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N° 127

L’euthanasie.

Des médecins s’y opposent fortement

 

 

Dans un article de la Croix du lundi 7 avril 2008 , Pierre BIENVAULT se fait l’écho d’un communiqué de presse de sept sociétés de médecins s’opposant résolument à l’euthanasie. Ce communiqué de presse  n’a pas eu dans les médias  un très grand écho. Il faut pourtant le connaître et le faire connaître

Voici ce communiqué :

Communiqué de presse du 20/03/08

« Dans le contexte actuel où se mêlent le tragique d’une situation de vie, l’interpellation de la justice et des pouvoirs publics et la remise en cause de la loi sur le droit des malades et la fin de vie, les sociétés savantes (*) que nous sommes souhaitent rappeler que :

Traiter la douleur et soulager la souffrance restent une priorité absolue

Ce qui est intolérable, c’est que des situations de douleur, de souffrance ne soient pas suffisamment prises en charge. Souffrir, pour les patients comme pour leurs proches n’est pas acceptable, il faut se donner les moyens d’atténuer et soulager la souffrance de l’autre. La loi du 22 avril 2005 encadre parfaitement les procédures à mettre en œuvre.

 « Faire mourir » ne peut pas être une solution en soi

Le tragique, l’effroyable vécu par une personne ne peut pas nous faire admettre que la mort donnée, même si elle est souhaitée, soit la solution. Ceci ne correspond ni à notre expérience quotidienne ni à ce que nous enseigne la pratique de la médecine. Dans le Plaidoyer des professionnels de santé de mars 2007 (http://www.sfap.org/content/view/141/165/) nos sociétés savantes et plus de 6700 professionnels de santé ont clairement pris position contre la légalisation du suicide assisté, qui modifierait radicalement nos repères sociétaux, et appelé à une large information et une pédagogie de la loi sur le droit des malades et la fin de vie.

Nous rappelons notre souhait que soit menée à bien une évaluation de la mise en œuvre  concrète de cette loi qui reste largement méconnue.

Nous réaffirmons avec force que, quels que soient les choix que notre société pourrait faire dans le futur, donner la mort ne relève en aucune façon de compétence du médecin et que nous, professionnels de santé n’assumeront pas ce rôle. Cela entrerait en conflit de valeur avec la mission fondamentale des soignants médicaux comme non médicaux qui est bien de toujours soigner et prendre soin de l’autre et ce jusqu’au bout de sa vie.

Sociétés savantes signataires*

 La Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) : La Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD ) ;La Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG ) ; La Société Française d'Anesthésie Réanimation (SFAR ) ; La Société Française d'Hématologie (SFH) ; Le Groupe de Réflexion sur l'Accompagnement et les Soins de Support pour les Patients en Hématologie et en Oncologie (GRASSPHO ) ; l'Association Nationale des Médecins Généralistes exerçant à l'Hôpital Local (AGHL )

 

Voici l’article de Pierre Bienvault.

Cet article  a l’avantage de donner le jugement des divers responsables de ces associations de médecins. Tous  s’expriment clairement contre l’euthanasie. Son article est intitulé : « Ces médecins qui ne veulent pas donner la mort » :

« Dans un texte commun, sept sociétés savantes affirment leur opposition à toute évolution de la loi vers une aide active à mourir

 

Les médecins de sept sociétés savantes souhaitent réaffirmer avec force que le rôle d’un soignant ne pourra jamais être de donner la mort.

C’est clair, net et précis. « Nous réaffirmons avec force que, quels que soient les choix que notre société pourrait faire dans le futur, donner la mort ne relève en aucune façon de la compétence du médecin et que nous, professionnels de santé, n’assumerons pas ce rôle. Cela entrerait en conflit de valeurs avec la mission fondamentale des soignants médicaux comme non médicaux, qui est bien de toujours soigner et prendre soin de l’autre et ce jusqu’au bout de sa vie. » Voilà ce qu’affirment, dans un texte commun, des médecins de sept sociétés savantes (1).

 


Parmi eux, on trouve bien sûr des spécialistes des soins palliatifs ou de la douleur, habitués à monter au créneau dès que la question de l’euthanasie revient dans le débat public. Mais, cette fois, d’autres praticiens ont choisi de faire entendre leur voix : des généralistes, des gériatres ou des médecins qui soignent des cancers ou des maladies hématologiques. Tous unis dans un même élan pour affirmer que le « faire mourir » ne peut pas être une solution en soi.

« Le tragique, l’effroyable vécu par une personne ne peut pas nous faire admettre que la mort donnée, même si elle est souhaitée, soit la solution », soulignent ces sociétés savantes, en allusion bien sûr au cas de Chantal Sébire, cette femme de 52 ans retrouvée décédée à son domicile et qui demandait une assistance au suicide.

"Contre-pétition"

C’est l’année dernière, en pleine campagne présidentielle, que ces professionnels de santé ont décidé d’agir en commun, sous l’impulsion de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). À l’époque, ils avaient voulu réagir à la publication, dans Le Nouvel Observateur, d’un texte signé par 2 000 médecins et infirmières affirmant avoir, « en conscience, aidé médicalement des patients à mourir… »

Ces opposants à l’euthanasie avaient alors lancé une « contre-pétition » sous la forme d’un plaidoyer contre la légalisation du suicide assisté, afin de montrer que cet appel à légaliser le « faire mourir » n’était pas majoritaire au sein du corps médical. Au final, le texte de protestation avait été signé par 6 700 professionnels de santé.

« Mais c’est vrai qu’il n’a pas eu le même écho médiatique que le discours des pro-euthanasie. Peut-être parce que nous avons un propos moins simpliste sur ces situations de fin de vie, qui sont souvent d’une extrême complexité », explique le docteur Godefroy Hirsch, le président de la Sfap.

"Est-ce que l’émotion permet véritablement l’analyse ?"

Conscient de l’impact de l’histoire de Chantal Sébire dans l’opinion, ces médecins repartent donc aujourd’hui à l’offensive, en regrettant que la problématique de la fin de vie ne soit abordée dans le débat public qu’à l’occasion d’affaires à forte charge émotionnelle. « Il est évident que l’histoire de cette femme a ému la France entière. Mais est-ce que l’émotion permet véritablement l’analyse ? » s’interroge le docteur Pascal Gendry, généraliste à Renazé (Mayenne) et président de l’AGHL (1).

Comme les autres signataires, il dit aussi avoir été, à l’occasion de ce débat, une nouvelle fois « effaré » de la méconnaissance de la loi Leonetti, y compris parmi les soignants. « C’est vraiment regrettable, car ce texte a constitué un énorme progrès et permet de trouver une solution dans 99 % des cas problématiques », assure le professeur Philippe Collombat, chef du service d’hématologie adulte et du service d’oncologie pédiatrique au CHU de Tours, qui préside le Grasspho (1).

Avec leur libelle, ces médecins souhaitent donc réaffirmer avec force que le rôle d’un soignant ne pourra jamais être de donner la mort. « Cela fait près de vingt ans que je suis médecin et que je me bats pour soigner ou accompagner la vie. Qu’on ne compte pas sur moi, un jour, pour être celui qui pourra donner la mort », lance le professeur Collombat.

"Double position" intenable

Sur la même ligne, le docteur Hirsch estime qu’une évolution de la loi dans cette direction reviendrait à mettre les médecins dans une « double position » absolument intenable. « Comment, demain, pourra-t-on nouer une relation de confiance avec un patient qui se dira : ce médecin, qui aujourd’hui me soigne, sera peut-être aussi celui qui, à un moment, mettra quelque chose en œuvre pour que je ne vive plus… »

Qu’ils soient généralistes, gériatres ou cancérologues, tous affirment être parfois confrontés à des situations délicates. « Bien sûr que cela arrive d’avoir des gens qui nous disent : “Docteur, je ne peux plus, aidez-moi à mourir.” Mais cet appel ne veut pas forcément dire : “Docteur, injectez-moi quelque chose !”, souligne le docteur Gendry. Entendre cette plainte, c’est être capable d’accompagner l’autre, de soulager ses souffrances et d’être jusqu’au bout dans le “prendre soin”, qui est le fondement de notre mission de soignant. »

Une position partagée par le docteur Marie-Pierre Hervy, présidente de la SFGG (1) et chef du service de gériatrie de l’hôpital Bicêtre, situé au Kremlin-Bicrêtre, près de Paris. « Il nous arrive souvent de gérer des situations de fin de vie de personnes âgées en perte d’autonomie qui ne peuvent plus s’exprimer et qui, si l’on peut dire, n’en finissent pas de mourir. Dans certains cas, les familles nous disent : “Mais à quoi cela sert-t-il de la laisser vivre dans cet état ? Pourquoi ne pas en finir tout de suite ? Pourquoi attendre ?” Nous leur disons d’abord que tout est fait pour que cette patiente ne souffre pas. Et que, pour le reste, elle attend la mort. Et que, même si nous ne savons pas toujours pourquoi, cette attente sert certainement à quelque chose. »

"Une prescription médicale comme une autre"

Le docteur Hervy affirme aussi que les demandes d’aide active à mourir restent, au quotidien, bien moins nombreuses que les demandes à être accompagné jusqu’au bout. « Aujourd’hui, chez les personnes âgées, je peux vous assurer que l’abandon de soins est une crainte plus forte que celle d’un acharnement thérapeutique. Beaucoup de personnes âgées qui entrent à l’hôpital ont peur d’une chose : qu’on les tue sans leur dire », explique cette gériatre qui, comme ses confrères, estime qu’une évolution de la loi serait dangereuse.

« S’il y a une loi pour une exception d’euthanasie, les rapports de pouvoir risquent de changer entre les médecins et la population, au sein des hôpitaux. On risque de voir des médecins qui diront : “Puisque la famille le souhaite, je le fais.” L’aide active à mourir deviendra une prescription médicale comme une autre, avec alors un risque majeur de déstabilisation des repères qui fondent notre société », affirme le docteur Hervy.

Avant d’ajouter que le rôle d’une loi « n’est pas de fournir un livre de recettes derrière lequel chaque professionnel pourra se cacher, mais de donner un cadre pour une réflexion qui soit la plus éthique possible ».

Pierre BIENVAULT

(1) Société française d’étude et de traitement de la douleur (Sfetd),Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), Société française d’anesthésie-réanimation (Sfar), Société française d’hématologie (SFH), Groupe de réflexion sur l’accompagnement et les soins de support pour les patients en hématologie et en oncologie (Grasspho) et Association nationale des médecins généralistes exerçant à l’hôpital local (AGHL).