous aide à porter du
fruit, un fruit qui demeure. C'est seulement ainsi que la terre, de vallées de
larmes, sera transformée en jardin de Dieu.
Revenons enfin, et encore une fois, à la lettre aux Ephésiens. La lettre dit -
avec les paroles du psaume 68 - que le Christ, en montant au ciel " a
distribué ses dons aux hommes " (Eph. 4, 8). Le vainqueur distribue des
dons. Et ces dons sont apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et maîtres.
Notre ministère est un don du Christ aux hommes, pour construire son corps - le
monde nouveau. Vivons notre ministère comme cela, comme don du Christ aux
hommes ! Mais, en cette heure, prions surtout avec insistance le Seigneur, pour
qu'après le grand don du Pape Jean-Paul II, il nous donne à nouveau un pasteur
selon son coeur, un pasteur qui nous guide à la connaissance du Christ, à son
amour, à la vraie joie. Amen."
Au Vatican, basilique Saint-Pierre, le lundi 18 avril 2005.
b-Sur
l’Homélie-Programme de notre Saint Père le Pape Benoit XVI le matin du 20 avril
2005
Par l’abbé Charles
Tinotti
On aura ainsi une meilleure perspective que celle répétée
à l’envie qui reprend sans même vérifier les dépêches
de l’AFP avec l’orientation propre à cette agence « d’information
» : Benoît XVI est un fin théologien et si on a correctement
lu tout ce qu’il a écrit depuis 30 ans, présenter son homélie-programme
comme « Vatican II continue », « le dialogue interreligieux
va s’intensifier » ou « la tâche prioritaire est le l’Œcumenisme
» et « il faut développer le gouvernement collégial
de l'Église » relève du canular-pression.
France Inter à 19 heures ce 20 avril titrait même : « d’où
vient le retournement de Benoit XVI ? » affirmant ensuite que des «
cardinaux conservateurs s’étaient déjà mués en
papes progressistes comme Roncalli-Jean XXIII ». Et détaillant
ensuite que soit un ‘accord’ aurait été passé entre les
‘traditionalistes’ et ‘l’aile progressiste’ pour une élection rapide,
soit que Benoit XVI aurait voulu désamorcer l’hostilité d’une
bonne partie du monde civil et religieux, notamment à l’intérieur
même de l'Église. Comme on le voit, le Prince de ce monde et
du mensonge n’aura pas mis longtemps à dégainer.
Dominique Bromberger bien plus finement remarquait dans son ‘regard sur le
monde’ en fin de journal, que si on cherchait une référence
en Benoit XV pour deviner le nouveau Benoit XVI on risquait fort de se tromper
: mieux valait penser à Benoit XIV Cardinal Lambertini au savoir encyclopédique
et à l’intelligence hors pair, et très ferme en dogmatique,
qui correspondait avec Voltaire et continua à la faire après
son élection. Tout comme en Janvier 2004 le Cardinal Ratzinger participait
à des débats avec Jürgen Habermas. « Benoit XVI continuera
le dialogue sans pour autant faire de concession sur les positions dogmatiques.
Les cardinaux de l’Église entière en fait donnent un message
avec cette élection : l’Eglise entend se recentrer en priorité
sur sa cohérence interne et la fortifier chez ses fidèles sans
pour autant renoncer aux dialogues déjà initiés »
concluait quasi littéralement D. Bromberger. Voilà qui sonne
nettement plus juste.
On voit bien la réaction grossièr entreprise pendant tout ce
20 avril par le pouvoir culturo-relieux dominant le monde public officiel
(?), et qui tente de distiller son fiel en s’imposant le premier dans l’atmosphère
publique, sachant que les rectifications viendront, quitte à se replier
au profit d’une extension plus discrète donc plus efficace par ses
relais dans la ‘base’ et la masse de ‘suiveurs’ qui absorbe sans recul les
campagnes médiatiques.
D’où l’importance de lire par soi même, sereinement, posément
les textes exacts et si possibles complets de Benoit XVI. En se rappelant
qu’il s’appelle Joseph Ratzinger.
Son langage est précis : ce n’est pas un idéologue manipulateurs
de mots mais un théologien qui aime les âmes en vrai pasteur.
Sa pensée est solide : ce n’est ni un chercheur poussiéreux
de grimoires ni un exalté qui a des idées géniales tous
les matins.
Son intention est droite : il ne travaille pour plaire à personne sinon
Dieu.
Si on n’oublie pas ces trois éminentes qualités, on se rendra
compte qu’il y a par exemple un vrai « Vatican II », celui auquel
se réfère Benoît XVI et un « Vatican II »
fictif des soi disants amis de la soi disant modernité, cette distinction
était même un thème constant du théologien Ratzinger
; de même il y a le « dialogue » de ceux qui renoncent à
être eux même et le « dialogue » réel en vue
du Salut, ce fut même un thème public du cardinal Ratzinger avant
la deuxième journée d’Assise. On pourrait multiplier les exemples.
Quelques exemples de réductions déformatrices déjà
répandue majoritairement dans la presse toute tendances confondues
méritent d’être cités :
D’aucuns ont résumé l’homélie du Pape en disant que LA
priorité qu’il avait énoncée était celle de l’œucuménisme
ou de l’unité pleine et visible des fidèles du Christ. Pourtant
il n’en parle qu’au cinquième point. Le plan suivi est fort instructif,
les ‘titres’ sont repris quasi tous à la lettre même du Pape
sinon de la l’esprit propre à chaque paragraphe indiqué :
1° Jean Paul II. L’héritage significatif aux yeux des hommes du
monde entier.
2° Unité nécessaire du collège des apôtres
dans la Foi de l'Église.
3° Actualité et permanence des Documents Conciliaires et fidèle
continuité à la tradition bimillénaire de l'Église
4° l’Eucharistie correctement célébrée et ‘aimée’
comme centre et source de l'Église.
5° Devant Dieu, Juge suprême de chacun, la nécessité
de travailler à l’unité pleine et visible de tous les disciples
du Christ
6° Dialoguer avec le monde pour faire resplendir en chacun la lumière
du Christ, seul Sauveur
7° Restez avec nous Seigneur ! Je Vous serai toujours fidèle
Avant de parler de l’unité visible à retrouver entre fidèles
du Christ, Benoît XVI commence par rappeler l’unité nécessaire
entre membres du Collège apostolique dont il est partie à un
titre unique : cela n’est pas anodin. Voyons donc ce premier point.
Certains ont compris que le Pape voulait « développer le gouvernement
collégial de l'Église ». Leurs désirs trouble leur
vue de la réalité : le mot « développer »
n’y est pas. Et le Pape rappelle posément , loin d’une collégialité
démocratico-politique rêvée par certains, qu’elle a été
définie souverainement par le Seigneur lui-même quand Il a consitué
les Douze. Il ne dit pas autre chose : il faut savoir au moins lire le texte
avec la finesse même dans laquelle il a été pensé
et écrit. La vraie collégialité surnaturelle ainsi transmise
par la Tradition de l'Église loin de justifier le « dissentiment
» implique au contraire un surcroît « d’unité dans
la foi » : et ces mots sont dans le texte. Loin des interprétations
faites par certains du Concile style « Credo à la carte »,
il y a là une réaffirmation magistrale de la collégialité-catholicité
non pas inventée, mais redéployée dans les Documents
Conciliaires comme dit Benoit XVI, ce qui est bien différent de «
selon l’esprit du concile » et qui par ailleurs inclut la « nota
prævia » imposée par Paul VI pour éviter l’hérésie
de la collégialité-démocratie qui a failli s’imposer.
Benoit XVI ne parle pas de Vatican II en général comme le laissent
penser les commentateurs du 20 avril. Il ne cite pas Vatican II comme un magma
flou, encore moins un ‘epsrit’ : il lui attribue une ‘grande autorité’
à laquelle il adjoint la « fidélité perpétuelle
à la tradition de deux mille ans de l'Église », et il
parle des « Documents Conciliaires ». En filigrane, la voie est
donc très ouverte pour, enfin dirons certains, donner le sens exact
des formules controversées de Vatican II, sens compatible avec la Tradition
en marche de l'Église depuis son Origine. L’affaire est donc à
suivre au lieu d’être classée si rapidement et surtout si unilatéralement,
manière qui correspond en fait à une volonté de pression
idéologique sur Benoit XVI. Mais depuis vingt ans le cardinal Ratzinger
connaît la musique…
Ce cinquième et non premier point qu’est l’unité pleine et visible
des Christifideles a des présupposés nécessaires explicitement
mentionnés dont celui de la conversion personnelle et intime de chacun
au Christ Vivant : ne pas le relever c’est détourner le texte de son
sens pour lui en faire dire un autre.
Quant aux « gestes forts » non précisés que le Pape
évoque, les « dictateurs relativistes » pourrait on dire
inclinent cette phrase dans deux sens, qui ne sont même pas dans le
texte quand on le lit in extenso : ? c’est une formule si platonique qu’elle
ne sera évidemment pas réalisée et donc Benoit XVI est
déjà décevant, ah ! ce conservateur est en plus bon stratège…
? d’autres y voient : ‘il s’est engagé à d’autres gestes forts
style Assise’ espérant relancer un processus de pressions dans les
mois futurs. En lisant ce que le Pape dit sans idée préconçue
on peut penser que les gestes appelés par le St Père seront
moins de l’ordre médiatiques (et donc récupérables) que
‘monastiques’ : de l’ordre de la conversion irremplaçable de chaque
âme avec Dieu … D’ailleurs le texte latin, seul texte original qualifié
de tel par le site du St Siège, ne dit pas comme la version italienne
officille et les libres traductions françaises, des « gestes
concrets » mais des « œuvres solides ». Il y a entre les
deux tout un monde. Les ‘effets Télé’ espérés
par certains ne semblent pas encore de mise.
On pourra aussi noter que l’engagement du Pape à promouvoir tout effort
pour l’unité pleine et visible des chrétiens (expression très
précise aussi) est précisée : dans la mesure où
lui trouvera ces initiatives « opportunes ». Détail… opportun.
Il est symptomatique que personne jusqu’ici n’ait relevé que le cœur
de cette homélie soit consacré à la nécessité
de l’Eucharistie et de sa célébration correcte, et (jusqu’à
plus ample informé) c’est la première fois qu’un Pape dans son
discours inaugural recommande aux prêtres de dire la messe tous les
jours et à tous les fidèles d’exprimer de manière courageuse
et claire la foi dans la Présence Réelle au Saint Sacrement
! On notera aussi que le passage consacré à Vatican II précise
« dans la fidélité à la tradition bimillénaire
de l'Église » : normalement un concile apporte une lumière
qui éclaire davantage la tradition qui le précède. Ici,
c’est le concile Vatican qui a besoin de la voie de la tradition bimillénaire
: il est énorme que cela ne soit pas relevé. Pour saisir ce
texte dans son sens vrai, il mérite d’être lu en entier et méditer
lentement, loin des commentaires, et en quasi prière. ?
TEXTE DU PREMIER MESSAGE DE BENOIT XVI
Traduction faite sur la version italienne officielle avec quelques correctifs
apportés par l’abbé Tinotti d’après l’original latin,
langue utilisée par le St Père.
1. "Grâce et paix en abondance sur vous tous ! En ces heures, deux
sentiments contrastés cohabitent en nous. D'une part un sentiment d'inadéquation
et de tourment humain pour la responsabilité qui nous a été
confiée hier, comme successeur de l'apôtre Pierre à ce
Siège de Rome, pour l'Église universelle. D'autre part, nous
ressentons une profonde gratitude envers Dieu, qui - comme il nous le fait
chanter au cours de cette liturgie - n'abandonne pas son troupeau, mais le
conduit à travers les temps, guidé par ceux que Lui-même
a élu vicaires de son Fils et a constitué pasteurs.
"Très chers frères, cette intime reconnaissance pour un
don de la divine miséricorde l'emporte malgré tout dans notre
cœur. Et nous considèrons cela comme une grâce spéciale
obtenue de notre vénéré prédécesseur, Jean
Paul II. Nous avons l'impression de sentir sa forte main qui serre la nôtre.
Nous avons l'impression de voir ses yeux souriants et d'entendre ses mots,
qui nous sont particulièrement destinés en ce moment : N'aie
pas peur!
“La mort du Pape Jean Paul II, et les jours qui ont suivis, ont été
pour l'Église et le monde entier un extraordinaire temps de grâce.
La grande douleur de sa disparition et le sens de vide qu'il a laissé
chez tous sont tempérés par l'action du Christ ressuscité,
qui s'est manifestée pendant de longues journées dans l'unanime
vague de Foi, d'amour et de solidarité spirituelle qui a eu son point
culminant lors de ses obsèques solennelles.
"Nous pouvons le dire, les funérailles de Jean Paul II ont été
une expérience vraiment extraordinaire au cours de laquelle on a perçu
la puissance de Dieu qui, à travers son Église, veut faire de
tous les peuples une grande famille, par la force unificatrice de la Vérité
et de l'Amour. À l'heure de la mort, à l'image de son Maître
et Seigneur, Jean Paul II a couronné son long et fécond pontificat,
confirmant le peuple chrétien dans la Foi, le réunissant autour
de lui et faisant sentir toute la famille humaine plus unie.
"Comment ne pas se sentir soutenu par ce témoignage ? Comment
ne pas ressentir l'encouragement qui provient de cet événement
de grâce ?
2. "À la grande surprise de toutes nos prévisions, la divine
Providence, par le vote des vénérables Pères cardinaux,
nous a appelé à succéder à ce grand pape. En ces
heures, je repense à ce qui s'est passé dans la région
de Césarée de Philippe, il y a plus de deux mille ans. Nous
avons l'impression d'entendre les mots de Pierre : Tu es le Christ, le Fils
du Dieu vivant, et l'affirmation solennelle du Seigneur : Tu es Pierre et
sur cette pierre je bâtirai mon Église... Je te donnerai les
clés du royaume des cieux.
"Tu es le Christ! Tu es Pierre! Nous avons l'impression de revivre la
même scène évangélique. Nous, Successeur de Pierre,
nous répétons avec anxiété les paroles inquiètes
du pêcheur de Galilée et de nouveau nous écoutons avec
une intime émotion la promesse rassurante du divin Maître. Si
le poids de la responsabilité qui se reverse sur nos pauvres épaules
est énorme, la puissance divine sur laquelle nous pouvons compter est
certainement démesurée : Tu es Pierre et sur cette pierre je
bâtirai mon Église. En nous choisissant comme évêque
de Rome, le Seigneur a voulu que nous soyons son vicaire, il a voulu que nous
soyons la “pierre” sur laquelle tous peuvent s'appuyer en sécurité.
Nous Lui demandons de suppléer la pauvreté de nos forces, pour
que nous soyons le courageux et fidèle Pasteur de son troupeau, toujours
docile aux inspirations de son Esprit.
"Nous nous apprêtons à entreprendre ce ministère
particulier, le ministère “pétrinien” au service de l'Église
universelle, nous abandonnant humblement dans les mains de la providence de
Dieu. Et c'est avant tout au Christ que nous renouvelons notre totale et confiante
adhésion : In Te, Domine, speravi. Non confundar in Aeternum !
"À vous, Messieurs les Cardinaux, avec une âme reconnaissante
pour la confiance que vous nous avez démontrée, nous vous demandons
de nous soutenir par la prière et la collaboration constante, active
et sage. Nous demandons également à tous les frères de
l'épiscopat de nous être proches par la prière et le conseil,
afin que nous puissions vraiment être le Servus Servorum Dei. À
l'image de Pierre et des autres apôtres qui ont constitué sur
la volonté du Seigneur un unique Collège apostolique, de même
le successeur de Pierre et les Évêques, successeurs des Apôtres,
- le Concile l'a redit avec force - doivent être étroitement
unis entre eux. Cette communion collégiale, bien que dans la diversité
des rôles et des fonctions du pontife romain et des évêques,
est au service de l'Église et de l'unité dans la foi, de laquelle
dépend en grande partie l'efficacité de l'action évangélisatrice
du monde contemporain. C'est donc dans cette voie, dans laquelle ont avancé
nos vénérables prédécesseurs, que nous entendons
avancer nous aussi, seulement préoccupé de proclamer au monde
entier la présence vivante du Christ.
3. "Nous avons en particulier devant nous le témoignage de Jean
Paul II, qui a laissé une Église plus courageuse, plus libre,
plus jeune. Une Église qui, selon son enseignement et son exemple,
regarde avec sérénité le passé et qui n'a pas
peur de l'avenir. Le Grand Jubilé l'a introduite dans le nouveau millénaire
portant dans ses mains l'Evangile, donné au monde actuel par une lecture
renouvelée avec la grande autorité du Concile Vatican II. Justement
Jean Paul II a conseillé de prendre le Concile comme “boussole” pour
s'orienter dans le vaste océan du troisième millénaire.
Il a écrit également dans son testament spirituel : “Je suis
convaincu que pendant de longues années encore, les nouvelles générations
puiseront dans les richesses que ce concile du XXe siècle nous a accordées."
Nous voulons donc, nous aussi, au moment d'entreprendre ce service de Successeur
de Pierre, décarer notre volonté ferme et certaine de continuer
l’exécution du concile Vat II sur les traces de nos prédécesseurs
et dans la fidèle continuité avec la tradition bimillénaire
de l'Église. Justement cette année, on fêtera le quarantième
anniversaire de la conclusion de ces assises conciliaires (8 décembre
1965). Les années passant, les Documents Conciliaires restent d'actualité,
leurs enseignements se révèlent particulièrement pertinents
pour les nouvelles instances de l'Église et la société
devenue globale actuelle.
4. "Il est significatif que notre pontificat s'ouvre tandis que l'Église
vit l'Année de l'Eucharistie. Comment ne pas voir dans cette coïncidence
providentielle un élément qui doit caractériser le ministère
auquel nous sommes appelés ? Cœur de la vie chrétienne et source
de la mission évangélisatrice de l'Église, l'Eucharistie
ne peut être que le cœur du service pétrinien qui nous a été
confié.
"L'Eucharistie rend permanente la présence du Christ ressuscité,
qui continue de se donner à nous et nous appelle à prendre part
au banquet de son Corps et de son Sang. De la pleine communion avec lui découlent
tous les autres éléments de la vie de l'Église, avant
tout la communion entre tous les fidèles, puis l'engagement à
annoncer et à témoigner de l'Évangile, l'ardeur de la
charité envers tous, vers les pauvres et les petits tout spécialement.
"C'est pourquoi cette année la Solennité du Corpus Domini
devra être célébrée avec un relief tout particulier.
Et l'Eucharistie sera également au cœur de la Journée mondiale
de la jeunesse en août à Cologne et du synode des évêques
qui se réunira en octobre autour du thème: 'L'Eucharistie, source
et sommet de la vie et de la mission de l'Église'. Nous demandons à
tous d'intensifier ces mois à venir l'amour et la dévotion envers
Jésus-Eucharistie en exprimant de façon décidée
et claire la foi en la présence réelle du Seigneur, par la solennité
et la rectitude de sa célébration.
"Nous le demandons de façon particulière aux prêtres,
auxquels nous pensons en ce moment avec une grande affection. Le sacerdoce
ministériel est né au Cénacle avec l'Eucharistie, comme
l'a rappelé tant de fois notre vénérable prédécesseur
Jean Paul II. La vie sacerdotale doit avoir avant tout une forme eucharistique,
a-t-il écrit dans sa dernière Lettre du Jeudi Saint. L'impeccable
célébration de la messe quotidienne, cœur de la vie et de la
mission de tout prêtre, doit y contribuer fortement.
5. "Alimentés et soutenus par l'Eucharistie, les catholiques ne
peuvent que se sentir stimulés à la pleine unité que
le Christ a ardemment souhaité au Cénacle. De ce lien suprême
avec le Divin Maître, le Successeur de Pierre doit se charger tout particulièrement
car c'est à lui qu'a été confié le rôle
de confirmer les frères dans la Foi.
"A l'aube de notre ministère dans l'Église de Rome, que
Pierre a marqué de son sang, c'est avec grande conscience que le nouveau
Pape s'engage fortement à oeuvrer sans relâche ni économie
d'énergie à reconstituer la pleine et visible unité de
tous les fidèles du Christ. Telle est son ambition, le devoir urgent
qui l'appelle. Il est conscient que les déclarations de bonnes intentions
ne suffisent pas. Des œuvres solides sont demandées, qui entrent dans
les esprits et qui meuvent les consciences, poussant chacun à la conversion
intérieure qui est le fondement de tout progrès sur le chemin
de l’Œcumenisme.
"Le dialogue théologique est nécessaire. L'approfondissement
de la motivation historique des choix faits par le passé est tout aussi
indispensable. Mais la priorité est bel et bien la purification de
la mémoire, si souvent évoquée par Jean-Paul II, qui
seule peut disposer les âmes à accueillir la plénitude
de la vérité du Christ. Devant lui, Juge suprême de tout
être, face à qui chacun de nous doit se placer dans la perspective
de devoir lui rendre un jour compte de ce qu'il a fait ou non envers l'unité
de ses disciples.
"L'actuel Successeur de Pierre se laisse personnellement interpeller
par cette question, prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir
pour faire avancer la cause fondamentale de l'œcuménisme. À
la suite de ses prédécesseurs, il est tout à fait déterminé
à cultiver toute initiative pouvant se présenter comme opportune
pour développer contacts et ententes avec les représentants
des diverses Églises et communautés chrétiennes. En cette
occasion, il leur adresse un salut cordial dans le Christ, l'unique Seigneur.
6. "En ce moment, nous revient à l'esprit l'expérience
inoubliable que nous avons tous vécue lors de la mort et des funérailles
de Jean-Paul II. Autour de son cercueil posé à terre, les chefs
d'État et des personnes de tout horizon, de nombreux jeunes aussi,
se sont inclinés dans un mouvement d'affection et d'admiration. Le
monde tout entier avait confiance en lui et beaucoup ont estimé que
cette intense émotion, amplifiée et diffusé de par le
monde par les médias, a exprimé un appel à l'aide adressé
au Pape par l'humanité, par une humanité tourmentée par
l'incertitude et la crainte, qui s'interroge sur son destin.
"L'Église doit aujourd'hui raviver en elle la conscience de sa
mission, qui est de re-proposer au monde la voix de celui qui a dit : “Je
suis la lumière du monde. Qui marchera à ma suite ne sera plus
dans les ténèbres, et recevra la lumière de la vie.”
En inaugurant son ministère, le nouveau pape sait que son devoir est
de faire resplendir devant les femmes et les hommes la lumière du Christ,
non la sienne mais celle du Christ.
"C'est avec cet engagement que nous nous adressons à vous tous,
y compris à ceux qui adhérent à d'autres religions ou
simplement sont à la recherche d'une réponse aux questions fondamentales
de la vie, et qui ne l'ont toujours pas trouvée. Avec simplicité,
avec affection, nous voulons vous assurer que l'Église entend poursuivre
avec eux un dialogue ouvert et sincère, à la recherche du véritable
bien de l'homme et de la société.
"Nous demandons à Dieu de donner l'unité et la paix à
la famille humaine et déclarons la disponibilité de tous les
catholiques à collaborer à un réel développement
social, dans le respect de la dignité de tout être humain.
"Nous n’écarterons aucun effort ou application à poursuivre
le dialogue prometteur engagé de mes prédécesseurs avec
les divers courants de civilisation, de manière aussi qu'une compréhension
partagée dégage les conditions d'un avenir commun meilleur.
"Tout particulièrement, nous pensons aux jeunes. Toute notre affection
est acquise à ces interlocuteurs privilégiés de Jean-Paul
II, dans l'attente si Dieu le veut de les rencontrer prochainement à
Cologne. Nous continuerons à dialoguer avec vous, chers jeunes, qui
êtes l'avenir et l'espérance de l'Église et de l'humanité.
Nous écouteronsi vos attentes de manière à pouvoir vous
aider à rencontrer toujours plus profondément le Christ vivant,
éternellement jeune.
7. "Mane Nobiscum Domine! L'invocation dominante de la Lettre apostolique
de Jean-Paul II pour l'Année eucharistique est la prière qui
s'échappe naturellement de notre cœur tandis que nous entreprenons
le ministère auquel le Christ nous a appelé. À la suite
de Pierre, c'est à lui que nous renouvelons notre promesse de fidélité
absolue. C'est lui seul que nous entendons servir, en nous consacrant totalement
au service de son Église".
"Nous invoquons la maternelle intercession de Marie pour soutenir cet
engagement. Dans ses mains nous plaçons notre présent et notre
avenir, ceux aussi de l'Église. Puissent aussi les saints Apôtres
Pierre et Paul, et tous les saints, intercéder pour nous.
"Vénérés frères cardinaux, c'est rempli de
ces sentiments que nous adressons à vous une bénédiction
affectueuse, ainsi qu'à tous ceux qui assistent à cette messe
ou la suivent par la radio et la télévision." Benoît
pp XVI
Message lu en latin à l'issue de la messe concélébrée
ce 20 avril au matin en la Chapelle Sixtine avec le Sacré Collège.
Original latin
Venerabiles Fratres Nostri,
dilectissimi Fratres ac Sorores in Christo,
vos universi homines bonae voluntatis!
1. Gratia copiosa et pax vobis! (cfr 1 Pt 1,2). Duo animum Nostrum discordes
sensus hoc tempore una simul subeunt. Nam ex una parte humano turbamento perfundimur
et impares Nos sentimus officio hesterno die Nobis commisso, Successoribus
scilicet Petri Apostoli hac in Romana Sede, coram universali Ecclesia. Ex
altera autem parte magnopere animum gratum esse Deo patefaciendum animadvertimus,
qui - sicut in sacra liturgia canimus - gregem suum non deserit sed eundem
per temporum vices ducit, iis agentibus quos ipse Filii sui vicarios elegit
constituitque pastores (cfr Praefatio I de Apostolis).
Dilectissimi, intimus animi grati sensus propter divinae misericordiae donum
in corde Nostro praeter omnia antistat. Et id arbitramur gratiam esse peculiarem,
quam Decessor Noster, recolendae memoriae, Ioannes Paulus Secundus Nobis tribuit.
Eius videmur firmam persentire manum, quae Nostram perstringit; subridentes
Nobis videmur eius oculos contueri eiusque verba audire, Nobis peculiari hoc
momento destinata: “Noli timere!”.
Summi Pontificis Ioannis Pauli Secundi obitus, et subsequentes dies, pro Ecclesia
mundoque insigne fuerunt gratiae tempus. Magnus dolor ob eius excessum et
vacui sensus in omnibus relictus Christi resuscitati opera extenuantur, quae
per concordem fidei, amoris et spiritalis solidarietatis effusionem, exsequiarum
sollemnium attingentis fastigium, diuturno hoc tempore est patefacta.
Id quidem dicere possumus: Ioannis Pauli Secundi funus experientia fuit revera
unica ubi quodammodo potentiae Dei percepta est per ipsius Ecclesiam quae
cunctos populos magnam familiam efficere vult, per coniungentem virtutem Veritatis
atque Amoris (cfr Lumen Gentium,
1). Mortis hora, suo Magistro Dominoque figuratus, Ioannes Paulus Secundus
suum diuturnum frugiferumque Pontificatum extulit, in fide christianum populum
confirmans, eundem circum se congregans atque efficiens ut universa hominum
familia coniunctiorem se esse sentiret. Nonne hac testificatione Nos sustentari
sentimus? Nonne incitamentum, quod ex eventu hoc manat, animadvertimus?
2. Omnem Nostram praeveniens exspectationem, Providentia divina per Venerabilium
Patrum Cardinalium suffragia Nos, ut huic magno Pontifici succederemus, vocavit.
Hoc tempore mentem Nostram ad id convertimus quod abhinc duo milia annorum
in partibus accidit Caesareae Philippi. Petri verba audire videmur: “Tu es
Christus, Filius Dei vivi” itemque Domini sollemnem confirmationem: “Tu es
Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam ... Tibi dabo claves
regni caelorum” (Mt 16, 15-19).
Tu es Christus! Tu es Petrus! Eandem evangelicam scaenam rursus experiri videmur;
Nos Petri Successores, trepidantes Galilaeae piscatoris trepidantia verba
iteramus atque intima quadam animi affectione roborantem divini Magistri promissionem
rursus audimus. Si permagnum est muneris onus, quod debilibus umeris Nostris
imponitur, procul dubio immensa est divina potentia qua inniti possumus: “Tu
es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam” (Mt 16,18). Romae
Episcopum Nos eligens, suum Vicarium Nos voluit Dominus, “petram” Nos voluit,
in qua securi omnes sistere possint. Eum nimirum rogamus ut Nostrarum virium
egestati subveniat, ut animosi simus et fideles eius gregis Pastores, usque
Spiritui inspiranti obsequentes.
Hoc peculiare ministerium sumus ingressuri, ministerium scilicet ‘petrinum’,
universali Ecclesiae destinatum, humiliter Dei Providentiae manibus Nos permittentes.
Ante omnia Christo Nostram totam fidentemque adhaesionem renovamus: “In Te,
Domine, speravi; non confundar in aeternum!”.
Ex vobis, Venerabiles Cardinales Fratres, grato animo ob Nobis significatam
fiduciam quaerimus ut Nos precatione necnon constanti, actuosa prudentique
cooperatione sustentetis. Ab omnibus quoque in Episcopatu Fratribus flagitamus
ut precatione et consilio Nobis adsint, ut Servus servorum Dei vere simus.
Quemadmodum Petrus ceterique Apostoli Domini voluntate unum efformarunt Collegium
apostolicum, eodem quidem modo Petri Successor et Episcopi, Apostolorum successores,
- id Concilium firmiter confirmavit (cfr Lumen gentium, 22) -, inter se arte
coniuncti esse debent. Collegialis haec communio, licet diversa sint munera
officiaque Romani Pontificis et Episcoporum, Ecclesiae et unitati in fide
omnium credentium inservit, unde maximam partem pendet in huius temporis mundo
evangelizationis operae efficacitas. Hanc eandem semitam, in qua Venerabiles
Decessores Nostri ambularunt, calcare quoque Nos volumus, universo mundo praesentiae
vivae Christi de proclamatione tantummodo solliciti.
3. Nostros ante oculos Ioannis Pauli Secundi Pontificis potissimum obversatur
testimonium. Animosiorem, liberiorem iunioremque Ecclesiam relinquit, Ecclesiam
scilicet quandam quae, ad eiusdem doctrinam et exemplum, tranquille praeteritum
tempus contuetur quaeque futurum aevum haud timet. Per Magnum Iubilaeum ea
in novum est ingressa millennium gerens manibus suis Evangelium directum ad
hodiernum orbem per iteratam lectionem magna cum auctoritate Concilii Vaticani
Secundi. Iustissima quidem de causa Pontifex Ioannes Paulus Secundus Ecclesiae
in Concilio illo demonstravit indicem seu ut dicitur quasi “nauticam pyxidem”,
qua in vasto mari tertii millennii dirigeretur (cfr Litt. Ap. Novo millennio
ineunte, 57-58). In suo spiritali quoque Testamento scripsit: “Persuasum mihi
habeo advenientes homines diutius etiam quaedam sumpturos ex divitiis illis
quas hoc Concilium saeculi vicesimi nobis est elargitum” (17.III.200).
Nos quoque propterea munus ingredientes quod est proprium Successoris Petri,
firmam certamque voluntatem declarare volumus Concilii Vaticani Secundi continuandi
exsecutionem, Praegredientibus Decessoribus Nostris, atque in fideli perpetuitate
duorum milium annorum Ecclesiae traditionis. Hoc ipso anno conciliaris congressionis
conclusae recoletur memoria anniversaria quadragesima (die octavo mensis Decembris
anno millesimo nongentesimo sexagesimo quinto). Annorum decursu Concilii Documenta
hodierni temporis haud amiserunt vim; immo eorum doctrina pro novis Ecclesiae
praesentisque societatis globalizatae, ut aiunt, postulationibus admodum evadit
apta.
4. Quadam cum significatione Noster Pontificatus incohatur, dum peculiarem
Annum Eucharistiae dicatum vivit Ecclesia. Nonne provida in haec temporum
convenientia indicium quoddam est percipiendum, quod ministerium notare debet
cui sumus vocati? Eucharistia, vitae christianae cor ac Ecclesiae evangelizantis
fons, necessario permanentem mediamque partem constituit et fontem petrini
ministerii, Nobis commissi.
Eucharistia continenter Christum resuscitatum efficit praesentem, qui nobis
pergit se tradere, nos vocans sui Corporis Sanguinisque ad mensam communicandam.
Ex eius plena communione aliud quiddam Ecclesiae vitae oritur, communio videlicet
in primis inter omnes Christifideles, nuntiandi Evangeliique testificandi
munus, in omnes, potissimum in pauperes parvulosque, caritatis ardor.
Hoc anno idcirco singulari modo celebranda erit Sollemnitas Corporis Domini.
Praeterea media pars Eucharistiae erit mense Augusto in Die Mundiali Iuventutis
Coloniae et mense Octobri in Coetu Ordinario Synodi Episcoporum quae versabitur
in argumento: “Eucharistia vitae ac missionis Ecclesiae fons et culmen”. Ab
omnibus propterea rogamus ut proximis mensibus amorem pietatemque erga Iesum
in Eucharistia multiplicent ac fortiter et luculenter fidem suam declarent
in realem Domini praesentiam, imprimis per sollemnitatem et rectitudinem celebrationum.
Id peculiarem in modum a Sacedotibus postulamus, quibus nunc magnus Nostri
animi affectus dirigitur. Sacerdotium quippe ministeriale in Cenaculo una
cum Eucharistia enatum est, quemadmodum saepenumero confirmavit Decessor Noster
Ioannes Paulus Secundus, veneratae memoriae. “Sacerdotalis exsistentia peculiari
titulo «eucharistiam formam» habere debet”: sic in novissima Epistula
in Feria V in Cena Domini scripsit (n.1). Ad id propositum multum confert
ante omnia celebratio quotidie devota sacrificii eucharistici, quod est veluti
centrum vitae ac missionis cuiusque sacerdotis.
5. Nutriti atque sustentati Eucharistia ipsa catholici necessario se impelli
sentiunt ad plenam illam unitatem quam in Cenaculo Christus tam vehementer
exoptavit. Petri itaque Successor se debere novit recipere hoc supremum Magistri
Divini desiderium in se et quidem peculiari modo.
Etenim officium illi est concreditum confirmandi fratres (cfr Lc 22,32).
Plena propterea conscientia ineunte ministerio suo intra Ecclesiam Romanam
quam Petrus suo irrigavit sanguine, hodiernus ipsius Successor accipit tamquam
primarium quoddam munus ut laboribus nihil parcens det operam restituendae
plenae visibilique unitati omnium Christi discipulorum. Haec est eius voluntas,
hoc ipsius etiam obstringens officium. Sibi enim conscius est, ut hoc obtineatur,
non sufficere bonorum sensuum declarationes. Solida opera postulantur quae
animos penetrent atque conscientias excitent, unumquemque ad illam interiorem
conversionem permoventia quae est fundamentum omnium progressum in oecumenismi
via.
Pernecessarius est dialogus theologicus pariterque poscitur investigatio causarum
historicarum in quibusdam consiliis iam pridem captis. Magis tamen urget illa
“memoriae purgatio” totiens a Ioanne Paulo Secundo commemorata, quae sola
homines disponere potest ad plenam Christi veritatem. Coram eo, Supremo videlicet
Iudice omnium viventium, quisque nostrum sistere debet conscius se aliquando
rationem reddere ei debere omnium quae fecerit et omiserit de permagno bono
plenae et visibilis unitatis omnium eius discipulorum.
Hic Petri Successor illa interrogatione patitur se etiam in prima persona
interpellari paratusque est ad ea omnia efficienda quae potuerit ut principalem
oecumenismi causam promoveat. Decessorum suorum vestigiis ingressus plane
provehere in animo habet omne inceptum quod opportunum videri possit ad consortium
et consensum adiuvandum cum diversarum Ecclesiarum et Communitatum ecclesialium
legatis. Ad eos immo vero etiam hac data opportunitate fervidissimam suam
mittit in Christo unico Domino universorum salutationem.
6. Hoc temporis momento repetimus nostra memoria inestinguibilem experientiam
quam omnes habuimus in morte et exsequiis Pontificis complorati Ioannis Pauli
Secundi. Circa exuvias mortales eius in nuda terra repositas Capita Nationum
conglobata sunt, homines cuiusvis socialis ordinis ac praesertim iuvenes in
memorabili affectus et admirationis amplexu. Fidens ad illum respexit orbis
totus. Multis quidem visa est haec intenta communicatio, propagata usque ad
orbis fines per communicationis socialis instrumenta veluti chorus ad Pontificem
directus et auxilium expetens pro hominibus nostri temporis qui dubiis timoribusque
conturbati sua interrogant de aetate ventura.
Ecclesia horum dierum in se conscientiam renovare debet sui officii hominibus
iterandi vocem eius qui dixit: “Ego sum lux mundi; qui sequitur me, non ambulabit
in tenebris, sed habebit lucem vitae” (Io 8,12). Suum ideo ministerium suscipiens
Pontifex novus probe intellegit opus suum esse ut refulgere sinat coram viris
ac mulieribus hodiernis Christi lucem: non suam, verum Christi ipsius lucem.
Haec omnia cogitantes appellamus omnes, etiam illos qui alias sequuntur religiones
vel qui solummodo responsionem conquirunt interrogationi fundamentali de exsistentia
humana necdum eam invenerunt. Simpliciter atque amanter omnes alloquimur ut
iis confirmemus Ecclesiam velle cum illis dialogum apertum sincerumque componere
dum verum quaeritur hominis ac societatis bonum.
A Deo flagitamus unitatem ac pacem hominum familiae et declaramus catholicos
omnes paratos esse ad operam adiutricem suam conferendam in verum progressum
socialem qui dignitatem omnis hominis revereatur.
Viribus Nostris non parcemus neque studiis ut magnae spei dialogum prosequamur
a Nostris Venerabilibus Decessoribus incohatum cum diversis culturis ut ex
mutua comprehensione condiciones melioris venturi temporis omnibus oriantur.
Nominatim cogitamus adulescentes. Ad eos qui fuerunt interlocutores praecipui
Pontificis Ioannis Pauli Secundi extenditur peramanter amplexio Nostra, cum
exspectamus, si placuerit Deo, dum eos Coloniae conveniamus proximo nempe
Mundiali Iuventutis Die. Vobiscum - carissimi adulescentes - qui estis futura
aetas et Ecclesiae totiusque mundi spes, pergemus colloqui et exspectationes
vestras exaudire unde possimus adiuvare vos ad altius usque Christum viventem
cognoscendum qui sempiternus est Iuvenis.
7. Mane nobiscum, Domine! Invocatio haec, quae argumentum principale efficit
Epistulae Apostolicae Ioannis Pauli Secundi pro Eucharistiae Anno, est etiam
precatio quae sua sponte Nostro surget ex animo, dum comparamus Nos ad ministerium
illud incipiendum in quod Christus Nos advocavit. Ei Nos, sicut Petrus, quoque
fidelitatem Nostram sine ulla condicione promissam renovamus. Ei uni servire
cogitamus Nosque totos eius Ecclesiae ministerio devovere.
Ut haec suffulciatur promissio maternam deprecationem Mariae Sanctissimae
invocamus, cuius in manibus tum praesens tum futurum tempus Personae Nostrae
atque Ecclesiae reponimus. Intercedant deprecatione pariter sua sancti Apostoli
Petrus et Paulus, ceterique caelites universi.
His cum affectibus vobis, Venerabiles Cardinales Fratres, singulis qui huius
ritus sunt participes nec non omnibus qui per televisionem et radiophonium
sequuntur, amantem Nostram Benedictionem impertimur.
[00466-07.01] [Testo originale: Latino] ?