de
Chrétienté
N° 180
Au 5 juin 2009
Le voyage
apostolique de Benoît XVI
en
Palestine
A-
Cérémonie de bienvenue à Bethléem
Nous publions ci-dessous le
texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé le mercredi 13 mai, au matin,
à son arrivée à Bethléem, devant le palais présidentiel, en présence du
président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas et des autorités locales,
civiles et religieuses.
Le
pape a parlé en faveur de la création d’un Etat palestinien mais aussi en faveur
du renoncement au terrorisme
Monsieur le président,
Chers amis,
Je
vous salue de tout cœur et je remercie chaleureusement le président, M.
Mahmoud Abbas, de ses paroles de bienvenue. Mon pèlerinage aux pays de
Je sais combien vous avez souffert et continuez à
souffrir du fait des troubles qui ont affligé ce pays depuis des décennies. Mon
cœur va rejoindre toutes les familles qui sont restées sans abri. Cet après
midi, je rendrai visite au Camp de réfugiés de Aida pour exprimer ma solidarité
avec le peuple qui a tant perdu. A ceux qui parmi vous pleurent la perte de
membres de leur famille et d'êtres chers, pendant les hostilités, spécialement
le récent conflit de Gaza, j'offre l'assurance de ma profonde compassion et de
mon souvenir fréquent dans la prière. Bien sûr je vous garde tous dans mes
prières quotidiennes et je demande sincèrement au Tout Puissant la paix, une
paix juste et durable, dans les Territoires palestiniens et dans toute la
région.
M.
le président, le Saint-Siège soutient le droit de votre peuple à une patrie
palestinienne souveraine dans le pays de vos ancêtres, dans la sécurité et la
paix avec ses voisins, dans des frontières reconnues de façon internationale.
Même
si pour le moment ce but semble loin d'être atteint, je vous presse, vous et
tout votre peuple, de garder vivante la flamme de l'espérance, l'espérance que
l'on peut trouver une voie pour venir à la rencontre des aspirations à la paix
et à la stabilité à la fois des Israéliens et des Palestiniens.
Avec
les mots du défunt pape Jean-Paul II, « il ne peut y avoir de paix sans
justice, de justice sans pardon » (Message pour
Une
coexistence juste et pacifique parmi les peuples du Moyen Orient ne peut être
atteinte que dans un esprit de coopération et de respect mutuel, dans lesquels
les droits et la dignité de tous sont reconnus et respectés.
Je
vous demande à tous, je demande à vos leaders, de s'engager de façon renouvelée
à travailler en direction de ces objectifs.
J'appelle particulièrement la communauté
internationale à apporter son influence pour atteindre une solution. Croyez et
ayez confiance que grâce à un dialogue honnête et persévérant, dans le plein
respect des exigences de la justice, une paix durable peut vraiment être
atteinte dans ces pays.
C'est
mon espérance sincère que les préoccupations sérieuses concernant la sécurité
en Israël et dans les Territoires palestiniens seront bientôt suffisamment
apaisées pour permettre une plus grande liberté de mouvement, spécialement en
ce qui concerne le contact entre des membres d'une même famille et l'accès aux
lieux saints. Les Palestiniens, comme les autres peuples, ont un
droit naturel au mariage, à élever une famille, et à l'accès au travail, à
l'éducation, et aux soins de santé.
Je prie aussi pour qu'avec l'aide de la communauté
internationale le travail de reconstruction puisse avancer rapidement là où des
maisons, des écoles ou des hôpitaux ont été endommagés ou détruits,
spécialement durant le récent conflit de Gaza. C'est essentiel puisque le
peuple de ce pays est appelé à vivre dans des conditions qui conduisent à une
paix durable et à la prospérité. Une
infrastructure stable offrira aux jeunes de meilleures possibilités d'acquérir
des compétences valables et de chercher un emploi rémunérateur, leur permettant
de prendre leur part dans la construction de la vie de vos communautés.
Je lance cet appel aujourd'hui aux nombreux jeunes à
travers les Territoires palestiniens : ne permettez pas que la perte de la
vie et que les destructions dont vous avez été les témoins suscitent dans vos
cœurs de l'amertume ou du ressentiment. Ayez le courage de résister à toute
tentation que vous pourriez ressentir d'avoir recours à des actes de violence
ou au terrorisme.
Au
contraire, faites en sorte que ce dont vous avez eu l'expérience renouvelle
votre détermination à construire la paix. Que cela vous
emplisse d'un vif désir d'apporter une contribution durable à l'avenir de
M. le président, chers amis rassemblés ici à
Bethléem, j'invoque sur le peuple palestinien les bénédictions et la protection
de notre Père céleste, et je prie avec ferveur que le chant que les anges ont
chanté ici s'accomplisse : paix sur la terre, bonne volonté parmi les
hommes. Merci. Et Dieu soit avec vous.
B-
Bethléem : Homélie de Benoît XVI sur la place de la mangeoire
Nous publions
ci-dessous le texte de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée le mercredi
matin, 13 mai 2009, au cours de la messe qu'il a célébrée, à Bethléem, sur la
place de la mangeoire, près de
Chers
Frères et Sœurs dans le Christ,
Je
remercie le Dieu tout-puissant de me donner la grâce de venir à Bethléem non
seulement pour vénérer le lieu de la naissance du Christ, mais aussi pour être
à vos côtés, mes frères et sœurs dans la foi, dans ces Territoires
palestiniens.
Je
suis reconnaissant au patriarche Fouad Twal pour les sentiments qu'il a
exprimés en votre nom, et je salue avec affection mes frères évêques et tous
les prêtres, les religieux et les fidèles laïcs qui travaillent quotidiennement
pour confirmer cette Eglise locale dans la foi, l'espérance et l'amour.
Mon cœur va de façon
spéciale aux pèlerins de Gaza déchirée par la guerre : je vous demande de dire à
vos familles et à vos communautés que je les embrasse chaleureusement et que je
suis désolé pour les pertes, les épreuves et les souffrances que vous avez dû
endurer. Soyez, je vous prie, assurés de ma solidarité avec vous dans l'immense
travail de reconstruction qui est devant vous, et de ma prière pour que
l'embargo soit bientôt levé.
« N'ayez
pas peur, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie...
aujourd'hui, dans la ville de David, un Sauveur vous est né » (Lc 2,10-11).
Le message de la venue du Christ, apporté du ciel par la voix des anges,
continue de résonner dans cette ville, comme il résonne dans les familles, les
maisons, et les communautés à travers le monde. C'est une « bonne
nouvelle », disent les anges « pour tout le peuple ». Elle
proclame que le Messie, le Fils de Dieu et le Fils de David, est né « pour
vous » : pour vous et pour moi, et pour les hommes et les femmes de
tout temps et de tout lieu. Dans le plan de Dieu, Bethléem, « le plus
petit des clans de Juda » (Michée 5, 2), est devenu le lieu d'une gloire
immortelle : le lieu où, à la plénitude des temps, Dieu a choisi de se
faire homme, de mettre fin au long règne du péché et de la mort, d'apporter une
vie nouvelle et abondante à un monde qui était devenu vieux, fatigué et
oppressé par la désespérance.
Pour les hommes et les
femmes, partout, Bethléem est associée à ce joyeux message de renaissance, de
lumière et de liberté. Pourtant, ici, au milieu de vous, comme cette promesse magnifique
semble loin d'être réalisée ! Comme il semble loin ce Royaume de large
souveraineté et de paix, de sécurité, de justice et d'intégrité que le prophète
Isaïe a annoncé dans la première lecture (cf. Is 9,7), et que nous proclamons
comme définitivement établi lors de la venue de Jésus Christ, Messie et
Roi !
Dès
le jour de sa naissance, Jésus a été un « signe de contradiction »
(Lc 2,34), et il continue de l'être, même aujourd'hui. Le Seigneur des armées « dont l'origine remonte au temps jadis,
aux jours antiques » (Michée 5, 1), souhaite inaugurer son Royaume en
naissant dans cette petite ville, entrant dans notre monde dans le silence et
l'humilité d'une grotte, et déposé, comme un bébé vulnérable, dans une
mangeoire. Ici, à Bethléem, au milieu de toutes sortes de contradictions,
les pierres continuent de crier la « bonne nouvelle », le message de rédemption que cette ville,
au-dessus de toutes les autres, est appelée à proclamer au monde. Car ici, d'une façon qui surpasse toute
espérance et toute attente humaines, Dieu s'est montré fidèle à ses promesses.
Dans la naissance de son Fils, il a révélé la venue d'un Royaume d'amour :
un amour divin qui s'est abaissé pour apporter la guérison et nous
relever ; un amour qui s'est révélé dans l'humiliation et la faiblesse de
la croix et pourtant triomphe dans une glorieuse résurrection à la vie
nouvelle.
Le Christ a apporté un
Royaume qui n'est pas de ce monde, et pourtant un Royaume capable de changer ce
monde, parce qu'il a le pouvoir de changer les cœurs, l'illuminer les esprits
et de fortifier les volontés. En prenant notre chair, avec toutes ses
faiblesses, et en la transfigurant pas la puissance de l'Esprit, Jésus nous a
appelés à être des témoins de sa victoire sur le péché et sur la mort. Et c'est
ce que le message de Bethléem nous appelle à être : des témoins du
triomphe de l'amour de Dieu sur la haine, l'égoïsme, la peur et le ressentiment
qui handicapent les relations humaines et créent la division là où des frères
devraient demeurer unis, la destruction là où les hommes devraient construire,
le désespoir là où l'espérance devrait fleurir.
« Dans
l'espérance nous avons été sauvés » dit l'apôtre Paul (Romains 8, 24).
Pourtant, il affirme avec un réalisme total que la création continue à gémir en
travail d'enfantement, et nous-mêmes, qui avons reçu les prémices de l'Esprit,
nous attendons patiemment l'accomplissement de notre rédemption (cf. Rm 8,
22-24). Dans la seconde lecture d'aujourd'hui, Paul tire de l'Incarnation une
leçon qui peut être particulièrement appliquée au travail dont vous, les
choisis de Dieu de Bethléem, faites particulièrement l'expérience :
« La grâce de Dieu est apparue », nous dit-il, « nous entraînant
à rejeter les voies impies et les désirs du monde et de vivre dans ce siècle
dans la tempérance, la justice et la piété », alors que nous attendons la
venue de notre bienheureuse espérance, le Sauveur, Jésus Christ (Tite 2,11-13).
Est-ce que telles ne sont
pas là les vertus requises pour les hommes et les femmes qui vivent dans
l'espérance ? Tout d'abord la constante
conversion au Christ qui se reflète non seulement dans nos actions mais aussi
dans notre raisonnement : le courage d'abandonner les façons de penser,
d'agir, et de réagir qui sont sans fruit et stériles. Puis, la culture d'un
état d'esprit de paix fondé sur la justice, le respect des droits et des
devoirs de tous, et l'engagement à collaborer au bien commun. Mais aussi la
persévérance, persévérance dans le bien et dans le rejet du mal. Ici, à
Bethléem, une persévérance spéciale est demandée aux disciples du Christ :
la persévérance dans le témoignage fidèle à la gloire de Dieu révélée ici, dans
la naissance de son Fils, à la bonne nouvelle de sa paix qui est descendue du
ciel pour demeurer sur la terre.
« N'ayez pas
peur ! » Tel est le message que le Successeur de saint Pierre
souhaite vous laisser aujourd'hui, en écho au message des anges et à la tâche
que notre bien-aimé pape Jean-Paul II vous a laissée en l'année du Grand jubilé
de la naissance du Christ.
Comptez
sur la solidarité de vos frères et sœurs dans l ‘Eglise universelle et
travaillez, par des initiatives concrètes, à consolider votre présence et à
offrir de nouvelles possibilités à ceux qui sont tentés de partir. Soyez un
pont de dialogue et de coopération constructive dans la construction d'une
culture de paix pour remplacer l'impasse actuelle de la peur, de l'agression et
de la frustration. Construisez vos Eglises locales en en faisant des ateliers
du dialogue, de la tolérance et de l'espérance, ainsi que de la solidarité et
de la charité pratique.
Surtout,
soyez des témoins de la puissance de la vie, la nouvelle vie apportée par le
Christ ressuscité, la vie qui peut éclairer et transformer même les situations
humaines les plus sombres et les plus désespérées. Votre patrie a besoin non
seulement de nouvelles structures économiques et communautaires, mais, ce qui
est plus important, d'une nouvelle infrastructure spirituelle, si l'on peut
dire, qui soit capable de galvaniser les énergies de tous les hommes et de
toutes les femmes de bonne volonté au service de l'éducation, du développement,
et de la promotion du bien commun. Vous avez les ressources humaines pour
construire la culture de la paix et du respect mutuel qui garantira à vos
enfants un avenir meilleur. Cette noble entreprise vous attend. N'ayez pas
peur !
L'antique
basilique de
C-
Discours de Benoît XVI au Camp de réfugiés de « Aida »
Nous publions
ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé le mercredi 13
mai, dans l’après-midi, lors de sa visite au Camp de réfugiés de
« Aida », un des camps de réfugiés dans les Territoires palestiniens
où vivent des musulmans et des chrétiens.
Monsieur
le Président,
Chers
amis,
Cet
après-midi, ma visite au Camp de réfugiés Aïda me donne l'opportunité
d'exprimer ma solidarité à l'ensemble des Palestiniens qui n'ont pas de maison
et qui attendent de pouvoir retourner sur leur terre natale, ou d'habiter de
façon durable dans une patrie qui soit à eux. Merci à vous, Monsieur le
Président, pour votre aimable accueil. Je vous remercie aussi, Monsieur Abu
Zayd, ainsi que toutes les personnes qui ont pris la parole. À tous les
personnels de l'Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les
Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient qui prennent soin des réfugiés,
j'exprime la reconnaissance d'une multitude d'hommes et de femmes à travers le
monde pour le travail qui est fait ici et dans les autres camps de la région.
J'adresse
un salut particulier aux élèves et aux professeurs des écoles. Par votre
engagement dans l'éducation, vous exprimez une espérance pour l'avenir. À tous
les jeunes présents ici, je dis : renouvelez vos efforts pour vous préparer
au temps où, dans les années à venir, vous serez en charge des affaires du
Peuple palestinien. Les parents ont ici un rôle très important, et à toutes les
familles présentes dans ce camp, je dis : ayez à cœur d'encourager vos
enfants dans leurs études et de cultiver leurs talents, de telle sorte que ne
manque pas le personnel qualifié pour occuper les fonctions dirigeantes dans
Je
souhaite saluer le bon travail réalisé par nombres d'organismes de l'Église en
faveur des réfugiés ici et dans les autres parties des Territoires
Palestiniens.
Instruments
de paix. Combien les gens de ce camp, de ces Territoires, et de la région tout
entière attendent la paix ! En ces jours, ce long désir prend un relief
particulier quand vous vous souvenez des événements de mai 1948 et des années
de conflit, non encore résolu, qui suivirent ces événements. Vous vivez
maintenant dans des conditions précaires et difficiles, avec des possibilités
limitées de trouver un emploi. Il est compréhensible que vous vous sentiez
souvent frustrés. Vos aspirations légitimes à un logement stable, à un État
palestinien indépendant, demeurent non satisfaites. Au contraire, vous vous
trouvez piégés, comme beaucoup d'autres en cette région et à travers le monde
sont piégés, dans une spirale de violence, d'attaque et de contre-attaque, de
vengeance et de destruction continuelle. Le monde entier soupire pour que cette
spirale soit brisée et pour que par la paix soit mis fin à ces combats qui ne
cessent pas de durer.
Dominant au-dessus de nous
qui sommes rassemblés ici cet après-midi, s'érige le mur, rappel incontournable
de l'impasse où les relations entre Israéliens et Palestiniens semble avoir
abouti. Dans un monde où les frontières sont de
plus en plus ouvertes - pour le commerce, pour les voyages, pour le déplacement
des personnes, pour les échanges culturels - il est tragique de voir des murs
continuer à être construits. Comme il nous tarde de voir les fruits d'une tâche
bien plus difficile, celle de construire la paix ! Comme nous prions constamment
pour la fin des hostilités qui sont à l'origine de ce mur !
De
part et d'autres du mur, un grand courage est nécessaire pour dépasser la peur
et la défiance, pour résister au désir de se venger des pertes ou des torts
subis. Il faut de la magnanimité pour rechercher
la réconciliation après des années d'affrontement. Pourtant l'histoire a
montré que la paix ne peut advenir que lorsque les parties en conflit sont
désireuses d'aller au-delà de leurs griefs et de travailler ensemble pour des
buts communs, prenant chacune au sérieux les inquiétudes et les peurs de
l'autre et s'efforçant de créer une atmosphère de confiance. Il faut de la
bonne volonté pour prendre des initiatives imaginatives et audacieuses en vue
de la réconciliation : si chaque
partie insiste en priorité sur les concessions que doit faire l'autre, le
résultat ne peut être qu'une impasse.
L'aide
humanitaire, comme celle qui est fournie dans ce camp, a un rôle essentiel à
jouer, mais la solution à long terme à un conflit tel que celui-ci ne peut être
que politique. Personne n'attend que les Palestiniens et les Israéliens y
parviennent seuls. Le soutien de la communauté internationale est vital, et
c'est pourquoi, je lance un nouvel appel à toutes les parties concernées pour
jouer de leur influence en faveur d'une solution juste et durable, respectant
les requêtes légitimes de toutes les parties et reconnaissant leur droit de
vivre dans la paix et la dignité, en accord avec la loi internationale. En même temps, toutefois, les efforts
diplomatiques ne pourront aboutir heureusement que si les Palestiniens et les
Israéliens ont la volonté de rompre avec le cycle des agressions. Je me
rappelle ces autres mots magnifiques attribués à saint François : « Là où
il y a la haine, que je mette l'amour, là où il y a l'injure, que je mette le
pardon... là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière, là où il y a la
tristesse, la joie ».
À
vous tous, je renouvelle mon appel à vous engager profondément pour cultiver la
paix et la non-violence, suivant l'exemple de saint François et des autres
grands artisans de paix. La paix doit commencer à la maison, dans la famille,
dans le cœur. Je continue de prier pour que toutes les parties du conflit qui
se déroule sur ces terres aient le courage et l'imagination nécessaires pour
emprunter le difficile mais indispensable chemin de la réconciliation. Puisse
la paix fleurir à nouveau sur ces terres ! Puisse Dieu bénir son peuple
avec la paix !
D- Messe à Nazareth : Homélie de Benoît XVI
En
conclusion de l’Année de
Nous publions
ci-dessous le texte de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée le jeudi
matin, 14 mai 2009, à Nazareth, au Mont du Précipice, dans un vaste
amphithéâtre tout neuf, rassemblant des dizaines de milliers de personnes.
Chers
frères et soeurs,
« Que
la paix du Christ ressuscité règne dans vos cœurs, puisque, en tant que membres
d'un seul corps, vous avez été appelés à cette paix ! » (Col
3, 15). Par ces paroles de saint Paul, je vous salue tous avec affection dans
le Seigneur. Je me réjouis d'être venu à Nazareth, le lieu béni par le mystère
de l'Annonciation, le lieu témoin des années cachées de la croissance du Christ
en sagesse, en âge et en grâce (cf. Lc 2, 52). Je remercie l'archevêque
Elias Chacour pour ses aimables paroles de bienvenue et j'embrasse par le signe
de paix mes frères évêques, les prêtres et les religieux, et tous les fidèles
de Galilée, qui, dans la diversité de leurs rites et de leurs traditions, sont
une expression de l'universalité de l'Eglise du Christ. J'adresse une
salutation respectueuse au président d'Israël qui nous honore de sa présence.
Je veux remercier de façon spéciale tous ceux qui ont aidé à rendre cette
célébration possible, particulièrement ceux qui ont travaillé au projet et à la
construction de ce nouvel amphithéâtre avec son splendide panorama sur la
ville.
Nous sommes ici rassemblés,
dans la ville de Jésus, Marie et Joseph, pour marquer la conclusion de l'Année
de la famille célébrée par l'Eglise de Terre Sainte.
En
un signe d'espérance pour l'avenir, je bénirai la première pierre d'un Centre
international pour
J'ai
confiance que cette étape de mon pèlerinage attirera l'attention de toute
l'Eglise sur cette ville de Nazareth. Comme le pape Paul VI l'a dit ici, nous avons tous besoin de revenir à
Nazareth, pour contempler toujours de nouveau le silence et l'amour de
Ici, à l'exemple de Marie, de Joseph et de
Jésus, nous venons pour apprécier encore plus totalement le caractère sacré de
la famille, qui est basé, dans le plan de Dieu, sur la fidélité de toute la vie
d'un homme et d'une femme consacrés par l'alliance du mariage, et qui
accueillent une vie nouvelle, don de Dieu. Combien les hommes et les femmes de
notre temps ont besoin de se réapproprier cette vérité fondamentale qui est à
la base de la société, et combien le témoignage de couples mariés est important
pour la formation de consciences droites et la construction d'une civilisation
de l'amour !
Dans
la première lecture d'aujourd'hui, tirée du livre de l'Ecclésiastique (3, 3-7,
14-17), la parole de Dieu présente la
famille comme la première école de sagesse, une école qui entraîne ses membres
à la pratique de ces vertus qui conduisent au bonheur authentique et à un
accomplissement durable.
Dans le plan de Dieu pour la
famille, l'amour de l'époux et de l'épouse porte du fruit dans une vie
nouvelle, et trouve son expression quotidienne dans les efforts pleins d'amour
des parents pour assurer à leurs enfants une formation intégrale, humaine et
spirituelle.
Dans
la famille, chaque personne, que ce soit l'enfant le plus petit ou le parent le
plus âgé, a une valeur en lui-même ou en elle-même, et n'est pas simplement un
moyen pour quelque autre fin. Ici, nous commençons à entrevoir quelque chose du rôle essentiel de la famille comme
première pierre d'une société bien ordonnée et accueillante. Nous ne
manquons pas d'apprécier également, dans une communauté plus vaste, le devoir de l'Etat de soutenir les
familles dans leur mission d'éducation, de protéger l'institution de la famille
et ses droits intrinsèques, et d'assurer à toutes les familles la possibilité
de vivre et de s'épanouir dans des conditions de vie dignes.
En
écrivant aux Colossiens, l'apôtre Paul parle instinctivement de la famille lorsqu'il
souhaite décrire les vertus qui construisent « le corps » qui est
l'Eglise. En tant qu' « élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés »,
nous sommes appelés à vivre en harmonie et en paix les uns avec les autres,
montrant avant tout la capacité de nous supporter les uns les autres et de nous
pardonner, avec l'amour dans lequel se noue la perfection (cf. Col
3,12-14). De même que dans l'alliance du
mariage l'amour d'un homme et d'une femme est élevé par la grâce à la
participation à l'amour du Christ et de l'Eglise dont il est une expression
(cf. Ep 5,32), de même la famille, enracinée dans cet amour, est appelée
à être une « Eglise domestique », un lieu de foi, de prière et de
souci aimant du vrai bien durable de chacun de ses membres.
En réfléchissant à ces
réalités, ici, dans la ville de l'Annonciation, nos pensées se tournent
naturellement vers Marie « pleine de grâce », la mère de
Ici aussi, nous pensons à
saint Joseph, l'homme juste que Dieu a souhaité comme responsable de sa
maisonnée. De l'exemple fort et paternel de Joseph, Jésus a appris les vertus
d'une piété humaine, la fidélité à la parole donnée, l'intégrité et le dur
travail. Dans le Charpentier de Nazareth, il a vu comment l'autorité mise au
service de l'amour est infiniment plus fructueuse que le pouvoir de celui qui
cherche à dominer. Combien notre monde a besoin de l'exemple, de la direction,
et de la force tranquille d'hommes comme Joseph !
Finalement, en contemplant
Chers
amis, dans la prière d'ouverture de la messe d'aujourd'hui, nous demandons que
le Père « nous aide à vivre comme
Permettez-moi de conclure
par une parole de gratitude et de louange pour tous ceux qui s'efforcent
d'apporter l'amour de Dieu aux enfants de cette ville, et d'éduquer de
nouvelles générations dans des chemins de paix. Je pense spécialement aux
Eglises locales, particulièrement engagées dans leurs écoles et dans leurs
institutions charitables, pour abattre les murs et être des semences de
rencontre, de dialogue, de réconciliation et de solidarité. J'encourage les
prêtres dévoués, les religieux, les catéchistes et les professeurs, et les
parents, et tous ceux qui sont concernés par le bien de nos enfants, à
persévérer dans le témoignage de l'Evangile, à être confiants dans le triomphe
de la bonté et de la vérité, et à être confiants que Dieu donnera la croissance
à toute initiative qui vise à l'extension de son royaume de sainteté, de
solidarité, de justice et de paix. En même temps je reconnais avec gratitude la
solidarité que tant de nos frères et sœurs à travers le monde manifeste envers
les fidèles de Terre Sainte, en soutenant les programmes et les activités
dignes d'éloge de l'Association « Catholic Near East Welfare ».
« Qu'il
me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). Que Notre Dame de
l'Annonciation, qui a courageusement ouvert son cœur au mystérieux dessein de
Dieu, et qui est devenue
E-
Vêpres à la basilique de l´Annonciation à Nazareth
Nous publions
ci-dessous le texte de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée le
jeudi 14 mai, en fin d'après-midi au
cours de la célébration des vêpres dans la basilique supérieure du sanctuaire
de l'Annonciation, à Nazareth.
Chers
Frères Évêques,
Révérend
Père Custode,
Chers
Frères et Sœurs dans le Christ,
Il
est très émouvant pour moi de me trouver avec vous, aujourd'hui, en ce lieu où
le Verbe de Dieu s'est fait chair et où il est venu habiter parmi nous. Et
comme il est bon que nous nous rassemblions ici pour chanter la prière
vespérale de l'Église, rendant à Dieu louange et action de grâce pour les
merveilles qu'il a accomplies envers nous ! Je remercie Mgr Nabil El-Sayah
pour ses paroles de bienvenue et à travers sa personne je salue tous les
membres de la communauté maronite présente en Terre Sainte. Je salue les
prêtres, les religieux et les religieuses, les membres des mouvements ecclésiaux
et les collaborateurs pastoraux de toute
Ce qui est arrivé ici à
Nazareth, loin des yeux du monde, est un acte singulier de Dieu, une
intervention puissante dans le cours de l'histoire, par laquelle un enfant a
été conçu pour apporter le salut au monde entier. La merveille de
l'Incarnation ne cesse pas de nous mettre au défi et de nous inviter à ouvrir notre esprit aux possibilités sans limites de la
puissance transformante de Dieu, de son amour pour nous, de son désir d'union avec nous.
Ici, le Fils éternel et
bien-aimé est devenu homme et pour nous, ses frères et ses sœurs, il est devenu
possible d'avoir part à sa filiation divine. Ce mouvement d'amour qui s'abaisse
et s'anéantit a rendu possible le mouvement d'exaltation par lequel nous sommes
élevés au point de partager la vie de Dieu lui-même (cf. Ph 2, 6-11).
L'Esprit qui « est venu
sur Marie » (cf. Lc 1, 35), est le même Esprit qui planait sur les
eaux à l'aube de
Quand
notre Seigneur Jésus Christ a été conçu dans le sein virginal de Marie, par la
puissance de l'Esprit Saint, Dieu s'est uni à notre humanité créée, entrant
alors dans une nouvelle relation permanente avec nous et inaugurant une
nouvelle Création. Le récit de l'Annonciation nous montre l'extrême délicatesse
de Dieu (cf. Sainte Julienne de Norwich - 1342-1416 - Révélations de l'amour
divin, 77-79). Il ne s'impose pas, il ne fait simplement que prédéterminer
le rôle que Marie va jouer dans son plan de salut, il sollicite d'abord son consentement. Dans l'acte premier de
Quand
nous réfléchissons sur ce mystère joyeux, cela nous met dans l'espérance, dans l'espérance
certaine que Dieu continue à nous rejoindre dans notre histoire, qu'il continue
d'agir avec une puissance créatrice afin d'atteindre des buts qui, à vues
humaines, semblent impossibles. Nous sommes mis au défit de nous ouvrir à
l'action transformante de l'Esprit Créateur qui fait de nous des êtres
nouveaux, qui nous fait un avec lui, et nous remplit de sa vie. Et nous sommes
invités, avec une exquise courtoisie, à donner notre consentement à sa venue en
nous, à accueillir le Verbe de Dieu dans nos cœurs, pour que nous soyons rendus
capables de répondre à son amour et de nous ouvrir à l'amour les uns envers les
autres.
Dans
l'État d'Israël et dans les Territoires Palestiniens, les Chrétiens sont une
minorité de la population. Peut-être vous arrive-t-il parfois de penser que
votre voix compte peu. Un grand nombre de vos frères chrétiens ont émigré,
espérant trouver ailleurs plus de sécurité et de meilleures perspectives. Votre
situation fait penser à celle de la jeune Vierge Marie, qui menait une vie
cachée à Nazareth, avec bien peu de moyens humains en termes de richesse et
d'influence. Et pourtant, si nous reprenons les paroles de Marie dans son
splendide hymne de louange, le Magnificat, Dieu a jeté les yeux sur
l'abaissement de sa servante, il a comblé de biens les affamés. Puisez force
dans les paroles de ce cantique de Marie que nous allons chanter dans un
instant en union avec l'Église tout entière à travers le monde ! Ayez le courage d'²être fidèles au Christ
et demeurer ici, sur cette terre qu'il a sanctifiée par sa présence ! Comme Marie, vous avez un rôle à jouer dans
le plan de salut de Dieu, en rendant le Christ présent dans le monde, en étant
ses témoins, et en répandant son message de paix et d'unité.
Pour
cela, il est essentiel que vous soyez unis entre vous, afin que l'Église en
Terre Sainte puisse être clairement reconnue comme « le signe et le moyen
de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain » (Lumen
gentium, 1). Votre unité dans la foi, l'espérance et l'amour est un fruit
de l'Esprit Saint qui demeure en vous, et qui vous rend capables d'être des
instruments efficaces de la paix de Dieu, pour être les artisans d'une
réconciliation véritable entre les différents peuples qui reconnaissent en
Abraham leur père dans la foi. Car, ainsi que Marie le proclamait joyeusement
dans son Magnificat, Dieu se souvient toujours de « son amour, de
la promesse à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa race à
jamais » (Lc 1, 54-55) !
Chers
amis dans le Christ, soyez assurés que je me souviens de vous constamment dans
mes prières, et je vous demande de faire de même pour moi. Tournons-nous
maintenant vers notre Père céleste, qui en ce lieu, s'est penché sur son humble
servante, et chantons ses louanges en union avec la bienheureuse Vierge Marie,
avec tous les chœurs des anges et des saints, avec toute l'Église aux quatre
coins du monde !
F-
Benoît XVI quitte les Territoires autonomes palestinien
Discours du
pape Benoît XVI avant de quitter les Territoires autonomes palestiniens,
Monsieur
le Président,
Chers
Amis,
Je
vous remercie pour la grande délicatesse dont vous m'avez entouré durant cette
journée que j'ai passée en votre compagnie, ici dans les Territoires
Palestiniens. Je sais gré au Président Mahmoud Abbas pour son hospitalité et
pour ses paroles bienveillantes. Il était émouvant pour moi également d'écouter
les témoignages des résidents qui nous ont parlé de leurs conditions de vie,
ici, en Cisjordanie et à Gaza. Je vous assure tous que je vous garde dans mon
cœur et que j'attends ardemment de voir se réaliser la paix et la
réconciliation dans ces terres tourmentées.
Ce
fut vraiment un jour mémorable. Depuis mon arrivée à Bethléem, ce matin, j'ai eu la joie de célébrer
J'ai
pu constater les soins donnés aux nouveaux nés du Caritas Baby Hospital.
Avec
angoisse, j'ai été le témoin de la situation des réfugiés qui, comme
Près
du Camp et surplombant une partie de Bethléem, j'ai vu également le mur qui
fait intrusion dans vos territoires, séparant des voisins et divisant des
familles.
Bien que les murs peuvent
être facilement construits, nous savons que ils ne subsistent pas toujours. Ils
peuvent être abattus. Il est d'abord nécessaire d'ôter les murs construits autour de nos
cœurs, les barrières érigées contre nos voisins.
C'est pourquoi, dans ce mot
de congé, je désire relancer un appel à l'ouverture et à la générosité d'esprit
pour mettre fin à l'intolérance et à l'exclusion. Peu importe combien un
conflit peut paraître insoluble et profondément ancré, il y a toujours des
raisons d'espérer qu'il puisse être résolu, et que les efforts patients et
persévérants de ceux qui travaillent pour la paix et la réconciliation,
porteront des fruits en fin de compte.
Mon
souhait sincère pour vous, peuple de Palestine, est que cela arrivera bientôt
pour vous permettre de jouir de la paix, de la liberté et de la stabilité dont
vous avez été privés depuis si longtemps.
Soyez assurés que je vais
continuer à utiliser toutes les opportunités pour encourager ceux qui sont
engagés dans les négociations de paix à travailler ensemble pour une solution
juste qui respecte les aspirations légitimes des Israéliens et des Palestiniens.
Comme
un pas important dans cette direction, le Saint-Siège cherche à établir
rapidement, conjointement avec l'Autorité Palestinienne,
Monsieur
le Président, chers amis, je vous remercie une nouvelle fois et je vous recommande
tous à la protection du Tout-Puissant. Puisse Dieu regarder avec amour chacun
d'entre vous, vos familles et ceux qui vous sont chers. Puisse-t-Il bénir par
la paix le peuple Palestinien !