LLLLes Nouvelles
de
Chrétienté
N° 128
Le pape aux Etats-Unis
Son enseignement.
Benoît XVI est arrivé ce mardi 15
avril, à 22 heures (16 h, heure locale) à la base aérienne d'Andrews de
Washington aux Etats-Unis. Il avait quitté Rome vers midi, heure locale, de
l'aéroport de Fiumicino. Il s'agit de son 8e voyage apostolique, et le premier
en Amérique du nord et aux Etats-Unis.
Le président Georges Bush a
accueilli lui-même le pape à sa descente d'avion, ainsi que Mme Laura Bush et
une de leurs deux filles : il a eu avec Benoît XVI un premier entretien
informel, mais il n'y a pas eu d'échange de discours. L'ambassadrice des
Etats-Unis près le Saint-Siège, Mme Mary-Ann Glendon a également salué le pape
à sa descente d'avion, ainsi que plusieurs représentants de l'Eglise américaine
dont le cardinal Francis E. George, président de
La cérémonie officielle de
bienvenue est prévue le mercredi 16 avril à 10 h 30 (16 h 30 de Rome) à
De la base d'Andrew le pape a
gagné directement par la route la capitale fédérale et la nonciature
apostolique.
Mercredi 16 avril, Benoît XVI a
fêté ses 81 ans, et samedi 19, ce sera le troisième anniversaire de son
élection.
Le séjour de Benoît XVI aux Etats-Unis,
on le sait, comportera deux étapes, à Washington, siège du gouvernement fédéral
et à New York, au siège de l'Organisation des Nations Unies.
Le pape restera donc à
Washington les mercredi 16, jeudi 17 et vendredi 18 avril, avant de reprendre
l'avion pour New York.
Benoît XVI arrivera à New York
le vendredi 18 avril, et il y passera les samedi 19 et dimanche 20 avril.
Le pape repartira de New York
le lundi 21 avril, et son avion arrivera à l'aéroport de Rome-Ciampino.
Nous vous donnons son
enseignement de cette première journée. Le rest fera l’objet du prochain numéro
d’Item.
Le Mercredi 16
Avril 2008
Mercredi 16 avril, le pape
effectua une visite de courtoisie à
Il a rencontré également les
cardinaux et les évêques catholiques des Etats-Unis, et les représentants des
fondations caritatives catholiques.
Le pape s’est rendu à la basilique nationale dédiée à
l'Immaculée Conception, dont les chapelles latérales reproduisent les plus
importants sanctuaires mariaux du monde : y compris la grotte de Lourdes et la
chapelle de
Là, il présida les vêpres.
Nous vous donnons, aujourd’hui,
les discours qu’il prononça en ce mercredi/
Mais avant d’arriver à
Washington, le Pape Benoît XVI eut un entretien avec les journalistes dans
son avion.
Voici le texte de cet
entretien.
Entretien de
Benoît XVI avec les journalistes au cours du vol Rome-Washington
Mardi 15 avril
P. Lombardi - Bienvenue Sainteté ! Au nom de tous mes collègues ici
présents, je vous remercie de votre disponibilité et de l'amabilité avec
laquelle vous venez nous saluer et nous donner quelques indications et idées
pour suivre ce voyage. C'est votre deuxième voyage intercontinental, le premier
en Amérique, aux Etats-Unis et aux Nations unies, en tant que pape. Un voyage
important et très attendu. Pour commencer, voulez-vous nous dire quelque chose
sur vos sentiments, sur les espoirs avec lesquels vous affrontez ce voyage et
quel est son objectif fondamental, selon vous ?
Benoît XVI - Mon voyage a surtout deux objectifs. Le premier est la
visite à l'Eglise qui est en Amérique, aux Etats-Unis, et pour un motif
particulier : il y a 200 ans, le diocèse de Baltimore a été élevé au rang de
siège métropolitain et dans le même temps sont nés quatre autres
diocèses : New York, Philadelphie, Boston et Louisville. C'est donc un
grand jubilé pour ce noyau de l'Eglise aux Etats-Unis, un moment de réflexion
sur le passé et surtout de réflexion sur l'avenir, sur la manière de répondre
aux grands défis de notre temps, aujourd'hui et dans une perspective d'avenir. Et naturellement, font également partie de
cette visite, la rencontre interreligieuse et la rencontre œcuménique, de
manière particulière aussi une rencontre à
P. Lombardi - Passons maintenant aux questions que vous avez vous-mêmes
présentées ces derniers jours et que quelques uns parmi vous poseront au
Saint-Père. Commençons par la question de John Allen, qui n'a je crois, pas
besoin d'être présenté car il est très connu comme vaticaniste aux Etats-Unis.
Question - Saint-Père, j'aimerais si possible poser la question en
anglais et s'il était possible d'avoir une phrase, une parole de réponse en
anglais, nous serions très reconnaissants. La question est : l'Eglise que
vous trouverez aux Etats-Unis est une Eglise grande, vivante, mais aussi une
Eglise souffrante d'une certaine manière, surtout à cause de la récente crise
due aux abus sexuels. Les Américains attendent une parole de vous, un message
sur cette crise. Quel sera votre message pour cette Eglise
souffrante ?
Benoît XVI - Le fait que tout cela ait pu se produire est une grande
souffrance pour l'Eglise aux Etats-Unis, pour l'Eglise en général et pour moi
personnellement. Quand je lis les comptes rendus de ces événements, j'ai du mal
à comprendre comment certains prêtres ont pu manquer à ce point à la mission
d'apporter la guérison, d'apporter l'amour de Dieu à ces enfants. J'ai honte et
nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour faire en sorte que cela ne se
renouvelle plus. Je crois que nous devons agir à trois niveaux : tout
d'abord au niveau de la justice et au niveau politique. Je ne parlerai pas ici
d'homosexualité car c'est un autre
sujet. Nous exclurons de manière absolue les pédophiles du ministère sacré ;
c'est totalement incompatible. Celui qui s'est rendu coupable de pédophilie ne
peut pas être prêtre. A ce premier niveau, nous pouvons faire justice et aider
les victimes, car elles sont profondément blessées ; les deux côtés de la
justice sont d'une part que les pédophiles ne peuvent pas être prêtres et de
l'autre, l'aide aux victimes, de toutes les manières possibles. Il y a ensuite
un niveau pastoral. Les victimes auront besoin de guérison, d'aide,
d'assistance et de réconciliation : il s'agit d'un engagement pastoral
important et je sais que les évêques, les prêtres et tous les catholiques aux Etats-Unis feront tout ce qu'ils
pourront pour aider, assister, guérir.
Nous avons visité les séminaires et nous ferons tout ce qui sera possible pour
donner aux séminaristes une profonde formation spirituelle, humaine et
intellectuelle. Seules des personnes
saines et qui ont vie personnelle profondément enracinée dans le Christ et dans
les sacrements peuvent être admises au sacerdoce. Je sais que les évêques
et les recteurs de séminaires feront tout leur possible pour avoir un
discernement très très sévère car il est
plus important d'avoir de bon prêtres que beaucoup de prêtres. Ceci est
également notre troisième niveau et nous espérons pouvoir faire, avoir fait et
faire encore à l'avenir, tout ce qui est en notre pouvoir pour guérir ces
blessures.
P. Lombardi - Merci, Sainteté. Il y a un autre thème sur lequel nos
collègues ont posé beaucoup de questions : celui de l'immigration, de la
présence dans la société américaine de composantes de langue espagnole
également. Pour cette raison, la question sera posée par notre collègue Andrés
Leonardo Beltramo Alvarez de l'Agence d'information du Mexique.
Question - Sainteté, je pose la question en italien et si vous le
souhaitez, vous pourrez répondre ensuite en espagnol. Un salut, seulement un
salut. Il y a une croissance énorme de la présence hispanique aussi dans
l'Eglise des Etats-Unis en général : la communauté catholique devient
toujours davantage bilingue et bi-culturelle. Et dans le même temps, un
mouvement anti-immigration se développe dans la société : la situation des
immigrés est caractérisée par des formes de précarité et de discrimination.
Avez-vous l'intention de parler de ce problème et d'inviter l'Amérique à bien
accueillir les immigrés, dont beaucoup sont catholiques ?
Benoît XVI - Je ne peux pas répondre en espagnol mais mis saludos y
mi bendición para todos los hispánicos. Il est évident que je parlerai de
cela. J'ai eu diverses visites ad limina des évêques d'Amérique centrale
et aussi d'Amérique du sud et j'ai vu
l'ampleur de ce problème, surtout le grave problème de la séparation des
familles. Et ceci est vraiment dangereux pour le tissu social, moral et
humain de ces pays.
Il faut cependant distinguer les
mesures à prendre immédiatement et les solutions à long terme. La solution fondamentale est que les gens
n'aient plus besoin d'émigrer parce qu'il y a dans leur patrie suffisamment de
postes de travail, un tissu social suffisant qui fait que personne n'a plus
besoin d'émigrer. Nous devons donc tous travailler avec cet objectif, pour un
développement social qui permette d'offrir aux citoyens du travail et un avenir
dans leur pays d'origine. Je voudrais aussi parler de cela avec le
président car ce sont surtout les Etats-Unis qui doivent aider les pays à se
développer de cette manière. C'est dans l'intérêt de tous, pas seulement de ces
pays, dans l'intérêt du monde et aussi des Etats-Unis.
Puis, des mesures à court terme : il est très
important d'aider avant tout les familles.
A la lumière des entretiens que j'ai eus avec les évêques il semble que le problème primordial soit la protection des familles,
veiller à ce qu'elles ne soient pas détruites. Il faut faire tout ce que
l'on peut. Puis, naturellement, il faut lutter avec tous les moyens possibles
contre la précarité et toutes les formes de violence, et leur permettre d'avoir
vraiment une vie digne là où elles se trouvent actuellement. Il est vrai qu'il
y a beaucoup de problèmes, beaucoup de souffrances, mais aussi une grande
hospitalité ! Je sais que notamment
P. Lombardi - Merci, Sainteté. Maintenant une question concernant la
société américaine, plus précisément la place des valeurs religieuses dans la
société américaine. Donnons la parole à notre collègue Andrea Tornielli,
vaticaniste pour un journal italien.
Question - Saint-Père, quand vous avez reçu la nouvelle ambassadrice
des Etats-Unis d'Amérique, celle-ci a souligné, comme valeur positive, la
reconnaissance publique de la religion aux Etats-Unis. Je voulais vous demander
si vous considérez cela comme un modèle possible également pour l'Europe
sécularisée, ou si vous ne pensez pas qu'il puisse également exister le risque
que la religion et le nom de Dieu soient utilisés pour faire passer certaines
politiques et même la guerre...
Benoît XVI - Il est évident qu'en Europe nous ne pouvons pas nous
limiter à copier les Etats-Unis : nous avons notre histoire. Mais nous
devons tous apprendre les uns des autres.
Ce que je trouve fascinant aux Etats-Unis, c'est qu'ils ont commencé avec un
concept positif de laïcité car ce nouveau peuple était composé de communautés
et de personnes qui avaient fui les Eglises d'Etat et voulaient avoir un Etat
laïc qui offre des possibilités à toutes les confessions, pour toutes les
formes de pratique religieuse. Ainsi est né un Etat délibérément laïc :
ils étaient opposés à une Eglise d'Etat. Mais l'Etat devait être laïc justement
par amour pour la religion dans son authenticité, qui ne peut être vécue que
librement. Et ainsi nous trouvons
cet Etat délibérément et résolument laïc, mais précisément à cause d'une
volonté religieuse, pour donner de l'authenticité à la religion.
Et nous savons qu'Alexis de
Toqueville, en étudiant l'Amérique, a vu que les institutions laïques vivent
avec un consensus moral de fait qui existe entre les citoyens. Ceci me semble un modèle fondamental et
positif. Il ne faut pas oublier qu'entre-temps, en Europe, deux cents ans,
plus de deux cents ans, se sont écoulés, et que beaucoup de choses se sont
passées. Il y a maintenant aussi aux Etats-Unis l'attaque d'un nouveau
sécularisme, complètement différent, et donc, auparavant les problèmes étaient
l'immigration, mais la situation s'est compliquée et différentiée au cours de
l'histoire. Toutefois, le fondement, le
modèle fondamental me semble aujourd'hui encore digne d'intérêt également en
Europe.
P. Lombardi - Merci, Sainteté. Et maintenant un dernier thème concernant
votre visite aux Nations unies. La question est posée par John Thavis, qui est
responsable à Rome de l'Agence catholique d'information des Etats-Unis.
Question - Saint-Père, le pape est souvent considéré comme la
conscience de l'humanité et c'est aussi la raison pour laquelle votre discours
aux Nations unies est très attendu. Je voudrais vous demander :
pensez-vous qu'une institution multilatérale comme les Nations unies puisse
sauvegarder les principes considérés par l'Eglise catholique comme « non
négociables », c'est-à-dire les principes fondés sur la loi
naturelle ?
Benoît XVI - Ceci est
précisément l'objectif fondamental des Nations unies : sauvegarder les
valeurs communes de l'humanité, sur lesquelles est basée la coexistence
pacifique des Nations : le respect de la justice et le développement de la
justice. J'ai déjà dit brièvement que le fait que le fondement des Nations
unies soit précisément l'idée des droits humains, des droits qui expriment des
valeurs non négociables, qui passent avant toutes les institutions et qui
soient le fondement de toutes les institutions, me semble très important. Et il est important qu'il y ait cette convergence
entre les cultures qui ont trouvé un consensus sur le fait que ces valeurs sont
fondamentales, qu'elles sont inscrites dans l'être humain lui-même. Il faut reprendre conscience du fait que
les Nations unies, avec leur fonction pacificatrice, ne peuvent travailler que
si elles ont le fondement commun des valeurs qui s'expriment ensuite en
« droits » qui doivent être respectés par tous.
L'un des objectifs de ma mission
est de confirmer cette conception fondamentale et de l'actualiser autant que
possible.
Enfin, étant donné que le P.
Lombardi m'avait au départ posé également une question sur mes sentiments, je
voudrais dire que je pars vraiment aux Etats-Unis avec la joie dans le
cœur ! Je suis déjà allé plusieurs fois aux Etats-Unis par le passé, je
connais ce grand pays, je connais la grande vivacité de l'Eglise malgré tous
les problèmes, et je suis heureux de pouvoir rencontrer, en ce moment
historique aussi bien pour l'Eglise que pour les Nations unies, ce grand peuple
et cette grande Eglise. Merci à tous !
P. Lombardi - Merci à vous, Sainteté, de la part de nous tous. Nous vous
présentons à nouveau nos meilleurs vœux pour ce voyage : qu'il porte tous
les fruits que vous en attendez et que nous tous attendons avec vous. Merci et
bon voyage !
Le Mercredi 16 avril
Le pape Benoît XVI a commencé cette première journée de son
voyage apostolique aux Etats-Unis par la messe, célébrée en privé, dans la
chapelle de la nonciature de Washington, sa résidence dans la capitale du pays.
C'est aussi aujourd'hui son 81e anniversaire.
A16 heures, heure de Rome, mais 10 h, heure de Washington,
le pape s'est rendu à
Après le chant par une soprano du Notre Père, le président
Bush a prononcé un discours de bienvenue auquel le pape a répondu en méditant
sur les fondements de
Discours de Benoît XVI à
Washington, 16 avril 2008
Source : Vatican (traduction
Monsieur
le président,
Je vous remercie pour les
aimables mots de bienvenue que vous m’avez adressés au nom du peuple des
Etats-Unis d'Amérique. J'apprécie profondément votre invitation à visiter ce
grand pays. Ma visite coïncide avec un moment important de la vie de la
communauté catholique en Amérique : la célébration du 200me anniversaire
de l'élévation du premier diocèse de ce pays – Baltimore – comme archevêché
métropolitain, et l'établissement des sièges de New York, Boston, Philadelphie
et Louisville. Je suis heureux, en outre, d'être ici en tant qu'invité de tous
les Américains. Je viens en ami, en
prédicateur de l'Évangile et avec un grand respect pour cette vaste société
pluraliste. Les catholiques américains ont eu, et continuent d'avoir, une
remarquable contribution à la vie de leur pays. Au moment où commence ma visite, je suis sûr que ma présence sera une
source de renouvellement et d'espérance pour l'Église aux Etats-Unis et qu'elle
renforcera la détermination des catholiques à contribuer toujours plus
résolument à la vie de cette nation dont ils sont fiers d’être les citoyens.
Depuis l'aube de
Dans
les prochains jours, j'aurai la joie de rencontrer non seulement la communauté
catholique américaine, mais aussi d'autres communautés chrétiennes et des
représentants des nombreuses traditions religieuses présentes dans ce pays. Historiquement, les catholiques, mais aussi
tous les croyants, ont trouvé ici la liberté de prier Dieu en accord avec ce
que leur dictait leur conscience, tout en étant, dans le même temps, acceptés
comme une partie de la communauté politique dans laquelle chaque personne et
chaque groupe peut faire entendre sa voix. Alors que la nation fait face à des
questions politiques et éthiques de plus en plus complexes, je suis sûr que le
peuple américain trouvera dans ses croyances religieuses une source précieuse
de discernement et une inspiration à poursuivre un dialogue raisonné,
responsable et respectueux pour construire une société plus humaine et plus
libre.
La liberté n’est pas seulement un don, mais
aussi un appel à la responsabilité personnelle. Les Américains le savent par expérience – presque chaque
ville de ce pays possède ses monuments qui rendent hommage à ceux qui ont
sacrifié leur vie pour la défense de la liberté, soit sur leur propre terre,
soit à l’étranger. La défense de la
liberté appelle à cultiver la vertu, l’autodiscipline, le sacrifice pour le
bien commun et un sens de la responsabilité envers les plus démunis. Elle exige
en outre le courage de s’engager dans la vie civile et de porter ses croyances
religieuses et ses valeurs les plus profondes dans le débat public raisonnable.
En un mot, la liberté est toujours neuve. Il s’agit d’un défi lancé à chaque
génération, et il doit être constamment relevé en vue du bien (cf. Spe
Salvi, 24). Peu ont compris cela avec autant de lucidité que le vénéré pape
Jean-Paul II. En réfléchissant à la
victoire spirituelle de la liberté sur le totalitarisme dans sa Pologne natale
et en Europe orientale, il nous a rappelé combien l’histoire met en évidence,
en de nombreuses occasions, que « dans un monde sans vérité, la liberté
perd son propre fondement » et qu’une démocratie sans valeurs peut perdre
son âme (cf. Centesimus annus, 46). Ces paroles prophétiques font
écho, d’une certaine manière, à la conviction du président Washington, exprimée
dans son discours d’adieu, selon laquelle la
religion et la moralité constituent « les soutiens indispensables » à
la prospérité politique.
L’Eglise, pour sa part, désire contribuer à
la construction d’un monde toujours plus digne de la personne humaine, créée à
l’image et à la ressemblance de Dieu (cf.
Gn 1,26-27). Elle est convaincue que la
foi jette une lumière nouvelle sur toutes choses, et que l’Evangile révèle la
noble vocation et le sublime destin de chaque homme et de chaque femme (cf. Gaudium
et Spes, 10). La foi, en outre, nous offre la force de répondre à notre
haute vocation et l’espérance qui nous inspire pour travailler à une société
toujours plus juste et fraternelle. La démocratie ne peut fleurir, vos Pères
fondateurs le savaient bien, que lorsque les responsables politiques et ceux
qu’ils représentent sont guidés par la vérité et la sagesse, née d’un principe
moral ferme, en vue des décisions qui regardent la vie et l’avenir des nations.
Depuis
plus d’un siècle, les Etats-Unis d’Amérique jouent un rôle important dans la
communauté internationale. Vendredi prochain, si Dieu le veut, j’aurai
l’honneur de m’adresser à l’Organisation des Nations Unies, où j’espère
encourager les efforts déjà en cours pour faire de cette institution une voix
encore plus efficace pour les attentes légitimes de tous les peuples du monde.
A cet égard, pour le 60e anniversaire de
Monsieur le Président, chers amis, alors que débute ma
visite aux Etats-Unis, je veux exprimer encore une fois ma gratitude pour
l’invitation qui m’a été adressée, ma joie d’être parmi vous, et ma fervente prière
afin que Dieu Tout-Puissant confirme cette nation et son peuple sur les voies
de la justice, de la prospérité et de la paix. Dieu bénisse l’Amérique ! »
L’entretien
privé
L'échange
des discours a été suivi par un entretien
privé entre le président et le pape dans le salon ovale de
Communiqué conjoint
Respect de la dignité de la personne, défense de la vie, du mariage et de la famille, éducation des jeunes, droits de l'homme et liberté religieuse, développement durable et lutte contre la pauvreté et les pandémies, spécialement en Afrique : autant de points sur lesquels le président Bush et le pape Benoît XVI ont déclaré leur convergence. Mais les entretiens ont surtout porté sur le Moyen Orient, soulignant la préoccupation du pape pour les chrétiens, spécialement en Irak, et demandant une solution au conflit israélo-palestinien.
Le Saint-Siège et
Le communiqué résume ainsi le discours de bienvenue du
président George W. Bush à
A propos de l'entretien privé entre le pape et le président, le communiqué précise : « Au cours de leur rencontre, le Saint-Père et le président ont discuté d'un certain nombre de sujets d'intérêt commun pour le Saint-Siège et les Etats-Unis d'Amérique, y compris des considérations morales et religieuses dans lesquelles les deux parties sont engagées : le respect de la dignité de la personne humaine ; la défense et la promotion de la vie, du mariage et de la famille ; l'éducation des générations futures ; les droits de l'homme et la liberté religieuse ; le développement durable et la lutte contre la pauvreté et les pandémies, spécialement en Afrique ».
Le pape, dit le communiqué, a salué les « contributions substantielles des Etats-Unis dans cette région ».
Les deux hommes ont réaffirmé « leur rejet total du terrorisme » et « la manipulation de la religion pour justifier des actes immoraux et violents contre des innocents ».
Mais surtout, le communiqué précise une convergence importante : il faut « affronter le terrorisme par des moyens appropriés qui respectent la personne humaine et ses droits ».
Un des sujets les plus importants de ces entretiens a été le Moyen Orient, en
particulier la résolution du conflit israélo-palestinien.
Le communiqué affirme une vision commune « de deux Etats vivant côte à côte en paix et dans la sécurité ».
Au Moyen Orient, ils réaffirment aussi « leur soutien à la souveraineté et à l'indépendance du Liban ».
Ils affirment « leur préoccupation commune pour l'Irak et en particulier pour la situation des communautés chrétiennes là, et ailleurs dans la région ».
« Le Saint-Père et le président ont exprimé leur espérance pour la fin des violences et pour une solution rapide et globale aux crises qui affligent la région », souligne le communiqué.
Et de conclure sur la protection des immigrés d'Amérique latine: « Le Saint-Père et le président ont également pris en considération la situation en Amérique latine, en particulier en ce qui concerne, entre autres, les immigrés, et le besoin d'une politique coordonnée concernant l'immigration, spécialement leur condition et le bien-être de leurs familles ».
Benoît
XVI a ensuite déjeuné avec les cardinaux américains, dont le cardinal Francis E. George, président de la
conférence épiscopale, en présence du vice-président, Mgr Gerald Kicanas et du
secrétaire général, Mgr David Malloy.
Dans l'après-midi, vers 16 h 45 (22 h 45 à Rome), le pape
devait rencontrer les représentants d'organisations caritatives, dont les
Chevaliers de Colomb (« The Knights of Columbus »), les
« Patrons des Arts (« The Patrons of the Arts »), des
représentants de la fondation « Centesimus Annus pro Pontifice » et
de
A
17 h 45, le chant des Vêpres :
Le pape était attendu ensuite à la basilique nationale de
l'Immaculée Conception, pour la célébration
des vêpres avec les évêques des Etats-Unis. Il devait regagner la
nonciature pour un dîner en privé et sa
Vêpres en la basilique de l’Immaculée Conception, à Washington
Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé par
Benoît XVI le mercredi 16 avril, lors des vêpres célébrées en la basilique de
l'Immaculée Conception, à Washington
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Ma joie est grande en vous saluant aujourd'hui, au début de ma visite
dans ce pays, et je remercie le cardinal George des paroles aimables qu'il m'a
adressées en votre nom. Je désire remercier chacun de vous, en particulier les
membres de
Les catholiques d'Amérique sont connus pour leur réelle dévotion à
l'égard du Siège de Pierre. Ma visite pastorale ici est une occasion pour
renforcer davantage les liens de communion qui nous unissent. Nous avons
commencé par la célébration de la prière du soir dans cette basilique consacrée
à l'Immaculée Conception de
Pour les communautés catholiques de Boston, New York, Philadelphie et
Louisville, il s'agit d'une année de célébrations particulières, étant donné
qu'elle marque le bicentenaire de l'érection de ces Eglises locales au rang de
diocèses. Je m'unis à vous pour rendre grâce pour les nombreux dons célestes
accordés à l'Eglise dans ces lieux au cours des deux derniers siècles. Etant
donné que l'année en cours marque également le bicentenaire de l'érection du
siège fondateur, Baltimore, au rang d'archidiocèse, cela m'offre l'opportunité
de rappeler avec admiration et gratitude la vie et le ministère de John
Carroll, premier évêque de Baltimore et digne pasteur de la communauté
catholique dans votre nation qui était devenue depuis peu indépendante. Ses
efforts inlassables pour diffuser l'Evangile dans le vaste territoire confié à
ses soins jetèrent les bases de la vie ecclésiale dans votre pays et permirent
à l'Eglise en Amérique de grandir vers la maturité.
Aujourd'hui, la communauté catholique que vous servez est l'une des plus
vastes du monde et l'une des plus influentes. Il est donc très important de
faire en sorte que votre lumière brille devant vos concitoyens et devant le
monde, « afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est
dans les cieux » (Mt 5, 16).
Un grand nombre des personnes auprès desquelles John Carroll et ses confrères
évêques exercèrent leur ministère il y a deux siècles venaient de terres
lointaines. La diversité de leur provenance se reflète dans la riche variété de
la vie ecclésiale de l'Amérique d'aujourd'hui. Chers frères évêques, je
désire vous encourager, ainsi que vos communautés, à continuer à accueillir les
immigrants qui s'unissent à vous aujourd'hui, à partager leurs joies et leurs
espérances, à les soutenir dans leurs souffrances et leurs épreuves, et à les
aider à prospérer dans leur nouvelle maison. C'est d'autre part ce que
firent vos concitoyens pendant des générations. Dès les débuts, ils ont ouvert
leurs portes à ceux qui étaient las, aux pauvres, aux « masses qui se
pressaient à la recherche d'un souffle dans la liberté » (cf. Sonnet gravé
sur la statue de la liberté). Telles étaient les personnes que l'Amérique a
faites siennes.
Parmi ceux qui vinrent ici pour se construire une nouvelle vie, beaucoup
furent capables de faire bon usage des ressources et des opportunités qu'ils y
trouvèrent, et d'atteindre un haut niveau de prospérité. En vérité, les
citoyens de ce pays sont connus pour leur grande vitalité et créativité. Ils
sont également connus pour leur générosité. Après l'attaque des tours jumelles,
en septembre 2001, et également après l'ouragan Katrina en 2005, les Américains
ont montré leur rapidité à venir en aide à leurs frères et sœurs qui étaient
dans le besoin. Au niveau international, la contribution offerte par le peuple
d'Amérique aux opérations de secours et de sauvetage après le tsunami de
décembre 2004 est une démonstration supplémentaire de cette compassion.
Permettez-moi d'exprimer mon appréciation particulière pour les innombrables
formes d'assistance humanitaire offertes par les catholiques américains à
travers les Caritas catholiques et les autres agences. Leur générosité a
porté des fruits dans l'attention aux pauvres et aux indigents, ainsi que dans
l'énergie manifestée dans la construction du réseau national de paroisses
catholiques, d'hôpitaux, d'écoles et d'universités. Tout cela offre de solides
raisons pour rendre grâce.
L'Amérique est également une
terre de grande foi.
Votre peuple est bien connu pour sa ferveur religieuse et il est fier
d'appartenir à une communauté de prière. Il a confiance en Dieu et il
n'hésite pas à introduire dans les discours publics des raisons morales
enracinées dans la foi biblique. Le respect pour la liberté de religion
est profondément enraciné dans la conscience américaine ; c'est un fait qui a
contribué à ce que ce pays attire des générations d'immigrants à la recherche
d'une maison où pouvoir librement rendre leur culte à Dieu selon leurs propres
convictions religieuses.
Dans ce contexte, je prends volontiers acte de la présence parmi vous
d'évêques de toutes les vénérables Eglises orientales en communion avec le
Successeur de Pierre : je les salue avec une joie particulière. Chers frères,
je vous demande d'assurer vos communautés de ma profonde affection et de ma
prière incessante, pour elles comme pour les nombreux frères et sœurs restés
dans leur terre d'origine. Votre présence dans ce pays rappelle le courageux
témoignage en faveur du Christ de tant de membres de vos communautés, souvent
en affrontant de grandes souffrances, dans leurs patries respectives. Cela
constitue également un grand enrichissement pour la vie ecclésiale en Amérique,
car une expression vivante de la catholicité de l'Eglise et de la variété de
ses traditions liturgiques et spirituelles est ainsi offerte.
C'est sur ce sol fertile, nourri par tant de sources différentes, que
vous, vénérés frères dans l'épiscopat, êtes appelés aujourd'hui à répandre la
semence de l'Evangile. Cela m'amène à me demander comment, au XXIe siècle,
un évêque peut répondre au mieux à l'appel à « faire chaque chose nouvelle en
Jésus Christ, notre espérance » ? Comment peut-il conduire son peuple « à
la rencontre avec le Dieu vivant ? », source de cette espérance qui transforme
la vie dont parle l'Evangile ? (cf. Spe salvi, n. 4).
Peut-être a-t-il tout d'abord besoin d'abattre certaines barrières qui
empêchent cette rencontre. Même s'il est vrai que ce pays est marqué par un
authentique esprit religieux, l'influence subtile du sécularisme peut toutefois
marquer la façon dont les personnes permettent que la foi influence leurs
propres comportements. Est-il cohérent de professer notre foi à l'église
le dimanche et ensuite, au cours de la semaine, de promouvoir des affaires ou
des procédures médicales contraires à cette foi ? Est-il cohérent pour
les catholiques pratiquants d'ignorer ou d'exploiter les pauvres et les exclus
; de promouvoir des comportements sexuels contraires à l'enseignement moral
catholique, ou d'adopter des positions qui contredisent le droit à la vie de
chaque être humain de sa conception jusqu'à sa mort naturelle ? Il faut résister
à toute tendance à considérer la religion comme un fait privé. Ce n'est que
lorsque la foi imprègne chaque aspect de leur vie que les chrétiens deviennent
vraiment ouverts à la puissance transformatrice de l'Evangile.
Dans une société riche, un
obstacle supplémentaire à une rencontre avec le Dieu vivant se trouve dans
l'influence subtile du matérialisme,
qui peut malheureusement très facilement concentrer l'attention sur le «
centuple » promis par Dieu en cette vie, au détriment de la vie éternelle qu'il
promet pour le temps à venir (Mc 10, 30). Il est aujourd'hui
nécessaire de rappeler aux personnes le but ultime de l'existence. Elles ont
besoin de reconnaître qu'elles ont en elles une profonde soif de Dieu. Elles
ont besoin d'avoir l'opportunité de puiser à la source de son amour infini. Il
est facile d'être subjugués par les possibilités presque illimitées que la
science et la technique nous offrent ; il est facile de faire l'erreur de
penser pouvoir obtenir par nos propres efforts la satisfaction des besoins les
plus profonds. Il s'agit d'une illusion. Sans Dieu, qui nous donne ce que nous
ne pouvons pas atteindre seuls (cf. Spe salvi, n. 31), nos vies sont en
définitive vides. Les personnes ont sans cesse besoin d'être appelées à
cultiver une relation avec lui, qui est venu afin que nous ayons la vie en
abondance (cf. Jn 10, 10). Le but de chacune de nos activités pastorales
et catéchétiques, l'objet de notre prédication, le centre même de notre
ministère sacramentel doit être celui d'aider les personnes à établir et à
nourrir une telle relation vitale avec « le Christ Jésus, notre espérance » (1 Tm
1, 1).
Dans une société qui accorde beaucoup de valeur à la liberté personnelle
et à l'autonomie, il est facile de perdre de vue notre dépendance des autres,
ainsi que les responsabilités que nous avons à leur égard. Cette
accentuation de l'individualisme a même influencé l'Eglise (cf. Spe
salvi, nn. 13-15), donnant origine à une forme de piété qui souligne
parfois notre relation privée avec Dieu au détriment de l'appel à être les
membres d'une communauté rachetée. Et pourtant, dès le début, Dieu vit qu'« il
n'est pas bon que l'homme soit seul » (Gn 2, 18). Nous avons été créés
comme des êtres sociaux qui ne trouvent leur accomplissement que dans l'amour envers
Dieu et envers leur prochain. Si nous voulons vraiment garder le regard fixé
sur lui, source de notre joie, nous devons le faire comme des membres du Peuple
de Dieu (cf. Spe salvi, n. 14). Si cela semblait aller à l'encontre
de la culture actuelle, cela ne serait qu'une preuve supplémentaire de
l'urgente nécessité d'une évangélisation renouvelée de la culture.
Ici en Amérique, vous avez été
bénis par un laïcat catholique d'une considérable variété culturelle, qui place
ses dons multiformes au service de l'Eglise et de la société en général. Il se tourne vers vous pour recevoir de
l'encouragement, une direction et une orientation. A une époque saturée
d'informations, l'importance d'offrir une solide formation de la foi ne risque
par d'être surévaluée. Les catholiques américains ont accordé par tradition une
grande valeur à l'éducation religieuse, que ce soit dans les écoles ou dans
l'ensemble des programmes de formation pour adultes : il faut maintenir et
développer cela. Les nombreux hommes et femmes qui se consacrent généreusement
aux œuvres caritatives doivent être aidés à renouveler leur engagement à
travers une « formation du cœur » : une « rencontre avec Dieu dans le Christ,
qui suscite en eux l'amour et qui ouvre leur esprit à autrui » (Deus caritas
est, n. 31).
A une époque où les progrès dans les sciences médicales apportent de
nouvelles espérances à de nombreuses personnes, des défis éthiques auparavant
inimaginables peuvent apparaître. D'où la nécessité, plus importante que
jamais, d'assurer une solide formation dans les enseignements moraux de
l'Eglise aux catholiques qui sont engagés dans le domaine de la santé. Il
est nécessaire dans tous ces domaines d'apostolat, de prendre une direction
sage, pour qu'ils puissent porter des fruits abondants. S'ils veulent vraiment
promouvoir le bien intégral de la personne, ils doivent eux-mêmes être
renouvelés dans le Christ notre espérance.
En tant qu'annonciateurs de l'Evangile et guides de la communauté
catholique, vous êtes également appelés à participer à l'échange d'idées sur la
scène publique, pour aider à façonner des attitudes culturelles adaptées. Dans
un contexte où la liberté de parole est appréciée et un débat substantiel et
honnête est encouragé, votre voix est une voix respectée qui a beaucoup à
offrir au débat sur les questions sociales et morales de l'actualité. En
faisant en sorte que l'Evangile soit entendu de façon claire, non seulement
vous formez les personnes de votre communauté, mais, dans le cadre du plus
vaste auditoire de la communication de masse, vous aidez à diffuser le message
de l'espérance chrétienne dans le monde entier.
L'influence de l'Eglise dans le débat public, cela est clair, se déroule
à de nombreux niveaux très différents. Aux Etats-Unis, comme ailleurs, existent
actuellement beaucoup de lois déjà en vigueur ou en discussion qui suscitent
une préoccupation du point de vue de la moralité et la communauté catholique,
sous votre direction, doit offrir un témoignage clair et unitaire sur ces
matières. L'ouverture graduelle des esprits et des cœurs de la communauté la
plus vaste à la vérité morale est toutefois encore plus importante : c'est un
domaine dans lequel il y a encore beaucoup à accomplir. Dans ce domaine, le
rôle des fidèles laïcs est crucial en agissant comme un « levain » dans la
société. Toutefois, on ne doit pas tenir pour acquis que tous les citoyens
catholiques pensent selon l'enseignement de l'Eglise à propos des questions
éthiques fondamentales d'aujourd'hui. Encore une fois, votre devoir est de
faire en sorte que la formation morale offerte à chaque niveau de la vie
ecclésiale reflète l'authentique enseignement de l'Evangile de la vie.
A ce propos, un thème
profondément préoccupant pour nous tous est la situation de la famille au sein
de la société. Il est vrai que le
cardinal George a tout d'abord rappelé que vous avez placé le renforcement du
mariage et de la vie familiale parmi vos priorités pour les prochaines années.
Dans le Message de cette année pour
Comme mon prédécesseur, le pape Jean-Paul II, l'enseignait : « Le premier
responsable de la pastorale familiale dans le diocèse est l'évêque... il doit
lui consacrer intérêt, sollicitude, temps, personnel, ressources : mais
par-dessus tout, il doit apporter un appui personnel aux familles et à tous
ceux qui... l'assistent dans la pastorale de la famille » (Familiaris
consortio, n. 73). Votre tâche est de proclamer avec force les arguments
de foi et de raison qui parlent de l'institution du mariage, compris comme
engagement pour la vie entre un homme et une femme, ouvert à la transmission de
la vie. Ce message devrait retentir au milieu des personnes d'aujourd'hui,
car il est essentiellement un « oui » inconditionné et sans réserve à la vie,
un « oui » à l'amour et un « oui » aux aspirations du cœur dans notre humanité
commune, alors que nous nous efforçons de mener à bien notre profond désir
d'intimité avec les autres et avec le Seigneur.
Parmi les signes contraires à l'Evangile de la vie que l'on peut trouver
en Amérique, mais également ailleurs, il y en a un qui cause une profonde
honte : l'abus sexuel des mineurs. Beaucoup d'entre vous m'ont parlé de
l'immense douleur que vos communautés ont ressenti quand des hommes d'Eglise
ont trahi leurs obligations et leurs devoirs sacerdotaux avec un tel
comportement gravement immoral. Alors que vous cherchez à éliminer ce mal
partout où il se trouve, soyez assurés du soutien priant du Peuple de Dieu dans
le monde entier. Vous donnez à juste titre la priorité à la manifestation de
compassion et de soutien aux victimes : c'est une responsabilité qui vous vient
de Dieu, en tant que pasteurs, qui est celle de panser les blessures causées
par chaque violation de la confiance, de favoriser la guérison, de promouvoir
la réconciliation et d'aller à la rencontre de ceux qui ont été aussi gravement
blessés, avec une sollicitude pleine d'amour.
La réponse à une telle situation n'a pas été facile et, comme l'a indiqué
le président de votre Conférence épiscopale, elle a « parfois été très mal
gérée ». Maintenant que la dimension et la gravité du problème sont plus
clairement comprises, vous avez pu adopter des mesures disciplinaires et des
remèdes plus adaptés et promouvoir un milieu sûr qui offre une plus grande
protection aux jeunes. Alors que l'on doit se rappeler que la plus grande
majorité des prêtres et des religieux en Amérique accomplissent un excellent
travail en apportant le message libérateur de l'Evangile aux personnes confiées
à leurs soins pastoraux, il est d'une importance vitale que les sujets
vulnérables soient toujours protégés de ceux qui pourraient les blesser. A
ce propos, vos efforts pour soulager et protéger portent de nombreux fruits non
seulement à l'égard de ceux qui sont directement placés sous votre attention
pastorale, mais également de la société tout entière.
Toutefois, si nous voulons qu'elles atteignent pleinement leur but, il
faut que les mesures et les stratégies que vous avez adoptées soient placées
dans un contexte plus large. Les enfants ont le droit de grandir avec une saine
compréhension de la sexualité et du rôle qui lui est propre dans les relations
humaines. On devrait leur épargner les manifestations dégradantes et la
manipulation vulgaire de la sexualité aujourd'hui si dominante ; ils ont le
droit d'être éduqués dans les authentiques valeurs morales enracinées dans la
dignité de la personne humaine. Cela nous ramène à la considération sur la
place centrale de la famille et sur la nécessité de promouvoir l'Evangile de la
vie. Que signifie parler de la protection des enfants lorsque la
pornographie et la violence peuvent être regardées dans de si nombreuses
maisons à travers les mass media largement disponibles aujourd'hui ? Nous
devons réaffirmer de toute urgence les valeurs qui soutiennent la société, de
manière à offrir aux jeunes et aux adultes une solide formation morale. Tous
ont un rôle à jouer dans cette tâche, non seulement les parents, les guides
religieux, les enseignants et les catéchistes, mais également l'information et
l'industrie du spectacle. Oui, chaque membre de la société peut contribuer à ce
renouveau moral et en tirer profit. Prendre vraiment soin des jeunes et de
l'avenir de notre civilisation signifie reconnaître notre responsabilité de
promouvoir et de vivre les valeurs morales authentiques qui sont les seules à
rendre la personne humaine capable de se développer. Votre tâche de pasteurs
qui ont comme modèle le Christ, Bon Pasteur, est de proclamer de manière forte
et claire ce message et donc d'affronter le péché de l'abus dans le contexte
plus vaste des comportements sexuels. En outre, en reconnaissant le problème et
en l'affrontant lorsqu'il a lieu dans un contexte ecclésial, vous pouvez offrir
une orientation aux autres, étant donné que cette plaie ne se trouve pas
seulement au sein de vos diocèses, mais dans tous les secteurs de la société.
Elle exige une réponse déterminée et collective.
Les prêtres ont eux aussi
besoin de votre direction et de votre proximité au cours de cette période
difficile. Ils ont vécu
l'expérience de la honte à la suite de ce qui est arrivé et un grand nombre
d'entre eux se rendent compte qu'ils ont perdu une partie de la confiance
qu'ils avaient autrefois. Nombreux sont ceux qui font l'expérience d'une
proximité avec le Christ dans sa Passion, alors qu'ils s'efforcent d'affronter
les conséquences de la crise actuelle. L'évêque, en tant que père, frère et ami
de ses prêtres, peut les aider à tirer du fruit spirituel de cette union avec
le Christ, en les rendant conscients de la présence réconfortante du Seigneur
au coeur de leurs souffrances, et en les encourageant à marcher avec le
Seigneur sur le sentier de l'espérance (cf. Spe salvi, n.39). Comme
l'observait le pape Jean-Paul II il y a six ans, « nous devons être confiants
dans le fait que ce moment d'épreuve apportera une purification de toute la
communauté catholique », conduira « à un sacerdoce plus sain, à un épiscopat
plus sain et à une Eglise plus sainte » (Message aux cardinaux des Etats-Unis,
23 avril 2002, n. 4). De nombreux signes montrent que, pendant la période
successive, cette purification a vraiment eu lieu. La présence constante du
Christ au coeur de nos souffrances transforme graduellement nos ténèbres en
lumière : chaque chose est faite à nouveau véritablement dans le Christ Jésus,
notre espérance.
En ce moment, une partie vitale de votre tâche est de renforcer les
relations avec vos prêtres, en particulier dans les cas où une tension est née
entre prêtres et évêques à la suite de la crise. Il est important que vous
continuiez à démontrer à leur égard votre préoccupation, votre soutien et votre
direction à travers l'exemple. Ainsi, vous les aiderez certainement à
rencontrer le Dieu vivant et vous les orienterez vers cette espérance qui
transforme l'existence dont parle l'Evangile. Si vous vivez vous-mêmes d'une
manière qui se configure étroitement au Christ, le Bon Pasteur, qui donna sa
vie pour ses brebis, vous inspirerez vos frères prêtres à se consacrer à
nouveau au service du troupeau avec la générosité qui caractérisa le Christ. En
vérité, une concentration plus claire sur l'imitation du Christ dans la
sainteté de vie est nécessaire si nous voulons aller de l'avant. Nous devons
redécouvrir la joie de vivre une existence centrée sur le Christ, en cultivant
les vertus et en nous plongeant dans la prière. Lorsque les fidèles savent que
leur pasteur est un homme qui prie et qui consacre sa vie à leur service, ils
répondent avec une chaleur et une affection qui nourrit et soutient la vie de
la communauté tout entière.
Le temps passé à prier n'est
jamais perdu, même si les devoirs qui nous pressent de toutes parts sont
importants. L'adoration du
Christ notre Seigneur dans le Très Saint Sacrement prolonge et intensifie cette
union avec lui, qui se constitue à travers la célébration eucharistique (cf. Sacramentum
caritatis, n. 66). La contemplation des mystères du Rosaire libère toute
leur force salvifique en nous conformant, en nous unissant et en nous
consacrant à Jésus Christ (cf. Rosarium Virginis Mariae, 11.15). La
fidélité à
En concluant ce discours qui vous est adressé ce soir, je confie de
manière toute particulière l'Eglise qui est dans votre pays à la sollicitude
maternelle et à l'intercession de Marie Immaculée, Patronne des Etats-Unis.
Elle qui a porté dans son sein l'espérance de toutes les nations, puisse-t-elle
intercéder pour le peuple de cette nation, afin que tous soient renouvelés en
Jésus Christ, son Fils. Chers frères évêques, j'assure chacun de vous ici
présents de ma profonde amitié et de ma participation à vos préoccupations
pastorales. A vous tous, au clergé, aux religieux et aux fidèles laïcs je donne
cordialement ma Bénédiction apostolique, gage de joie et de paix dans le Christ
Ressuscité.
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