LLLLes Nouvelles

 de

Chrétienté

 

N° 150

 

 

Spécial Synode.

 

A- Homélie de Benoît XVI lors de la clôture du synode sur la Parole

 

 



Nous publions ci-dessous le texte intégral de l'homélie prononcée dimanche 26 octobre, par le pape lors de la Messe de clôture à Saint-Pierre de la XIIème assemblée ordinaire du synode des évêques sur le thème « La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise », en présence des pères synodaux.

              

 

 

Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers frères et sœurs!

          

 

La Parole du Seigneur, qui vient de retentir dans l'Evangile, nous a rappelé que toute la Loi divine se résume dans l'amour. L'Evangéliste Matthieu raconte que les Pharisiens, après que Jésus a répondu aux Sadducéens en les faisant taire, se réunirent pour le mettre à l'épreuve (cf. 22, 34-35). L'un d'eux, un docteur de la loi, lui demanda: «Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?» (22, 36). La question laisse transparaître la préoccupation, qui est présente dans l'ancienne tradition judaïque, de trouver un principe qui puisse unifier les différentes formulations de la volonté de Dieu. Ce n'était pas une question facile, vu que dans la Loi de Moïse, 613 préceptes et interdictions sont énoncés. Parmi ceux-ci, comment y discerner le plus grand? Mais Jésus, lui, n'a quant à lui aucune hésitation et répond ainsi promptement: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit: voilà le plus grand et le premier commandement» (22, 37-38). Dans sa réponse, Jésus cite le Shemà, la prière que le juif pieux récite plusieurs fois par jour, surtout le matin et le soir (cf. Dt 6, 4-9; 11, 13-21; Nb 15, 37-41): la proclamation de l'amour intégral et total dû à Dieu, en tant qu'unique Seigneur. L'accent est mis sur la totalité de ce dévouement à Dieu, en énumérant les trois facultés qui définissent l'homme dans ses structures psychologiques profondes : le cœur, l'âme et l'esprit. Le terme esprit, diánoia, contient l'élément rationnel. Dieu est non seulement l'objet de l'amour, de l'engagement, de la volonté et du sentiment, mais également de l'intellect qui cependant ne doit donc pas être exclu de ce domaine. Plus encore, c'est notre propre pensée qui se configurer à la pensée de Dieu. Mais, toutefois, Jésus ajoute quelque chose qui, en vérité, n'avait pas été demandé par le docteur de la loi: «Le second lui est semblable: tu aimeras ton prochain comme toi-même» (22, 39). L'aspect surprenant de la réponse de Jésus tient en ce qu'il établit une relation de ressemblance entre le premier et le second commandement, qui est cette fois encore défini avec une formule biblique déduite du code lévitique de sainteté (cf. Lv 19, 18). Et voici donc que, dans la conclusion du récit, les deux commandements sont associés dans le rôle de principe fondamental sur lequel repose toute la Révélation biblique: «A ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes» (22, 40).

            La page évangélique sur laquelle nous méditons met en lumière le fait qu'être des disciples du Christ signifie mettre en pratique ses enseignements qui se résument dans le premier et le plus grand commandement de la Loi divine, à savoir le commandement de l'amour. Même la première Lecture, extraite du livre de l'Exode, insiste sur le devoir de l'amour; un amour témoigné de façon concrète dans les relations entre les personnes: il doit s'agir de relations fondées sur le respect, la collaboration et l'aide généreuse. Le prochain à aimer est également l'étranger, l'orphelin, la veuve et l'indigent, autrement dit ces citoyens qui n'ont aucun «défenseur». L'auteur sacré rentre dans les détails, comme c'est le cas pour l'objet donné en gage par un de ces pauvres (cf. Ex 20, 25-26). Dans ce cas, c'est Dieu lui-même qui se porte garant de la situation de ce prochain.

            Dans la seconde Lecture, nous pouvons voir une application concrète du commandement souverain de l'amour au sein d'une des premières communautés chrétiennes. Saint Paul écrit aux Thessaloniciens en leur laissant comprendre que, même en les ayant connu depuis peu, il les apprécie et les porte avec affection dans son cœur. C'est pour cette raison qu'il les montre comme «un modèle pour tous les croyants de Macédoine et d'Achaïe» (1 Th 1, 6-7). Au sein de cette communauté récemment fondée ne manquent certes pas les faiblesses et les difficultés, mais c'est l'amour qui dépasse tout, qui rénove tout, qui vainc tout: l'amour de celui qui, conscient de ses propres limites, suit docilement les paroles du Christ, Maître divin, transmises par un de ses fidèles disciples. «Et vous, vous vous êtes mis à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la parole, parmi bien des tribulations» écrit saint Paul. «De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti, et pas seulement en Macédoine et en Achaïe, mais de tous côtés votre foi en Dieu s'est répandue, si bien que nous n'avons plus besoin d'en rien dire» continue encore l'Apôtre (1 Th 1, 6-8). L'enseignement que nous tirons de cette expérience des Thessaloniciens, une expérience qui unit en vérité toute authentique communauté chrétienne, c'est que l'amour envers le prochain naît de l'écoute docile de la Parole divine. C'est un amour qui accepte aussi de dures épreuves pour la vérité de la Parole divine, et c'est précisément ainsi que le véritable amour grandit et que la vérité resplendit dans tout son éclat. Combien il est alors important d'écouter la Parole et de l'incarner dans l'existence personnelle et communautaire!

            Dans cette célébration eucharistique, qui conclut les travaux synodaux, nous ressentons de façon singulière le lien qui existe entre l'écoute aimante de la Parole de Dieu et le service désintéressé envers ses frères. Combien de fois, au cours de ces derniers jours, nous avons écouté des expériences et des réflexions qui mettent en évidence le besoin qui apparaît aujourd'hui d'une écoute plus intime de Dieu, d'une connaissance plus vraie de sa parole de salut, d'un partage plus sincère de la foi qui se nourrit en permanence à la table de la parole divine! Chers et vénérés frères, merci de la contribution que chacun de vous a offert à l'approfondissement du thème du Synode: «La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise». Je vous salue tous avec affection. J'adresse mes salutations spéciales à Messieurs les cardinaux présidents délégués du synode, au secrétaire général, que je remercie pour leur dévouement constant. A vous aussi, chers frères et sœurs qui êtes venus de tous les continents en apportant votre expérience si enrichissante, j'adresse mes salutations. En rentrant chez vous, transmettez à tous les salutations affectueuses de l'Evêque de Rome. J'adresse également mes salutations aux délégués fraternels, aux experts, aux auditeurs et aux invités spéciaux: les membres du secrétariat général du synode et tous ceux qui se sont occupés des relations avec la presse. Une pensée particulière va aux évêques de Chine continentale qui n'ont pas pu être représentés au sein de cette assemblée synodale. Je désire me faire l'interprète, et en rendre grâce à Dieu, de leur amour pour le Christ, de leur communion avec l'Eglise universelle et de leur fidélité au Successeur de l'Apôtre Pierre. Ils sont présents dans notre prière, tout comme les fidèles qui sont confiés à leurs soins pastoraux. Demandons au «Pasteur suprême» (1 P 5, 4) de leur donner la joie, la force et le zèle apostolique afin de guider avec sagesse et clairvoyance la communauté catholique en Chine, qui nous est si chère à tous.

            Nous tous, qui avons pris part aux travaux synodaux, portons en nous la conscience renouvelée qu'un des devoirs prioritaires de l'Eglise, au début de ce nouveau millénaire, est avant tout de se nourrir de la Parole de Dieu, pour rendre efficace l'engagement de la nouvelle évangélisation. Il faut à présent que cette expérience ecclésiale soit apportée dans toutes les communautés; il est nécessaire que l'on comprenne la nécessité de traduire en gestes d'amour la parole écoutée, car ce n'est qu'ainsi que l'annonce de l'Evangile devient crédible, malgré les fragilités humaines qui marquent les personnes. Cela demande en premier lieu une connaissance plus intime du Christ et une écoute toujours docile de sa parole.

            En cette année paulinienne, en faisant nôtres les paroles de l'Apôtre: «Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!» (1 Co 9, 16), je souhaite de tout cœur que, dans toutes les communautés, on ressente avec une conviction plus ferme ce souffle de Paul comme vocation au service de l'Evangile pour le monde. Je rappelais au début des travaux synodaux l'appel de Jésus: «La moisson est abondante» (Mt 9, 37), appel auquel nous ne devons jamais nous lasser de répondre malgré les difficultés que nous pouvons rencontrer. Il y tant de personnes qui sont à la recherche, parfois même sans s'en rendre compte, de la rencontre avec le Christ et avec son Evangile; tant de personnes qui ont besoin de retrouver en Lui le sens de leur vie. Donner un témoignage clair et partagé d'une vie qui suit la Parole de Dieu, dont Jésus témoigne, devient donc un critère indispensable de vérification de la mission de l'Eglise.

            Les lectures que la liturgie offre aujourd'hui à notre méditation nous rappellent que la plénitude de la Loi, comme de toutes les Ecritures divines, c'est l'amour. Qui donc croit avoir compris les Ecritures, ou au moins une partie d'entre elles, sans s'engager à construire, grâce à cette compréhension,  le double amour de Dieu et du prochain, démontre en réalité d'être encore éloigné de son sens profond. Mais comment mettre en pratique ce commandement, comment vivre l'amour de Dieu et de nos frères sans un contact vivant et intense avec les Saintes Ecritures? Le Concile Vatican II affirme qu'«il faut que l'accès à la Sainte Ecriture soit largement ouvert aux chrétiens» (Constitution Dei Verbum, n.22), pour que les fidèles, en rencontrant la vérité, puissent grandir dans l'amour authentique. Il s'agit d'une condition aujourd'hui indispensable à l'évangélisation. Et comme la rencontre avec l'Ecriture, assez fréquemment, risque de ne pas être «un fait» d'Eglise, mais d'être exposée au subjectivisme et à l'arbitraire, une promotion pastorale robuste et crédible dans la connaissance des Saintes Ecritures devient indispensable pour annoncer, célébrer et vivre la Parole dans la communauté chrétienne, en dialoguant avec les cultures de notre époque, en se mettant au service de la vérité et non des idéologies courantes et en accroissant le dialogue que Dieu veut avoir avec tous les hommes (cf. ibid., n.21). A cette fin, il faut soigner d'une manière particulière la préparation des pasteurs, qui sont par la suite préposés à la diffusion indispensable de la pratique biblique à l'aide de moyens adaptés. Il faut encourager les efforts en cours pour susciter le mouvement biblique parmi les laïcs, la formation des animateurs de groupes, avec une attention particulière aux jeunes. Il faut également soutenir l'effort de faire connaître la foi au moyen de la Parole de Dieu à ceux qui sont «loin» et particulièrement à ceux qui sont à la recherche sincère du sens de la vie.

            Je voudrais ajouter bien d'autres réflexions, mais je me limite enfin à souligner que le lieu privilégié où retentit la Parole de Dieu, qui édifie l'Eglise, comme cela a été dit tant de fois au cours du synode, est sans aucun doute la liturgie. Il apparaît en elle que la Bible est le livre d'un peuple et pour un peuple; un héritage, un testament remis aux lecteurs, pour qu'ils mettent en acte dans leur vie l'histoire du salut témoignée par l'écrit. Il y a donc un rapport d'appartenance réciproque vitale entre le peuple et le Livre: la Bible reste un livre vivant avec le peuple, son sujet, qui le lit; le peuple ne subsiste pas sans le Livre, parce qu'en lui il trouve sa raison d'être, sa vocation, son identité. Cette appartenance mutuelle entre le peuple et l'Ecriture Sainte est célébrée dans chaque assemblée liturgique, laquelle, grâce à l'Esprit Saint, écoute le Christ, car c'est Lui qui parle quand dans l'Eglise on lit l'Ecriture et on accueille l'alliance que Dieu renouvelle avec son peuple. Ecriture et liturgie convergent, donc, dans l'unique but d'amener le peuple à dialoguer avec le Seigneur. La Parole sortie de la bouche de Dieu et dont témoignent les Ecritures Lui revient sous la forme d'une réponse orante, d'une réponse vécue, d'une réponse débordante d'amour (cf. Is 55, 10-11).

            Chers frères et sœurs, prions pour que, de l'écoute renouvelée de la Parole de Dieu, sous l'action de l'Esprit Saint, puisse jaillir un renouveau authentique dans l'Eglise universelle, et dans toutes les communautés chrétiennes. Confions les fruits de cette assemblée synodale à l'intercession maternelle de la Vierge Marie. Je Lui confie également la iie assemblée spéciale du synode pour l'Afrique, qui se déroulera à Rome au mois d'octobre de l'année prochaine. J'ai l'intention de me rendre en mars prochain au Cameroun pour remettre aux représentants des conférences épiscopales d'Afrique, l'Instrumentum laboris de cette Assemblée synodale. De là, s'il plaît à Dieu, je poursuivrai mon voyage, en Angola, pour y célébrer solennellement le 500e anniversaire de l'évangélisation de ce pays. Que la Très Sainte Vierge Marie, qui a offert sa vie comme «servante du Seigneur» pour que tout advienne selon la parole divine (cf. Lc 1, 38) et qui a appelé à faire tout ce que Jésus dirait (cf. Jn 2, 5), nous enseigne à reconnaître dans notre vie le primat de la Parole qui seule peut nous apporter le salut. Ainsi soit-il!

 

B-Résumé du Message du synode

 

Nous reprenons ci-dessous le résumé du Message du synode, publié le vendredi 24 octobre par la secrétairerie générale du synode. Le message a été présenté ce matin dans la salle du synode, lors de la 21ème Congrégation générale.

Chers frères et soeurs,


"qui en tout lieu invoquent le nom de Jésus Christ, notre Seigneur, le leur et le nôtre ; à vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus Christ !" (1Co 1, 2-3). C'est avec le salut de l'Apôtre Paul - en cette année qui lui est dédiée - que nous, Pères Synodaux réunis à Rome pour la XIIe Assemblée Générale du Synode des Evêques avec le Saint-Père Benoît XVI, nous vous adressons un message de grande réflexion et proposition sur la Parole de Dieu qui a été au centre de notre assemblée.


C'est un message que nous adressons avant tout à vos pasteurs, aux nombreux et généreux catéchistes et à tous ceux qui vous guident dans l'écoute et dans la lecture amoureuse de la Bible. Nous voulons maintenant vous présenter l'âme et la substance de ce texte afin que s'accroisse et que s'approfondisse la connaissance et l'amour de la Parole de Dieu. Les points cardinaux que nous voulons vous inviter à connaître et que nous exprimerons au travers du même nombre d'image sont au nombre de quatre.


Voici, tout d'abord, la Voix divine. Elle résonne aux origines de la création, rompant le silence du néant et donnant origine aux merveilles de l'univers. C'est une Voix qui pénètre ensuite dans l'histoire, blessée par le péché humain et bouleversée par la douleur et par la mort. Elle voit également le Seigneur en route avec l'humanité afin de lui offrir sa grâce, son alliance, son salut. C'est une Voix qui descend ensuite dans les pages des Saintes Écritures que nous lisons à présent au sein de l'Église sous la conduite de l'Esprit Saint qui a été donné comme lumière de vérité à l'Église et à ses pasteurs.


En outre, ainsi que l'écrit saint Jean, "Le Verbe s'est fait chair " (1, 14). C'est alors qu'apparaît le Visage. C'est Jésus Christ, qui est le Fils de Dieu éternel et infini, mais également homme mortel, lié à une époque historique, à un peuple et à une terre. Il vit l'existence difficile de l'humanité jusqu'à la mort, mais il ressuscite glorieux et il vit pour toujours. C'est lui qui rend parfaite notre rencontre avec la Parole de Dieu. C'est lui qui nous révèle le "sens plénier" et unitaire des Écritures Saintes, qui fait du Christianisme une religion centrée sur une personne, Jésus Christ, révélateur du Père. C'est lui qui nous fait comprendre que les Écritures aussi sont "chair", c'est-à-dire paroles humaines à comprendre et à étudier dans leurs manières de s'exprimer, mais qui conservent en elles la lumière de la vérité divine que nous pouvons vivre et contempler seulement avec l'Esprit Saint.


C'est l'Esprit de Dieu même qui nous conduit au troisième point cardinal de notre itinéraire, la Maison de la parole divine, c'est-à-dire l'Église qui, ainsi que le suggère saint Luc (Ac 2, 42), est soutenue par quatre colonnes idéales. C'est "l'enseignement", c'est-à-dire la lecture et la compréhension de la Bible dans l'annonce faite à tous, dans la catéchèse, dans l'homélie, au travers d'une proclamation qui implique l'esprit et le cœur. C'est ensuite "la fraction du pain" c'est-à-dire l'Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l'Église. Comme cela arriva ce jour-là à Emmaüs, les fidèles sont invités à se nourrir dans la liturgie à la table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ. Une troisième colonne est représentée par les "prières" avec "des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés" (Col 3, 16). C'est la Liturgie des Heures, prière de l'Église destinée à rythmer les jours et les temps de l'année chrétienne. C'est également la Lectio divina, la lecture orante des Saintes Écritures, capable de conduire dans la méditation, dans l'oraison, dans la contemplation, à la rencontre du Christ, parole vivante de Dieu. Et, enfin, voici la "communion fraternelle", parce que pour être de vrais chrétiens, il ne suffit pas d'être ceux "qui écoutent la parole de Dieu", mais il faut être également ceux qui "la mettent en pratique" dans l'amour opérant (Lc 8, 21). Dans la maison de la parole de Dieu, nous rencontrons également les frères et les sœurs des autres Églises et communautés chrétiennes qui, bien que séparées, vivent une unité réelle, même si elle n'est pas pleine, au travers de la vénération et de l'amour envers la Parole divine.


Nous arrivons ainsi à la dernière image du plan spirituel. C'est la route sur laquelle s'achemine la parole de Dieu: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit... Ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les toits"(Mt 28, 19-20; 10, 27). La parole de Dieu doit courir sur les routes du monde qui sont également, aujourd'hui, celles de la communication informatique, télévisée et virtuelle. La Bible doit entrer dans les familles afin que les parents et les enfants la lisent, qu'ils prient avec elle et qu'elle soit pour eux une lampe pour les pas sur la route de l'existence (cf. Ps 119, 105). Les Saintes Écritures doivent également entrer dans les écoles et les milieux culturels car, des siècles durant, elles ont été la référence capitale de l'art, de la littérature, de la musique, de la pensée et même de l'éthique commune. Leur richesse symbolique, poétique et narrative les rend un étendard de beauté, aussi bien pour la foi que pour la culture même, dans un monde souvent défiguré par la laideur et les horreurs. Mais la Bible nous offre également la respiration de la douleur qui monte de la terre, elle va à l'encontre du cri des opprimés et des lamentations des malheureux. À son sommet, se trouve la croix où le Christ, seul et abandonné, vit la tragédie de la souffrance la plus atroce et de la mort. Justement en raison de la présence du Fils de Dieu, l'obscurité du mal et de la mort est éclairée par la lumière pascale et l'espoir de la gloire. Mais, sur les routes du monde, marchent avec nous également les frères et sœurs des autres Églises et communautés chrétiennes qui vivent, même dans les séparations, une réelle unité - même si cette dernière n'est pas pleine - au travers de la vénération et de l'amour pour la Parole de Dieu. Le long des routes du monde, nous rencontrons souvent des hommes et des femmes des autres religions qui écoutent et pratiquent fidèlement les préceptes de leurs livres sacrés, et qui peuvent édifier avec nous un monde de paix et de lumière parce que Dieu veut que "tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1 Tm2, 4).Chers frères et sœurs, gardez la Bible dans vos maisons, lisez, approfondissez et comprenez pleinement ses pages, transformez-les en prière et témoignage de vie, écoutez-la avec amour et foi dans la liturgie. Créez le silence afin d'écouter efficacement la Parole du Seigneur et conservez le silence après l'écoute, car elle continuera à demeurer, à vivre et à vous parler. Faites-la résonner au début de votre journée afin que Dieu ait la première parole et laissez-la retentir en vous au soir afin que l'ultime parole soit celle de Dieu. "Je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce" (Ac 20, 32). Avec la même expression de saint Paul dans son discours d'adieu aux chefs de l'Église d'Éphèse, nous aussi les Pères Synodaux, nous confions les fidèles des communautés éparpillées sur la face de la terre à la parole divine, qui est également jugement mais surtout grâce, qui est tranchante comme une épée, mais douce comme un rayon de miel. Elle est puissante et glorieuse, et elle nous guide sur les routes de l'histoire avec la main de Jésus que, vous aussi comme nous, "aimons notre Seigneur dans la vie incorruptible" (Ep 6, 24).

 

C- Angelus du 26 octobre, de la place Saint-Pierre

 

 

Nous publions ci-dessous le texte intégral de la méditation que le pape Benoît XVI a prononcée avant la prière de l'Angélus, dimanche 26 octobre, en présence des fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre, au terme de la messe de clôture de la XIIème assemblée ordinaire du synode des évêques.

 

            Chers frères et sœurs,

          Ce matin, avec la célébration eucharistique dans la basilique Saint-Pierre, s'est conclue la XIIème assemblée générale ordinaire du synode des évêques, qui a eu pour thème «La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l'Eglise». Chaque assemblée synodale est une puissante expérience de communion ecclésiale, mais celle-ci l'est encore davantage, car au centre de l'attention a été placé ce qui éclaire et guide l'Eglise: la Parole de Dieu, qui est le Christ lui-même. Et nous avons vécu chaque journée en  religieuse écoute, en ressentant toute la grâce et la beauté d'être ses disciples et ses serviteurs. Selon la signification originelle du terme «église», nous avons fait l'expérience de la joie d'être convoqués par la Parole et, en particulier dans la liturgie, nous nous sommes retrouvés en marche dans celle-ci, comme dans notre terre promise, qui nous fait goûter à l'avance le Royaume des cieux.

            Un aspect sur lequel on a beaucoup réfléchi est la relation entre la Parole et les paroles, c'est-à-dire entre le Verbe divin et les écritures qui l'expriment. Comme l'enseigne le Concile Vatican II dans la constitution Dei Verbum (n. 12), une bonne exégèse biblique exige aussi bien la méthode historique et critique que théologique, car l'Ecriture Sainte est la Parole de Dieu en paroles humaines. Cela demande que chaque texte soit lu et interprété en tenant compte de l'unité de toute l'Ecriture, de la tradition vivante de l'Eglise et de la lumière de la foi.  S'il est vrai que la Bible est également une œuvre littéraire, et même le grand code de la culture universelle, il est également vrai que celle-ci ne doit pas être dépouillée de l'élément divin, mais doit être lue dans le même Esprit  avec lequel elle a été composée. Exégèse scientifique et lectio divina sont donc toutes les deux nécessaires et complémentaires pour rechercher, à travers la signification littérale, la signification spirituelle, que Dieu veut nous communiquer aujourd'hui.

            Au terme de l'assemblée synodale, les patriarches  des Eglises orientales ont lancé un appel, que je fais mien, pour attirer l'attention de la communauté internationale, des chefs religieux et de tous les hommes et femmes de bonne volonté sur la tragédie qui se déroule dans certains pays d'Orient, où le chrétiens sont victimes de l'intolérance et de violences cruelles, tués, menacés et obligés d'abandonner leurs maisons et à errer à la recherche d'un refuge. Je pense surtout en ce moment à l'Irak et à l'Inde. Je suis certain que les antiques et nobles populations de ces pays ont appris, au cours des siècles de  coexistence respectueuse, à apprécier la contribution que les petites minorités chrétiennes, qui sont actives et qualifiées, apportent à la croissance de la patrie commune. Elles ne demandent pas de privilèges, mais désirent seulement pouvoir continuer à vivre dans leur pays et avec leurs concitoyens, comme elles l'ont toujours fait. Aux autorités civiles et religieuses intéressées je demande de n'épargner aucun effort afin que le droit et la coexistence civile soient au plus tôt rétablies et que les citoyens  honnêtes et loyaux sachent pouvoir compter sur une protection appropriée de la part des institutions de l'Etat. Je souhaite ensuite que les responsables civils et religieux de tous les pays, conscients de leur rôle de guide et de référence pour les populations, accomplissent des gestes significatifs et explicites d'amitié et de considération à l'égard des minorités, chrétiennes  ou des autres religions, et mettent un point d'honneur à défendre leurs droits légitimes.

            Je suis, en outre, heureux de vous communiquer, vous qui êtes ici  présents, ce que j'ai déjà annoncé il y a un instant  au cours de la Messe: en octobre de l'année prochaine se déroulera à Rome la IIe assemblée spéciale du synode pour l'Afrique. Avant cette date,  si Dieu le veut, mon intention est de me rendre en Afrique au mois de mars, tout d'abord au Cameroun, où je remettrai aux évêques du continent l'Instrumentum laboris du synode, puis en Angola, à l'occasion du 500e anniversaire de l'évangélisation de ce pays. Nous confions les souffrances dont nous avons déjà parlé, ainsi que les espérances que nous portons tous dans le cœur, en particulier les perspectives pour le synode de l'Afrique, à l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie.

 

D- Appel du synode pour la liberté, la justice et la paix des chrétiens d’Orient

 

Benoît XVI prend à son compte l’appel des pasteurs d’Orient

 

La liberté religieuse, la paix dans la justice doivent être garanties aux chrétiens en Orient : c'est ce que demandent les patriarches et les archevêques majeurs catholiques d'Orient, qui ont participé à la XIIe assemblée générale ordinaire du synode des évêques sur « la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l'Eglise » (5-26 octobre 2008). Ils ont remis cet appel à Benoît XVI vendredi dernier, 24 octobre, et Benoît XVI a déclaré, lors de l’Angelus du dimanche 26 octobre 2008, prendre à son compte cet appel, lors de l'angélus.

 

Appel pour l'Orient

 

 

« Le Christ est notre paix » (Ephésiens 2, 14).

Au cours de l'Année jubilaire de l'apôtre Paul, le Saint-Père Benoît XVI nous a rassemblés en Synode avec les évêques représentant toute l'Église Catholique.

Nous exprimons notre profonde reconnaissance au Pape d'avoir toujours élevé rapidement et inlassablement une supplication à Dieu et sa voix en faveur de nos frères et soeurs d'Orient. A votre exemple, nous aussi, en tant que disciples du Christ, pères et chefs des Églises Catholiques orientales, nous renouvelons notre imploration à Dieu et nous lançon un  appel à tous pour que soit confirmé toute intention de favoriser partout la paix dans la liberté, dans la vérité et dans l'Amour.

Nous ressentons dans nos coeurs un frisson pour les souffrances de tant de nos fils et filles d'Orient : enfants et jeunes ; personnes en difficulté extrême du fait de l'âge, de la santé et de leurs besoins spirituels et matériels essentiels; familles toujours plus tentées par le découragement pour le présent et l'avenir. Et nous sentons de notre devoir de nous faire les interprètes de leurs attentes justifiées afin que soit vite garantie à chacun une vie digne dans une cohabitation sociale fructueuse.

L'oeuvre de la justice est la paix ! C'est un impératif auquel nous ne pouvons pas et ne voulons pas nous soustraire. Nous demandons, donc, en particulier pour la Terre Sainte, qui vit naître le Christ Rédempteur, pour le Liban, l'Irak et l'Inde, la paix dans la justice, pour que soit garantie une réelle liberté religieuse.

Nous sommes proches de ceux qui souffrent pour leur foi chrétienne et de tous les croyants empêchés de professer leur foi. Nous rendons hommage aux chrétiens qui ont perdu la vie récemment par fidélité au Seigneur.

Devant le pape et les pères synodaux, encouragés par leur fraternité, nous présentons une requête vibrante:

- aux chrétiens et à tous les hommes de bonne volonté pour qu'ils mettent en pratique le respect et accueil de l'autre dans leur vie quotidienne, en se faisant proches des nécessiteux, proches et lointains ;

- aux pasteurs et aux responsables religieux de prêcher et de favoriser cette attitude, en soutenant et en multipliant les initiatives de connaissance mutuelle, de dialogue et d'entre aide ;

- à la communauté internationale et aux gouvernants pour qu'ils garantissent la vraie liberté religieuse au niveau législatif, dans le dépassement de toute discrimination et l'aide à ceux qui sont forcés de quitter leur terre pour des motifs religieux.

Que ce vœu du pape Benoît XVI s'accomplisse : « Puissent les Églises et les disciples du Seigneur demeurer là où la divine Providence les a placés à leur naissance; là où ils méritent de demeurer, en raison d'une présence qui remonte aux débuts du christianisme. Au cours des siècles, ils se sont distingués par un amour de leur peuple et de leur terre, incontestable et inséparable de leur foi. » (Benoît XVI, Visite à la Congrégation pour les Églises orientales, 9 juin 2007).

« Le Christ est notre paix » : cette parole divine est porteuse de réconfort et d'espérance, et elle nous pousse à chercher des voies de paix nouvelles, qui soient rendues efficaces par la Bénédiction de Dieu. La voie de la paix, nous, pasteurs d'Orient, nous désirons tel puisse être notre appel humble mais plein de tristesse, que nous déposons entre les mains du Saint-Père, en rendant grâce à Dieu et à ceux qui l'accueilleront avec bienveillance.

Que les saints apôtres Pierre et Paul, et les martyrs, proches comme nous le sommes de leur mémoire à Rome, intercèdent pour ce don. Que la Très sainte Mère de Dieu soit une puissante avocate : que la Reine de la Paix, fasse parvenir notre préoccupation, nos intentions et nos prières au Christ notre Seigneur et notre Dieu, Prince de la Paix.

Du Vatican, de 24 octobre 2008

Tarcisio Bertone, Cardinal Secrétaire d'État

Leonardo Sandri, Cardinal Préfet de la Congrégation pour les Églises orientales

William Joseph Levada, Cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Président Délégué du synode

George Pell, Cardinal Archevêque de Sydney, Président Délégué du synode

Odilo Pedro Scherer, Cardinal Archevêque de São Paul, Président Délégué du synode

Nikola Eterovic, Archevêque titulaire de Sisak, Secrétaire Général du Synode des Évêques

Nasrallah Pierre Sfeir, Cardinal Patriarche d'Antioche des Maronites

Emmanuel III Delly, Cardinal Patriarche de Babylone des Chaldéens

Varkey Vithayathil, Cardinal Archevêque Majeur, d'Ernakulam-Angamaly, des Syro-Malabars

Antonios Naguib, Patriarche d'Alexandrie des Coptes

Gregorios III Laham, Patriarche d'Antioche des Grecs Melkites

Nerses Bedros XIX Tarmouni, Patriarche de Cilicie des Arméniens

Mar Baselios Cleemis Thottunkal, Archevêque Majeur de Trivandrum des Syro-Malankars

Fouad Twal, Patriarche de Jérusalem des Latins

Jules Mikhael al-Jamil, Procureur du Patriarcat d'Antioche des Syriens

Dionisio Lachovicz, Représentant de l'Archevêque, Majeur de Kiev-Halyc (Ukraine)

Florentin Crihalmeanu, Représentant de l'Archevêque Majeur de  Fagaras et Alba Iulia (Roumanie)