LLLLes
Nouvelles
de
Chrétienté
N° 123
L’euthanasie en France.
Sa progression
Dans
J’en profite pour faire un peu le tour de la question :
Je rappelle la loi française actuelle sur le sujet, la loi Jean Leonetti du 22 avril 2005.
Ses ambiguïtés sont réelles. Je cite un texte de Pierre-Olivier Arduin de
« Liberté politique » (B)
Je rappelle enfin la position de
Rome en cette matière. (C)
A- Euthanasie : un nouveau cas médiatisé
Thierry Boutet
En 2005,
Selon un scénario éprouvé, un nouveau cas
particulièrement douloureux est aujourd’hui médiatisé par le lobby
pro-euthanasie, en vue d’obtenir à nouveau une modification de la loi.
CHANTAL SEBIRE, ancien professeur des écoles de 52 ans, est atteinte d'une
tumeur évolutive incurable des sinus et de la cavité nasale. Elle vient de
faire parvenir une lettre au président de
Selon l’agence Genethique.org
qui rapporte les propos de Chantal Sébire parus dans la presse des 28 et 29
février, celle-ci « refuse le suicide car ce serait une capitulation face à la
maladie ». Elle refuse également d'être « sédatée » c'est-à-dire qu'on endorme
sa douleur au point de lui faire perdre conscience. Elle veut rester lucide
jusqu'au bout et demande, « que le corps médical l'accompagne dans sa volonté
».
L’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), s’empare du « cas
» et relaye la demande de la malade. Elle suggère à Chantal Sébire de « déposer
une requête auprès du tribunal de grande instance concerné lui demandant de
rendre une ordonnance autorisant le médecin à prescrire les médicaments
nécessaires ».
Mais comme le remarque le député et médecin Jean Léonetti, auteur de la loi de
2005 qui condamne l'acharnement thérapeutique et plaide pour les soins
palliatifs et les médicaments anti-douleur [1],
même s'ils peuvent entraîner indirectement un décès plus rapide, « le débat ne
doit pas être initié ou relancé par des histoires individuelles, dans un
contexte émotionnel… Une histoire bouleversante peut entraîner une solution
simpliste. Il faut différencier euthanasie, suicide assisté et appel au secours
face à la souffrance. »
La question comme le note le Dr Bernard Paternostre, adjoint au chef du service
de soins palliatifs du CHU de Bordeaux, est pour une large part une question de
moyens et de prise en charge par une équipe formée aux soins palliatifs : « On
n'est jamais sûr de supprimer totalement la douleur, mais on peut au moins la
ramener à des niveaux moins intolérables. » Et le docteur répond à ceux qui lui
disent que « l'on ne permettrait pas à un animal d'endurer ce qu’endure Chantal
Sébire : c'est parce que vous êtes un être humain que nous ne voulons pas vous
euthanasier comme un animal ».
De son côté, le Dr Isabelle Marin, coordinatrice du réseau Onconord (cancer et
soins palliatifs) à Saint-Denis et dans le Val-d'Oise, apporte le témoignage de
ces patients : « Aucun d'entre eux ne m'a jamais directement demandé de lui
donner la mort, ce qui ne veut pas dire qu'ils n'aient pas, à certains moments,
exprimé un tel vœu auprès de leur entourage, ou des équipes soignantes… Dans la
plupart des cas, nous sommes en mesure de soulager leur douleur et nous
arrivons à calmer leur angoisse ».
Terrible ambiguïté
Dans le cas de Chantal Sébire, le Dr Marin relève en particulier « l'ambiguïté
terrible de la demande exprimée ». Chantal Sébire dispose des médicaments pour
se suicider elle même. Il est donc curieux qu’elle demande l’assistance d’un
tiers. Pour Isabelle Marin , en médiatisant sa demande, Chantal Sébire « fait
autre chose qu'exprimer une volonté de mort : elle dénonce en tant que vivante
une législation qui l'a réduite à cet état, comme si elle était la victime des
méchants adversaires de l'euthanasie ».
Pour la coordinatrice du réseau Onconord « dans ce cas qui semble épouvantable
à un public qui n'accepte pas qu'il y ait de la mort dans la vie », c’est « aux
médecins de veiller à ce que tout ait été bien entrepris, soit dans un centre
antidouleur, soit dans un réseau de soins palliatifs pour répondre aux
exigences de son cas », et non au président de
On sait qu’en effet, les demandes d’euthanasie sont très peu nombreuses chez
les personnes correctement prise en charges dans des unités spécialisées dans
les soins palliatifs. Dans l’établissement créé par le Dr
Dans
Les suggestions pratiques de Benoît XVI
Des prises de position conformes aux recommandations de Benoît XVI aux
participants du Congrès international consacré aux orientations éthiques et
pratiques de l'assistance aux malades graves et incurables, que l'Académie
pontificale pour la vie vient d’organiser. Pour Benoît XVI « même si elle sait
que la science ne rachète pas l'homme, la société, en particulier les milieux
médicaux, a le devoir d'assister et de garantir le respect de la vie humaine, à
chacun des stades de son développement terrestre, plus encore dans la maladie
ou à son stade terminal ».
Pour le pape, « il s'agit d'assurer à chaque personne qui en a besoin le
soutien nécessaire à travers des thérapies et des interventions médicales
adéquates, individualisées et gérées selon les critères de la proportionnalité
médicale, en tenant toujours compte du devoir moral de fournir (de la part du
médecin) et d'accueillir (de la part du patient) ces moyens de préservation de
la vie qui, dans cette situation, deviennent “ordinaires” ».
Et Benoît XVI ajoute :
« Le recours aux thérapies à hauts risques ou qui doivent être prudemment nommées “extraordinaires”, sera considéré moralement licite mais facultatif. De plus, il faudra toujours assurer à chaque personne les soins nécessaires et dus, ainsi que le soutien aux familles les plus éprouvées par la maladie d'un des leurs surtout si elle est grave et longue ».
Il fait aussi une suggestion :
« Alors que, pour une naissance, les parents ont des droits spécifiques pour s'absenter de leur travail… les mêmes droits devraient être reconnus aux proches au moment de la maladie d'un parent en phase terminale… Un plus grand respect de la vie humaine individuelle passe inévitablement à travers la solidarité concrète de tous et de chacun, et constitue un des défis les plus importants de notre époque ».
Pour lui, la société doit
« assurer un soutien convenable aux familles qui veulent s'engager à garder à la maison, pour des périodes relativement longues, des malades touchés par des pathologies dégénératives (cancéreuses, neurodégénératives, etc.) ou qui ont besoin d'une assistance particulièrement lourde... La collaboration entre l'Église et les institutions peut se révéler, dans ce domaine, particulièrement précieuse pour assurer l'aide nécessaire à la vie humaine au moment de sa fragilité ».
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B- la loi Jean Leonetti du 22 avril 2005
Euthanasie : après l’avis
de Rome, les ambiguïtés intenables de la loi française
Par Pierre-Olivier Arduin « tiré de
« Liberté Politique » du
27 septembre 2007).
L’administration de nutriments et d’eau, même par voie artificielle, constitue
un soin de base, naturel, ordinaire et proportionné, toujours dû au malade.
Cette règle générale s’applique de manière éminente dans les cas cliniques où
les patients sont dans un « état végétatif chronique ou persistant ». C’est
l’avis éthique que vient de rendre public
Ce document magistériel fait suite à l’interpellation de
Le commentaire qui accompagne les réponses du préfet, le cardinal William
Levada, est remarquable à plus d’un titre et met en lumière les ambiguïtés
intenables de la loi française sur la fin de vie, dite loi Léonetti.
L’alimentation : un soin, pas un traitement
Celle-ci reconnaît en effet au patient la liberté de refuser tout
traitement, comme l’exprime le nouvel alinéa de l’article L. 1111-4 du Code de
la santé publique, dans lequel les mots « un traitement » sont remplacés par «
tout traitement ». Or, selon le Rapport de la mission parlementaire et l’exposé
des motifs de la loi, l’alimentation artificielle est mise sur un plan
strictement identique à celui de n’importe quelle thérapeutique active destinée
à lutter contre une défaillance organique. Ainsi, les limitations et les arrêts
de traitement « s’appliquent à tout traitement, quel qu’il soit, y compris
l’alimentation artificielle. Celle-ci est aujourd’hui en effet considérée par
des médecins, par des théologiens et par le Conseil de l’Europe comme un
traitement [1]
».
Ce qui très grave sur le plan éthique est le fait de rapprocher alimentation
artificielle et traitement médical sans plus de réflexion pour ensuite en
déduire que, la loi du 22 avril 2005 permettant les arrêts de traitement, celui
de l’alimentation assistée irait de soi. À l’époque, cet aspect de la loi fut
l’objet d’une confrontation dans les rangs de l’Assemblée au sein même de la
majorité. Certains députés souhaitaient que la suspension de l’alimentation
artificielle soit envisagée sur le modèle des protocoles euthanasiques d’arrêts
d’alimentation joints à des sédations très puissantes jugés extrêmement
efficaces, tels qu’ils sont pratiqués dans l’État américain de l’Oregon. Mais
d’autres avaient déposé un amendement opposé : « L’alimentation et
l’hydratation, même artificielles, sont des soins ordinaires, proportionnés,
dus à la personne et qui ne peuvent être considérés comme des traitements »,
lequel ne fut pas retenu. C’est en effet vers le premier point de vue que
semblent s’être ralliés les rédacteurs de la loi, Jean Leonetti en tête, confirmant
que le cas de Vincent Humbert aurait pu être « traité », selon son expression,
par un arrêt d’administration des nutriments accompagné de soins palliatifs de
qualité visant à lui épargner toute souffrance.
Nutrition médicale
C’est aller un peu vite en besogne et ignorer le fait que donner à manger est
l’acte premier de responsabilité à l’égard d’autrui et représente un geste
naturel de reconnaissance de son humanité. Par ailleurs, si la procédure est en
effet initialement médicale, son but est de répondre à un besoin élémentaire de
nourriture qui permet en définitive la dispensation d’un soin de base ; une
fois la sonde posée, l’alimentation devient de l’ordre de la gestuelle des
soins puisqu’elle peut être assurée par des non professionnels, en particulier
par la famille à qui l’on aura transmis le savoir-faire requis. Certains
éthiciens anglo-saxons proposent d’ailleurs de ne plus parler d’alimentation
artificielle mais de nutrition médicale pour insister sur le caractère
ordinaire de ce soin pour la conservation de la vie. De plus, si la dialyse
rénale, par exemple, remplace une fonction physiologique perdue ou
momentanément défaillante, le recours à l’alimentation permet de pallier un
défaut de la déglutition sans que cela n’équivaille à une incapacité
d’assimiler les nutriments.
L’alimentation artificielle ne cherche pas tant à contrecarrer une pathologie
organique touchant cette fonction qu’à pallier plutôt un problème simplement
mécanique et donc à répondre à un besoin de base. D’ailleurs,
L’omission euthanasique
D’autre part, explique le cardinal Levada, suspendre ou ne pas entreprendre cet
acte de nutrition correspond à une attitude clairement euthanasique.
L’intention de laisser advenir une mort par inanition contre laquelle on
pourrait lutter avec la perspective d’un succès durable au plan du maintien de
la vie, et donc ne pas vouloir l’empêcher alors qu’on le pourrait, nous fait
basculer dans l’omission euthanasique. La mort, qui est la conséquence
inéluctable d’un arrêt de l’administration de nutriments et d’eau chez un
patient qui ne peut s’alimenter seul, est voulue pour elle-même, avec
l’intention de supprimer une personne dont on juge la qualité de vie
inacceptable. Y consentir revient à accomplir un acte de nature euthanasique.
En aucun cas on ne peut parler d’acharnement thérapeutique et de traitement
disproportionné car justement, nous dit
L’intelligence du commentaire est d’ailleurs d’élargir le propos en incluant
dans la catégorie de ces malades, outre les patients en état végétatif
persistant, les personnes tétraplégiques, les personnes en état avancé de la
maladie d’Alzheimer,… tous malades qui se trouvent dans la situation d’avoir «
besoin d’une assistance continue pendant des mois, voire des années ». N’est-ce
pas plutôt alors la vie de ces malade qui nous semble « disproportionnée » et «
inutile » en raison de leur faible « qualité » ? Devant le vieillissement
inéluctable de la population et le coût grandissant des soins de nursing, la «
charge » de ces malades ne va-t-elle pas nous apparaître rapidement excessive ?
Et d’ailleurs, si un patient très atteint sur le plan neurologique était
capable de s’alimenter par la bouche, nous poserions-nous la question de lui
supprimer tout apport calorique pour précipiter sa mort ?
Le bioéthicien canadien Hubert Doucet ne peut que le constater : « Cette
position se fonde sur la reconnaissance que dans ce cas, la mort est meilleure
que la vie. Elle porte en soi une dynamique de discrimination et d’euthanasie.
Si la condition mentale et physique délabrée est à l’origine de la prise de
décision, n’est-ce pas de la discrimination ? Si cette personne est privée de
nourriture parce que sa mort apparaît moins misérable que sa vie, c’est une
forme directe d’euthanasie. Les conséquences sociales d’une telle position sont
extrêmement inquiétantes pour de nombreuses catégories de malades comme ceux
atteints de la maladie d’Alzheimer. Dans ce cas, il n’y a pas de différence
entre tuer et laisser mourir quelqu’un ».
Dignité ontologique
Face à ceux qui doutent de la valeur de la vie de ces patients,
On voit poindre ici l’extrême cohérence de l’éthique réaliste et personnaliste
avancée par le Magistère. Qu’un être humain n’exerce pas encore ses facultés
cognitives, tels l’embryon, ou qu’il ne réussisse plus à les exercer pour des raisons
accidentelles, tel le patient en état végétatif chronique, il garde toute la
capacité d’activer ces activités supérieures : « Un homme, même empêché dans
l’exercice de ces fonctions les plus hautes, est et sera toujours un homme, et
ne deviendra jamais un végétal ou un animal », avait souligné Jean-Paul II dans
un discours du 20 mars 2004.
Stratégie
Cette question de l’alimentation et de l’hydratation assistées est en fait une
ressource stratégique et un véritable cheval de Troie pour obtenir la dépénalisation
de l’euthanasie.
Dès septembre 1984, la bioéthicienne australienne Helga Kube, lors de
« Si nous pouvons obtenir des gens qu’ils acceptent le retrait de tout traitement et soin, spécialement l’arrêt de toute nutrition, ils verront quel chemin douloureux c’est de mourir et accepteront alors, pour le bien du malade, l’injection létale (traduction personnelle). »
Ceux qui veulent aller plus loin et modifier la loi Leonetti se sont bien évidemment engouffrés dans cette brèche. Quelques jours après que le non-lieu sur l’affaire Humbert a été prononcé, le docteur Chaussoy, un des principaux protagonistes, s’exprimait dans une tribune du Monde :
« Cette loi n’aurait été d’aucune utilité à Vincent. J’ose à peine raconter l’unique solution qu’elle aurait à lui proposer : il s’agirait pour ne pas déroger à l’inaltérable “Tu ne tueras point” et pour ne pas déranger notre confort moral, de cesser de le nourrir. Le laisser mourir de faim, mais entouré des siens, et surveillé par une équipe médicale. Avec patience et amour, sans doute ? A quoi ressemble une société qui se satisferait de pareils faux-fuyants ? Et que reste-t-il d’humanité dans cette proposition-là ? » (Le Monde, 16 mars 2006.)
Marie Humbert pouvait renchérir quelques jours plus tard en stigmatisant la « mort sale » qu’autorise la nouvelle législation :
« Peut-on tolérer, sans avoir honte, la souffrance de ceux que la médecine a maintenus artificiellement […] ? Doit-on débrancher et refermer la porte ? Peut-on les laisser mourir de faim ou de soif sous le regard de leurs parents, comme Terry Schiavo aux États-Unis ? C’est pourtant ce que prévoit la loi Léonetti, votée le 22 avril 2005, qui protège les médecins laissant mourir leurs patients » (Le Figaro, 20 mars 2006).
Une loi, donc, au service de médecins assez barbares pour
préférer faire mourir de faim des malades plutôt que de leur injecter la dose
létale qui leur aurait permis de partir en douceur, tout cela parce que les
soignants français ne voudraient pas avoir les mains sales. Marie Humbert
pouvait logiquement conclure : « Ce qu’il faut, c’est inscrire dans la loi une
exception d’euthanasie (id.) ».
La programmation prochaine par TF1 du film Marie Humbert, le choix d’une
mère dont la direction précise qu’il a pour vocation de « prendre à témoin
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C- La doctrine catholique
L’alimentation des malades
en fin de vie est obligatoire
(Iiré
de la lettre d’information de
Liberté Politique en date du 18 sept 2007.)
De
Les réponses de
REPONSES A QUELQUES QUESTIONS SUR L'ALIMENTATION ET
L'HYDRATATION ARTIFICIELLES
1/ L’administration de nourriture et d’eau (par des voies naturelles ou
artificielles) au patient à l’“état végétatif” est-elle moralement obligatoire,
à moins que ces aliments ne puissent être assimilés par le corps du patient ou
être administrés sans causer un malaise physique important ?
Réponse : Oui. L’administration de nourriture et d’eau, même par des voies
artificielles, est par principe un moyen ordinaire et proportionné de
conservation de la vie. Elle est donc obligatoire, dans la mesure où et tant
qu’elle atteint son but, qui consiste à procurer l’hydratation et
l’alimentation du patient. De cette façon on évite les souffrances et la mort
dues à l’inanition et à la déshydratation.
2/ Si la nourriture et l’hydratation sont fournies par des voies
artificielles à un patient “à état végétatif permanent”, peuvent-ils être
interrompus quand les médecins compétents jugent avec certitude morale que le
patient ne récupérera jamais sa conscience ?
Réponse : Non. Un patient « à l’état végétatif permanent » est une personne,
avec sa dignité humaine fondamentale, à laquelle sont dus par conséquent les
soins ordinaires et proportionnés, qui comprennent, par principe,
l’administration d’eau et de nourriture, même par des voies artificielles.
Le Souverain Pontife Benoît XVI, au cours de l’Audience accordée au Cardinal
Préfet soussigné, a approuvé les présentes Réponses, décidées par
Rome, le 1er août 2007, au siège de
William Cardinal Levada
Préfet
Angelo Amato, S.D.B.
Archevêque tit. de Sila
Secrétaire
Les réponses de la congrégation sont accompagnées d’une longue Note de
commentaire, rédigée par la même Congrégation, qui expose le magistère de
l’Église en la matière, en partant du discours du pape Pie XII à un congrès
d’anesthésiologie du 24 novembre 1957. Les réponses de
NOTES DE COMMENTAIRE
En faveur de la possibilité de renoncer à l’alimentation et à l’hydratation de
ces patients, on invoque souvent le Discours du pape Pie XII du 24 novembre
1957 à un Congrès sur la réanimation. Dans son propos, le pontife
réaffirmait deux principes éthiques généraux. D’une part, la raison naturelle
et la morale chrétienne enseignent que, en cas de maladie grave, le patient et
les personnes qui le soignent ont le droit et le devoir d’effectuer les soins
nécessaires pour conserver sa santé et sa vie. D’autre part, ce devoir comprend
en règle générale uniquement l’utilisation des moyens qui, tenant compte de
toutes les circonstances, sont ordinaires et qui n’imposent pas une charge
extraordinaire pour le patient ou pour les autres personnes. Une obligation
plus sévère serait trop lourde pour la majorité des personnes et rendrait trop
difficile la réalisation de biens plus importants. La vie, la santé et toutes
les activités temporelles sont subordonnées aux fins spirituelles.
Naturellement, ceci n’interdit pas de faire plus que ce qui est strictement
obligatoire pour conserver la vie et la santé, à condition de ne pas manquer à
des devoirs plus graves.
Tout d’abord, il faut noter que les réponses données par le pape Pie XII se
référaient à l’utilisation et à l’interruption des techniques de réanimation.
Mais le cas présenté n’a rien à voir avec de telles techniques. Les patients en
"état végétatif" respirent spontanément, digèrent naturellement les
aliments, ont d’autres fonctions métaboliques et se trouvent dans une situation
stable. Ils ne parviennent pas cependant à s’alimenter tous seuls. Si on ne
leur administre pas artificiellement de nourriture ni des liquides, ils meurent
; la cause de leur mort n’est pas alors une maladie ou à l’"état
végétatif", mais uniquement le fait de l’inanition et de la
déshydratation. D’autre part, l’administration artificielle d’eau et de
nourriture n’impose pas généralement une lourde charge, ni au patient, ni aux
proches. Elle ne comporte pas de coûts excessifs ; elle est à la portée de tous
les systèmes de santé de niveau moyen ; elle ne requiert pas de soi
l’hospitalisation et elle est proportionnée pour atteindre son but : empêcher
le patient de mourir d’inanition et de déshydratation. Elle n’est, ni n’entend
être, une thérapie résolutive, mais un soin ordinaire pour la conservation de
la vie.
À l’inverse, ce qui peut constituer une charge notable est le fait d’avoir un
proche en "état végétatif", lorsque cet état se prolonge dans le
temps. Cette charge est comparable aux soins donnés à un tétraplégique, à un
malade mental grave, à un patient en stade avancé de la maladie d’Alzheimer,
etc. Ces personnes ont besoin d’une assistance continue durant des mois, voire
des années. Mais, la règle énoncée par le pape Pie XII ne peut être
interprétée, pour des raisons évidentes, dans le sens selon lequel il est alors
licite d’abandonner à eux-mêmes les patients dont les soins ordinaires imposent
une lourde charge à leur famille, les laissant donc mourir. Ce n’est pas en ce
sens que le pape XII parlait de moyens extraordinaires.
On doit pouvoir appliquer aux patients en "état végétatif" la
première partie de la règle énoncée par le pape Pie XII : en cas de maladie
grave, on a le droit et le devoir d’appliquer les soins nécessaires pour
conserver la santé et la vie du patient. Le développement du magistère de
l’Église, qui a suivi de près les progrès de la médecine et les doutes qu’ils
suscitent, le confirme pleinement.
La Déclaration sur l’euthanasie, publiée par
Le 27 juin 1981, le Conseil pontifical Cor Unum a publié un document ayant pour
titre : Questions éthiques relatives aux malades graves et aux mourants.
Dans ce texte, il est notamment affirmé : « Demeure, par contre, l’obligation
stricte de poursuivre à tout prix l’application des moyens dits
"minimaux", c'est-à-dire ceux qui, normalement et dans les conditions
habituelles, sont destinés à maintenir la vie (alimentation, transfusions
sanguines, injections, etc.). Les interrompre signifierait en pratique vouloir
mettre fin aux jours du patient » (n. 2.4.4).
Dans son Discours du 15 novembre 1985 adressé aux participants à un Cours
international d’aggiornamento sur les préleucémies humaines, le pape
Jean-Paul II, se référant à
En 1995, le Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé a
publié une Charte des agents de santé. On y affirme de manière explicite au n.
120 : « L’alimentation et l’hydratation, même administrées artificiellement,
font partie des soins normaux toujours dus au malade quand ils ne sont pas
dommageables pour lui : leur suspension sans raison peut avoir le sens d’une
véritable euthanasie. »
Le Discours de Jean-Paul II du 2 octobre 1998 à un groupe d’évêques des
États-Unis d’Amérique en visite ad limina est largement explicite :
l’alimentation et l’hydratation sont considérées comme des soins normaux et des
moyens ordinaires pour la conservation de la vie. Il est inacceptable de les
interrompre ou de ne pas les administrer si une telle décision doit entraîner
la mort du patient. On serait en présence d’une euthanasie par omission (cf. n.
4).
Dans le Discours du 20 mars 2004, adressé aux participants à un Congrès
international sur "les traitements de soutien vital et l’état végétatif.
Progrès scientifiques et dilemmes éthiques", Jean-Paul II a confirmé
en des termes très clairs ce qui était affirmé dans les documents cités
ci-dessus, en en donnant aussi l’interprétation appropriée. Le pape soulignait
les points suivants :
Par conséquent, les réponses que donne maintenant
En affirmant que l’administration de nourriture et d’eau est moralement
obligatoire en règle générale,
Ces cas exceptionnels n’enlèvent cependant rien au critère éthique général,
selon lequel l’administration d’eau et de nourriture, même par des voies
artificielles, représente toujours un moyen naturel de conservation de la vie
et non un traitement thérapeutique. Son emploi devra donc être considéré comme
ordinaire et proportionné, même lorsque l’"état végétatif" se
prolonge.
[1]
La terminologie relative aux diverses phases et formes de "l’état
végétatif" est sujette à discussion, mais cela n’a pas d’importance pour
le jugement moral.
[Texte original : français]. Source : Fides