" Les Nouvelles
de
Chrétienté "
n°34
Le 23 décembre 2005
Supplique à Benoît XVI
Très Saint Père,
Changez le « personnel »
français de
Très Saint Père,
Vous avez reçu, le lundi 19 décembre, au Vatican, le
nouvel ambassadeur de France près le Saint-Siège, M. Bernard Kessedjian, qui vous a
présenté ses lettres de créance.
Votre discours d’accueil m’a profondément surpris et
même scandalisé.
Je me suis apaisé – un peu - sachant que ce n’est pas
vous qui l’avait rédigé. Vous n’avez fait que le lire. Il est clair qu’il n’est
pas de votre plume. Ce n’est pas votre style que je connais bien maintenant. Il
est bien plus nerveux, bien plus « sautillant », je veux dire, frais et alerte…Vos phrases sont toujours
beaucoup plus courtes…C’était déjà le même style que nous avions sous votre vénéré prédécesseur Jean Paul II
dans ses discours diplomatiques.
Vous l’avez tout de même lu…. Il aurait fallu le
corriger.
Le nouveau théologien de
Oui, ce discours m’a
choqué en plusieurs de ces affirmations. Ce ne sont pas celles où l’on rappelle
l’importance de la famille et son rôle dans l’éducation des enfants. Ce ne
sont pas celles, non plus, où l’on
rappelle l’importance de la morale dans
les problèmes importants de la bioéthique. Ce ne sont pas encore les
affirmations qui concernent les efforts que les pays riches doivent envisager
en faveur des pays les plus pauvres, notamment les pays d’Afrique…
Mais ce sont les
affirmations qui analysent les « mouvements » de violence qu’a connu
notre pays en novembre dernier. Là, le langage m’a paru particulièrement
hypocrite et insignifiant. Et même sous un certain rapport, faux
Ce n’est pas vous, Très
Saint Père, qui avait pu écrire cela.
Et dans ce passage, deux
choses m’ont particulièrement scandalisé :
- l’allusion à la devise
révolutionnaire qui serait, selon les rédacteurs, la devise de
- l’analyse proprement
dite des « événements » de novembre. Ne voir dans ces « actes de
violence» que des actes de « jeunes » en mal d’intégration dont ils
seraient victimes en raison d’une certaine politique, c’est refuser de voir la
réalité qui ébranle aujourd’hui
Non, ce n’est pas possible.
Très Saint Père, changez
le personnel de la section française de
Souffrez, Très Saint
Père, que je rappelle à votre personnel ecclésiastique de la section française
de votre Secrétairerie d’Etat, trop
omnipotente, ce qu’est
La devise de
« Eh bien non, nous ne boirons pas en silence
l’amer breuvage qui nous a été paternellement tendu.
Non, la devise de
C’est dans cet esprit, la mémoire française le sait,
que la papauté fut abolie par
Toujours au nom du même esprit,
Paul VI avait déjà commis en 1963 l’erreur historique
de voir « liberté, égalité, fraternité » comme une devise « profondément
chrétienne ».
André Charlier en écrivait alors :
« Je crois qu’il a appris l’histoire dans Maritain. Comme il
est tout de même indispensable qu’il sache l’histoire vraie, j’ai peur que
Ce qu’il faudrait que le clergé d’aujourd’hui apprenne
enfin, c’est que la politique est le monde clos du mensonge. Non point par
nature, mais par aventure. Elle l’est devenue aux mains de la démocratie
moderne, instrument idéologique de la ténébreuse alliance entre le socialisme
apatride et la fortune anonyme et vagabonde : ténébreuse alliance qui réduit
les peuples chrétiens en servitude, la servitude de l’argent-roi,
et leur vole leur âme, à commencer par celle des enfants.
Il faut que cela soit devenu clair même pour des
esprits formés aux rêveries de la démocratie chrétienne, puisque cette semaine
Si la hiérarchie ecclésiastique veut nous donner de
solennelles indications en politique, c’est bien son droit, et nous sommes à
l’écoute, mais alors que ce ne soit pas pour humilier à contresens notre patrie
et désespérer notre piété filiale. Que ce soit pour nous aider (sans nous
remplacer dans l’appréciation des contingences temporelles), nous aider à
refaire de la politique la science et l’art du bien commun temporel, selon sa
vocation de justice, d’honnêteté, de sainteté. Notre politique française, c’est
saint Rémi et sainte Clotilde ; c’est saint Eloi : travail, famille, patrie ;
c’est Charlemagne et c’est saint Louis ; c’est Jeanne d’Arc et le Christ-Roi…
- Mais sans anachronisme ?
- Bien sûr.
Nous savons bien que nous sommes à un autre âge de
l’humanité que saint Bernard de Clairvaux. Mais le CHRIST-ROI jamais n’est
anachronique. D’ailleurs il règne aussi par son absence, et c’est tout notre
malheur ». Jean Madiran
Très
Saint Père, veuillez me bénir ainsi que tous ceux qui se réjouiront de
la publication de cette supplique, qui n’est qu’un simple et légitime recours à
votre paternité.
Abbé Paul Aulagnier
PS. Le discours prononcé par le pape Benoît XVI, lors
de la réception du nouvel ambassadeur près le Saint Siège.
« Monsieur l’Ambassadeur,
C’est avec joie que je reçois de vos mains les Lettres qui vous accréditent
comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de France près le
Saint-Siège. En vous remerciant des paroles courtoises que vous avez bien voulu
m’adresser, je vous souhaite une cordiale bienvenue à l’occasion de cette
rencontre solennelle qui inaugure la mission qui vous a été confiée ici. Je
suis sensible aux souhaits de Son Excellence Monsieur Jacques Chirac, Président
de
Vous savez l’attention particulière de l’Église catholique et du Saint-Siège
envers la nation française. Vous connaissez aussi l’engagement de l’Église
catholique dans la société, à tous les niveaux. Par votre intermédiaire,
permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, d’adresser mes salutations fraternelles
aux Pasteurs et aux fidèles catholiques de votre pays, les encourageant à
poursuivre leur mission apostolique et leurs actions de solidarité fraternelle
dans les paroisses, les mouvements, les associations; ce sont des attitudes qui
appartiennent à la tradition chrétienne et qui trouvent leur fondement dans
l’amour du Christ pour chaque personne, digne d’être aimée pour elle-même.
Votre pays célèbre cette année le centenaire de la loi de séparation des
Églises et de l’État. Comme l’a rappelé mon prédécesseur le Pape Jean-Paul II
dans la lettre qu’il adressait le 11 février dernier aux Évêques de France, le
principe de laïcité consiste en une saine distinction des pouvoirs, qui n’est
nullement une opposition et qui n’exclut pas cependant pour l’Église «de
prendre une part toujours plus active à la vie de la société, dans le respect
des compétences de chacun» (n. 2). Une telle conception doit aussi permettre de
promouvoir davantage l’autonomie de l’Église, que ce soit dans son organisation
ou dans sa mission. À ce propos, je salue l’existence et les rencontres des
instances de dialogue entre l’Église et les Autorités civiles, à tous les niveaux.
Je suis sûr que cela permettra de faire concourir au bien des citoyens toutes
les forces ainsi mises en œuvre et portera des fruits dans la vie sociale.
Comme vous l’avez rappelé, votre pays vient de vivre une période difficile sur
le plan social, faisant apparaître la profonde insatisfaction d’une partie de
la jeunesse; une telle situation semble avoir atteint non seulement les
banlieues des grandes villes, mais plus profondément toutes les couches de la
population. Les violences internes qui marquent les sociétés et que l’on ne
peut que condamner constituent cependant un message, notamment de la part de la
jeunesse, nous invitant à prendre en considération les requêtes des jeunes et à
avoir, comme le rappelait Mgr Jean-Pierre Ricard, Archevêque de Bordeaux et
Président de
Votre pays a accueilli de nombreux travailleurs étrangers et leurs familles,
qui ont largement contribué au développement de
Il convient aussi de porter une attention toute spéciale à l’institution
conjugale et familiale, à laquelle
aucune autre forme d’organisation relationnelle ne peut être comparée. Elle est
en effet le fondement de la vie sociale et elle a un rôle irremplaçable dans
l’éducation de la jeunesse, associant autorité et soutien affectif, donnant à
tous les jeunes les valeurs indispensables à leur maturation personnelle et le
sens du bien commun, ainsi que les repères nécessaires à la vie en société.
Pour ce faire, elle doit être aidée et soutenue, pour ne pas démissionner de sa
mission éducative et laisser alors les jeunes livrés à eux-mêmes. Je veux
saluer ici les éducateurs, le milieu scolaire et tous les mouvements qui
s’attachent à soutenir les parents dans leur tâche éducative, les aidant à
former la conscience des jeunes, pour que ces derniers puissent être demain des
adultes responsables non seulement d’eux-mêmes mais aussi de leurs frères en
humanité et de la bonne marche de la société. Que tous sachent que l’Église,
qui s’attache partout à défendre la famille, veut les aider dans leur tâche.
D’autre part, il importe que les jeunes soient accompagnés, pour qu’ils
puissent prendre leur vie en main et se sentir membres à part entière de la
société. Tout cela contribuera grandement à la cohésion nationale entre les
générations et à la création d’un tissu social plus fort. Dans ce même esprit,
je souhaite attirer aussi l’attention de tous les hommes de bonne volonté sur
les décisions et les actions en matière de bioéthique, qui montrent que l’on a
de plus en plus tendance à considérer l’être humain, notamment dans les
premiers instants de son existence, comme un simple objet de recherche. Il
importe d’envisager les questions éthiques non pas d’abord du point de vue de
la science, mais de celui l’être humain, qui doit impérativement être respecté.
Sans acceptation de ce critère moral fondamental, il sera difficile de créer
une société vraiment humaine, respectueuse de tous les êtres qui la composent,
sans distinctions aucunes.
Pour de multiples raisons, votre pays est attentif aux pays émergents et à ceux
qui peinent à engager un véritable développement économique et social. Le
récent sommet Afrique-France, qui s’est tenu au Mali,
en est une expression. Les pays riches ont une grande responsabilité dans la
croissance des sociétés et dans l’épanouissement des citoyens des nations en
difficulté, non seulement pour leur fournir des aides financières, mais aussi
pour former techniquement les cadres et le personnel qui rendront ces nations
de plus en plus autonomes et protagonistes dans l’économie mondiale. Ils sont
appelés à participer notamment à l’établissement de structures locales
autosuffisantes permettant aux habitants d’avoir les ressources nécessaires à leur
subsistance. Il devient en effet plus que jamais urgent que se poursuivent et
s’intensifient les actions les plus concrètes possibles, prenant appui sur les
populations locales, en particulier les femmes et les jeunes, qui, notamment
dans les sociétés africaines, ont une place primordiale et peuvent grandement
donner un nouvel élan à l’économie et à la vie sociale.
Au terme de notre rencontre, je vous adresse, Excellence, mes vœux les plus
cordiaux pour la mission que vous inaugurez aujourd’hui. Soyez assuré que vous
trouverez toujours auprès de mes collaborateurs l’attention et l’aide dont vous
pourrez avoir besoin.
En confiant le peuple de France et ses Autorités à la bienveillance de
Notre-Dame de Lourdes et aux nombreux saints et saintes de votre terre, si
chers au cœur de bon nombre de vos compatriotes, je demande au Seigneur de les
soutenir tous, afin que, puisant dans le patrimoine et la longue tradition
spirituels qui sont les leurs, ils puissent édifier une société de paix et de
justice, et contribuer à une solidarité toujours plus grande entre les
personnes et entre les peuples. Bien volontiers, je vous accorde, Excellence,
.