LLLLes Nouvelles
de
Chrétienté
N° 142
La dernière Messe
Cet article de Jacques Trémolet de Villers publié dans
Présent du mercredi 27 août 2008, est d’une bien triste réalité.
Et les portes d’un ministère fructueux restent toujours
fermées, en France, aux prêtres des
différents instituts « Ecclesia Dei » ! Quel drame ! Les exceptions sont encore bien trop restreintes.
"Je vous écris de Vivario, où l’actualité, en cette
fin d’été, est tragique. Je ne parle pas seulement du légionnaire du 2e REP mort
en Afghanistan, à qui
Un paroissien s’est levé pour exprimer son désaccord et demander que les
prêtres restent à demeure. Comme il ne voulait pas que sa réclamation fût une
vaine plainte, il proposa à l’évêque de lui amener deux ou trois prêtres
puisque officiellement le motif de cette « refondation » était l’absence de
prêtres.
L’évêque répliqua qu’il ne pouvait pas accepter ainsi la proposition, car une
telle offre le contraignait à exercer son devoir de discernement, et que ces
questions-là se réglaient d’évêque à évêque.
Devant cette réponse qui n’en était pas une, le paroissien insista en demandant
qu’il lui fût répondu par oui ou par non.
— « Vraiment, dit l’évêque interloqué, il vous faut un oui ou un non. »
— « Vraiment, répliqua le paroissien, que votre oui soit oui, que votre non
soit non. »
— « Alors, en l’état des choses, dit l’évêque, ce sera non ». Puis, il reprit
l’exposé du plan de sa ZEP, et conclut souriant, « et même, si par malheur il y
avait encore, cette année, un prêtre à Venaco, il faudrait que s’accomplisse ce
plan, car c’est lui qui est prioritaire ! »
Il y eut comme un grondement dans l’église. On entendait des hommes dire, en
français ou en corse, « mais enfin, l’Eglise c’est le prêtre, et le prêtre
c’est l’Eglise ! ». Comment faire une Eglise sans prêtre ? Le grondement se fit
plus intense quand il leur fut expliqué qu’il faudrait, dorénavant, se passer
de prêtre pour les obsèques, et réserver la messe pour « la sortie de deuil ».
La mort dans l’île est plus présente qu’ailleurs. Elle est dans les regards,
dans les discours, dans les chants, et naturellement dans les prières. C’est la
mort qui conduit les Corses jusqu’à l’Eglise, parfois à deux, voire à trois
reprises dans la journée. On ne manque pas un enterrement. Ainsi des chrétiens
dits non pratiquants et des libres penseurs peuvent, allègrement entendre deux
voire trois ou quatre messes dans la semaine.
C’est à l’occasion de la mort que le prêtre peut enseigner, rappeler, et s’il le
faut, réprimander, secouer. Une telle méconnaissance de son troupeau serait
surprenante s’il n’était avéré que cet évêque n’est pas un bon pasteur. Un bon
pasteur n’organise pas l’abandon de ses brebis.
C’est ce qu’a dit le dimanche du 24 août, le curé du lieu, dans son homélie de
départ, à chaque messe de chaque paroisse. Nous avions tous le cœur serré, en
l’entendant répéter, de sa voix de prêtre polonais, qui, les yeux fermés,
faisait irrésistiblement écho à la voix de son compatriote, Jean-Paul II le
Grand : « Comment peut-on imaginer une église sans prêtre ? comment ne pas
vouloir qu’ici, à Vivario, ici à Venaco, ici à Vezzani, ici à Rospigliani, ici
à Vizzavone, ici à Murraciole, il n’y aura plus ni le prêtre, ni la messe, ni
le saint sacrement, ni la confession ? Pourquoi ces églises à l’abandon ? Ma
désolation est grande. Mais j’ai fait ce que j’ai pu, j’ai donné six ans de ma
vie à l’Eglise de France. Maintenant je retourne en Pologne. C’est un grand
mystère que cette ignorance du mystère de l’Eglise, chez des hommes d’Eglise.
Mais malgré tout, l’Eglise reste, comme son époux, sainte et trois fois sainte.
Je prierai pour vous. »
La chorale avait prévu de chanter, à la sortie « Jubilez, criez de joie… ».
Elle a rengainé, les larmes dans les yeux, son chant d’allégresse et comme le
curé nous avait tous confiés à Marie, Mère de l’Eglise, elle a entonné,
spontanément, et dans un cri chargé d’une intense émotion Chez nous, Soyez
Reine –
Le prêtre polonais était accompagné d’une famille amie, venue de Pologne passer
l’été chez lui, dans le centre de
En partant, le curé a serré vigoureusement la main du paroissien et en lui
tapant virilement sur l’épaule, lui a lancé
« Courage ! ».
Sous le regard de Marie, après cette dernière messe devant cette église où nos
anciens reçurent leurs dernières bénédictions, où nos enfants se marièrent et
où nos petits-enfants furent baptisés et qu’aujourd’hui, par ordre de l’évêque,
le Seigneur doit abandonner, c’était, dans tous les sens du terme, le mot de la
fin.
"
JACQUES TREMOLET DE VILLERS
Article extrait du n° 6660 de Présent
du Mercredi 27 août 2008
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