« Les Nouvelles

de

Chrétienté »

n°6

Mardi 17 mai

 

Sommaire

1- Le Lundi 25 avril 2005 : En la fête de Saint Marc, évangéliste, Benoît XVI a effectué une visite à la Basilique Saint Paul-hors-les-Murs.
2- Le Samedi 7 mai 2005 : Benoît XVI a pris possession de la cathédrale de Rome : la Basilique du Latran. Le rôle du Pape.
3- Le dimanche 8 mai : Benoît XVI et les moyens de communications sociales.
4- Quelques dates importantes de cérémonies liturgiques qui seront célébrées par Benoît XVI

5- Convocation de la XI Assemblée générale du Synode des Evêques.
6- Le 12 mai 2005 : Benoît XVI a reçu, pour la première fois, le Corps diplomatique
7- Le pape se rendra à la synagogue de Cologne
8- Le 13 mai 2005 : Benoît XVI ouvre la cause canonique de Jean-Paul II

9- Mgr.William J.Levada, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi,

10- Dimanche 15 mai 2005 : Communiqué du Conseil des évêques maronites sur la situation au Liban
11- Etats-Unis: Le Père jésuite Thomas Reese démissionne de la revue "America magazine"

12- Quel Ratzinger faut-il lire dans Benoît XVI

13- Documents : sur l’élection de Benoît XVI

l’entretien de M.l’abbé Bathe avec « Monde et Vie »


1- Le Lundi 25 avril 2005

En la fête de Saint Marc, évangéliste, Benoît XVI a effectué une visite à la Basilique Saint Paul-hors-les-Murs, à Rome. Il s’agit du premier pèlerinage de son pontificat. Le pape a prononcé une homélie au cours de laquelle il a dit : « Au début du troisième millénaire, l’Eglise ressent avec une vivacité renouvelée que le mandat missionnaire du Christ est plus que jamais actuel . Le grand Jubilé de l’An 2000 l’a conduite à « repartir du Christ », contemplé dans la prière, pour que la lumière de sa vérité rayonne sur tous les hommes, en premier lieu à travers le témoignage de la sainteté. J’ai à cœur de rappeler ici la devise que saint Benoît inséra dans sa Règle, en exhortant ses moines « à ne mettre absolument rien au-dessus du Christ » (c.4). En effet, la vocation sur la route de Damas conduisit Paul précisément à cela : faire du Christ le centre de sa vie, quittant tout pour le but sublime de connaître Jésus et son mystère d’amour, et s’engageant ensuite à l’annoncer à tous, en particulier aux païens, « à l’honneur de son nom » (Rm 1 5). La passion pour le Christ le mena à prêcher l’Evangile non seulement à travers la Parole, mais à travers sa vie elle-même, toujours plus conformée à son Seigneur. A la fin, Paul annonça le Christ à travers le martyre, et son sang, avec celui de Pierre et de tant d’autres témoins de l’Evangile irrigua cette terre et rendit féconde l’Eglise de Rome, qui préside à la communion universelle de la charité » (cf. Saint Ignace Ant., Ad Rom.)


2- Le Samedi 7 mai 2005

Benoît XVI a pris possession de la cathédrale de Rome : la Basilique du Latran. Le rôle du Pape.
Dans l’après-midi du samedi 7 mai, en la Solennité, en Italie, de l’Ascension, Benoît XVI a pris possession de sa cathédrale : la Basilique du Latran. Il a accédé à la « Cathèdre d’Evêque de Rome », son siège épiscopal.
Après avoir reçu les honneurs du peuple de Rome en la personne du cardinal Camillo Ruini, Vicaire général du diocèse de Rome, et Archiprêtre de la Basilique du Latran, qui a fait « acte obédience au Saint Père », le pape a prononcé un important discours sur le rôle du pape dans la sainte Eglise.
Au début de l'homélie, le Pape a parlé de l'Ascension du Seigneur, célébrée ce dimanche dans de nombreux pays dont l'Italie, il a alors précisé que « le Christ ressuscité a besoin de témoins qui l'ont rencontré, d'hommes qui l'ont connu intimement par la force de l'Esprit Saint,....les successeurs des Apôtres, c'est à dire les évêques. Les évêques ont la responsabilité de faire que le réseau de ces témoignages persiste dans le temps...Dans ce réseau de témoignages, le Successeur de Pierre a un rôle particulier ».
Le Pape « doit être conscient d'être un homme fragile et faible...qui a constamment besoin de purification et de conversion. Mais il peut également être conscient que c'est du Seigneur que lui vient la force pour confirmer ses frères dans la Foi et les tenir unis dans la confession du Christ crucifié ».
« L'Evêque de Rome s'assied sur la chaire pour témoigner du Christ. La chaire est le symbole de la Potestas Docendi, cette puissance d'enseignement qui est une part essentielle du mandat conféré par le Seigneur à Pierre et, après lui, aux douze apôtres, de lier et délier ». Il a, par conséquent, affirmé que « là où les Saintes Ecritures sont séparées de la voix vivante de l'Eglise, elles sont la proie de disputes des experts ».
« Cette puissance d'enseignement -a ajouté Benoît XVI- effraie de nombreuses personnes dans et en dehors de l'Eglise. On se demande si elle ne menace pas la liberté de conscience, si ce n'est pas une présomption opposée à la liberté de pensée. C'e n'est pas comme ça.... Le Pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et le vouloir deviennent loi. Au contraire, le ministère du Pape est garanti par l'obéissance au Christ et à Sa parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais constamment se soumettre et soumettre l'Eglise à l'obéissance envers la parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et de dilution, comme face à tout opportunisme ».
Benoît XVI a alors rappelé que telle avait été la mission de Jean-Paul II « quand, face à toutes les tentatives, apparemment bonnes pour l'homme, face aux mauvaises interprétations de la liberté, il a redit sans équivoque possible l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. La liberté de tuer n'est pas une vraie liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain à l'esclavage ».
« Le Pape -a ajouté le Saint-Père- est conscient d'être dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de la foi de tous les temps, aux interprétations contraignantes apparues le long du cheminement de l'Eglise... Son pourvoir est au service de la Parole de Dieu...et il a donc la responsabilité de faire que cette Parole reste présente dans sa grandeur et raisonne dans sa pureté, qu'elle ne soit pas coupée en morceau par les continuels changements des modes ».
En conclusion, le nouveau Pape a dit aux Romains: "Maintenant je suis votre évêque, merci pour votre générosité, merci pour votre sympathie, merci pour votre patience! En tant que catholiques, nous sommes tous, en quelque sorte, romains!".
A la fin de la Messe, le Pape a gagné en voiture décapotable la Basilique Sainte.Marie-Majeure pour vénérer l'icône mariale « Salus Populi Romani », conservée dans la chapelle Borghèse. Cet acte de vénération du nouveau Pape répond à la tradition ininterrompue de prière du peuple romain pour la Vierge protectrice.
En ce même jour, Il a aussi désiré recevoir le Maire de la ville de Rome, M. Walter Veltroni pour lui exprimer « sa gratitude pour le chaleureux accueil qui lui ont manifesté les « romains » renouvelant son attachement et son affection pour ce qui est devenu sa ville et son diocèse ».

3- Le dimanche 8 mai

Benoît XVI et les moyens de communications sociales.
Le dimanche 8 mai, lors de la récitation du Regina Coeli avec le peuple de Rome, le pape a fait allusion à la 39e journée mondiale des communications sociales. A cette occasion, il fit remarquer que Jean-Paul II avait choisi comme thème pour cette occasion « Les moyens de communications au service de la compréhension entre les peuples. En cette époque actuelle de l'image, les mass media constituent effectivement une extraordinaire ressource pour promouvoir la solidarité et l'entente au sein de la famille humaine. Nous en avons eu récemment une preuve extraordinaire à l'occasion de la mort et des funérailles de mon bien aimé prédécesseur Jean- Paul II ».
Benoît XVI a précisé que « toutefois, tout dépend de la façon dont ils sont utilisés. Ces importants instruments de communication peuvent favoriser la connaissance réciproque et le dialogue, ou au contraire alimenter les préjudices et le dédain entre les individus et les peuples; ils peuvent contribuer à diffuser la paix ou à fomenter la violence. Voilà pourquoi il faut toujours faire appel à la responsabilité personnelle. Il est nécessaire que tous contribuent par leur travail à assurer dans tous les moyens de communication l'objectivité, le respect de la dignité humaine et l'attention au bien commun. Ils contribuent ainsi à abattre les murs de l'hostilité qui divisent encore l'humanité et à consolider ces liens d'amitiés et d'amour qui sont les signes du Royaume de Dieu dans l'histoire ».

4- Quelques dates importantes de cérémonies liturgiques qui seront célébrées par Benoît XVI

L'Office des Cérémonies liturgiques du Souverain Pontifie a annoncé les prochaines cérémonies « présidées » par Benoît XVI, en mai. J’ai retenu pour vous
Celle du Jeudi 26: Solennité du Corpus Domini, à 19 h Place-du-Latran, Messe, suivie de la procession eucharistique jusqu'à la Basilique Sainte Marie-Majeure, et de la bénédiction eucharistique.
N.B. On se souviendra que, dès son premier message, lors de sa messe célébrée en la chapelle Sixtine, le 20 avril dernier, Benoît XVI avait souligné sa volonté d’approfondir l’Année de l’Eucharistie.
Dans son homélie, il avait déclaré en effet : « De manière extrêmement significative, mon pontificat commence alors que l’Eglise vit l’Année spéciale consacrée à l’Eucharistie. Comment ne pas voir dans cette coïncidence providentielle un élément qui doit caractériser le ministère auquel je suis appelé ? L’Eucharistie, cœur de la vie chrétienne et source de la mission évangélisatrice de l’Eglise, ne peut que constituer le centre permanent et la source du service pétrinien qui m’a été confié ».
Déjà, au sujet de la fête du Saint Sacrement de cette année, il disait en effet : « Cette année, par conséquent, l’on devra accorder une importance particulière à la célébration de la solennité du Corpus Domini ».
A toutes les paroisses, il disait encore : « Je demande à tous d’intensifier dans les mois à venir l’amour et la dévotion à Jésus Eucharistie et d’exprimer de façon courageuse et claire la foi dans la présence réelle du Seigneur, en particulier à travers le caractère solennel et digne des célébrations ».
« Je le demande de façon spéciale aux prêtres, auxquels je pense en ce moment avec une grande affection. Le sacerdoce ministériel est né dans le Cénacle, en même temps que l’Eucharistie, comme l’a si souvent souligné mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II. L’existence sacerdotale doit avoir à un titre spécial une « forme eucharistique», a-t-il écrit dans sa dernière lettre pour le Jeudi Saint (n. 1). La célébration pieuse et quotidienne de la Messe, centre de la vie et de la mission de chaque prêtre, y contribue de façon spéciale ».

J’attire également votre attention sur la cérémonie du Mercredi 29: Solennité des Apôtres Pierre et Paul, à 9 h 30' en la Basilique vaticane, Messe et imposition des Pallium aux nouveaux Archevêques métropolitains.

5- Convocation de la XI Assemblée générale du Synode des Evêques

Au sujet encore de l’année eucharistique, Benoît XVI vient de confirmer la tenue de la XI Assemblée générale du Synode des Evêques prévue déjà par Jean-Paul II. Le thème en sera bien : "L'Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l'Eglise". Ce synode se tiendra du 2 au 23 octobre prochain.
Tous ces actes seront à suivre de près.
Benoît XVI a également confirmé la totalité des nominations approuvées par son prédécesseur.
Les Président délégués sont le Cardinal Francis Arinze, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, le Cardinal Juan Sandoval Iñiguez, Archevêque de Guadalajara (Mexique), et le Cardinal Telesphore Placidus Toppo, Archevêque de Ranchi (Inde). Le Rapporteur général est le Cardinal Angelo Scola, Patriarche de Venise (Italie), et le Secrétaire général Mgr.Roland Minnerath, Archevêque de Dijon (France).

6- Le 12 mai 2005,

Benoît XVI a reçu, pour la première fois, le Corps diplomatique
Le 12 mai 2005, Benoît XVI a reçu le corps diplomatique accrédité près le Saint Siège pour les remercier de leur participation aux funérailles de Jean-Paul II et aux cérémonies de son intronisation. Il en a pris occasion pour rappeler son pays d’origine : l’Allemagne et la période hitlérienne : « Pour ma part, a dit le pape, je viens d'un pays où la paix et la fraternité sont chères au cœur de tous les habitants, notamment pour ceux qui, comme moi, ont connu la guerre et la séparation entre frères appartenant à une même nation, en raison d'idéologies dévastatrices et inhumaines qui, sous couvert de rêves et d'illusion, faisaient peser sur les hommes le joug de l'oppression. Vous comprendrez donc que je sois particulièrement sensible au dialogue entre tous les hommes, pour dépasser toutes les formes de conflits et de tensions, et pour faire de notre terre une terre de paix et de fraternité ».
Ici, Benoît XVI fait nette allusion aux paroles de Jean-Paul II qui, dans son livre « Mémoire et identité », dénonçait le nazisme et le communisme comme « les idéologies du mal ». (p.17)
Voici le texte intégral du discours de Benoît XVI
Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous rencontrer aujourd’hui, à un peu moins d’un mois du début de mon service pastoral comme Successeur de Pierre. Je suis sensible aux paroles que vient de m’adresser, en votre nom, Son Excellence Monsieur le Professeur Giovanni Galassi, Doyen du Corps diplomatique près le Saint-Siège, appréciant l’attention de tous les diplomates envers la mission que remplit l’Église dans le monde. Je présente à chacun de vous, ainsi qu’à vos collaborateurs, mes cordiales salutations et mes vœux les meilleurs, vous remerciant de vos attentions durant les grands événements que nous avons vécus au mois d’avril dernier et pour le travail que vous accomplissez quotidiennement.

En m’adressant à vous, ma pensée va également aux pays dont vous êtes les Représentants et à leurs Dirigeants. Je pense aussi aux nations avec lesquelles le Saint-Siège n’entretient pas encore de relations diplomatiques

Certaines d’entre elles se sont associées aux célébrations à l’occasion de la mort de mon Prédécesseur et de mon élection sur le Siège de Pierre.

Ayant apprécié de tels gestes, je désire aujourd’hui leur exprimer ma gratitude et adresser un salut déférent aux Autorités civiles de ces pays, formant le souhait de les voir au plus tôt représentés auprès du Siège apostolique.

De ces pays, notamment de ceux dans lesquels les communautés catholiques sont nombreuses, me sont parvenus des messages que j’ai particulièrement appréciés. Je voudrais dire combien ces communautés et l’ensemble des peuples auxquels elles appartiennent me sont chers, les assurant tous qu’ils sont présents dans ma prière.


En vous voyant, comment ne pas évoquer le long et fructueux ministère du bien-aimé Pape Jean-Paul II ! Infatigable missionnaire de l’Évangile dans les nombreux pays qu’il a visités, il a aussi rendu un service unique à la cause de l’unité de la famille humaine. Il a montré le chemin vers Dieu, invitant tous les hommes de bonne volonté à raviver sans cesse leur conscience et à édifier une société de justice, de paix, de solidarité, dans la charité et le pardon mutuel. Il ne faut pas oublier non plus ses innombrables rencontres avec les Chefs d’État, les Chefs de Gouvernement et les Ambassadeurs, ici, au Vatican, au cours desquelles il s’est attaché à défendre la cause de la paix.

Pour ma part, je viens d’un pays où la paix et la fraternité sont chères au cœur de tous les habitants, notamment pour ceux qui, comme moi, ont connu la guerre et la séparation entre frères appartenant à une même nation, en raison d’idéologies dévastatrices et inhumaines qui, sous couvert de rêves et d’illusion, faisaient peser sur les hommes le joug de l’oppression. Vous comprendrez donc que je sois particulièrement sensible au dialogue entre tous les hommes, pour dépasser toutes les formes de conflits et de tensions, et pour faire de notre terre une terre de paix et de fraternité.

Tous ensemble, en conjuguant leurs efforts, les communautés chrétiennes, les Responsables des nations, les Diplomates et tous les hommes de bonne volonté, sont appelés à réaliser une société pacifique, pour vaincre la tentation d’affrontements entre des cultures, des ethnies et des mondes différents. Pour cela, chaque peuple doit puiser dans son patrimoine spirituel et culturel les meilleures valeurs dont il est porteur afin d’aller sans peur à la rencontre d’autrui, acceptant de partager ses richesses spirituelles et matérielles au bénéfice de tous.


Afin de poursuivre en ce sens, l’Église ne cesse de proclamer et de défendre les droits humains fondamentaux, malheureusement encore violés en différentes parties de la terre, et elle œuvre afin que soient reconnus les droits de toute personne humaine à la vie, à la nourriture, à un toit, au travail, à l’assistance sanitaire, à la protection de la famille et à la promotion du développement social, dans le respect de la dignité de l’homme et de la femme, créés à l’image de Dieu.


Soyez assurés que l’Église catholique continuera, dans le cadre et avec les moyens qui lui sont propres, à offrir sa collaboration pour la sauvegarde de la dignité de tout homme et le service du bien commun. Elle ne demande aucun privilège pour elle-même, mais uniquement les conditions légitimes de liberté et d’action à sa mission. Dans le concert des nations, elle souhaite toujours favoriser l’entente entre les peuples et la coopération fondées sur une attitude de loyauté, de discrétion et de cordialité.

Enfin, je vous demande de renouveler à vos Gouvernements mes remerciements pour leur participation aux célébrations à l’occasion de la mort du Pape Jean-Paul II et de mon élection, ainsi que mes salutations respectueuses et cordiales, que j’accompagne d’une prière spéciale afin que Dieu vous comble vous-même et vos familles, ainsi que vos pays et tous ceux qui y résident, de l’abondance de ses Bénédictions ».

Quelques remarques sur ce discours
On aura remarqué la phrase du Pape : « En m’adressant à vous, ma pensée va également aux pays dont vous êtes les Représentants et à leurs Dirigeants. Je pense aussi aux nations avec lesquelles le Saint-Siège n’entretient pas encore de relations diplomatiques ».
Est-ce un appel à voir la Chine envisager l’établissement de relations diplomatiques avec le Saint-Siège ?
C’est ce qu’a évoqué le cardinal Laghi commentant le discours de Benoît XVI « à chaud », pour la chaîne de télévision italienne « Telepace ».
Voici le commentaire que l’on peut lire dans Zenit du 12 mai 2005.

« Pour le cardinal Laghi, le pape a pris soin de ne nommer aucun pays. Le seul pays dont il ait parlé dans son discours, fait-il remarquer, est le sien, l’Allemagne, lorsqu’il confie : « Pour ma part, je viens d’un pays où la paix et la fraternité sont chères au cœur de tous les habitants, notamment pour ceux qui, comme moi, ont connu la guerre et la séparation entre frères appartenant à une même nation, en raison d’idéologies dévastatrices et inhumaines qui, sous couvert de rêves et d’illusion, faisaient peser sur les hommes le joug de l’oppression. Vous comprendrez donc que je sois particulièrement sensible au dialogue entre tous les hommes, pour dépasser toutes les formes de conflits et de tensions, et pour faire de notre terre une terre de paix et de fraternité »

« Il sent en sa propre chair cette division de l’humanité : c’est la seule allusion directe à un pays », a souligné le cardinal Laghi.

Mais le cardinal Laghi pense à la Chine lorsque le pape évoque des pays n’ayant pas encore de relations diplomatiques avec le Saint-Siège, mais s’étant manifestés lors des événements de ces dernières semaines, les funérailles de Jean-Paul II, son élection et sa prise de possession. Il souligne que le pape remercie « ceux qui ont envoyé des messages » et qu’effectivement, Taiwan était représenté mais pas la Chine populaire: « Certaines d’entre elles se sont associées aux célébrations à l’occasion de la mort de mon Prédécesseur et de mon élection sur le Siège de Pierre. Ayant apprécié de tels gestes, je désire aujourd’hui leur exprimer ma gratitude et adresser un salut déférent aux Autorités civiles de ces pays, formant le souhait de les voir au plus tôt représentés auprès du Siège apostolique », disait le pape.

Le pape évoque ensuite dans ces pays, soulignait le cardinal Laghi, des « communautés chrétiennes » , appartenant à l’Eglise catholique, « sans faire de différences » : « De ces pays, notamment de ceux dans lesquels les communautés catholiques sont nombreuses, me sont parvenus des messages que j’ai particulièrement appréciés, insistait le pape Benoît XVI. Je voudrais dire combien ces communautés et l’ensemble des peuples auxquels elles appartiennent me sont chers, les assurant tous qu’ils sont présents dans ma prière ».

Pour le cardinal Laghi c’est une invitation importante de Benoît XVI disant en quelque sorte : « Ouvrons nous, ouvrons nous », et offrant sa « disponibilité » au « dialogue » et à « l’entente ».

Le cardinal cite particulièrement cette phrase du pape sur le rôle de l’Eglise : « Dans le concert des nations, elle souhaite toujours favoriser l’entente entre les peuples et la coopération fondées sur une attitude de loyauté, de discrétion et de cordialité ».

Un autre trait de ce discours frappe le cardinal Laghi : le pape ne mentionne pas directement le Moyen Orient, mais on peut dit-il lire ici l’attitude qui guidera le pape dans cette région ».

7- Le pape se rendra à la synagogue de Cologne

Le pape Benoît XVI a l’intention de se rendre à la synagogue de Cologne à l’occasion de son voyage en Allemagne pour les Journées Mondiales de la Jeunesse.

C’est le pape lui-même qui l’a révélé à Oded Ben Hur, l’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, mercredi dernier, au cours de la rencontre de l’évêque de Rome avec le Corps diplomatique.

La nouvelle a été confirmée ce vendredi par le diplomate, à la presse de Rome. « Ceci est un fait très important et nous en sommes vraiment heureux », a-t-il déclaré.

8-Le 13 mai 2005

Benoît XVI ouvre la cause canonique de Jean-Paul II
CITE DU VATICAN, 13 MAI 2005 (VIS). Ce matin, au cours de sa rencontre avec le clergé et les religieux de Rome au Latran, Benoît XVI a annoncé la prochaine ouverture de la cause canonique de Jean-Paul II, sans attendre le délai normal de cinq années suivant le décès d'un Serviteur de Dieu.
Le Rescrit a été signé par le Cardinal José Saraiva Martins, Préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, et son Secrétaire Mgr.Edward Nowak, le 9 mai dernier.

9- Mgr.William J.Levada, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi,

Le Saint-Père a nommé: Mgr.William J.Levada, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi jusqu'ici Archevêque de San Francisco (USA).
Voici quelques éléments de sa biographie.
Né en Californie en 1936, il a étudié la théologie au séminaire de Los Angeles avant de poursuivre sa formation à Rome au fameux « North American College » (NAC) et à l’université pontificale grégorienne.

Il a été ordonné prêtre à Saint-Pierre de Rome en 1961, avant d’exercer son ministère à Los Angeles.

En 1976, il fut envoyé au Vatican au service de la même congrégation romaine: il y passa six ans, tout en enseignant à la Grégorienne.

En 1982, il revint à Sacramento au service de la conférence des évêques catholiques de Californie. Puis il fut nommé évêque auxiliaire de Los Angeles, et fut ordonné en1983.

En 1986, il fut nommé archevêque de Portland, dans l’Oregon. Et en 1995, il devint coadjuteur de l’archevêque de San Francisco. Il succéda à l’archevêque John Quinn, en décembre de la même année

Il a aussi participé, de 1986 à 1993, au comité éditorial du Catéchisme de l’Eglise catholique et en 1997, au synode des évêques pour l’Amérique puis au conseil post-synodal.

En 2000, il a été co-président du comité pour le dialogue avec les Anglicans, aux Etats-Unis (ARC-USA).

Il était depuis 2003 président de la commission de la conférence des évêques des Etats-Unis pour la Doctrine de la foi.

10- Dimanche 15 mai 2005

Communiqué du Conseil des évêques maronites sur la situation au Liban
Nous reprenons ci-dessous le communiqué publié le 11 mai dernier par le Conseil des évêques maronites sur la situation au Liban et en particulier la loi électorale de l’an 2000.
Mercredi 11 mai 2005, Leurs Excellences les Evêques maronites ont tenu une réunion urgente à Bkerké, présidée par Sa Béatitude Éminentissime, le Cardinal Nasrallah Boutros Sfeir. Ils ont discuté de la situation actuelle, notamment de l’adoption de la loi électorale de l’an 2000, que de nombreux Libanais – Les Chrétiens en particulier – envisagent comme une loi injuste, qui ne pourrait pas exprimer leur opinion, et qui ne leur permet pas d’amener au pouvoir les députés qui les représentent le mieux, et ce, pour les raisons suivantes :

Premièrement, cette loi a été promulguée dans des circonstances bien connues, sur lesquelles nous ne souhaitons pas revenir. Les Libanais l’avaient acceptée à contrecœur, tout en étant sûrs qu’elle ne reflète ni leur avis ni leur choix. Mais ils n’avaient pas les moyens de la rejeter. On sait d’ailleurs que la falsification, la fraude et l’achat des consciences, qui ont accompagné les tours des scrutins au Liban, ont rejailli sur la bonne représentativité, et il n’y a pas lieu d’y revenir aujourd’hui.

Deuxièmement, cette loi aboutit à un résultat qui contredit l’accord de Taëf, devenu la Constitution libanaise. Constitution qui prône le partage moitié-moitié de la représentation parlementaire entre Chrétiens et Musulmans, toutes communautés religieuses confondues. Chacun des deux groupes aura droit à 64 députés.
Sous la loi précitée, les Chrétiens ne pourront porter au pouvoir que 15 parlementaires sur les 64 susmentionnés. Les autres, une cinquantaine, seront amenés par les Musulmans. Il s’agit là d’une entorse flagrante à l’esprit de l’accord de Taëf, qui veut qu’«il ne saurait y avoir de légitimité à un pouvoir allant à l’encontre de la coexistence».

Troisièmement, en réalité, les députés chrétiens qui seront amenés au pouvoir par un bloc musulman ne pourront pas représenter leurs électeurs chrétiens, mais les chefs de leurs listes. Ils sont obligés de souscrire à leurs positions plutôt que de reprendre celles de leurs électeurs chrétiens dans la grande circonscription. C’est la raison pour laquelle nous avons prôné la petite circonscription, qui permet aux Chrétiens et aux Musulmans de voter en toute liberté, et en connaissance de cause, en faveur de celui qui, selon eux, les représente le mieux.

Quatrièmement, l’insistance, après maintes tergiversations, à organiser les élections législatives sur base de cette loi est une insistance inique. On sait que le Parlement a pris l’habitude dernièrement de promulguer une nouvelle loi à chaque échéance électorale, soit tous les quatre ans, sauf cette fois-ci, où il reprend une loi précédente, rejetée par la plupart des Libanais.

Cinquièmement, la déception qu’on décèle chez les Libanais, les Chrétiens notamment, après la manifestation massive à laquelle ont pris part tous les Libanais le 14 mars, n’est pas de bon augure pour le Liban. Nous avons besoin, en toute urgence, de l’entente et de la coopération pour aider notre pays à se relever après sa chute, qui n’a été que trop négligée et passée sous silence.

Sixièmement, l’insistance à organiser les élections législatives sur base de cette loi inique aura des retombées redoutables, que nous ne souhaitons pas et n’appelons pas de nos vœux. Leurs prémices ont d’ailleurs commencé à se manifester avec le retrait de certaines personnalités qui ont décidé de ne pas mener la bataille électorale. Vous voilà prévenus, et celui qui prévient aura fait tout son devoir.

Septièmement, nous appelons tous les responsables, chrétiens et musulmans, à regarder de près, et avec perspicacité, cette situation critique, à faire primer l’intérêt du pays sur tout autre intérêt, et à rester attachés à la coexistence qui lie Musulmans et Chrétiens sur un pied d’égalité. (VN).

11- Etats-Unis: Le Père jésuite Thomas Reese démissionne de la revue "America magazine"

Suite à des plaintes du Vatican, selon des responsables jésuites

Washington, 9 mai 2005 (Apic) Le Père jésuite Thomas Reese, 60 ans, démissionne de la revue "America magazine", suite à des plaintes du Vatican, selon des responsables jésuites américains. Il a annoncé en fin de semaine qu'il quittait le magazine le 1er juin après sept ans comme rédacteur en chef de cet hebdomadaire catholique national basé à New York et édité par les jésuites des Etats-Unis.
Des responsables jésuites à Rome ont déclaré que le Père Thomas Reese, entré chez les jésuites en 1962, a démissionné de son poste au magazine "America" après des plaintes répétées du patron de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger – aujourd'hui Benoît XVI -, pas d'accord avec le traitement réservé par le magazine à des questions ecclésiales délicates.

Un bureau de censure exigé

Le Père jésuite José M. de Vera, porte-parole de la Société de Jésus à Rome, a déclaré que le Père Reese a décidé de démissionner après avoir fait le point de la situation avec ses supérieurs, à la suite de l'élection du cardinal Ratzinger au pontificat. Le Père de Vera dément que le Père Reese, docteur en sciences politiques de l'Université de Californie, à Berkeley, a été forcé de démissionner. Il a toutefois reconnu que la pression venait du Vatican, et cela depuis plusieurs années. Le cardinal Ratzinger avait parlé au supérieur général des jésuites, le Père Peter-Hans Kolvenbach, de ses "inquiétudes" au sujet des articles d'"America" à plusieurs occasions.

Les articles qui ont fait problème concernaient le document doctrinal du Vatican "Dominus Iesus" sur le Christ comme unique sauveur, le mariage de personnes du même sexe, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et la réception de la communion par des hommes politiques catholiques soutenant l'interruption légale de la grossesse. La politique éditoriale du Père Reese était de présenter les deux côtés de la discussion au sein de la communauté catholique. "Mais cela ne plaisait pas aux autorités vaticanes", a souligné le Père de Vera dans une interview à l'agence de presse catholique américaine CNS.

Sur injonction de la congrégation pour la doctrine de la foi

Le jésuite pense que certaines plaintes venaient probablement de catholiques aux Etats-Unis mêmes et que la congrégation dirigée alors par le cardinal Ratzinger réagissait à ces plaintes. Il y a plus d'un an, le Père de Vera déclarait que la tension avait atteint un tel point que des responsables du Vatican avaient menacé d'imposer un bureau de censure au magazine s'il n'y avait pas de changements. A l'époque, le Père Reese et les jésuites avaient accepté de mettre sur pied une instance interne chargée de relire les articles avant leur publication. Malgré cet arrangement, les articles publiés par "America" ont continué de provoquer des plaintes du Vatican.

Le rédacteur en chef démissionnaire sera remplacé par le Père jésuite Drew Christiansen. Ce dernier travaille, à la demande du Père Reese, pour le journal depuis 2002 comme rédacteur en chef associé. Il est connu pour son travail sur l'enseignement social chrétien et les questions de justice internationale et de paix. Depuis que le Père Reese a pris les rênes d'"America magazine", l'hebdomadaire a augmenté son tirage et gagné en audience nationale.

Avant de venir travailler à "America magazine", le Père Christiansen enseignait au "Woodstock Theological Center" à l'Université de Georgetown. Il fut directeur du Bureau international pour la justice et la paix de la Conférence catholique des Etats-Unis – à ce titre, il fut souvent en mission dans les territoires en guerre, notamment dans les Balkans et au Moyen-Orient - et a travaillé comme conseiller pour les affaires internationales auprès des évêques américains jusqu'en décembre 2004.

Ce n'est pas la première fois que la Congrégation pour la doctrine de la foi a influencé des magazines dirigés par des congrégations religieuses. En 1997, le pape Jean Paul II avait nommé un évêque pour surveiller toutes les publications italiennes des Pères de St-Paul, y compris l'hebdomadaire "Famiglia Cristiana" tirant à plus d'un million d'exemplaires. Le journal avait notamment été sanctionné pour des articles en faveur de la communion pour les divorcés-remariés. (apic/cns/be)


12- Quel Ratzinger faut-il lire dans Benoît XVI

Les devantures fleurissent depuis fin avril d’un nombre impressionnant de livres de Benoît XVI.
Tout le monde sait que le nouveau Pape est un travailleur acharné, mais de là à lui attribuer la publication de plusieurs titres chacun d’au moins 100 ou 200 pages tient du prodige ! Mais après tout, tout est possible depuis qu’on peut faire des canonisations sans miracles, pardon avec des « miracles par équipollence » (Si quelqu’un sait ce que c’est, merci de le signaler par courrier électronique au site)
Quelque peu curieux de la chose, un examen superficiel montre qu’il s’agit de la réimpression de livres du Cardinal Ratzinger et quelquefois de livres anciens, forts anciens, d’il y a trente ans. Malgré ceux qui ont taxé le cardinal de « conservateur », ce dernier est loin d’être un « fixiste » ; et de fait si l’on suit l’ensemble de ses publications, on relève nombre de pistes abandonnées en cours de route, d’autres poursuivies, approfondies et élargies, d’autres apparues entre temps. On relève aussi des inflexions d’une pensée théologique enserrée dans l’atmosphère professorale vers une pensée plus essentielle et forte, certainement nourrie de l’expérience passé à la Congrégation de la Foi d’où il a pu mesurer l’ampleur de la situation objective de la ‘pensée’ dans le monde catholique actuel. Une différence de taille aussi apparaît entre les homélies et conférences soit du professeur, soit du Cardinal de Curie, et les livres-interview.
Certaines thèses ou problématiques très datées ne figurent plus du tout, voire même ont été remplacées chez le tout dernier « Ratzinger » des années mettons 1990, par des affirmations étayées visiblement par des approfondissements ultérieurs et qui vont soit à leur encontre soit vers d’autres directions.
La question est donc posée : est il honnête de republier tel ou tel livre du professeur Ratzinger, simple théologien ou du jeune évêque de Freising sous le nom de Benoît XVI comme s’il s’agissait de sa pensée actuelle ?
Il y évidemment un intérêt commercialement simpliste pour faire vendre ces réimpressions. On peut quand même se demander, lorsque les éditeurs ne sont pas de simples maisons « laïques » mais catholiques installées, voire religieuses, s’il n’y a pas aussi un intérêt de « politique ecclésiastique » dont le résultat, est de faire projeter sur le nouveau Benoît XVI chez les lecteurs (en fait les ‘cadres’ de l'Église en France) des problématiques liées, disons aux années 70, ou à des avis privés tout à fait personnels comme dans Voici notre Dieu, histoire de désamorcer à l’avance les projets nouveaux que le Pape élu comme tout nouveau Pape souhaitera promouvoir. Désamorçage qui consiste à faire chausser certaines lunettes pour brouiller la réalité benedictoseizième qui s’annonce.
S’instruire honnêtement sur le nouveau Pape et sa pensée profonde sur laquelle il a été élu, c’est s’informer de ce qu’il a énoncé dans le cadre officiel des ses fonctions depuis l’an 2000 : par exemple le chemin de Croix du Vendredi Saint de cette année … ses interviews ex munere sur la question européenne et turque … le catéchisme de l'Église Catholique qu’il a dirigé et les commentaires qu’il en a fait … les documents officiels de la Congrégation de la Foi sur l’ordination sacerdotale, l’unique Sauveur, la pastorale des divorcés … etc …
Heli Trottincas


Documents

Avec l’aimable autorisation et de l’auteur, M l’abbé Barthe et du directeur de Monde et Vie, M Pichon, nous publions ici dans la rubrique « Documents », le texte de l’entretien entre M l’abbé Claude Barthe et « Monde et Vie ». Cet entretien est paru dans l’excellent n° 747 du 14 mai 2005.

L’élection de Benoît XVI représente une chance pour la tradition dans l’Eglise. La question demeure de savoir comment pourra se traduire en actes pastoraux, la prise de conscience déjà ancienne, par celui qui était alors le cardinal Ratzinger, des problèmes que pose Vatican II. Monde et Vie a demandé à M. l’abbé Barthe ses analyses sur la question.


Sortir de Vatican II

On a parlé du « programme » du cardinal Ratzinger durant la préparation du conclave qui en a fait Benoît XVI

Les cardinaux qui sont en mesure d’accéder au souverain pontificat n’ont pas de programme proprement dit. Le cardinal Ratzinger d’ailleurs m’avait gourmandé naguère : « Monsieur l’Abbé, notre programme c’est le magistère ! » En revanche, il y a des analyses de la situation de l’Église qui pèsent lourd. Il y a eu celles du cardinal Martini, alors archevêque de Milan, en 1999, qui intégraient toutes les revendications libérales : prêtres mariés, place des femmes, mise sous le boisseau d’Humanae vitae, etc. Les analyses de Joseph Ratzinger se sont développées de longue date. Depuis 1966 – un discours au Katholikentag lui avait valu le qualificatif de « conservateur » – mais surtout en 1985, avec son livre : Entretien sur la foi, puis jusqu’à aujourd’hui, avec les discours tenus avant et après la mort de Jean-Paul II.

Et quel était le thème de ces approches ?

Elles étaient constituées d’abord par un constat dramatique sur la situation de l’Église dans le monde sécularisé, ensuite par de grandes lignes d’action. Le constat est celui que nous faisons tous, mais qu’en haut lieu, jusqu’à il y a peu, lui seul osait faire : « La barque de l’Église prend eau de toutes parts », disaient ses méditations du Vendredi Saint au Colisée. Souvenez-vous : dans l’Entretien pour la foi, il expliquait qu’après le Concile on attendait des fruits de « Joie et espérance », Gaudium et spes, les premiers mots de la constitution pastorale sur l’Église, et on avait eu « tristesse et angoisse », luctus et angor, les mots qui suivent dans la Constitution. Bien entendu, il n’a jamais rendu Vatican II directement responsable de l’effondrement que l’on sait au sein de la modernité, mais seulement ses « mauvaises interprétations ». Le P. Valadier parlait cependant de « coups bas » contre Vatican II. À mon avis, de facto, les torpilles les plus efficaces qu’il ait lancées contre le dernier concile sont les relativisations de son autorité, comme lors de son discours aux évêques du Chili, en 1988, quelques semaines après les consécrations épiscopales de Mgr Lefebvre : « Le Concile n’a défini aucun dogme et a voulu de manière consciente s’exprimer à un niveau plus modeste. Pourtant, beaucoup l’interprètent comme s’il était un superdogme qui ôte toute importance au reste ».

Quant aux grandes lignes d’action, il est toujours resté dans les généralités.

C’est vrai : il s’agissait de spéculations et méditations ecclésiologiques, fort séduisantes par leur qualité intellectuelle. Tout le problème est de savoir comment elles se traduiront en actes pastoraux : restauration de la formation doctrinale et morale du clergé ; reprise de l’enseignement du catéchisme ; renaissance du caractère sacré des célébrations eucharistiques ; prédication franche et directe, « à l’apostolique », comme on disait autrefois des sermons sans rhétorique contre la sécularisation, l’individualisme, l’hédonisme. On a vu un essai dans la première catéchèse du mercredi sur l’Europe.
Il faut surtout remarquer que, lorsqu’il parlait de « réforme de l’Église », comme il l’a fait dans une conférence tenue à Rimini, il y a quinze ans, dans un meeting de Communion et Libération (un mouvement qui, en Italie, était un peu devenu le « parti Ratzinger »), sans un seul mot pour évoquer Vatican II, Joseph Ratzinger parlait de la réforme, non pas à continuer, mais de la réforme à faire. En fait, Joseph Ratzinger semble vouloir reprendre en la développant une idée que ce mouvement Communion et Libération, fondé après Mai 68, avait émise mais très mal exploitée, englué qu’il était dans la crise de la Démocratie chrétienne italienne, l’idée d’une « révolution conservatrice » de type catholique : contre la société d’ultra consommation et d’ultra individualisme, nous sommes, nous catholiques, les vrais révolutionnaires !

Il n’empêche que Benoît XVI s’inscrit clairement, par son discours, dans la fidélité à Jean-Paul II, dont il fut un proche durant vingt-cinq ans, par conséquent dans la fidélité à l’Église conciliaire, en phase jusqu’à un certain point avec la société occidentale de la fin du XXe siècle. Dans sa première homélie, celle du 20 avril, lors de la messe des cardinaux à la chapelle Sixtine, Benoît XVI a rappelé sa volonté d’appliquer Vatican II, de renforcer la collégialité et de poursuivre le dialogue interreligieux dans la lignée de son prédécesseur.

D’abord, précisons que si Jean-Paul II a été « le Concile, tout le Concile, rien que le Concile », il a aussi été Vatican II recadré, sinon encore corrigé, par Ratzinger. Quant au premier discours qu’a prononcé Benoît XVI – Benoît XVI, et non Jean-Paul III… – c’est un discours à lire de près, avec des mots pesés au milligramme. Je vous ferai grâce d’une exégèse avec « lunettes roses », exégèse au demeurant parfaitement possible quand on connaît l’auteur : « dialogue avec les différentes civilisations » au lieu de « dialogue avec les différentes religions », etc. Il a surtout été incomparablement plus sobre que Jean-Paul II, il y a 27 ans, à la fin du conclave qui l’avait élu. Il reste que Benoît XVI a bien dit : « Je veux affirmer avec force ma ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en œuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Église ». Ce n’est plus la fameuse « interprétation du Concile dans le sens de la tradition » de Jean-Paul II et de Mgr Lefebvre, pétition qui s’expliquait tactiquement, mais qui était irrecevable théologiquement, puisque ce sont les dernières couches de l’enseignement magistériel qui sont destinées à expliciter le sens des couches antérieures, et non l’inverse. Pour Benoît XVI, qui sait ce que parler théologiquement veut dire, il s’agit de « mettre en œuvre Vatican II en continuité avec la tradition ». Je concède que l’on peut être ou rassuré ou inquiet par le vague volontaire.

Pourquoi ?

Parce que Vatican II c’est, si l’on veut, le flou fait magistère, ou plutôt le vague à la place du magistère. Vatican II pris dans son ensemble, comme événement global, est d’abord un esprit, le fameux « esprit du Concile » : ne rien dire qui puisse heurter de front le monde moderne ; récupérer des thèmes qui lui sont chers (liberté de conscience, autonomie de la politique, tolérance religieuse) ; adoucir les arrêtes en tous domaines (on évite de parler de « dogme », de « sacrifice de la messe », de « mariage ordonné à la procréation »). Et dans les textes proprement dits, il y a les bavures doctrinales qui procèdent directement de cet esprit et qui touchent principalement la liberté religieuse (qui remplace purement et simplement la doctrine classique de la tolérance), les fondements du dialogue interreligieux (du fait qu’il y a de bonnes choses dans les religions non chrétiennes, le Concile dit qu’elles sont en elles-mêmes dignes de « respect ») et l’œcuménisme (une véritable ecclésialité « imparfaite » est accordée aux Églises séparées comme telles).
Mettre en œuvre « l’esprit du Concile » en continuité avec la tradition, c’est le pulvériser : voilà qui est rassurant, et très ratzinguérien au reste.

Un texte comme l’instruction Dominus Jesus, sur « l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Église » ne vous rassure donc pas ?

Mais si ! Dominus Jesus est un texte excellent parce que texte à mi-chemin, excellent par conséquent en raison de la distance parcourue : il remise pratiquement les fondements du dialogue interreligieux au magasin des accessoires. Je dis en revanche, que comme l’encyclique Ut unum sint, il laisse entière la doctrine insaisissable, mais incontournable de l’œcuménisme avec les chrétiens séparés. C’est cela le chemin qui reste à parcourir. Le problème doctrinal clé du pontificat ratzinguérien sera celui-là : l’interprétation (condamnation, rectification) de la doctrine conciliaire de l’œcuménisme.

Vos prévisions ne sont-elles pas un peu volontaristes ?

Je ne suis pas Nostradamus, mais j’écrivais, il y a un an, dans Quel chemin pour l’Église ? : « L’élection d’un pape ratzinguérien n’entraînerait pas automatiquement un processus de sortie du Concile. Cependant, personne ne peut dire quels effets libérateurs en tous sens pourrait amener la quasi-rupture de l’unité très artificielle d’aujourd’hui. Qui plus est, parler constamment du “vrai Concile” et de sa “bonne interprétation”, n’est-ce pas, inévitablement, infléchir le cours des choses conciliaires vers une interprétation au sens plein, une interprétation magistérielle ? » En fait de pape ratzinguérien, on a Ratzinger lui-même : c’est pourquoi je ne cache pas toute ma satisfaction aujourd’hui.

Donc, selon vous la transition qui devrait sortir l’Église des marécages conciliaires et que vous appeliez de vos vœux a commencé ?

Il est indubitable que, sur un point au moins, Benoît XVI est, si j’ose dire, gros de cette transition, à savoir quant à la liturgie. La Croix du 21 avril disait : « Le test le plus sûr pour connaître la volonté du nouveau pape en matière d’esprit conciliaire sera sans conteste la liturgie ». Or, depuis qu’il est en charge de la dissidence traditionaliste, c'est-à-dire depuis 1982, dissidence qui se manifeste par une non-réception de la liturgie du Concile, il avance selon deux convictions. La première est que la réforme liturgique de Paul VI est une mauvaise réforme, non pas en tout, mais dans sa radicalité « révolutionnaire » : « On a détruit le vieil édifice pour en construire un autre », a-t-il dit, entre autres. Il souhaitait, pour sa part, une réforme dans le sens et l’esprit de celle de Pie XII (la réforme de la Semaine Sainte). Il cherchera assurément à procéder en douceur à une « réforme de la réforme » qui, les choses étant ce qu’elles sont et les paroisses dans l’état où nous les savons, resacralisera et « resacrificialisera », si l’on peut dire, la liturgie. Par ailleurs, il a constamment affirmé, justement à cause de ce caractère radical de la réforme de Paul VI, que la liturgie antérieure ne pouvait pas être considérée comme abrogée et qu’il fallait par conséquent lui assurer une place officielle.

N’est-ce pas insuffisant ?

C’est surtout contradictoire avec une autre exigence ratzinguérienne : Benoît XVI est prêt à accorder la « liberté » ou une grande liberté au rite tridentin, à condition que les tridentins reconnaissent la légitimité du rite montinien (pragmatique, il ne pressera pas cependant pour qu’ils soient tenus de célébrer, de temps en temps, la messe de Paul VI). Il faudra donc, à mon sens, que les traditionnels répondent en substance à Benoît XVI : nous sommes prêts à célébrer un rite « paroissial » et même à le favoriser au maximum, à condition qu’il ne s’agisse plus du rite réformé, mais d’une réforme du rite réformé, par exemple avec canon romain, offertoire sacrificiel et messe « face à Dieu ». Et surtout, il ne leur faudra pas enterrer ce qui est véritablement leur vocation : la critique du Concile, de ce qui, dans Vatican II, est proprement « conciliaire ».


Supposons que Benoît XVI lance une « réforme de la réforme » liturgique. Le Concile ne va-t-il pas cependant rester la « boussole », comme il l’a dit aux cardinaux.

La « réforme de la réforme » liturgique appelle tout naturellement une « réforme de la réforme » du point de vue doctrinal, parce que la déficience de la réforme liturgique est le miroir des problèmes théologiques et que le flou doctrinal dont je parlais s’exprime visiblement dans le flou liturgique et réciproquement.

Comme les glaces qui se font face sur les murs d’un café…

Oui, en abîme. Si donc, on en vient à corriger progressivement en liturgie le manque de transcendance, à inverser le sens de l’autel, à réintroduire les prières de l’offertoire, on sera conduit de même à sortir de ce qui en est le similaire du point de vue de la doctrine. En fait, le principe d’une transition doctrinale est analogiquement le même que celui qui rend souhaitable la transition liturgique : une liturgie en cours de « traditionalisation » sera déjà une liturgie traditionnelle. Dans le domaine doctrinal, le but ultime d’une « réforme de la réforme » est l’élaboration d’une interprétation authentique — par précisions, corrections, condamnations de directions erronées — des points litigieux. Avant que n’advienne cette interprétation authentique interviendront des étapes : la reconnaissance que ces enseignements à interpréter n’engagent pas l’enseignement de l’Église ; la légitimation d’une libre discussion des points en litige ; et dans le même temps, ou avant, l’acceptation comme parfaitement catholique de la non-adhésion à ces enseignements conciliaires.

Mais n’est-ce pas admettre à égalité la vérité et l’erreur, par exemple l’anti-œcuménisme et l’œcuménisme, l’affirmation de l’unicité de l’Église et la reconnaissance de l’ecclésialité des communautés séparées ?

Le terrain est assurément délicat, mais qui veut sortir du marais doit prendre le risque des sables mouvants. L’essence de tout processus de transition est d’être un passage intentionnel vers un autre état, en l’espèce vers une nouvelle situation ecclésiale. Le cardinal Lustiger disait à La Croix après l’élection de Benoît XVI que l’application de Vatican II avait à peine commencé. 40 ans après la fin du Concile ! C’est comme si on avait dit, 40 ans après la fin du concile de Trente, en 1603, saint Pie V étant mort depuis 30 ans et saint Charles Borromée depuis 20 ans, que la Contre Réforme commençait à peine… Soyons sérieux ! Au minimum, on peut dire que Vatican II n’a pas fonctionné et qu’il faut trouver autre chose.

Le monde traditionaliste est actuellement très divisé, et semble-t-il sans perspectives. Quelle pourrait être son attitude ?

L’élection de Benoît XVI est pour les traditionnels, toutes tendances confondues, inespérée. Mais justement, le cadeau est sans doute trop beau et risque d’accentuer la déperdition dont vous parlez. Faut-il continuer de négocier, entre catholiques traditionnels et catholiques conciliaires ? Si oui, c’est un cran au-dessus, en parlant clairement pour préparer l’abordage sur d’autres rives. Pour tous ceux qui s’opposent à l’« esprit du Concile », et qui débordent de loin le monde varié des traditionalistes, le moment approche de s’attaquer au problème de la liturgie de l’Église, telle qu’elle se célèbre dans les paroisses. Quant aux Communautés et Fraternités traditionnelles, il devient urgent qu’elles se disposent pour leur part à autre chose qu’une activité pastorale pour des publics enclavés, avec ou sans « autorisations » et « indults ».

Pensez-vous que Benoît XVI convoquera un autre concile ?

Franchement, je ne pense pas. Mais rêver ne coûte rien : il pourrait le convoquer non loin de Bressanone, où il passait ses vacances, par exemple à Trente…