LLLLes Nouvelles

 de

Chrétienté

 

N° 162

 

 

 

 

Jean Madiran, dans Présent, depuis le 7 janvier 2009, consacre, à des jours différents, d’excellents articles qu’il a intitulé

 

« l’école de pensée contre-révolutionnaire ».

 

Il faut les lire et les conserver.

Il m’en manque deux. Je vais essayer de les retrouver.

 

 

 

1- Article Ier de Présent du vendredi 9 janvier 2009 n° 6754

L’école contre-révolutionnaire (I)

Voici l’école de pensée contre-révolutionnaire

 

 

Deux années avant sa mort, René Rémond publiait en 2005, sous le titre Les droites aujourd’hui, une actualisation des travaux historiques qu’il avait poursuivis à ce sujet depuis son livre de 1954, réédité et complété en 1963, 1968, 1982. Surtout par son dernier livre de 2005, cet adversaire déclaré, « incontournable » historien catholique, universitaire de gauche, académicien démocrate-chrétien, est la référence qui atteste que nous ne rêvons pas quand nous parlons d’une solide et durable  « école contre-révolutionnaire ».

 

 

 

 

 

 Comme on le sait, la distinction entre une droite et une gauche est née avec la Révolution française. Mais on ne discerne pas toujours le point décisif de leur opposition : il est dans l’innovation essentielle de la Déclaration des droits de l’homme, imposant par ses articles 3 et 6 une nouvelle légitimité, selon laquelle la loi ne peut être que « l’expression de la volonté

générale », et qu’en conséquence nul individu, nul corps, nulle institution ne peut exercer d’autorité qui « n’émane pas expressément » de ladite volonté. Ainsi cette légitimité nouvelle ne venait pas s’asseoir parmi les autres légitimités, elle les excluait, elle les supprimait, elle prenait leur place, en cela consiste la révolution de 1789. Le camp de cette révolution était

« la gauche ». Le camp des réfractaires était « la droite », et René Rémond l’appelle à juste titre la droite « légitimiste ».

 

 Longtemps le terme « légitimistes » a désigné surtout, comme c’était le cas à l’origine, les partisans de la dynastie légitime en France. Mais, à mesure qu’une restauration de la monarchie paraissait de plus en plus difficile, et que les conséquences de la légitimité nouvelle se faisaient davantage impérieuses, la « droite légitimiste » englobait les défenseurs des autres légitimités : les autorités fondées sur la loi (morale) naturelle et sur la surnaturelle loi évangélique, c’est-à-dire les traditionnelles autorités familiales, locales, professionnelles, nationales, religieuses.

 

 La droite légitimiste est la seule qui soit « née à droite ». Mais il a existé ensuite une droite que René Rémond appelle « bonapartiste » et une autre qu’il appelle « orléaniste ». Leur identité distincte de la précédente est constituée par leur acceptation (consciente ou aveugle) de la Déclaration de 1789. C’est en quoi elles sont « nées à gauche », mais la gauche

les a efficacement rejetées à droite parce qu’elles ne voyaient pas (et en tout cas n’acceptaient pas) les conséquences obligatoires du dogme excluant toute autorité n’émanant pas expressément de la « volonté générale ».

 

 

On voit donc qu’il s’agit d’une opposition plus vaste et plus profonde qu’une simple querelle dynastique. Plutôt que de continuer à parler d’une droite légitimiste, il convient mieux, dit René Rémond, de « l’identifier par la référence à sa philosophie : c’est la droite contre-révolutionnaire ».

 

A partir de la révolution de 1830, cette droite contre-révolutionnaire est « désormais écartée du pouvoir pour longtemps ». René Rémond la retrouve cependant au pouvoir en 1940. Quelle que soit sa violente hostilité au « régime de Vichy », il voit très bien que celui-ci n’était ni nazi ni fasciste, et que la Révolution nationale du maréchal Pétain était « à vrai dire une Contre-Révolution » ; mais dans des circonstances telles que son discrédit fut total aux yeux des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et dans l’univers démocratique qu’ils ont imposé. René Rémond a pris là-dessus le risque d’une prophétie, il croit pouvoir vaticiner que « la chute du régime de Vichy a définitivement scellé son sort [de la droite contre-révolutionnaire] en l’excluant à jamais de l’accès au pouvoir politique ». Toutefois il a observé aussi qu’à partir de 1830 la droite contre-révolutionnaire « a achevé de se constituer en école de pensée ». En école de pensée ? Nous y voilà. A la semaine prochaine.

 

JEAN MADIRAN

 

2- Article 3 de Présent du mardi 13 janvier 2009

 

L’école contre-révolutionnaire 3

Attestation renérémondienne

 

Il s’agit bien ici, comme annoncé mercredi dernier, de « poursuivre, en ce début d’année, une réflexion méthodique » sur la réalité persistante, – contestée ou méconnue –, d’une école de pensée contre-révolutionnaire. Venant après les deux précédents du 7 et du 9 janvier, et avant plusieurs autres, ce troisième article ajoute à cette série, on le voit, un surtitre numéroté, pour en faciliter le classement.

 

Au point où nous en sommes parvenus la semaine dernière, il nous faut maintenant avaler le ton gratuitement désagréable de René Rémond à notre égard, pour en extraire malgré tout ce que cet adversaire déclaré reconnaît avec

pertinence à la droite contre-révolutionnaire. Il nous faut aussi passer sur quelques brouillonnes inexactitudes.

(Il y en a une grosse, concernant Présent, que nous avons démentie dans notre numéro du 19 novembre 2005.)

Mais enfin, voici les extraits les plus significatifs de l’académique et universitaire attestation renérémondienne.

 

 

Sans doute, la droite contre-révolutionnaire n’est plus, dit-il, « une force politique » : et pourtant elle demeure « comme une école de pensée » dont l’influence s’exerce « par toute sorte de relais bien au-delà du cercle de ceux qui lui [donnent] une adhésion formelle ».

 

 

René Rémond tourne et retourne en tout sens cette constatation : « Si cette nuance d’opinion n’est plus assez forte pour imposer ses idées, elle trouve assez de connivences dans un état d’esprit plus général (…). Assez aussi pour subsister comme école de pensée. Assez encore pour se rappeler périodiquement à l’attention des politiques, poser des problèmes aux autres courants…»

 

Et encore : « La droite contre-révolutionnaire n’a pas tout à fait disparu et subsiste comme école de pensée (…). Elle ne compte plus guère ni ne pèse lourd dans les rapports de force (…). On pourrait presque dresser son acte de décès si elle ne conservait des positions et des fidélités irréductibles sur un tout autre plan : le religieux. » On touche ici à un point décisif. Sans aller au fond des choses, René Rémond a bien vu qu’il a existé une « symbiose étroite entre le catholicisme et la Contre-Révolution », une « harmonie entre la philosophie de l’une et l’enseignement de l’autre » qui ont fait « la force de l’opposition à la société moderne ». Au début du XXe siècle, « l’Action française recueille

encore le bénéfice et l’héritage de cette imbrication ».

 

 

Mais, objecte René Rémond, il y a eu « rupture » de cette symbiose : « En 1926, écrit-il, l’initiative de la rupture est venue du pape. Pie XI s’est convaincu de l’incompatibilité de certaines thèses de l’école maurrassienne avec l’Evangile. » Cet historien ignorerait donc que ladite rupture était surtout une injustice, réparée treize ans plus tard par Pie XII ? Disons plutôt que là, le démocratechrétien l’emporte sur l’historien, et lui impose son habituel mensonge par omission.

 

 

Quels qu’aient été les hauts et les bas de la vie politique, l’école contre-révolutionnaire a persisté dans une cohérence tellement évidente que le démocrate-chrétien doit laisser l’historien reprendre la parole : « Le discours [contre-révolutionnaire] n’a pas varié d’un iota depuis l’origine. L’homélie prononcée à Lille par Mgr Lefebvre le

29 août 1976 est textuellement [« textuellement », il exagère un peu] le langage des premiers contre-révolutionnaires. C’était, il est vrai, celui tenu pendant plus d’un siècle par le Magistère romain (…). En près de deux cents ans rien n’est venu ébranler les certitudes des catholiques intransigeants et contre-révolutionnaires. »

« La présentation que fait de l’actualité le quotidien Présent et les jugements qui l’accompagnent attestent la pérennité de ce système de pensée et témoignent qu’il a toujours des adeptes convaincus et fervents. » Justement : Présent a encore beaucoup de choses à dire sur la question.

JEAN MADIRAN

 

3- Article 4 dans Présent du Jeudi 15 janvier, n° 6758

 

L’école contre-révolutionnaire 4

Quand on n’a point…

 

« Quand on n’a point de troupes à insurger, écrivait Maurras en 1905, ni de bandes populaires à diriger, la théorie demeure le meilleur mode de l’action. »

 

 

 

Vérification. La « théorie » avait commencé en 1898-1899, avec l’« entrée en politique » de Charles Maurras et le premier numéro d’un bulletin bi-mensuel intitulé L’Action française. L’« Institut d’Action française » est venu en

1906. Deux ans plus tard, c’était L’Action française quotidienne. Et en 1909 apparaissaient les troupes à insurger et les bandes populaires à diriger pour le premier cortège d’hommage à Jeanne d’Arc, interdit par le gouvernement maçonnique mais imposé par des batailles de rue contre la police républicaine.

 

 

Dans la situation politique, intellectuelle et religieuse où nous sommes en 2009, il n’est pas dit que les « bandes populaires à diriger » et les « troupes à insurger » pourraient venir aussi vite à l’appel de la « théorie ». D’autant

qu’aujourd’hui la théorie contrerévolutionnaire ne dispose apparemment pas d’un Maurras (et d’un Maurras de trente ans !).

 

 

 La « théorie », il faut l’entendre dans son sens le plus large et selon la formule que Maurras avait trouvée chez Barrès dès 1899 : « Il n’y a aucune possibilité de restaurer la chose publique sans une doctrine. » La droite contre révolutionnaire n’avait jamais manqué de ressources doctrinales depuis Maistre et Bonald, Comte et Le Play, Taine et Renan, Veuillot et Fustel. Cela constituait un courant assez disparate plutôt qu’une école

en règle. Maurras y a mis de l’ordre, et le courant intellectuel de la Contre-Révolution a été quasiment absorbé tout entier pour un demi-siècle par l’école maurrassienne.

 

 

En 1910, saint Pie X avait donné une indication très nette, dont l’école maurrassienne fut à peu près la seule à comprendre pleinement la portée. Dans sa Lettre apostolique sur la démocratie chrétienne de Marc Sangnier, il résumait d’une manière un peu fracassante une pensée que l’on perdait passablement de vue : « Non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées…» C’est le premier point : ne pas être dupes des utopies trompeuses, celles des « Lumières » du XVIIIe siècle, celles du marxisme-léninisme, aujourd’hui celles d’Aubry, de Bayrou, de Sarkozy qui continuent à nous promettre un « nouveau modèle » de société, un « monde nouveau », un métissage de civilisations, etc.

Second point : « … Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et de la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins… »

Mais pourquoi a-t-on sans cesse besoin de l’instaurer et de la restaurer, est-elle donc si fragile ? C’est qu’il faut sans cesse, troisième point, la défendre : «…contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété. »

 

 

Cette vue synthétique, divisée ci-dessus en trois points pour attirer l’attention sur chacun d’eux, est tout à fait contraire au mouvement de la pensée moderne, et parut à ses yeux relever d’un intégrisme sommaire, rétrograde et simplet. Destinataire direct de cette monition pontificale, l’épiscopat français n’en fit guère son programme. C’est, à partir

de 1945, Jean Ousset qui le remit en honneur, assurant ainsi une étape capitale dans l’histoire de l’école contre-révolutionnaire en France.

JEAN MADIRAN

 

4- Article 6 dans Présent du samedi 17 janvier 2009 n° 6760

 

L’école contre-révolutionnaire (VI)

Ce que dit l’exemple de la socialisation

L’adoption du mot « séparation » pour qualifier désormais ce qui était antérieurement la distinction entre l’Eglise et l’Etat, – « distinction » accompagnée du refus explicite de leur « séparation », – n’est devenue officielle dans l’Eglise que depuis quatre ans. Ce spectaculaire demi-tour sémantique n’est pas le seul, il n’est que la plus récente manifestation d’un progressif changement (de vocabulaire) à l’œuvre depuis quarante-huit ans.

 

 

 

Quelques catholiques de ma génération,  et déjà de la suivante, ne pourront jamais oublier qu’ils ont vécu l’appel de Pie XII contre la « socialisation ». Ils se rappellent avoir répondu par une entière et enthousiaste adhésion à cet appel

impérieux ; et par une filiale, une totale confiance à la promesse que faisait Pie XII :

« Il faut empêcher la personne et la famille de se laisser entraîner dans l’abîme où tend à les jeter la socialisation de toutes choses, socialisation au terme de laquelle la terrible image du Léviathan deviendrait une horrible réalité.

C’est avec la dernière énergie que l’Eglise livrera cette bataille où sont en jeu des valeurs suprêmes : dignité de l’homme et salut éternel des âmes. » (14 septembre 1952)

 

Le terme de « socialisation », apparu en français vers 1830, provient du verbe « socialiser », luimême apparu à la fin du XVIIIe siècle. Il a reçu plusieurs significations voisines, exprimant le développement des relations sociales, l’adhésion au socialisme, l’adoption de la propriété collective, l’étatisation des moyens de production et des circuits de distribution. Mais il n’y a aucun doute sur le sens dans lequel l’Eglise l’employait. Elle y voyait un acheminement

horrible vers le « Léviathan », c’est-à-dire vers un pouvoir absolu confisquant au profit de l’Etat tous les droits et libertés.

« C’est avec la dernière énergie que l’Eglise livrera cette bataille. » Elle met en jeu « la dignité de l’homme » et « le salut éternel des âmes ». L’école contre-révolutionnaire avait reconnu dans ce diagnostic et cette résolution une homogénéité parfaite avec les travaux d’Augustin Cochin sur les trois socialisations dévastatrices : « socialisation de la pensée, socialisation de la personne, socialisation des biens ». Oui, « cette bataille », l’Eglise la livrerait « avec la dernière énergie ». Et puis, plouf ! voici que l’Eglise participe et nous demande de participer à la socialisation !

 

 

Nous comprenons bien que l’Eglise ne se rallie pas au « Léviathan », et que, dans son langage actuel, elle n’emploie pas le mot socialisation dans le même sens que précédemment. Le changement n’est sans doute que dans le vocabulaire. Mais aucune voix autorisée n’a clairement assumé ce changement ni expliqué les raisons qui le justifient.

 

Il en va de même pour la « séparation » de l’Eglise et de l’Etat. Bien sûr, l’Eglise n’admet pas aujourd’hui ce qu’elle condamnait hier sous ce nom. C’est du moins l’hypothèse la plus bienveillante. Nous souhaitons que ce soit aussi l’hypothèse la plus probable. Mais nous en sommes réduits aux hypothèses, faute d’explication. Les discours et articles faisant l’apologie de la « cohérence » que conserverait néanmoins le langage ecclésiastique

s’arrangent pour esquiver la question plutôt que d’en faire un examen précis. L’école contre-révolutionnaire est apparemment la seule à discerner l’incertitude conceptuelle qui en résulte.

 

 

Dans L’Homme nouveau d’aujourd’hui 17 janvier paraissent, en un remarquable « dossier » de cinq grandes pages de journal, les résultats d’une enquête de l’abbé Claude Barthe sur l’« opposition romaine au pape Benoît XVI ». « Romaine », c’est-à-dire au sein

même du Saint-Siège, jusque parmi les cardinaux de la Curie. Cela n’étonnera personne que l’enquête mette en cause, entre autres, la théologie progressiste du cardinal Kasper, bien connue pour ce qu’elle est. L’actuel trouble doctrinal dans l’Eglise n’est donc pas seulement sémantique, ni seulement périphérique.

JEAN MADIRAN

 

 

 

5- l’article 7 de jean Madiran dans présent du

 

L’école contre-révolutionnaire (VII)

Ce que dit l’exemple de la « séparation »

 

L’autre quotidien parisien du soir l’avait remarqué la semaine dernière à propos

du projet sarkozyen de réforme judiciaire : « Il n’est qu’une seule légitimité

pour le Président choisi par les Français en 2007 : celle de l’élu du

peuple. »

Mais ce n’est point là simplement une opinion personnelle du président Sarkozy.

 

Cette opinion du Président est d’un « droitdel’hommisme » authentique et cohérent. C’est l’affirmation principale de la Déclaration de 1789, articles 3 et 6, et de la Déclaration de 1948, article 21, paragraphe 3. Articles souvent méconnus par les « droitsdel’hommistes » eux-mêmes, ils en ont l’esprit sans se préoccuper du texte.

 

 

La séparation de l’Eglise et de l’Etat a été instituée en France par l’« unique légitimité » : par les élus de la « volonté du peuple », sous l’influence de la maçonnerie et en bénéficiant du ralliement des démocrateschrétiens. Pour ces derniers, la séparation se fondait sur la parole de Jésus- Christ : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

 

 - Oui, disait Clemenceau, mais tout est à César, conséquence évidente de l’unique légitimité établie par les Déclarations des droits. A quoi l’Eglise rétorquait : – Tout est à Dieu, ce qui est philosophiquement cohérent avec la notion même de « Dieu », et affirmé par la foi de l’Eglise : « Tout instaurer dans le Christ », enseignait saint Pie X ; et Pie XI dans son encyclique sur la « royauté sociale » de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

 

De la parole du Christ sur Dieu et César, l’Eglise tirait l’idée d’une distinction entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, ce dernier étant autonome dans son domaine, et coopérateur, selon ses moyens, de la mission de l’Eglise. Cette doctrine officielle rejetait avec une radicale énergie toute idée de séparation. Mais la différence – et même la

contradiction – entre « séparation » et « distinction » était de plus en plus incomprise et méconnue au fur et à mesure que grandissait l’influence démocrate-chrétienne dans le catholicisme. Aujourd’hui on peut chercher, parmi les catholiques déclarés et pratiquants ayant un rôle politique ou une fonction publique, comme François Bayrou ou Mme Boutin, il n’y en a aucun pour récuser explicitement la notion de séparation. Non seulement la hiérarchie ecclésiastique le tolère, mais désormais, depuis le début de l’année 2005, elle l’approuve.

 

 

 Là comme ailleurs, mais ici d’une manière particulièrement explicite et encore plus visible que pour la « socialisation », la hiérarchie ecclésiastique a opéré un changement dont elle n’a expliqué ni les raisons ni les limites.

Le fait que « tout instaurer dans le Christ » paraisse radicalement impossible dans la société actuelle, et que l’on soit bien obligé de prendre acte d’une telle situation, n’aurait pas dû modifier la détermination du juste et de l’injuste, du bien et du mal, du vrai et du faux modèle de société. En acceptant la séparation, le mot et le concept, on réduit la mission évangélique de « tout » restaurer dans le Christ à ne plus s’appliquer qu’à la vie intérieure, la vie privée, la vie familiale. Mais alors l’Eglise ne demanderait plus à la société moderne de se convertir à Jésus, elle lui demanderait seulement d’y être tolérée ?

 

 

Cet exemple de la « séparation » montre combien il est nécessaire que l’école contre-révolutionnaire, provisoirement

seule s’il le faut, ne relâche pas sa critique des concepts et de l’influence révolutionnaires ; qu’elle maintienne, si modestement que ce soit, les traditions intellectuelles de la philosophie chrétienne ; qu’elle continue à ne pas limiter sa

perception du Vrai, du Beau, du Bien à ce qui paraît « crédible » à court terme dans une société sans Dieu.

 

JEAN MADIRAN