« Les
Nouvelles
de
Chrétienté »
n°5
Le
24 octobre 1998, je déposais personnellement dans les mains du cardinal Ratzinger, aujourd’hui
Benoît XVI, un pli contenant un
« plaidoyer pour Mgr Lefebvre ».
C’était
à l’occasion du pèlerinage à Rome des communautés relevant de la commission pontificale
« Eccclesia Dei (Adflicta) ». Nos amis y étaient venus dire au Pape Jean-Paul II, leur action de
grâces pour l’attention que Sa Sainteté avait manifestée en demandant que leur
« sensibilité » religieuse soit mieux respectée.
Je
m’y étais joint.
Le
cardinal Ratzinger étant de venu Benoît XVI, il me plait aujourd’hui d’en redonner le texte.
En
matière liturgique, et plus particulièrement sur la réforme liturgique issue du
Concile Vatican II, sur le « Novus
Ordo Missae », il y a entre la pensée du cardinal Ratzinger et de
Mgr Lefebvre, bien des ressemblances.( Cf. Item, Regard sur le monde. N° 40) Il
ne faut pas craindre de le faire remarquer. C’est le point essentiel de mon
argumentation.
Persuadé
qu’ « en matière de liturgie, de réaffirmation du rite et du sacré,
il ira vite »…comme le dit Vittorio
Messori, il me semble heureux de vous redonner ce texte à lire.
Réaffirmer
le droit du rite ancien, du rite dit de Saint Pie V ne peut aller sans une réhabilitation de la
personne de Mgr Lefebvre… Comment cela se fera-t-il, je ne le sais…Mais cela se
fera. Il faudra rendre un jour justice à ce prélat. C’est nécessaire…
Plaidoyer pour Mg Lefebvre
aujourd’hui Benoît XVI
« Eminence,
« Très Saint
Père ».
Permettez-moi de m’adresser à
vous en toute simplicité de cœur, en toute loyauté, dans un esprit filial.
Permettez-moi de vous
exprimer mon étonnement, ma surprise, mon inquiétude… de cette manière, dans
une lettre ouverte.
Le procédé n’est peut-être pas très élégant…Je ne peux faire autrement, ce me
semble.
Je voudrais bien aller vous
voir, m’entretenir avec vous, discuter, parler de ce que j’ai sur le cœur – ce
sera l’objet de cette lettre – mais je crains de ne pas être reçu, et par vous
et par vos services. Je crains d’être pour
vous et votre dicastère, un « ami importun ». Un ami, je ne
sais. Importun certainement.
Je parle un peu d’expérience. Je me suis récemment
adressé à son Eminence le cardinal Cassidy, préfet de la « Commission pour
les relations religieuses avec le Judaïsme ».
J’avais en effet été
surpris de sa présence à une cérémonie de la liturgie hébraïque – à la fête des
lumières –, cérémonie de l’Ancien Testament, célébrée, le 23 décembre 1997, au
Vatican même. Il était assisté de Mgr Tauran.
Cette cérémonie de l’Ancien
Testament célébrée au Vatican m’avait choqué.
Je me souvenais de la
doctrine que les bons pères jésuites de
Je me souvenais de la
question que se posait saint Thomas : « Est-ce un péché mortel
d’observer les préceptes cérémoniels (de l’Ancien Testament) après le
Christ ? »
J’ai repris le texte. Je
l’ai lu. J’ai essayé d’en comprendre le sens. Est-ce un péché mortel d’observer
les cérémonies religieuses de l’Ancien
Testament, alors que le Christ, le Messie annoncé et préfiguré de milles
manières dans l’Ancien Testament, est
déjà venu, est mort et ressuscité conformément aux Ecritures et qu’il donna
l’ordre aux Apôtres d’annoncer
A cette question, Saint
Thomas répond clairement :
« Si donc aujourd’hui, il y aurait péché mortel à professer sa foi
en disant le Christ va naître, ce qui, dans la bouche des Anciens (les
Patriarches, les Prophètes…) n’était que piété et vérité, de même on pécherait
mortellement si l’on pratiquait, aujourd’hui, les observances cérémonielles où
s’exprimaient la piété et la foi des anciens ».
Cette réponse de Saint
Thomas éclairait sérieusement l’acte du cardinal…
Tout cela m’interpella,
Eminence.
J’écrivis un article dans
le bulletin Saint Jean Eudes, de Janvier 1998, sur ce sujet. J’ai du même vous l’envoyer…Je l’ai envoyé au
cardinal Cassidy avec une lettre lui exposant mon étonnement devant ce geste.
Vous trouverez cette lettre du 8 janvier jointe à ce courrier.
Ne recevant pas de
réponse et craignant que ma lettre se soit égarée – les postes italiennes,
parait-il, ne sont pas sûres – j’ai renouvelé mon envoi début avril. Le 20 mai,
je recevais enfin une réponse de son secrétaire , le R.P. Remi Hoeckman, un dominicain. Il me renvoyait à
l’O.R. du 25 décembre 1997. « Vous trouverez dans l’Osservatore Romano, du
25 décembre, une réponse à votre question ».
Point. C’est tout.
Avouez, Eminence, que
c’était peu. Quel dialogue !
Comme la question me
semblait d’importance, j’ai cherché l’Osservatore Romano, du 25 Décembre 1997.
J’ai téléphoné à Monsieur l’abbé Simoulin, à Albano. Par fax, il m’adressait le
texte. De fait, l’Osservatore Romano
parlait bien de cette cérémonie – un petit chapeau de présentation en
italien et les deux allocutions du Cardinal Cassidy et de Mgr Tauran, en anglais.
Je me le fis traduire, mon anglais n’étant pas très bon, pour en bien
comprendre le sens. Ces allocutions confirment bien la présence de ces deux
hautes personnalités à cette liturgie.
Mgr Cassidy
déclarait : « C’est pour moi un
honneur et un privilège insigne – ce n’est pas peu dire ! – que de
participer à cette cérémonie très significative…En réponse à l’invitation qui
lui a été adressée, Sa Sainteté, le pape Jean-Paul II, m’a demandé d’allumer,
en son nom, la première bougie pour la fête juive de
C’est clair.
Mgr Tauran, quant à lui,
était aussi formel. Il précisait même avoir participé à une telle liturgie déjà
en 1995 : « Le 17 décembre 1995, lors de ma visite officielle en
Israël, j’ai eu l’honneur de prendre part à l’allumage de la première chandelle
de Hannukkah ».
Il laissait même entendre
qu’une telle participation en appelait d’autres, à l’avenir.
« A cette première
chandelle d’Hannakkah, se joindront d’autres dans les jours à venir ».
Est-ce l’annonce de la
fête liturgique du Mont Sinaï en l’an 2000 ? C’est probable.
Le titre même de
l’ « Osservatore Romano » ne laissait, du reste, aucun doute sur
la participation de ces personnages à cette cérémonie ainsi que sur son
sens : « Celebrato in Vaticano l’inizio della festa ebraica della
Chanuka ».
L’article de
l’ « Osservatore Romano » nous apprenait : les
circonstances historiques de cette fête des Lumières - ce que la presse française ne faisait
pas- . C’était pour célébrer le « 50ème anniversaire de
Cette précision
historique, Eminence, pour importante qu’elle soit, n’est pas de nature à
modifier le sens de l’acte liturgique auquel ces prélats ont pris part. Nous y
reviendrons…
Je demandais – vous le
voyez, Eminence - bien légitimement des explications au cardinal Cassidy. Il me
renvoyait tout simplement à l’ Osservatore Romano » qui ne me donnait
aucune explication tout en me fournissant des renseignements précieux…
Avouez, Eminence, que ce
n’était pas une grande ouverture au dialogue.
Craignant d’être traité par
vos services, de la même manière, je me vois obligé, Eminence, de vous écrire
cette lettre ouverte – pour vous dire, à vous, à vous qui avez la charge de
Je ne comprends pas que
vous ne réexaminiez pas cette affaire.
C’est la raison de ce
plaidoyer, Eminence
Vous savez très bien qu’il fut un grand prélat, un grand
missionnaire. Délégué apostolique en Afrique francophone, il fut le grand défenseur
de l’Eglise en terre africaine. Il laissa, à son départ, une œuvre
extraordinaire. Tout le monde le reconnaît. Tout cela postule en sa faveur.
Revenu en France, nommé
par le pape Jean XXIII,
archevêque-évêque de Tulle, il se mit à la tache sans amertume, avec le même
zèle qu’en Afrique. Une seule chose comptait pour lui : le service de
l’Eglise dans la fidélité au Souverain Pontife.
A peine nommé à Tulle, il
fut élu, par ses pairs, supérieur général de
Le Concile œcuménique de
Vatican II fut alors convoqué par le pape Jean XXIII. En tant que supérieur
général, il participa aux séances préparatoires du Concile. Il nous racontait tout cela…lorsque nous eûmes la
grâce de le connaître, d’abord à Rome, puis ensuite à Ecône.
Douloureusement affecté
par la crise sacerdotale, par l’effondrement, en Occident, des vocations, et
par la perte du sens sacerdotal, libéré de toute responsabilité – il avait
donné sa démission – Rome le lui conseillait – il décida, enfin, de tout faire
pour lutter contre. Il fonda son séminaire à Fribourg avec l’autorisation
épiscopale de Mgr Charrière, avec les encouragements du cardinal Journet. Il
créa son institut sacerdotal:
Quelle joie fut la sienne
lorsqu’il reçut le décret de l’évêque ! Une joie toute d’Eglise, Eminence.
Là, il nous apprit la
grandeur du sacerdoce, son rôle, son sens. Il
nous fit apprécier le trésor de la messe, de la messe catholique. Il
nous en rappela la finalité, les fruits, son importance et pour le prêtre et
pour le chrétien. Il nous donna du cœur
à l’ouvrage, un « moral de fer ». Il multiplia les contacts pour
permettre le rayonnement de son œuvre. Il était infatigable.
Arriva l’année 1969,
avril 1969. Ce fut la publication de
Terrible réforme
liturgique…contestée, contestable, qui allait ébranler de fond en comble
Des théologiens se
lèveront pour s’y opposer, des cardinaux aussi. Des intellectuels de renom
firent entendre leur voix.
Pour ne citer qu’un nom,
permettez, Eminence, que j’invoque l’autorité du cardinal Ottaviani. Dans une
lettre au Souverain Pontife, Paul VI, il lui présenta une critique du nouveau
rite, lui demandant « d’abroger ce nouveau rite ou tout au moins de ne
pas enlever, à la catholicité, la possibilité de continuer à recourir
l’intègre et fécond missel romain de saint Pie V ».
Tout cela fit grand
bruit.
Mgr Lefebvre prit
position assez tard.
Ce n’est que le 2 juin 1971
qu’il réunit à Ecône son corps professoral, les séminaristes. Le lendemain, il
venait rencontrer « les théologiens », séminaristes à Fribourg. Il
exposa sa position. Il expliqua son refus, son « non possumus »,
avec des arguments clairs. Il nous laissa, à l’issue de cette conférence, un
texte, un petit texte résumant sa pensée.
Séminariste, à l’époque,
je gardais jalousement ce texte. Je l’ai souvent lu et relu. Je me permets de
vous l’adresser, Eminence. Il ne doit pas être très connu…
Comme vous pouvez le
voir, Eminence, la position de notre fondateur
est simple, doctrinale, fondée sur la plus sûre théologie, sur les
décrets solennels du Concile de Trente, sur les principes du Droit Canon.
Cette position fut
publique.
Elle est écrite.
Dans ses conférences, il
ne cessa de l’expliquer, de la justifier.
Or, Eminence, c’est en
raison de cette position sur la messe que Mgr Lefebvre fut condamné.
On traita tout d’abord sa
fondation de « sauvage ». C’est Mgr Etchegaray qui prononça la phrase le premier. Il était,
alors, archevêque de Marseille…
Première affirmation
fausse : son séminaire n’avait rien de sauvage, ni son institut. Le
« tout » fut approuvé – vous le savez très bien, Eminence, par Mgr
Charrière, par Mgr Adam. La fondation à Albano eut l’accord de l’évêque du
lieu. Rien de « sauvage » à la vérité. Au contraire, Mgr Lefebvre, en
homme d’Eglise, respectueux de ses lois, voulait tout faire avec les
autorisations requises. Et c’est ce qu’il fit, Eminence.
Peu importe, il n’était
plus dans la ligne. C’est qu’il ne voulait pas suivre aveuglément les réformes
conciliaires… Empêcheur de tourner en rond, il fallait qu’il soit discrédité.
Ses fondations ne pouvaient être que sauvages, que condamnées.
Le cycle infernal
démarrait.
Alors une visite
canonique eut lieu. Mgr Onclin, Mgr Deschamps furent envoyés de Rome. Ils
tinrent des propos tellement « nouveaux » que Mg Lefebvre dut
protester à leur départ. Et ce fut sa très belle protestation de foi du 24
novembre 1974.
Dieu ! Qu’elle fit
couler d’encre, cette déclaration ! Qu’elle fut commentée ! … A
l’extérieur comme à l’intérieur…par le corps professoral lui-même. Il fallait
que Mgr Lefebvre « rétracte » ce texte. « Il a signé sa propre
condamnation »… J’ai entendu tout cela. J’étais à l’époque sous-directeur
du séminaire.
Il fut alors convoqué à
Rome, devant une commission, « ad hoc », devant le cardinal Garrone,
le cardinal Wright, le cardinal Taberra. Ils essayèrent de le convaincre de
l’ « inanité » de sa position.
Rien à faire.
Ils n’imaginaient pas
rencontrer une telle sûreté, une telle force, la force simple de la doctrine
catholique aimée plus que soi-même.
Ne pouvant le convaincre,
il fallait l’ « écraser ».
Les sanctions canoniques
tombèrent.
Les pressions psychologiques
se firent tout d’abord terribles. Ce fut la menace de la fermeture du
séminaire, de
Et c’est Mgr Mamie,
évêque de Fribourg, qui porta le chapeau de tout cela. Le pauvre.
Il lui fut intimé l’ordre
de ne pas faire les ordinations, le 29 juin 1976.
Terrible dilemme,
Eminence. J’en fus le témoin privilégié.
Le 28 au soir, dans mon
bureau, il examinait encore la solution…pesait le pour et le contre…La fête
battait déjà son plein. Tout était prêt… « On peut, malgré tout,
me disait-il, ne pas faire les ordinations ». Il était d’un calme
souverain, tranquille.
Le 29 juin, devant une
foule immense, il expliquait son geste. Il parla clairement, sans
ambages : notre fidélité à la messe de toujours, à la messe codifiée,
canonisée même, par saint Pie V est la raison de nos difficultés.
La sanction canonique tomba, le 22 juillet 1976.
Il fut déclaré « suspens a divinis ». Il ne pouvait plus
exercer aucun pouvoir inhérent à son état sacerdotal et épiscopal.
A Lille, le 29 août 1976,
il renouvela ses explications. Il parla ouvertement de la réforme liturgique,
de la réforme de la messe, messe « équivoque ». C’est là qu’il parla
de la messe « hybride » : « la nouvelle messe est une
espèce de messe hybride qui n’est pas hiérarchique, qui est démocratique, où
l’assemblée prend plus de place que le prêtre ».
On peut, Eminence,
résumer la position de Mgr Lefebvre en disant qu’il refusa la nouvelle messe
parce qu’équivoque, plus protestante que catholique, s’éloignant de
Et le conflit perdure, Eminence.
Vous êtes,
aujourd’hui, l’autorité.
C’est pour cela que je
m’adresse à vous.
Vous maintenez toujours
la condamnation de Mgr Lefebvre, de sa fondation, de ses prêtres parce que nous
voulons – à notre tour – rester fidèles à cette Messe catholique pour
sauvegarder notre foi, gage d’éternité.
Mais vous-même, Eminence,
le temps passant, vous devenez très
sévère sur cette réforme liturgique qui nous attriste.
Permettez que je vous citer aujourd’hui.
Vous préfacez un livre de
Mgr Gamber dans son édition française, heureusement diffusé par Dom Gérard
Calvet et intitulé : « la réforme liturgique en question ».
Dans cette préface, vous
faites l’éloge de Mgr Gamber, de son œuvre théologique et liturgique. Vous le
recommandez fortement. Vous en faites un modèle, « un père » de ce
renouveau liturgique que vous appelez de tous vos vœux.
« Ce nouveau
départ a besoin de pères qui soient des modèles…Qui cherche aujourd’hui de tels
pères, rencontrera immanquablement la personne de Mgr Klaus Gamber…Il pourrait
en cette détresse (liturgique) – dites-vous – devenir le père du nouveau
départ. » (p.7)
On ne peut être plus
clair.
Vous-même, Eminence, dans
cette préface, vous critiquez « joliment » la réforme liturgique.
Vous affirmez que : « la liturgie est (doit être) le fruit d’un développement continue »,
harmonieux. (p.7) C’est bien, en effet, ce que fut la liturgie
catholique, celle codifiée par Saint Pie V. Elle évolua harmonieusement à travers les siècles. Il en est de la
liturgie comme de la doctrine catholique. Il n’y a de « fixiste » que
l’hérétique. Il n’ y a de radicalement arrêté que la mort. La liturgie
catholique n’est pas cela. Nous le savons bien.
Ce principe posé, vous
partez « en guerre » contre la liturgie réformée issue du Concile
Vatican II.
« Ce qui s’est
passé après le Concile signifie tout autre chose : à la place de la liturgie, fruit du
développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du
processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. »
C’est l’œuvre de Mgr
Bugnini.
« On n’a pas
voulu continuer le devenir et la maturation organique du vivant à travers les
siècles et on les a remplacés – à la manière de la production technique- par
une fabrication, produit banal de
l’instant. » (p.7)
Vous dites aussi : « la liturgie n’est
pas objet de notre faire. »
C’est la grande idée de
Mgr Gamber
Mgr Lefebvre aurait été
très certainement de cet avis, lui qui soutint jusqu’à la rupture, contre
certains séminaristes américains qui les refusaient, les réformes de saint Pie
X, de Pie XII et même de Jean XXIII en matière liturgique.
Vous nous demandez,
Eminence, qu’on se penche sur la pensée de Mgr Gamber, qu’on la fasse notre.
Vous donnez une approbation sentie de son œuvre.
C’est ce que j’ai fait,
Eminence.
J’ai lu – à votre
recommandation – ce livre.
Je dois avouer que je
n’ai jamais rencontré de critique de la nouvelle messe aussi forte, aussi
radicale…même sous la plume de Mgr Lefebvre.
Alors, Eminence, vous voyez maintenant ma question.
Vous voyez où je veux en venir. Vous voyez ce que je voudrais vous dire de vive
voix si vous me receviez : « Pourquoi approuver si fortement Mgr
Gamber, l’applaudir, le recommander et continuer à réprouver Mgr
Lefebvre ? »
Mgr Gamber est pourtant
plus sévère encore que Mgr Lefebvre dans sa critique du nouveau rite.
N’y aurait-il pas deux
poids deux mesures ?
Tel est mon étonnement,
mon angoisse même !
Voyez ce qu’écrit Mgr
Gamber :
« on mit
désormais ( avec la réforme liturgique ) de façon exagérée, l’accent sur
l’activité des participants, rejetant de la sorte au second plan, l’élément
cultuel » (p.15)
C’est ce que Mgr Lefebvre
affirmait à Lille, pas plus pas moins.
« Celui-ci
(élément cultuel, i.e. le sacrifice, l’action eucharistique elle-même )
s’appauvrit de plus en plus chez nous. »
« De même, il manque
maintenant dans une large mesure, cette solennité qui fait partie de toute
action cultuelle, surtout si celle-ci se déroule devant une grande
assemblée. » (p.12)
C’est ce que nous disons,
ni plus ni moins.
Mgr Gamber ose écrire sur
ce sujet : « en lieu et place, on voit souvent régner une
austérité calviniste. » (p. 13)
Ce n’est pas nous qui le
disons, Eminence.
Mgr Gamber poursuit…Vous
allez être stupéfait… J’écris aussi pour les fidèles Eminence : « Il
n’est pas rare de voir les formes cultuelles existant jusqu’ici, méprisées par
les pasteurs eux-mêmes et laissées de côté sous prétexte qu’elles seraient
démodées : on ne veut pas laisser supposer qu’on aurait raté le train de
l’évolution moderne. Et cependant la masse du peuple chrétien reste attaché à
ces formes anciennes qui portent sa piété. Les réformateurs d’aujourd’hui, trop
pressés, n’ont pas suffisamment considéré à quel point, dans l’esprit des
fidèles, il y a coïncidence entre la doctrine et certaines formes de piété.
Pour beaucoup, modifier les formes traditionnelles signifie modifier la foi. »
Eminence, en préfaçant ce
livre, vous donnez votre approbation à cette critique générale
Mgr Lefebvre a dit la
même chose. Il n’a cessé – toute sa vie – de nous rappeler l’axiome fondamental
en matière liturgique : lex orandi, lex credendi. C’est le thème de
sa conférence – entre mille- du 15 février 1975, donnée à Florence :
« Pour beaucoup,
modifier les formes traditionnelles signifie modifier la foi »
Je signe, Eminence.
Mais la critique de Mgr
Gamber du nouveau rite n’est pas finie. Suivez-moi.
Vous irez d’étonnement en
étonnement.
« Les
responsables dans l’Eglise n’ont pas écouté la voix de ceux qui ne cessaient de
les avertir, leur demandant de ne pas supprimer le Missel romain
traditionnel ( et de n’autoriser la
nouvelle liturgie que dans certaines limites et seulement « ad experimentum » )…Aujourd’hui,
voici qu’elle est malheureusement la situation : de nombreux évêques se
taisent devant presque toutes les expérimentations liturgiques mais répriment
plus ou moins sévèrement le prêtre qui, pour des raisons objectives ou de
conscience, s’en tient à l’ancienne liturgie. » (p. 14)
C’est ce que
conseillaient, Eminence, des « Grands » dans le cardinalat. C’est ce
que conseillait Mgr Lefebvre. C’est ce que faisait Mgr Lefebvre : s’en
tenir pour des raisons objectives et de conscience, à l’ancienne liturgie.
Eminence, il faut être
logique dans le gouvernement : ou vous êtes d’accord avec Mgr Gamber et vous soutenez ceux qui
veulent – dans cette tourmente – rester attacher au « mât » de
Et puisque vous êtes
d’accord avec la pensée de Mgr Gamber, puisque vous avez préfacé son livre,
veuillez, je vous prie, faire ouvrir de nouveau le dossier de « l’affaire
Lefebvre » et le juger en bonne et due forme.
Vous souvenant
qu’aujourd’hui – encore, malheureusement – de nombreux évêques se taisent
devant presque toutes les expérimentations liturgiques permises par
« l’esprit conciliaire » mais répriment sévèrement les prêtres qui
pour des raisons objectives et de conscience s’en tiennent à l’ancienne
liturgie. Nous, Eminence
Cette situation est
malheureuse, remarque encore Mgr Gamber. Oh, Combien ! Nous qui recevons
les coups, nous pourrions vous en parler en connaissance de cause.
J’aime la justice,
Eminence. Vous aussi.
Attention, ce n’est pas
fini.
Mgr Gamber est vraiment
sévère…
Après avoir reconnu que
« les innovations liturgiques » sont possibles, mais que tout
doit se faire « avec bon sens et prudence » - ce n’est pas le
principe le plus ultime – mais peu importe, il conclut, se tournant alors vers
le concret de la réforme liturgique issue du Concile Vatican II – tenez-vous
bien, Eminence :
« La rupture avec
Il précis même :
« Par
l’introduction de la nouvelle forme de la célébration de
Eminence, vous avez
préfacé cela.
Mgr Lefebvre n’a jamais
parlé aussi fortement, aussi brutalement.
De grâce ! Ressortez
le dossier. Redonnez vie à son recours qu’il porta lui-même, dans les mains du
Préfet de la « Signature Apostolique » de l’époque mais que ce dernier ne put
traiter par ordre du tout puissant cardinal Mgr Villot.
Eminence, je vous parle
en toute simplicité. Je vous dis ce que j’ai sur le cœur. Faites cesser toute
injustice dans l’Eglise…en France tout particulièrement…Faites cesser cette
injustice là.
Ou alors, je serais en droit
de dire qu’il y a contradiction dans votre gouvernement et que vous donnez
d’une main ce que vous reprenez de l’autre…Mais, ça, Eminence, c’est
l’arbitraire et personne n’aime l’arbitraire… Il est juste de lutter là contre.
Vous connaissez très bien,
Eminence, la pensée de Mgr Gamber. Vous vous en inspirez dans plusieurs de vos
écrits. Vous conseillez même à Dom Gérard Calvet de diffuser en France sa
doctrine.
Et quelle doctrine !
Une critique en règle de la liturgie conciliaire.
Voyez encore !
« D’années en
année, le réforme liturgique, saluée avec beaucoup d’idéalisme et de grands
espoirs par de nombreux prêtres et laïcs, s’avère être, comme nous l’avons déjà
exprimé, une désolation de proportion effroyable. »(p.15)
Mgr Lefebvre a dit cela, mais
je dois l’avouer pas aussi fortement.
Notre auteur
poursuit :
« Au lieu du
renouvellement de l’Eglise et de la vie ecclésiastique attendue, nous assistons
à un démantèlement des valeurs de la foi et de la piété qui nous avaient été
transmises et, en lieu et place d’un renouvellement fécond de la liturgie, à
une destruction des formes de la messe qui s’étaient organiquement développées
au cours des siècles. » (p.15)
Vous approuvez ce
jugement, Eminence, vous l’avez préfacé élogieusement.
Mgr Lefebvre n’a rien dit
d’autre. Lui est condamné. Mgr Gamber, approuvé.
Là, Eminence, je ne
comprends plus. Mon intelligence, à l’affût, attend une réponse, a droit à une
justification qui en soit une, vraiment une. Pas une réponse comme cela, du bout des doigts, méprisante,
qui ne règle rien, ne donne aucune explication valable, une réponse à la
« Cassidy »…mais une réponse claire, du bon pain comme on aime en
trouver à la table familiale après la messe dominicale…De grâce ?
Eminence, donnez nous de ce pain…
Je poursuis ma lecture,
Eminence.
«. ..s’y ajoute,
sous le signe d’un œcuménisme mal
compris, un effrayant rapprochement avec les conceptions du protestantisme… Ce
qui signifie rien moins que l’abandon d’une tradition jusqu’à ce jour commune à
l’Orient et à l’Occident. »
(p.15)
Alors ça ! Quand
j’ai lu cela pour la première fois, je suis resté coï. J’ai relu, relu encore.
Et dans mon innocence, je me disais : mais Mgr Lefebvre ne dit rien
d’autre. C’est ce qu’il a dit à Florence – déjà en 1975. C’est ce qu’il disait
dans un article publié en 1971 dans la « Pensée Catholique » – mais
déjà écrit en plein Concile : « Pour rester catholique faudra-t-il
devenir protestant ? » Et il concluait : « On ne
peut imiter les protestants indéfiniment sans le devenir. »
Mais je trouve Mgr Gamber
plus catégorique encore.
Il parle – lui- lisez
bien : « d’un effroyable rapprochement avec les conceptions du
protestantisme. »
Mais c’est la même
pensée !
Alors, Eminence, comment est-ce
possible de faire la louange de l’un, Mgr Gamber, et de continuer à condamner
l’autre, Mgr Lefebvre. Ils disent, tous deux la même chose.
De grâce ,Eminence,
ouvrez de nouveau le procès de Mgr Lefebvre. C’est une supplique légitime.
Et si vous tardez, tardez
encore, il est de notre devoir – il sera de notre devoir – de nous conformer au
canon 23 de l’ancien Code :
« Dans le doute,
on n’admet pas la révocation d’une loi, mais la loi récente doit être ramenée à
la précédente et on doit, autant que faire ce peut, les concilier. »
« Et de toute
façon, ce qui demeure, en pareil conjoncture, un devoir et un droit absolu,
c’est la sauvegarde de la foi. »
La conjoncture est
malheureusement toujours la même, le devoir -
alors- toujours identique.
De grâce, Eminence,
clarifiez la situation. Et comme le souhaitait le prêtre eudiste travaillant
actuellement à la nonciature de Paris et que je rencontrais samedi dernier à la
chapelle Saint Pie X à Caen, Eminence, parlez clairement et justement, on vous
suivra.
Mgr Gamber, dans un
second chapitre, parle de la « ruine » du rite romain. Il le déplore,
tout comme nous. Il va même jusqu’à dire que le rite nouveau, sans être en soi
invalide – ce que Mgr Lefebvre n’a jamais dit
- est célébré de plus en plus souvent, de manière invalide. Mgr Lefebvre
dit exactement la même chose. Pas plus. Pas moins. Il est seulement un peu plus
précis.
« Tous ces
changements dans le nouveau rite sont vraiment périlleux parce que peu à peu
surtout pour les jeunes prêtres qui n’ont plus l’idée de sacrifice, de la
présence réelle et de
J’en arrive maintenant au
chapitre IV du livre : le jugement du prélat est terrible.
Il expose d’abord
brièvement mais justement la réforme luthérienne, la réforme que Luther fit
subir à
« Le premier,
écrit-il, à avoir entrepris une réforme de la liturgie et cela en raison de
considérations théologiques est, sans conteste, Martin Luther. Il niait le
caractère sacrificiel de
D’où la réforme qu’il
entreprit de la messe et tout d’abord la suppression des prières
sacrificielles, mais il a agi prudemment – avec la prudence de la chair – pour
ne pas choquer et créer des réactions.
Or, rien de telle avec la
réforme liturgique conciliaire. Mgr Gamber est terrible.
Il affirme tout d’abord
qu’on a agi – là – trop brutalement : « La nouvelle organisation de
la liturgie et surtout les modifications profondes du rite de
Puis, il affirme que des
éléments de la doctrine protestante ont été pris en compte pour justifier cette
réforme liturgique. Il parle lui-même du « refoulement de l’élément latreutique »,
« la suppression des formules trinitaires », et enfin de
l’ « affaiblissement du rôle du prêtre. »
On retrouve ici, purement
et simplement, les affirmations de Mgr Lefebvre – Vous lirez son papier
ci-joint - celles du « Bref examen critique » présenté au Pape
par le cardinal Ottaviani.
Il va même jusqu’à dire
qu’ « on n’a pas encore suffisamment tiré au clair dans quelle
mesure, ici aussi, comme ce fut le cas pour Luther, des considérations
dogmatiques ont pu exercer une influence. »(p.42)
Je trouve
personnellement, Eminence, que des théologiens, en France – le Père Calmel,
l’abbé Dulac … ont déjà dit, sur ce sujet, pas mal de choses…Notre prélat –il
est vrai- est allemand.
Il reconnaît que « c’est
la nouvelle théologie (libérale) qui a parrainé la réforme conciliaire. »
Il se désole alors que le Pape Paul VI n’ait pas cru devoir tenir compte de
« ces critiques dogmatiques », « ni les pressantes
objurgations des cardinaux de mérite –( Comment, ici, Eminence, ne pas penser
au cardinal Ottaviani dont vous tenez aujourd’hui la place, au cardinal Bacci –
qui avaient émis des objections dogmatiques quant au nouveau rite de la messe)
- ni les instantes supplications provenant de toutes les parties du monde,
n’empêchèrent Paul VI d’introduire impérativement le nouveau missel . »
(p. 43)
Ainsi, Eminence, pour Mgr
Gamber dont vous nous recommandez tant la doctrine, le « Nouvel Ordo
Missae » aurait des « odeurs » protestantes », des relents
de théologie protestante, de théologie libérale.
Avouez, Eminence, que
c’est assez fort et que cela peut raisonnablement retenir tout enthousiasme de
la célébrer.
Vous approuvez ces
critiques.
Pourquoi, alors,
condamnez-vous toujours Mgr Lefebvre ?
Son tort est peut-être
d’avoir eu raison trop tôt – ou d’avoir été, en son temps, un évêque de
caractère…Mais s’il en est ainsi qui pourrait raisonnablement critiquer et
cette lucidité et cette force ? Sont-ce des titres de condamnation ?
On ne vous croira pas,
Eminence.
Son tort est peut-être
aussi d’avoir eu un sens pastoral trop grand ? Il craignait les effets de
cette réforme sur la foi du peuple chrétien, sur son orthodoxie : « On ne peut imiter les protestants
indéfiniment sans le devenir. » (Mgr Lefebvre).
Mgr Gamber le constate
aussi :
« Nos messes
sont-elles devenues plus attirantes pour les fidèles depuis le Concile ?
La liturgie renouvelée a-t-elle contribué à augmenter le sens de la foi et de
la piété ? A peine, semble-t-il. Le peu de temps écoulé depuis
l’introduction, en 1969, du « Nouvel Ordo Missae » a suffi à révéler
que nos églises se vidaient de plus en plus, que le nombre de nos prêtres et de
nos religieux diminuait de plus en plus, et ce dans des proportions
effrayantes. Certes, les causes en sont multiples, néanmoins, la réforme liturgique
n’a pas été capable de stopper cette évolution négative (je précise et
qualitativement et quantitativement) : il est probable qu’elle n’a pas peu
contribué à l’entretenir »
(p.44)
Avouez, Eminence, qu’il en
faudrait moins pour justifier la position de Mgr Lefebvre, son « non
possumus », son « refus » et aujourd’hui le refus des dociles à
la loi catholique.
Et si j’en viens
maintenant à la critique que Mgr Gamber adresse à la nouvelle ordonnance de la
messe proprement dite de Paul VI, alors, je dois dire, Eminence, que je me sens
à l’aise dans ma position, notre position.
Il survole « le
nouvel ordo ».
Tout d’abord : pour
« les rites d’ouverture de la messe, il écrit :
« Les rites
d’ouverture…ouvrent une porte toute grande à l’arbitraire du prêtre
célébrant. »
Il commente :
« Quels
bavardages les fidèles ne doivent-ils pas subir, par endroit, dès le début de
la messe ! Tout comme c’est plus
d’une fois le cas aujourd’hui dans les communautés protestantes. »
Le cardinal Danneels,
Eminence, dit la même chose. Vous l’avez, du reste, invité à écrire un article
dans Communio, votre revue. Nous l’avons commenté dans un numéro du
Bulletin (Mars 1997).
Nous disions la même
chose, Eminence, vous le voyez. Nous sommes en bonne compagnie…mais alors,
pourquoi l’ostracisme à notre égard… ?
Il en vient à la
liturgie de la parole et se permet de dire : « Nous faisons
toutes réserves quant à la nouvelle ordonnance des lectures. »
Quant à la prière
universelle, dont il ne conteste pas le principe, il écrit cependant :
« On assiste de nos jours, aux pires écarts dans la libre élaboration
de cette prière.. .et même, -dit-il – les formulaires présentés aux fidèles
dans les recueils ad hoc, ne sont que peu utilisables »…Moi, elles me font
fuir…Bref. Il avoue qu’une telle prière devrait être dite à l’autel et non au
« siège » : « il faut être tourné vers l’Orient pour prier. »
Il en arrive enfin à la
liturgie eucharistique proprement dite et là, il affirme une chose formidablement
importante :
«
Contentons-nous ici, où il n’est question que du rite, de remarquer qu’il
manque à cette dénomination, toute allusion au fait que la messe est un
sacrifice. » (p.48)
Eminence ? vous avez
bien lu.
Vous trouvez ici sous la
plume de Mgr Gamber que vous nous recommandez tellement, les critiques que nous
avons depuis longtemps adressées au nouveau rite de la messe. Nous disons, nous
aussi, cela. La messe est bien cela, essentiellement cela : un sacrifice propitiatoire. J’avais trouvé que la critique
du cardinal Danneels était, sur ce point, faible et j’avais été étonné que vous
publiez, sans remarques particulières,
son texte. Mais je suis très heureux, par contre, que vous ayez préfacé ce
livre qui met le doigt sur une grave omission du nouveau rite.
Alors Eminence, pourquoi notre condamnation maintenue ? Voilà mon interrogation !
Mgr Gamber en arrive au
plus particulier : à la « prex eucharistica ». Alors
là ! La critique est de nouveau terrible.
« Les trois nouveaux
canons constituent eux – une rupture complète avec la tradition. Ils ont été
nouvellement composés d’après des modèles orientaux et gallicans, et
représentent, au moins de part leur style, un corps étranger dans le rite
romain. » ( 49)
Il descend encore un peu plus dans le
« menu », aux paroles de la consécration. Il est très sévère :
« La modification
ordonnée par Paul VI des paroles de la consécration et de la phrase qui suit…n’était d’aucune utilité
pour la pastorale. La traduction de
« pro multis » par « pour tous » qui se réfère à des
conceptions théologiques modernes et qu’on ne retrouve dans aucun texte
liturgique ancien, est douteuse et a même scandalisé. » (p. 50)
Ce n’est pas nous qui le
disons, Eminence !
Mgr Gamber est choqué, vraiment
choqué, Eminence, par le déplacement du mot « mysterium fidei »
de la formule de la consécration du vin. Son explication est lumineuse :
« Du point de vue
du rite, on est frappé de voir qu’on ait pu retirer, sans raison, les mots
« mysterium fidei » insérés dans les paroles de la consécration
depuis environ le VI ème siècle, pour leur conférer une signification
nouvelle ; ils deviennent un appel du prêtre après la consécration. Un
appel de cette sorte : mysterium fidei n’a certainement jamais été
en usage. L’acclamation de l’assemblée : « nous proclamons ta
mort… » ne se trouve que dans quelques anaphores égyptiennes. Elle est en
revanche, étrangère aux autres rites orientaux et à toutes les prières eucharistiques occidentales et ne cadre pas
non plus avec le style du canon romain… »(p.
50)
Et sur le même ton, il
poursuit dans le chapitre IV sa critique du rite nouveau.
J’ai l’impression,
Eminence, en lisant ce chapitre IV de retrouver la doctrine du « Bref
examen critique »
Ainsi, si vous le
souhaitez, Eminence, nous serions prêts à nous en tenir à cette critique de Mgr
Gamber. Je crois qu’elle peut - à elle
seule - parfaitement justifier notre position pratique, celle prévue, Eminence,
par le canon 23 de l’ancien Code. Ce canon a bien du être repris dans le
nouveau Code. Il fait partie des grands principes canoniques.
Mais parce que nous avons
désiré rester attachés au « Bref examen critique » et à
la sagesse du Droit Canon – par souci théologique – nous sommes pratiquement
excommuniés, chassés de nos églises, nous passons pour rétrogrades. On nous dit
ne pas avoir le sens de
Mais alors pourquoi,
Eminence, porter aux nues Mgr Gamber et continuer de combattre Mgr Lefebvre et
son œuvre ?
Je ne comprends plus.
N’y aurait-il pas
« quelque part », - comme on dit aujourd’hui – à tort et à travers –
une injustice ? Voilà ce que j’ai sur le cœur, Eminence, et ce que je veux
vous dire.
Mgr Gamber de conclure ce
chapitre par ce jugement général : « Avec le nouveau, on a voulu
se montrer ouvert à la nouvelle théologie, si équivoque, ouvert au monde
d’aujourd’hui » (p. 54)
« Ce qui est
certain, c’est que le Nouvel Ordo Missae dans cette forme n’aurait pas reçu
l’assentiment de la majorité des pères conciliaires. »
Incroyable !
Mgr Lefebvre nous a
toujours répété cela. Dom Guillou également…Je ne serai pas étonné que Dom
Prout, Père abbé de Solesmes, ait pensé cela aussi.
Cette seule affirmation,
Eminence, devrait suffire à tenir fermement l’ancien rite…Et que peut justifier
devant cela, la seule vertu d’obéissance… ! C’est bien Mgr Lefebvre qui a
raison et non les bénédictins d’aujourd’hui qui vont et viennent à travers les
rites, de l’un à l’autre – l’ancien , le nouveau – par simple obéissance…des
girouettes au gré des vents. Qui est vraiment fidèle au Concile ? Mgr
Lefebvre qui a signé le document liturgique du Concile …ou les bénédictins
d’aujourd’hui ?
« Mais vous
n’avez pas l’esprit du Concile … » !
C’est l’arme qui tue.
Mais quel est cet esprit
conciliaire, Eminence qu’il faut avoir pour vivre…Mgr Gamber l’avait-il… ?
Ah, que d’arbitraire ! Que d’arbitraire !
Tous ces dires, Eminence,
pourraient vous gêner un peu…Si vous m’aviez reçu, j’aurais pu voir, voir votre
œil…s’assombrir…s’éclairer.
Vous vous seriez peut-être raidi un peu
Vous auriez peut-être
pris la parole.
« Vous vous trompez.
Ce n’est pas la messe qui
fait problème. Ce sont les sacres. Mgr Lefebvre les a fait sans autorisation
pontificale. Il devait être puni.
Aujourd’hui, le nouveau Droit canon parle d’excommunication. Voilà
l’affaire ! C’est tout.
Eminence, est-ce vraiment
le problème ?
Si vous me recevez, nous
pourrions aborder le sujet. Nous pourrions argumenter, voir ensemble…voir ce
qui avait été prévu dans le protocole d’accord avec Mgr Lefebvre. Le principe
du sacre dans
Mais pour l’instant,
Eminence, ici, dans cette lettre publique, faite aussi pour les fidèles qui
s’intéressent beaucoup à ces questions, restons au niveau du simple bon sens.
Mgr Lefebvre n’a pas été
moins aimé des autorités ecclésiastiques après les sacres qu’avant les sacres.
Il n’a pas été plus honni après les sacres qu’avant les sacres.
Avant les sacres, on lui
fit la guerre, son œuvre fut déclarée « sauvage » Mgr Garonne le
déclara « un fou »… Les évêques des diocèses lui écrivaient des
lettres très désagréables quand il visitait les traditionalistes de leur
diocèse. Quelles lettres ! J’en ai quelques unes en mémoire. Mgr Tissier de Mallerais les a
soigneusement classées. On pourrait vous les communiquer…
Oui, Mgr Lefebvre n’était
pas aimé même avant les sacres. Il n’était pas déjà, semble-t-il, en leur
« communion ». On lui fermait déjà les églises. Les cœurs des évêques
se fermaient…Même à Rome, on n’osait plus le recevoir… lorsqu’il visitait un
dicastère … le préfet était tout dans l’embarras…Etre vu avec Mgr Lefebvre
était compromettant…Même longtemps avant les sacres, Il était le mal aimé de
l’Eglise. Il n’avait pas l’esprit conciliaire…Et de fait, son œuvre, son œuvre
sacerdotale fut interdite, son séminaire fermé. Interdite les ordinations
sacerdotales…Bien sur, il nous ordonnait pour le sacrifice de la messe… !
Il était honni par ses
pairs, bien avant les sacres, même pendant le Concile.
On ne lui pardonnait pas
sa position, sa présidence du « Coetus internationalis Patrum ».
Même avant le Concile, lorsqu’il était archévêque-évêque de Tulle, les
cardinaux et archevêques de France lui fermèrent la porte de leurs assemblées,
de leurs réunions. Il avait plein droit d’y prendre part. Ils refusèrent.
C’est historique,
Eminence. Si le cardinal Richaud – à l’époque archevêque de Bordeaux – était
encore de ce monde, il pourrait en témoigner. Mgr Lefebvre nous l’a dit. Il en
riait. Il n’était pas rancunier.
Oui, même avant les
sacres, Mgr Lefebvre n’était pas aimé. C’est ainsi.
A cette lumière,
Eminence, le problème des sacres prend son vrai sens.
C’est finalement un
problème mineur, quoiqu’on dise…En ce sens, que ce n’est pas la raison fondamentale
de son excommunication. Il l’était déjà, -pratiquement. Il le devint –dites
vous – après les sacres canoniquement. Cela n’a pas changé grand-chose,
Eminence…La peine canonique –sa déclaration – fut d’abord et essentiellement
diplomatique : pour faire peur et effrayer les fidèles, et leur faire
lâcher prise…
Le cardinal Gagnon a mal
jugé.
Mais , admettons,
Eminence, que l’excommunication ait sa raison essentielle, exclusive dans les
sacres. Cette action – cette sanction – touche la personne de Mgr Lefebvre, des
quatre évêques consacrés, le co-consécrateur. Mgr de Castro Mayer…et personne
d’autre, et nullement
Vous me direz peut-être
que
Ah permettez, Eminence.
Mgr Mamie a peut être
voulu supprimer
Or, Eminence, en
préfaçant le livre de Mgr Gamber, vous préfacez nos propres critiques. Nos
critiques de toujours. Encore une fois, Mgr Lefebvre et le « bref
examen critique » sont moins durs que Mgr Gamber et son livre.
Notre condamnation, notre
suppression, Eminence, est donc sans raison suffisante.
Elle est injuste.
J’espère, Eminence, vous
avoir convaincu et espère recevoir bientôt votre appel paternel à venir vous
saluer à Rome.
Je reste dans cette
espérance.
D’autant plus que vous
semblez vouloir accueillir les « ralliés » qui, eux aussi, sont attachés
– peu ou prou à la messe ancienne. Disons qu’ils le disent…Ils sont à Rome le
24 octobre. Ils y vont en force…Ils font de la pub, un peu trop de pub, ce me
semble. J’ai peur que ce voyage vous pose finalement quelques problèmes
relationnels…avec l’épiscopat français et Mgr Lustiger. J’ai quelques éléments
qui me font penser que ce pèlerinage d’action de grâces à Rome ne doit pas être
très facile à organiser.
N’y aurait-il pas
un petit grain de sable quelque part ?
De notre côté, Eminence,
quelques jours avant, le 17 octobre, j’accueillerai à Lisieux, les fidèles de
Suivez la formule de
politesse.