de
Chrétienté
N°
185
Au 3 juillet
2009
L’année
sacerdotale et le saint Curé d’Ars
A- Nous publions d’abord le texte intégral du
discours prononcé, le mercredi 24 juin 2009,
par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, place Saint-Pierre.
Il est revenu sur le thème de l’année
sacerdotale rappelant que le prêtre doit être un homme de vie intérieure.
B- Nous le faisons suivre de la troisième
partie de l’Encyclique de Jean XXIII sur le saint Curé
A-
Le prêtre doit être une
homme de vie intérieure. Précisément le but de cette année sacerdotale doit
être de favoriser la tension de chaque
prêtre « vers la perfection spirituelle de laquelle dépend en particulier
l'efficacité de son ministère »,
Chers frères et sœurs,
Vendredi dernier, 19 juin, solennité du
Sacré-Cœur de Jésus et journée traditionnellement consacrée à la prière et à la
sanctification des prêtres, j'ai eu la joie d'inaugurer l'Année sacerdotale,
décidée à l'occasion du cent-cinquantième anniversaire de la « naissance au ciel
» du curé d'Ars, saint Jean Baptiste Marie Vianney. Et en entrant dans la
basilique vaticane pour la célébration des vêpres, presque comme premier geste
symbolique, je me suis arrêté dans la chapelle du Chœur pour vénérer la relique
de ce saint pasteur d'âmes : son cœur. Pourquoi une Année sacerdotale ?
Pourquoi précisément en souvenir du saint curé d'Ars, qui n'a apparemment rien
accompli d'extraordinaire ?
Les conditions historiques et sociales dans
lesquelles se trouva le curé d'Ars ont indéniablement changé et il est juste de
se demander comment les prêtres peuvent l'imiter dans l'identification avec
leur propre ministère dans les sociétés actuelles mondialisées. Dans un monde
où la vision commune de la vie comprend toujours moins le sacré, à la place
duquel « l'aspect fonctionnel » devient l'unique catégorie décisive, la
conception catholique du sacerdoce pourrait risquer de perdre son caractère
naturel, parfois même à l'intérieur de la conscience ecclésiale. Souvent, que
ce soit dans les milieux théologiques, ou bien dans la pratique pastorale et de
formation concrète du clergé, s'affrontent, et parfois s'opposent, deux
conceptions différentes du sacerdoce. Je remarquais à ce propos il y a quelques
années qu'il existe « d'une part, une conception socio-fonctionnelle qui
définit l'essence du sacerdoce avec le concept de "service" : le
service à la communauté, dans l'exercice d'une fonction... D'autre part, il y a
la conception sacramentelle-ontologique, qui naturellement ne nie pas le
caractère de service du sacerdoce, mais le voit cependant ancré à l'être du
ministre et qui considère que cet être est déterminé par un don accordé par le
Seigneur à travers la médiation de l'Eglise, dont le nom est sacrement » (J.
Ratzinger, Ministero e vita del Sacerdote, in Elementi di Teologia
fondamentale. Saggio su fede e ministero, Brescia 2005, p. 165). Le
glissement terminologique du mot « sacerdoce » à ceux de « service, ministère,
charge », est également un signe de cette conception différente. Ensuite, à la
première, la conception ontologique-sacramentelle, est lié le primat de
l'Eucharistie, dans le binôme «sacerdoce-sacrifice», alors qu'à la deuxième
correspondrait le primat de la parole et du service de l'annonce.
A tout bien considérer, il ne s'agit pas de
deux conceptions opposées, et la tension qui existe cependant entre elles doit
être résolue de l'intérieur. Ainsi, le décret Presbyterorum ordinis du
Concile Vatican II affirme : « En effet, l'annonce apostolique de l'Evangile
convoque et rassemble le peuple de Dieu, afin que tous les membres de ce
peuple... s'offrent eux-mêmes en "victime vivante, sainte, agréable à
Dieu" (Rm 12, 1), et c'est précisément à travers le ministère des
prêtres que le sacrifice spirituel des fidèles atteint sa perfection dans
l'union au sacrifice du Christ, unique médiateur. En effet, ce sacrifice,
accompli par les mains du prêtre et au nom de toute l'Eglise est offert dans
l'Eucharistie « de manière non sanglante et sacramentelle, jusqu'à ce que
vienne le Seigneur lui-même » (n. 2).
Nous nous demandons alors : «Que signifie
précisément pour les prêtres évangéliser ? En quoi consiste ce que l'on appelle
le primat de l'annonce ? ». Jésus parle de l'annonce du Royaume de Dieu comme
du véritable but de sa venue dans le monde et son annonce n'est pas seulement
un « discours ». Elle inclut dans le même temps son action elle-même : les
signes et les miracles qu'il accomplit indiquent que le Royaume vient dans le
monde comme réalité présente, qui coïncide en fin de compte avec sa propre
personne. En ce sens, il faut rappeler que, dans le primat de l'annonce
également, la parole et le signe sont inséparables. La prédication chrétienne
ne proclame pas des « paroles », mais
Or, être « voix » de
Alter Christus, le prêtre est
profondément uni au Verbe du Père, qui en s'incarnant a pris la forme d'un
serviteur, est devenu serviteur (cf. Ph 2, 5-11). Le prêtre est le
serviteur du Christ, au sens que son existence, configurée à Lui de manière
ontologique, assume un caractère essentiellement relationnel : il est en Christ,
pour le Christ et avec le Christ au service des hommes. Précisément
parce qu'il appartient au Christ, le prêtre est radicalement au service des
hommes : il est ministre de leur salut, de leur bonheur, de leur libération
authentique, mûrissant, dans cette assomption progressive de la volonté du
Christ, dans la prière, dans le « cœur à cœur » avec Lui. Telle est alors la
condition inaliénable de toute annonce, qui comporte la participation à
l'offrande sacramentelle de l'Eucharistie et la docile obéissance à l'Eglise.
Le saint curé d'Ars répétait souvent avec les
larmes aux yeux : « Comme il est effrayant d'être prêtre ! ». Et il ajoutait :
« Comme c'est triste un prêtre qui célèbre
B-
L’encyclique
de Jean XXIII, « Sacerdotii Nostri Primordia ». Troisième
partie : son zèle apostolique.
III – ZELE PASTORAL
Le saint Curé d’Ars, modèle de zèle apostolique
40. Cette vie d’ascèse et de prière, dont Nous venons, Vénérables
Frères, de vous dire la ferveur, livre au surplus le
secret du zèle pastoral de saint Jean-Marie Vianney et de l’étonnante
efficacité surnaturelle de son ministère. " Que le prêtre cependant se
souvienne, écrivait Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire Pie XII, que son
ministère, si important, sera d’autant plus fécond qu’il sera lui-même plus
étroitement uni au Christ et qu’il sera guidé dans l’action par l’esprit du
Christ (65) ". La vie du Curé d’Ars vérifie une fois de plus cette grande
loi de tout apostolat, fondée sur la parole même de Jésus : " Sans moi,
vous ne pouvez rien faire " (Jn 15, 5).
41. Sans doute ne s’agit-il pas ici de rappeler l’admirable
histoire de cet humble Curé de campagne, dont le confessionnal fut, trente
années durant, assiégé par des foules si nombreuses que certains esprits forts
de l’époque osèrent lui reprocher de " troubler le XIXe siècle "
(66), ni de traiter avec opportunité de ses méthodes d’apostolat qui ne sont
pas immédiatement applicables à l’apostolat contemporain. Et il Nous suffit de
rappeler, sur ce point, que le saint Curé fut en son temps un modèle de zèle
pastoral dans ce village de France où la foi et les moeurs se ressentaient
encore des ébranlements de
Sens aigu des responsabilités pastorales
42. Ce qui frappe tout d’abord, c’est le sens aigu qu’il avait de
ses responsabilités pastorales. Son humilité et la connaissance surnaturelle
qu’il avait du prix des âmes lui firent porter avec crainte sa charge de curé.
" Mon ami, confiait-il à un confrère, vous ne savez pas ce que c’est que
de passer d’une cure au tribunal de Dieu ! " (69) Et l’on sait le désir
qui le tourmenta longtemps de fuir en quelque lieu de retraite pour y "
pleurer sa pauvre vie ", et comment l’obéissance et le zèle des âmes le
ramenèrent chaque fois à son poste.
43. Mais si, à certaines heures, il fut ainsi accablé par sa
charge devenue exceptionnellement écrasante, c’est que précisément il avait de
son devoir et de ses responsabilités de pasteur une conception héroïque. "
Mon Dieu, priait-il en ses premières années, accordez-moi la conversion de ma
paroisse ; je consens à souffrir ce que vous voudrez tout le temps de ma vie !
" (70) Il obtint du ciel cette conversion. Mais il avouait plus tard :
" Quand je suis venu à Ars, si j’avais prévu les souffrances qui m’y
attendaient, je serais mort d’appréhension sur le coup (71) ". À l'exemple
des apôtres de tous les temps, il voyait dans la croix le grand moyen
surnaturel de coopérer au salut des âmes qui lui étaient confiées. Pour elles,
il souffrit sans se plaindre les calomnies, les incompréhensions, les
contradictions ; pour elles, il accepta le véritable martyre physique et moral
d’une présence presque ininterrompue au confessionnal chaque jour durant trente
années ; pour elles, il lutta en athlète du Seigneur contre les puissances
infernales ; pour elles, il mortifia son corps. Et l’on connaît sa réponse à ce
confrère qui se plaignait du peu d’efficacité de son ministère : " Vous
avez prié, vous avez pleuré, vous avez gémi, vous avez soupiré. Mais avez-vous
jeûné, avez-vous veillé, avez-vous couché sur la dure, vous êtes-vous donné la
discipline ? Tant que vous n’en serez pas là, ne croyez pas avoir tout fait
". (72)
44. Nous Nous tournons vers tous les prêtres qui ont charge d’âmes
et Nous les conjurons d’entendre ces véhémentes paroles ! Que chacun, selon la
prudence surnaturelle qui doit toujours régler nos actions, apprécie sa propre
conduite vis-à-vis du peuple confié à sa sollicitude pastorale. Sans jamais
douter de la miséricorde divine qui vient en aide à notre faiblesse, qu’il
considère à la lumière des exemples de saint Jean-Marie Vianney sa propre
responsabilité. " Ce qui est un grand malheur pour nous autres curés,
déplorait le Saint, c’est que l’âme s’engourdit " ; et il entendait par là
une dangereuse accoutumance du pasteur à l’état de péché dans lequel vivent
tant de ses ouailles. Ou encore, pour mieux se mettre à l’école du Curé d’Ars,
qui " était convaincu que pour faire du bien aux hommes, il fallait les aimer
", (73) que chacun s’interroge sur la charité qui l’anime à l’égard de
ceux dont il a devant Dieu la charge et pour qui le Christ est
mort !
45. Certes, la liberté des hommes ou certains événements
indépendants de leur volonté peuvent parfois s’opposer aux efforts des plus
grands saints. Mais le prêtre n’en garde pas moins le devoir de se rappeler
que, selon les insondables desseins de la divine Providence, le sort de
beaucoup d’âmes est lié à son zèle pastoral et à l’exemple de sa vie. Cette
pensée n’est-elle pas de nature à provoquer chez les tièdes une salutaire
inquiétude et à stimuler les plus fervents ?
Prédicateur et catéchiste infatigable
46. " Toujours prêt à répondre aux besoins des âmes (74)
", saint Jean-Marie Vianney excella en vrai
pasteur à leur procurer en abondance l’aliment primordial de la
vérité religieuse. Il fut toute sa vie
prédicateur et catéchiste. On sait le travail acharné et
persévérant qu’il s’imposa pour bien remplir ce devoir de sa charge, le premier
et le plus grand des devoirs, selon le Concile de Trente. Ses études, faites
tardivement, furent laborieuses, et ses sermons lui coûtèrent au début bien des
veilles. Mais quel exemple pour les ministres de
En tout cas, chaque prêtre a le devoir d’acquérir et d’entretenir
les connaissances générales et la culture théologique proportionnées à ses
aptitudes et à ses fonctions. Et plaise à Dieu que les pasteurs d’âmes fassent
toujours autant que fit le Curé d’Ars pour développer les capacités de son
intelligence et de sa mémoire, et pour puiser surtout aux lumières du plus
savant livre qu’on puisse lire, la croix du Christ ! Son évêque disait de lui à
certains de ses détracteurs : " Je ne sais pas s’il est instruit, mais il
est éclairé ". (76)
48. C’est avec grande raison que Notre Prédécesseur d’heureuse
mémoire, Pie XII, ne craignit pas de
donner en modèle aux prédicateurs de
49. Jusqu’à sa mort, saint Jean-Marie Vianney fut ainsi fidèle à
instruire son peuple et les pèlerins qui
emplissaient son église, à dénoncer " à temps et à
contretemps " (2 Tim 4, 2) le mal sous toutes ses formes, à soulever
surtout les âmes vers Dieu, car " il préférait montrer le côté attrayant
de la vertu plus que la laideur du vice " (78). Cet humble prêtre avait en
effet compris à un rare degré la dignité et la grandeur du ministère de
50. On comprend donc la joie de Nos Prédécesseurs d’offrir ce
pasteur d’âmes en modèle aux prêtres, car il est d’une souveraine importance
que le clergé soit partout et en tout temps fidèle à son devoir d’enseigner. "
Il importe, disait à ce propos saint Pie X, de mettre en relief et avec
insistance ce point essentiel : un prêtre quel qu’il soit n’a pas de tâche plus
importante et il n’est tenu par aucune obligation plus stricte (79) ".
Cette objurgation, constamment renouvelée par tous et dont le Code de droit
canonique se fait l’écho (80), Nous vous l’adressons à Notre tour, Vénérables
Frères, en cette année centenaire du saint catéchiste et prédicateur d’Ars.
Nous encourageons les recherches faites avec prudence et sous
votre contrôle en divers pays pour
améliorer les conditions de l’enseignement religieux des jeunes et
des adultes, sous ses différentes formes et compte tenu des différents milieux.
Mais, pour utiles que soient de tels travaux, Dieu nous rappelle en ce centenaire
du Curé d’Ars l’irrécusable puissance apostolique d’un prêtre qui, par sa
propre vie autant que par ses paroles, rend témoignage au Christ crucifié
" non par les discours persuasifs de la sagesse, mais par une
démonstration d’Esprit et de puissance " (1 Co 2, 4).
Le vaillant apôtre du confessionnal
51. Il nous reste enfin à évoquer dans la vie de saint Jean-Marie
Vianney cette forme du ministère pastoral qui lui fut ici-bas comme un long
martyre et demeure à jamais attachée à sa gloire : l’administration du sacrement
de pénitence, qui en reçut un singulier éclat et produisit les fruits les plus
abondants et salutaires. " Il passait en moyenne quinze heures au confessionnal
chaque jour. Ce labeur quotidien commençait à 1 h. ou 2 h. du matin et ne
finissait qu’à la nuit (81) ". Et quand il tomba d’épuisement, cinq jours
avant sa mort, les derniers pénitents se pressèrent au chevet du moribond. Vers
la fin de sa vie, estime-t-on, le nombre annuel des pèlerins avait atteint le
chiffre de quatre-vingt mille. (82)
52. On a peine à imaginer les gênes, les incommodités, les
souffrances physiques de ces interminables séances au confessionnal, pour un
homme déjà épuisé par les jeûnes, les macérations, les infirmités, le manque de
repos et de sommeil. Mais surtout, il en fut moralement comme écrasé de
douleur. Écoutez sa plainte : " On offense tant le bon Dieu, qu’on serait
tenté de demander la fin du monde ! ... Il faut venir à Ars pour savoir ce
qu’est le péché... On ne sait qu’y faire : on ne peut que pleurer et prier
". Le Saint oubliait d’ajouter qu’il prenait aussi sur lui une part de
l’expiation : " Pour moi, confiait-il à qui lui demandait conseil, je leur
donne une petite pénitence et je fais le reste à leur place ". (83)
53. En vérité, le Curé d’Ars ne vivait que pour les " pauvres
pécheurs ", comme il disait, dans l’espérance de les voir " se
convertir et pleurer ". Leur conversion était " le but vers lequel
convergeaient toutes ses pensées et l’oeuvre pour laquelle il dépensait tout
son temps et toutes ses forces " (84). C’est qu’en effet il sait, par l’expérience
du confessionnal, toute la malice du péché et ses effroyables ravages dans le
monde des âmes ; il en a parlé en termes terribles : " Si nous avions la
foi et que nous vissions une âme en état de péché mortel, nous mourrions de
frayeur ! " (85)
54. Mais l’acuité de sa peine et la véhémence de sa parole
proviennent moins de la crainte des peines
éternelles qui menacent le pécheur endurci que de l’émotion
ressentie à la pensée de l’amour divin
méconnu et offensé. Devant l’obstination du pécheur et son
ingratitude envers un Dieu si bon, les larmes jaillissaient de ses yeux :
" Oh ! mon ami, disait-il, je pleure de ce que vous ne pleurez pas ! 86
" Mais, au contraire, avec quelle délicatesse et quelle ferveur ne fait-il
pas renaître l’espérance dans les cœurs repentants. Inlassablement, il se fait
auprès d’eux le ministre de la miséricorde divine, qui est, disait-il, puissante
" comme un torrent débordé qui entraîne les coeurs sur son passage "
87 et plus empressée que la sollicitude d’une mère, car Dieu est " plus
prompt à pardonner qu’une mère ne le serait à tirer son enfant du feu "
(88).
55. À l’exemple du saint Curé d’Ars, les pasteurs d’âmes auront à
coeur de se consacrer, avec compétence et dévouement, à ce ministère si grave,
car c’est là que finalement la miséricorde divine triomphe de la malice des
hommes et que le pécheur est réconcilié avec son Dieu.
Qu’on se souvienne également que Notre Prédécesseur Pie XII a
condamné " en termes sévères " l’opinion erronée d’après laquelle il
ne faudrait pas faire tant de cas de la confession fréquente des fautes
vénielles : " Pour avancer avec une ardeur croissante dans le chemin de la
vertu, Nous tenons à recommander vivement ce pieux usage de la confession
fréquente, introduit par l’Église sous l’impulsion de l’Esprit- Saint ".
(89) Enfin, Nous voulons avoir confiance que les ministres du Seigneur seront
eux-mêmes les premiers fidèles, selon les prescriptions canoniques, (90) à la
pratique régulière et fervente du sacrement de pénitence, si nécessaire à leur
sanctification, et qu’ils tiendront le plus grand compte des pressantes objurgations
que, plusieurs fois et le coeur serré, Pie XII tint à leur adresser à cet
égard. (91)
CONCLUSION
56. Au terme de cette lettre, Vénérables Frères, Nous désirons
vous dire Notre très douce espérance que, par la grâce de Dieu, ce centenaire
de la mort du saint Curé d’Ars réveillera en tous les prêtres le désir d’accomplir
plus généreusement leur ministère, et surtout ce " premier devoir qui est
de travailler à leur propre sanctification (92) ".
57. Quand, de ce faîte du suprême Pontificat où
l’immense attente des âmes, les graves problèmes de
l’évangélisation en tant de pays et les besoins
religieux des populations chrétiennes, toujours et partout se
présente devant Nos yeux l’image du prêtre. Sans lui, sans son action
quotidienne, que deviendraient les initiatives les plus appropriées aux
nécessités de l’heure ? Que feraient même les apôtres laïques les plus généreux
? C’est à ces prêtres tant aimés et sur qui se fondent tant d’espoirs de
progrès dans l’Église, que Nous osons demander, au nom du Christ Jésus, l’entière
fidélité aux exigences spirituelles de leur vocation sacerdotale. Ces sages
paroles de saint Pie X rehaussent Notre appel : " Pour faire régner
Jésus-Christ dans le monde, rien n’est plus nécessaire qu’un clergé saint, qui
soit, par l’exemple, la parole et la science, le guide des fidèles (93) ".
Saint Jean-Marie Vianney disait semblablement à son évêque : " Si vous
voulez convertir votre diocèse, il faut faire des saints de tous vos curés
".
Différentes exhortations
58. À vous, Vénérables Frères, qui portez la responsabilité de la
sanctification de vos prêtres, Nous vous recommandons de les aider dans les
difficultés, parfois graves, de leur vie personnelle ou de leur ministère. Que
ne peut faire un évêque qui aime ses prêtres et a gagné leur confiance, qui les
connaît, les suit de près et les guide avec une autorité ferme et toujours
paternelle ! Pasteur de tout le diocèse, soyez-le en premier lieu et avec une
sollicitude toute particulière pour ces hommes qui collaborent si étroitement
avec vous et auxquels vous unissent des liens si sacrés.
59. C’est aussi à tous les fidèles que Nous demandons, en cette
année centenaire, de prier pour les prêtres et de contribuer, pour leur part, à
leur sanctification. Aujourd’hui, les chrétiens fervents attendent
beaucoup du prêtre. Ils veulent voir en
lui, dans un monde où triomphent souvent la puissance de l’argent, la séduction
des sens, le prestige de la technique, un témoin du Dieu invisible, un homme de
foi, oublieux de lui-même et plein de charité. Qu’ils sachent bien, ces
chrétiens, qu’ils peuvent beaucoup pour la fidélité de leurs prêtres à un tel
idéal, par un respect religieux de leur caractère sacerdotal, une plus exacte
compréhension de leur tâche pastorale et de ses difficultés, une plus active
collaboration à leur apostolat.
60. Enfin, c’est vers la jeunesse chrétienne que Nous tournons un
regard chargé d’affection et rempli
d’espoir. " La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu
nombreux " (Mt 9, 37). En tant de régions, les apôtres, usés par le
labeur, attendent avec un vif désir ceux qui assureront la relève ! Des peuples
entiers souffrent d’une faim spirituelle plus grave encore que celle du corps ;
qui leur portera la nourriture céleste de vérité et de vie ? Nous avons la
ferme confiance que la jeunesse de ce siècle ne sera pas moins généreuse à
répondre à l’appel du Maître que celle des temps passés.
Certes, la condition du prêtre est souvent difficile. Il n’est pas
étonnant qu’il soit le premier en butte à la persécution des ennemis de
l’Église, car, disait le Curé d’Ars, " quand on veut détruire la religion,
on
commence par attaquer le prêtre ". Mais, malgré ces grandes
difficultés, que nul ne doute du bonheur
profond qui est le partage du prêtre fervent appelé par le Sauveur
Jésus à collaborer à la plus sainte des oeuvres, celle de la rédemption des
âmes et de la croissance du Corps mystique. Familles chrétiennes, pesez vos
responsabilités et donnez vos fils avec joie et gratitude pour le service de
l’Église.
Prière et bénédiction
61. Nous ne voulons pas développer ici cet appel, qui est aussi le
vôtre, Vénérables Frères. Mais vous
comprendrez, Nous en sommes sûr, et partagerez l’anxiété de Notre
coeur et toute la puissance de
conviction que Nous voudrions mettre en ces quelques paroles.
C’est à saint Jean-Marie Vianney que Nous confions cette cause si grave et dont
dépend l’avenir de tant de milliers d’âmes !
Vers
En vérité, l’existence du saint prêtre dont Nous célébrons la
mémoire, était à l’avance une vivante illustration des grandes vérités
surnaturelles enseignées à la voyante de Massabielle ! Il avait lui-même pour l’Immaculée
Conception de
Aussi, Nous plaisons-Nous à unir dans Notre pensée et Notre
gratitude envers Dieu ces deux centenaires, de Lourdes et d’Ars, qui se
succèdent providentiellement et honorent grandement la nation si chère à Notre coeur,
à qui appartiennent ces lieux si saints. Fidèle à tant de bienfaits obtenus et
dans l’espérance de grâces nouvelles, Nous ferons Nôtre l’invocation mariale
qui était familière au saint Curé d’Ars : " Bénie soit
62. Avec la vive espérance que ce centenaire de la mort de saint
Jean-Marie Vianney pourra susciter, dans le monde entier, un renouveau de
ferveur chez les prêtres et chez les jeunes appelés au sacerdoce, et aussi qu’il
pourra susciter de la part de tous les fidèles une attention plus grande et
plus agissante aux problèmes de la vie et du ministère des prêtres, Nous
accordons de grand coeur à tous, et en premier lieu à vous,
Vénérables Frères, en gage des grâces célestes et de Notre
bienveillance,
Donné à Rome, près Saint-Pierre,
le 31 juillet de l’année 1959,
la première de Notre Pontificat.
JEAN XXIII, PAPE.
NOTES
65) Pie XII, Exhortation apostolique Menti
nostrae. AAS XLII (1950) 676.
66) Cf.
Arch. secr. Vat., t. 227, p.
629.
67) Ibid. t. 227, p. 15.
68) Cf. Sermons du Bienheureux
Jean-Baptiste-Marie Vianney, t. II (1909), p. 86.
69) Cf.
Arch. secr. Vat., t. 227, p. 1210.
70) Ibid. t. 227, p. 53.
71) Ibid.
t. 227, p. 991.
72) Cf.
Arch. secr. Vat., t. 227, p. 53.
73) Ibid.
t. 227, p. 1002.
74) Cf.
Arch. secr. Vat., t. 227, p. 580.
75) Ibid.
t. 3897, p. 444.
76) Ibid.
t. 3897, p. 272.
77) Pie XII, Allocution Ci torna sempre aux
curés et aux Prédicateurs de Carême de Rome, du 16 mars
1946. AAS
XXXVIII (1946) 186.
78)
Arch. secr. Vat., t. 227, p. 185.
arsnet.org - S ’A 13
79) Pie X, Lettre encyclique Acerbo
nimis, Acta Pii X, t. 11, p. 75.
80) Code de Droit Canon, cc.
1330-1332.
81)
Arch. secr. Vat., t. 227, p. 18.
82) Ibid.
83) Ibid.
t. 227, p. 1018.
84) Arch.
secr. Vat., t. 227, p. 18.
85) Ibid.
t. 227, p. 290.
86) Ibid.
t. 227, p. 999.
87) Ibid.
t. 227, p. 978.
88) Ibid. t. 3900, p. 1554.
89) Pie XII, Lettre encyclique Mystici
Corporis du 29 juin 1943. AAS XXXV (1943) 235.
90) Code de Droit Canon, c. 125.
91) Cf. Pie XII, Lettre encyclique Mystici
Corporis. AAS XXXV (1943) 235 ; Encyclique Mediator Dei du 20
novembre 1947. AAS XXXIX (1947) 585
; Exhortation apostolique Menti nostrae. AAS XLII (1950) 674.
92) Pie XII, Exhortation apostolique Menti
nostrae. AAS XLII (1950) 677.
93) Pie X, Lettre au Cardinal Respighi La
ristorazione. Acta Pii X, t. 1, p. 257.
94)
Arch. secr. Vat., t. 227, p. 90.
95)
Arch. secr. Vat., t. 227, p.
1021.