LLLLes Nouvelles
de
Chrétienté
N° 134
1870-1873
l'Œuvre du Vœu national
prélude à la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre
1870
: Le 19 juillet,
Le 2 septembre, désastre de Sedan.
Le 4 septembre est prononcée la déchéance de Napoléon III. Un gouvernement
provisoire est formé par le général Trochu (1815-1896), gouverneur militaire de
Paris. Début de
Le 19 septembre, début
du siège de Paris.
Le 20 septembre, prise de
Le 8 octobre, les Lyonnais font le Vœu de
reconstruire Notre-Dame de Fourvière, si Lyon est préservée de l'invasion
allemande. Des Vœux semblables sont émis à Nantes, Langres et Nevers, Lille,
Angers, ces trois derniers explicitement au Sacré-Cœur.
Le 18 octobre, le Père Marin de Boylesve S.J. (1813-1892), directeur de
l'Apostolat de
Le 27 octobre,
capitulation du maréchal Bazaine à Metz.
Fin novembre, M. Beluze, membre du Conseil général des Conférences de
Saint-Vincent-de-Paul à Lyon, écrit à Adolphe Baudon (1819-1888), président
général de ces Conférences, pour l'informer du Vœu des Lyonnais et lui suggérer
un Vœu semblable pour Paris. Ce dernier propose une campagne à l'Univers,
le journal de Louis Veuillot (1813-1883), qui dès le 13 décembre lance la
suggestion d'une construction sur la butte Montmartre.
Début décembre, M. Baudon écrit à son tour à son bras droit Alexandre Félix
Legentil (1821-1889), membre du Conseil général de cette même Société, et
réfugié à Poitiers du fait de la guerre, pour lui en soumettre l'idée,
proposant que la nouvelle église soit dédiée à
Le 8 décembre, Alexandre Félix Legentil, qui a pris entre-temps connaissance de
l'opuscule du Père de Boylesve, fait part à ce dernier du courrier récemment
reçu :
« Mon Révérend Père,
Il y a quelques jours, je reçus de M. Baudon, président général de
"M. Beluze (fondateur du Cercle catholique du Luxembourg), en m'annonçant
que Lyon avait fait le vœu de rebâtir Notre-Dame de Fourvière, dans le cas où
la ville serait épargnée, proposerait un vœu analogue pour Paris. Qu'en
pensez-vous ? Cela serait bien beau, mais bien difficile. Cependant, il ne
manque pas d'églises à bâtir dans les quartiers annexés, et Notre-Dame de
Je répondis sur-le-champ à M. Baudon, que j'accueillais avec grand plaisir
cette idée, et que je souscrirais certainement, dans la mesure de mes
ressources, à l'érection d'une telle église,… ou d'une église dédiée au
Sacré-Cœur.
Monsieur Baudon insiste sur le vœu de bâtir une église à Paris, soit sous le
vocable du Sacré-Cœur, soit sous celui de Notre-Dame de
Quoi qu'il en soit, mon Révérend Père, l'idée, sauf les détails de réalisation,
me paraît bonne : vu les circonstances présentes, il me semble urgent de la
propager. J'y attache d'autant plus d'importance, qu'exilé moi-même de Paris,
et désirant ardemment y rentrer, je soupire après la délivrance, et je dis bien
haut qu'elle ne peut venir que d'un acte éclatant de la droite du Très-Haut.
D'après les conseils de mon excellent ami, M. Bain, je m'adresse à vous, en
vous demandant vos conseils et votre appui pour propager l'idée que je viens
d'exposer, et que je ne prétends pas avoir inventée. Vous verrez par quels
moyens il est possible de provoquer des adhésions ou des souscriptions, parmi
les exilés de Paris que vous pouvez atteindre au Mans, à Poitiers ou ailleurs,
et aussi parmi les habitants de la province, car, en ce moment plus que jamais,
la cause de Paris est la cause de
Lettre d'Alexandre Félix Legentil au Père de Boylesve, 8 décembre
A la suite de ce courrier, Alexandre Félix Legentil - qui promet devant son
confesseur le Père Gustave Argand S.J. (recteur du collège St-Joseph de
Poitiers) de se dévouer à ce qu'il considère comme une œuvre de réparation
indispensable au salut de
Pendant ce temps, le Père de Boylesve écrit de nouveau au Père Henri Ramière
- en joignant à sa lettre la copie de celle qu'il a reçue de M. Legentil - et
insistant lui-même sur la nécessité de l'érection d'un sanctuaire dédié au
divin Cœur de Jésus :
« Mon Révérend Père,
"Je prépare à
Notre-Seigneur exprimait, en même temps, le désir qu'une chapelle fût bâtie et
qu'un autel fût élevé en l'honneur de son Cœur sacré.
Que chaque Français prépare donc les voies à une consécration sociale par des
consécrations partielles. Que chacun se consacre soi-même, que chaque chef de
famille consacre sa famille, que chaque chef de communauté consacre sa
communauté, chaque curé sa paroisse, chaque évêque son diocèse, à l'exemple de
Nos Seigneurs de Bordeaux, Nantes, Séez, Coutances, Poitiers, etc., etc.. Dieu,
touché de notre bon vouloir et de nos efforts, viendra à notre secours et nous
délivrera de nos ennemis.
C'est bien à la capitale que revient l'initiative du mouvement ; et, puisque
Jésus lui-même a manifesté le désir d'une chapelle dédiée à son Cœur sacré,
c'est encore à Paris de réparer le scandale de son monstrueux et impudique
Opéra et de son indigne statue de Voltaire, par le vœu d'une église splendide
consacrée au Cœur de Jésus. Alors, peut-être, ce Sauveur universel se montrera
le Sauveur spécial de Paris et de
Lettre du Père de Boylesve au Père Ramière, décembre
Le Père Ramière accueille d'autant plus favorablement le projet, qu'il
n'a cessé lui-même de provoquer depuis quatre mois les Associés de l'Apostolat
de
Le 13 décembre, il rédige lui aussi une formule du Vœu national (le "Vœu
de Toulouse"), en lequel il pose comme condition préalable à la
construction du sanctuaire - condition qui n'apparaît pas dans la formule du
Vœu de M. Legentil - la délivrance de
Un
« L'acte que nous proposons aux catholiques français a un double but : 1°
Nous dégager par notre protestation des iniquités qui nous ont rendus dignes
des fléaux du ciel ; 2° Obtenir par un vœu les miséricordes du Cœur de Jésus à
l'égard de
Chacun des signataires de la protestation s'engagerait à contribuer à
l'érection de ce monument dans la mesure qu'il fixerait lui-même, et, pour
faciliter l'exécution de cet engagement, les personnes qui se chargeraient de
recueillir les signatures, voudraient bien également, lorsque les jours de paix
auraient lui de nouveau sur nous, se charger de recueillir les dons qui leur
seraient alors offerts…
Si nos Associés prennent à cœur cette Œuvre, quel puissant secours
n'apporterons-nous pas à notre malheureuse patrie ! Et quelle douce consolation
ne procurerons-nous pas au Saint-Père, au milieu des amertumes dont son cœur
est inondé ! »
Avant-propos du Vœu national, Le Messager du Cœur de Jésus, Décembre 1870.
La formule du Vœu paraît dans Le Messager du mois de janvier suivant, et
bientôt sous la forme de feuilles volantes, feuillets qui se couvrent rapidement
de milliers de signatures.
« Protestation des catholiques français et Vœu au Cœur de Jésus pour obtenir
la délivrance de Rome et de
Au
Au moment où le patrimoine donné à l'Eglise par les anciens rois francs est
sacrilègement envahi, où la capitale de la chrétienté est prise de force, où le
chef de l'Eglise est privé de la liberté indispensable pour remplir sa charge,
et où la liberté de tous les catholiques de l'univers est opprimée, avec
l'indépendance du suprême Pasteur ;
Les catholiques français ne peuvent attendre plus longtemps pour joindre leur
voix à celle de tous les autres peuples catholiques de l'univers et manifester
hautement, à la face du ciel et de la terre, la profonde indignation qu'ils
éprouvent à la vue de ces attentats.
Nous protestons donc, au nom de la justice outragée dans sa plus sainte
personnification ; au nom du droit le plus légitime dans son origine ; le plus
vénérable par son antiquité, le mieux justifié par les bienfaits, le plus
authentiquement sanctionné par les engagements des gouvernements et les
suffrages des peuples.
Et, afin de réparer les outrages faits à saint Pierre dans la personne de son
Successeur ; afin d'obtenir par une intervention miséricordieuse du Cœur de
Jésus, le pardon de nos crimes et les secours extraordinaires qui seuls peuvent
délivrer Rome de sa captivité et faire cesser les malheurs de
1871 : Le 6 janvier, Alexandre Félix Legentil parvient enfin à
convaincre son directeur, M. Baudon, de l'opportunité de la consécration du
nouveau sanctuaire au Sacré-Cœur.
Courant janvier, Alexandre Félix Legentil entre en contact avec le Père Henri Ramière,
par l'intermédiaire du Père de Boylesve. A la suite de leurs échanges, il se
rallie à la double demande du directeur de l'Apostolat de
« L'entente fut promptement faite ; si c'est travailler au salut de
M. Legentil, cité in Le Messager du Cœur de Jésus, octobre 1891, t. LX.
Le 24 janvier, il fait imprimer la nouvelle formule du Vœu à Poitiers, qui est
publiée le 29 par
« Vœu national au Sacré-Cœur de Jésus pour obtenir la délivrance du
Souverain Pontife et le salut de
En
En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de
l'Eglise et du Saint-Siège et contre la personne sacrée du Vicaire de
Jésus-Christ ;
Tout en reconnaissant que notre malheureuse patrie a mérité les châtiments de
Dieu par les scandales dont elle a été le théâtre, par les encouragements
qu'elle a donnés à l'esprit révolutionnaire dans le monde, et, en particulier,
par le coupable abandon de la cause du Souverain Pontife et de l'Eglise,
abandon qu'elle n'a que trop facilement acceptés ;
Nous protestons, au nom de la justice outragée, au nom de
Nous ne pouvons méconnaître qu'en ce moment les violations des droits des gens,
que nous réprouvons à Rome, se commettent sur le territoire français,
accompagnées de cruautés, de sacrilèges, de rapines et d'exactions sans nombre,
que les besoins des opérations militaires ne réclament pas et que les lois de
la guerre, reconnues entre peuples civilisés, réprouvent.
Nous ne pouvons oublier que ces infamies sont commises ou ordonnées par le chef
véritable de l'hérésie protestante dans le monde, et que le même souverain qui
poursuit avec fureur l'anéantissement de
Nous dénonçons au monde civilisé tous ces attentats ; nous en appelons au
tribunal du Dieu des armées des crimes commis contre l'Eglise et contre notre
patrie, unissant, dans notre cœur, deux causes qui n'auraient jamais dû être
séparées.
Et, pour faire amende honorable de nos péchés, pour en recevoir le pardon par
l'intervention miséricordieuse du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et
obtenir par la même intervention les secours extraordinaires qui, seuls,
peuvent délivrer le Souverain Pontife de sa captivité, faire cesser les
malheurs de
M. Legentil, Souvenirs de 1870-1871, et Bulletin du Vœu national tome LX, oct.
1891.
Le 28 janvier,
capitulation de Paris et signature de l'armistice avec
La
Le 7 février, contacté par le beau-frère d'Alexandre Félix Legentil, M. Hubert
Rohault de Fleury (1828-1910), le R.P. Marie-Dominique Berthet - prieur du
couvent des Dominicains de Poitiers - fait connaître le Vœu national par
circulaire adressée aux Confréries du Rosaire ainsi qu'à l'ensemble des
abonnés de
Le 11 février, Hubert Rohault de Fleury envoie la formule du Vœu national au
Père Jandel (†1874), Maître général des Frères Prêcheurs, espérant par son
intermédiaire obtenir l'approbation ou du moins la bénédiction de Pie IX sur
l'Œuvre entreprise.
Le 16 février, élection de Jules Ferry (1832-1893) à la présidence de
l'Assemblée, et le 17, élection d'Adolphe Thiers (1797-1877) comme chef du
pouvoir exécutif du gouvernement provisoire de
Le
Le 28 février, le Père Jandel fait part à M. Rohault de Fleury de l'heureuse
nouvelle :
« Mon cher Fils,
Votre bonne lettre du 11 ne m'est arrivée que le 25, et le lendemain j'avais
audience du Saint-Père. Voyez l'attention de
Je vous bénis en Notre-Seigneur, ainsi que votre beau-frère, M. Legentil, et je
vous renouvelle l'assurance de tous mes sentiments dévoués. »
Fr. A.-V. Jandel, Mag. O.P., Lettre du 28 février
Le 15 mars, le Père Henri Ramière porte à son tour à la connaissance des
lecteurs du Messager du Cœur de Jésus la nouvelle de l'approbation
pontificale :
« En France, il arrive ce que nous avions espéré. Le Vœu expiatoire au sacré
Cœur de Jésus, que nous avons proposé au zèle de nos Associés, reçoit de
nombreuses adhésions, soit dans la formule insérée dans le Messager, soit dans
une autre formule équivalente quant au sens, propagée par quelques-uns des
membres les plus éminents de
Ces adhésions ne peuvent manquer de se multiplier encore davantage, lorsqu'on
saura qu'à la sollicitation du T.R.P. Jandel, Maître général de l'Ordre de
Saint-Dominique, le Saint-Père (26 février 1871) a bien voulu accorder sa
bénédiction à cette Œuvre réparatrice.
En donnant de grand cœur son approbation au Vœu, Pie IX a fait observer que sa
bénédiction était attachée au Vœu lui-même. »
Père Henri Ramière, Le Messager du Cœur de Jésus, Mars 1871.
Pour tenir compte des remarques de Rome, une nouvelle formule du Vœu est
imprimée :
« Vœu national au Sacré-Cœur de Jésus - Pour obtenir la délivrance du
Souverain Pontife et le salut de
En
Du 18 mars au 28 mai, Commune de Paris.
Le 5 avril, arrestation de 74 otages,
parmi lesquels Mgr Darboy (1813-1871), archevêque de Paris depuis 1863, qui
sera fusillé le 24 mai suivant à la prison de
Le
Le 25 mai, exécution des Dominicains d'Arcueil par les communards.
Le 27 mai, les communards sont exécutés en masse par les Versaillais devant le
mur des Fédérés. Le 28 mai, fin de la "semaine sanglante".
En ces temps troublés, le Père Ramière écrit dans Le Messager du Cœur
de Jésus :
« Plus que jamais nous avons besoin de recourir au Cœur de Jésus, pour qu'il
nous sauve, par un miracle de sa grande miséricorde, et de notre propre faiblesse
et de la rage de nos ennemis.
Aussi conjurons-nous ceux de nos Associés qui s'étaient occupés à propager le
Vœu à ce divin Cœur de redoubler de zèle, dans l'exécution de cette sainte
entreprise.
Les motifs sur lesquels ce Vœu s'appuyaient subsistent dans toute leur force,
et d'un autre côté l'exécution en est devenue plus facile. Bien que
l'Administration Capitulaire de Paris ait voulu réserver au futur archevêque
(Mgr Guibert) l'approbation définitive de ce pieux projet, elle en a accueilli
très favorablement l'exposé ; un grand nombre d'évêques l'ont chaleureusement
encouragé et le Souverain Pontife a daigné le bénir. »
Le 19 juillet, Mgr Joseph Hippolyte Guibert (1802-1886), archevêque de Tours
depuis 1857, est transféré par décision de Jules Simon (ministre de
l'Instruction Publique et des Cultes) et d'Adolphe Thiers, sur le siège de
Paris, avec l'accord de Pie IX.
Fin octobre, M. Rohault de Fleury, par l'entremise de Mgr Jeancart, évêque de
Cérame, rencontre Mgr Guibert. Il lui présente l'Œuvre du Vœu national, ainsi
que le texte du Vœu, pour lequel il propose une modification : "Changeons
notre vœu - dit-il à l'évêque de Cérame - et, au lieu de promettre que
nous le réaliserons quand nous serons exaucés, promettons de le réaliser pour
être exaucés." Mgr Guibert reporte sa réponse, et lui demande un
rapport écrit sur ce sujet. Alexandre Félix Legentil se charge aussitôt de sa
rédaction, soutenu par le P. Argand :
« Courage et grande confiance pour votre œuvre en l'honneur du Sacré-Cœur ;
plus j'y réfléchis, plus je suis convaincu que cette idée, vraiment
surnaturelle, est une inspiration du ciel. Quel triomphe sur l'impiété,
l'indifférence et les mesquins préjugés, si une magnifique église s'élevait à
Paris pour affirmer et propager le culte du Sacré Cœur ! La dévotion à
Notre-Dame des Victoires a produit des merveilles de conversion ; que ne ferait
pas la dévotion au Cœur divin du Maître, avec une confrérie nombreuse, fervente
et agissante ! »
Cité in Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur de Montmartre de 1870 à nos jours, T. 1,
Paris, Editions ouvrières, coll. Patrimoine, 1992.
Fin 1871, 200.000 adhésions sont déjà enregistrées.
1872 : Aux premiers jours de janvier, Mgr Guibert prend connaissance du
rapport d'Alexandre Félix Legentil, et lui demande alors la création d'un
comité. "Soyez douze, comme les Apôtres" lui dit-il. Le comité
est alors constitué, et comprend M. Léon Cornudet (conseiller d'Etat et
vice-président de
Le 11 janvier, Jean Brunet, député républicain, propose devant l'Assemblée
Nationale à Versailles "que
Le 18 janvier, Mgr Guibert adresse à ce premier Comité de l'Œuvre du Vœu
National une lettre qui est la consécration officielle du Vœu, et en quelque
sorte la charte de fondation de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.
« L'Œuvre du Vœu national au Sacré Cœur de Jésus, dont vous m'avez donné
connaissance, mérite d'être encouragée, et je ne puis qu'applaudir à la pensée
pieuse qui l'a inspirée.
Vous avez considéré à leur vrai point de vue les malheurs de notre pays. Ils
sont le fruit amer des infidélités dont nous sommes coupables envers Dieu.
L'impiété a fait table rase de tous les principes du bien, et les mœurs en sont
venues à toutes les hontes et toutes les impiétés du paganisme. La vie
chrétienne n'est plus le fait que du petit nombre. La conjuration contre Dieu
et son Christ a prévalu dans une multitude d'esprits, et, en punition d'une
apostasie presque générale, la société a été livrée à toutes les horreurs de la
guerre avec l'étranger victorieux, et de la guerre plus affreuse encore entre
les enfants d'une même patrie. Devenus, par nos prévarications, des révoltés
contre le Ciel, nous sommes tombés pendant nos troubles dans l'abîme de l'anarchie.
La terre de France a retracé l'effrayante image de ce lieu où nul ordre
n'habite, tandis que l'avenir s'offre encore à elle avec de nouvelles terreurs
en perspective.
Vous donc, Messieurs, qui, à travers les sombres nuages qui couvrent le monde,
recevez encore les rayons d'en haut, parce que vous êtes restés chrétiens
fidèles, vous avez vu où il fallait chercher le secours et d'où nous pouvait
venir la délivrance. Vous avez eu une sainte et lumineuse pensée en vous
adressant au Cœur miséricordieux de Jésus, car il est écrit qu'il n'y a de
salut que dans la puissance de ce nom.
Oui, il est juste et sage de faire à ce Cœur divin, si profondément contristé
par nos péchés, une solennelle amende honorable, et de lui offrir un témoignage
permanent de douleur et de repentir pour le mal qui s'est produit et se produit
encore contre Dieu.
Vous désirez qu'un temple, dédié au sacré Cœur de Jésus, s'élève dans Paris,
qui n'en possède aucun sous ce titre ; ce temple, dans votre pensée, doit être
un monument d'expiation, et
En même temps, ce sanctuaire du Sacré-Cœur deviendrait devant Dieu l'expression
d'une supplication générale pour que les jours de nos épreuves soient abrégés
et adoucis, et que du Cœur si aimant de l'adorable Rédempteur des hommes sorte
notre régénération spirituelle et temporelle.
Rien n'est plus chrétien ni plus patriotique qu'un tel vœu.
Je m'entendrai avec vous, Messieurs, pour choisir l'emplacement où pourra se
faire avec le plus d'utilité cette construction, lorsqu'on aura recueilli des
fonds suffisants pour la commencer avec l'espoir de la terminer. J'espère que
tous les bons chrétiens accueilleront avec faveur et soutiendront de leur
générosité un projet déjà béni par le Souverain Pontife, et qui intéresse le
pays entier.
C'est de
Le sanctuaire dont il s'agit sera un lieu de pieux pèlerinage, fréquenté par un
nombreux concours d'adorateurs, et deviendra, dans l'enceinte de la capitale,
une sorte de paratonnerre sacré, qui la préservera des coups de la justice
divine. En s'élevant comme un acte public de contrition et de réparation pour
tant de péchés commis contre Dieu, ce temple sera parmi nous une protestation
contre d'autres monuments et œuvres d'art érigées pour la glorification du vice
et de l'impiété.
Enfin, vous avez pour objet, dans votre pieuse entreprise, la délivrance du
chef de l'Eglise, captif dans sa demeure et dépouillé d'une souveraineté
nécessaire au libre exercice de son ministère. Il faut pour cela une victoire
sur les ennemis de la religion, et, pour l'obtenir, vous voulez associer à
cette intention le mérite des offrandes de vos souscripteurs et les prières qui
s'élèveront du nouveau temple. C'est là une idée d'autant plus juste que le
salut ne peut venir que du Ciel.
Je bénis votre Œuvre de tout mon cœur. Daigne le Dieu tout puissant la faire
réussir dans son exécution, comme dans les effets que nous en attendons !
Recevez, Messieurs, la sincère expression de tous mes sentiments les plus
paternels. »
Mgr Guibert, Lettre du 18 janvier
Le texte du Vœu tel qu'il fut finalement formulé et adopté est le suivant :
« Vœu national au Sacré-Cœur de Jésus - Pour obtenir la délivrance du
Souverain Pontife et le salut de
En
En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de
l'Eglise et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de
Jésus-Christ ;
Nous nous humilions devant Dieu, et, réunissant dans notre amour l'Eglise et
notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement
châtiés.
Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l'infinie
miséricorde du Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos
fautes, ainsi que les secours extraordinaires qui peuvent seuls délivrer le
Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de
Texte du Vœu National, tel qu'on peut aussi le lire aujourd'hui en
Au sein du Comité de l'Œuvre, la propagande et la publicité s'organisent de
façon méthodique : afin de recueillir les fonds nécessaires à l'érection du
sanctuaire, de multiples contacts sont pris avec les curés de Paris, les
évêques, les communautés religieuses, les journaux, etc..
Le 14 avril, Mgr Guibert organise et préside une cérémonie de lancement du Vœu
national à Notre-Dame de Paris. Le Père Jacques Monsabré, prédicateur à la
cathédrale, encourage les Français à répondre à son appel. Son discours est un
long commentaire de l'inscription qui doit figurer au frontispice de la
basilique : Christo ejusque Sacratissimo Cordi Gallia poenitens et devota,
"Au Christ et à son Sacré Cœur,
« Nous avons péché et, comme c'est l'amour du Christ que nous avons méconnu
et outragé, c'est à l'amour du Christ, c'est à son Sacré-Cœur, symbole naturel
de son amour, que nous devons élever le monument de son expiation. Sur ce
monument sera gravée cette inscription : Christo Jesu et ejus sacratissimo
Cordi, Gallia poenitens et devota. […]
Le Christ aime les Francs ! Et c'est à eux, Messieurs, qu'il a montré son Cœur
; c'est à eux qu'il a promis le triomphe de son amour ; la dévotion au Sacré
Cœur fut une dévotion française avant d'être une dévotion catholique. Est-il
donc étonnant qu'elle se montre avec éclat à l'heure de nos grandes infortunes
et que nous fassions au Christ, qui nous a tant aimés, amende honorable pour
nos ingratitudes ?
Donc, au Christ et à son Sacré Cœur nos vœux expiatoires. Cela est bien, cela
est éminemment français : Christo ejusque sacratissimo Cordi Gallia poenitens.
Non seulement
Messieurs, je vous en conjure, consacrons-nous à l'amour, vouons
Mais en faisant des vœux pour
Pour obtenir une si grande grâce, vous comprenez, Messieurs, qu'il faut que
votre vœu soit vraiment national. Non pas que nous puissions espérer
l'unanimité, ni même la majorité ; mais que tous les vrais catholiques, au
moins, prennent part à cette solennelle manifestation dans toute l'étendue du
territoire français. Dieu se contentera de leurs suffrages, car ce sont les
vœux des justes qu'il agrée pour apaiser sa justice : Vota justorum placabilia.
[…]
Notre vœu national commencé par la prière doit recevoir sa dernière expression
dans un monument. Ce monument répond à un besoin, à une sainte ambition, à un
noble sentiment. Dispersés à tous les points de
Maintenant, Messieurs, à l'œuvre ! Prions et donnons. Je voudrais pouvoir, du
sommet de la plus haute de nos montagnes, faire entendre ma voix à
Extraits du discours du Père Monsabré à Notre-Dame de Paris, in Le Messager du
Cœur de Jésus, Tome LXI, mai 1892 et Paul Lesourd,
Le 14 juillet, jour de la fête du Sacré-Cœur au calendrier parisien, Mgr
Guibert organise une quête diocésaine dans la capitale pour lancer la collecte
des fonds en vue de la construction du sanctuaire. Sept cent mille francs sont
récoltés à la fin de l'année.
Le 31 juillet, publication d'un Bref de Pie IX qui, en réponse à la supplique
que lui a adressé le Comité, approuve et bénit l'Œuvre du Vœu national.
« A nos chers fils, Léon Cornudet, président, et autres membres du conseil
de l'Œuvre du Vœu national, à Paris.
Chers fils, salut et bénédiction apostolique. Tandis que les signes de la main
vengeresse de Dieu se manifestent si visiblement dans les calamités qui
affligent les nations et font craindre des maux encore plus grands, Nous avons
appris que vous aviez formé l'excellent dessein d'élever dans votre noble et
illustre cité un monument destiné à exciter l'esprit de religion et à enflammer
la charité. Vous avez confiance que ce recours au ciel apaisera le Seigneur, le
rendra propice et obtiendra de sa clémence la paix de l'Eglise et le salut de
votre nation. Comme dans cette grande entreprise que vous avez conçue, éclatent
une vive piété et une sagesse digne de cœurs chrétiens, Nous ne sommes point du
tout surpris que votre excellent pasteur et tant d'autres parmi Nos vénérables
frères les évêques de France l'aient fortement recommandée et lui aient accordé
tout leur concours. Certes Nous donnons Notre entière approbation à votre zèle
et à votre piété, et Nous ne pouvons que vous décerner, à vous et à vos
coopérateurs, les éloges que vous méritez. Nous désirons de plus que Dieu,
touché par ce témoignage public de piété, et fléchi par ce concert de prières,
ramène à lui, non seulement les cœurs de vos concitoyens, mais ceux de tous les
hommes, afin qu'ils marchent désormais dans ses voies et obtiennent ainsi au
plus tôt les biens qu'ils souhaitent. Demandant à Dieu ces bienfaits dans
l'humilité de Notre cœur, Nous vous assurons de Notre bienveillance paternelle
et Nous vous accordons très affectueusement, à vous et aux autres personnes
associées à votre conseil et à votre œuvre, la bénédiction apostolique que vous
sollicitez.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 31 juillet
Pie IX, Bref du 31 juillet 1872.
Au cours du mois d'octobre, alors qu'il gravit aux côtés de l'Abbé Langénieux
(1824-1904) les pentes de la butte Montmartre, Mgr Guibert découvre la beauté
du lieu et le retient - de préférence aux hauteurs du Trocadéro et de
Belleville, voire même en lieu et place de l'Opéra comme l'envisageait M.
Legentil - comme lieu d'érection du sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus.
« Un jour, étant à ses côtés, je gravissais les pentes de Montmartre ;
c'était un matin d'octobre. Le brouillard, s'étendant sur Paris, nous cachait
l'horizon ; rien ne se découvrait à nos regards. Mgr Guibert méditait, pensif,
sur les motifs de choisir cette montagne. Tout à coup, le soleil chassant les
nuages découvre Paris tout entier aux yeux émerveillés du cardinal, qui n'avait
jamais vu ce spectacle. Le grand cœur de notre bien-aimé pontife comprend que
son choix doit se fixer sur Montmartre : "C'est ici, s'écria-t-il, c'est
ici que sont les martyrs, c'est ici que le Sacré-Cœur doit régner, afin
d'attirer tout à Lui : Cum exaltatus fuero, omnia traham ad meipsum : et moi,
élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi". (Jean 12,32) »
Abbé Langénieux, in P. Aligant, Montmartre -
1873 : Le 5 mars, Mgr Guibert adresse une demande officielle à M. Jules
Simon, Ministre de l'Instruction Publique et des Cultes, en vue d'obtenir que
soit déclarée d'utilité publique la construction d'une église à Montmartre,
procédure indispensable à l'obtention de l'autorisation d'acquérir par voie
d'expropriation les terrains nécessaires à l'érection du sanctuaire.
« Je viens donc, M. le Ministre, demander au gouvernement, par votre
intermédiaire, de vouloir bien proposer à l'Assemblée nationale un projet de
loi, qui a paru nécessaire pour que nous puissions atteindre complètement le
but que nous avons en vue.
Nous ne demandons aucune subvention sur les fonds du Trésor. Les fidèles
voudront et sauront subvenir sur leurs propres ressources, à toutes les
dépenses qu'exigera une telle entreprise. Elle sera d'autant plus agréable à
Dieu, elle excitera d'autant plus la piété du temps présent et la
reconnaissance de la postérité, qu'elle sera plus réellement une œuvre de zèle
spontané, librement et généralement acceptée par tous, par les pauvres aussi
bien que par les riches.
C'est sous un tout autre rapport, et pour un autre motif, que l'intervention
des pouvoirs publics nous est nécessaire.
Il est désirable, en premier lieu, que nous ayons la liberté d'asseoir le
monument sur le point précis qui, après examen et de concert avec les autorités
compétentes aura été jugé pour répondre le mieux à la grandeur de la pensée qui
a inspiré le projet. Or, si les intérêts dont l'édilité a la garde doivent,
bien entendu, être réservés soigneusement dans une affaire de cette nature, il
est juste que l'on puisse dominer les divers intérêts particuliers qui
voudraient entraver notre action. Une déclaration d'utilité publique qui, pour
un intérêt de cet ordre, n'aurait rien d'exorbitant ou de contraire aux
principes de la matière, pourrait seule permettre de choisir librement
l'emplacement le plus convenable, en ouvrant la facilité d'appliquer, s'il y a
lieu, le droit d'expropriation.
De plus, la destination et le but de ce monument, aussi bien que l'origine des
ressources qui auront été employées à sa construction, ne permettant pas de
faire de la nouvelle église une paroisse, il paraît convenable - et rien ne s'y
oppose dans la législation ni dans les précédents - que les archevêques
successifs du diocèse sur le territoire duquel l'édifice sera élevé, en soient
reconnus propriétaires incommutables…
La loi que je sollicite, aurait un double avantage :
1° D'approuver la proposition faite par l'archevêque de Paris, d'ériger sur la
colline de Montmartre, en un point à déterminer après enquête, un temple
destiné à appeler sur
2° D'autoriser l'archevêque à acquérir, tant en son nom qu'au nom de ses
successeurs, les terrains nécessaires.
Je regarde, M. le Ministre, comme une circonstance toute providentielle la
nécessité où nous nous trouvons de recourir à l'autorité de l'Assemblée
nationale, pour assurer le succès complet de notre patriotique entreprise ; car
j'ai la confiance la plus entière que la noble Chambre, si fidèle aux
inspirations et aux traditions chrétiennes, ne refusera pas de l'approuver.
Secondée par l'Assemblée souveraine et réalisée par les offrandes volontaires
recueillies dans tous les diocèses, notre Œuvre aura ainsi le caractère d'une
Œuvre nationale, et le temple élevé au Dieu de paix et de miséricorde par le
concours de ces deux grandes volontés, celle de l'Assemblée et celle du pays
lui-même, rendra la confiance à tous les cœurs, en proclamant que
Lettre de Mgr Guibert à Jules Simon, 5 mars 1873, parution au J.O. le 16
juillet
Le 24 mai, chute de
Thiers et élection de Mac-Mahon à la présidence de
Ce même jour, Anselme Batbie, successeur
de Jules Simon au ministère des Cultes, dépose le projet de loi concernant
l'érection du sanctuaire de Montmartre sur le bureau de
Le 11 juillet, Emile Keller, rapporteur de
« Je le sais, il est des hommes qui prétendent que l'Etat doit demeurer
étranger à tout acte religieux ; il en est d'autres qui vont plus loin et qui
déclarent que la religion est la plaie du monde moderne.
Mais, en présence de ces négations téméraires qui achèveraient, si elles le
pouvaient, la ruine de notre pays, la conscience publique, menacée dans ce
qu'elle a de plus cher, dans sa foi et dans son patriotisme, se soulève et
proteste de toutes parts par des manifestations dont il est impossible de
méconnaître le caractère spontané, généreux et désintéressé.
L'Assemblée ne saurait rester indifférente à ce mouvement qu'elle n'a point
provoqué, mais qu'elle est obligée de constater. Préoccupée de rendre à
La souscription nationale pour l'église du Sacré-Cœur atteste ce réveil qui
doit nous remplir d'un patriotique espoir. L'Assemblée nationale voudra, comme
l'archevêque de Paris en témoigne le désir, s'associer à cette construction
d'utilité publique… »
Extrait du Rapport de M. Keller, 11 juillet 1873, Journal Officiel du 16
juillet
M. Chesnelong (1820-1899), M. de
« Ce monument parlera un noble langage à
Extrait du discours de M. de
« Elever une église qui atteste que dans ses épreuves douloureuses
Extrait du discours de M. Chesnelong, in R.P. Jonquet et F. Veuillot,
Montmartre Autrefois et Aujourd'hui, Paris, Bloud et Gay, 1920.
Le 24 juillet, après des débats houleux et des explications tendant à
dépolitiser le projet, et écarter toute idée de subvention de l'Etat,
l'Assemblée Nationale proclame d'utilité publique la construction de l'église
sur la butte Montmartre, en réparation pour toutes les fautes nationales :
"Gallia poenitens et devota". Le texte est voté par 382 voix
contre 138, et 160 abstentions.
« Article premier. - Est déclarée d'utilité publique la construction d'une
église sur la colline de Montmartre, conformément à la demande qui en a été
faite par l'archevêque de Paris dans sa lettre du 5 mars 1873 adressée au
Ministre des Cultes. Cette église, qui sera construite exclusivement avec des
fonds provenant de souscriptions, sera à perpétuité affectée à l'exercice
public du culte catholique.
Article 2. - L'emplacement de cet édifice sera déterminé par l'archevêque de
Paris, de concert avec le préfet de
Article 3. - L'archevêque de Paris, tant en son nom qu'au nom de ses
successeurs, est substitué aux droits et obligations de l'administration,
conformément à l'article 83 de la loi du 3 mai 1841, et autorisé à acquérir le terrain
nécessaire à la construction de l'église et à ses dépendances, soit à
l'amiable, soit, s'il y a lieu, par la voie de l'expropriation.
Article 4. - Il sera procédé aux mesures prescrites par les titres II et
suivants de la loi du 3 mai 1841, aussitôt après la promulgation de la présente
loi. »
Texte de loi voté le 24 juillet 1873 et paru le 31 au Journal Officiel.
Le 31 juillet, faisant suite à cette sanction nationale, un Bref de Pie IX
adressé au cardinal Guibert approuve de nouveau l'Œuvre et la construction
prochaine du sanctuaire. Le Saint Père apporte en cette occasion une offrande
personnelle de 20.000 francs pour la construction de l'église.
« Quelle joie a été
Pie IX, extrait du Bref du 31 juillet
Mgr Guibert transmet les encouragements du Souverain Pontife aux diocésains de
Paris, et ajoute :
« On nous demande de toutes parts d'ériger un monument qui, par ses
proportions et sa magnificence, soit digne de
O Cœur sacré de Jésus ! Soyez la force du pasteur, car sa faiblesse est extrême
et la tâche est immense. Soutenez-le dans une entreprise que l'incertitude des
temps rend encore plus difficile, et à laquelle les épreuves ne manqueront pas.
Accordez-lui de vous aimer assez pour se dévouer sans réserve à votre gloire.
Nous venons à vous, Cœur Sacré, après nos défaillances et nos malheurs ; ouvrez
pour nous les trésors de votre charité infinie. Le sang qui a coulé de votre
blessure a racheté le monde ; qu'une goutte de ce sang divin, par sa
toute-puissance, rachète encore une fois cette France que vous avez aimée, et
qui, revenant de ses longues erreurs, veut rentrer dans sa vocation chrétienne.
Oubliez nos iniquités pour ne vous souvenir que des saintes œuvres de nos
pères, et laissez couler sur nous les flots de votre miséricorde.
Que le temple qui va être élevé par nos mains, semblable à la tour de Dieu d'où
pendent mille boucliers, devienne pour nous comme une citadelle inexpugnable,
qui protégera Paris et notre patrie. Cœur adorable de notre Dieu, la nation
française vous implore, rendez-lui votre amour, bénissez-la, sauvez-la ! »
Sermon de Mgr Guibert, in Le Messager du Cœur de Jésus, Septembre 1892, t. LXI,
et R.P. Jonquet et F. Veuillot, Montmartre Autrefois et Aujourd'hui, Paris,
Bloud et Gay, 1920.