Les Nouvelles
de
Chrétienté
N° 164
Message de Benoît XVI
pour
le Carême 2009-
De la pratique du jeûne
Pour le carême 2009, qui commence le 25 février, le pape
Benoît XVI propose de redécouvrir le sens chrétien de la pratique du
jeune : c'est le thème de son message, publié ce mardi 3 février. Le pape
n'en encourage pas moins les autres pratiques du carême : « un plus grand engagement dans la prière, la
lectio divina, le recours au Sacrement de
Chers frères et sœurs !
Au commencement du Carême, qui constitue un chemin
d'entraînement spirituel intense,
Nous pouvons nous demander quelle valeur et quel sens
peuvent avoir pour nous, chrétiens, le fait de se priver de quelque chose qui
serait bon en soi et utile pour notre subsistance. Les Saintes Écritures et
toute la tradition chrétienne enseignent que le jeûne est d'un grand secours
pour éviter le péché et tout ce qui conduit à lui. C'est pourquoi, dans
l'histoire du salut, l'invitation à jeûner revient régulièrement. Déjà dans les
premières pages de
Dans le Nouveau Testament, Jésus met en lumière la raison profonde du jeûne en stigmatisant l'attitude des pharisiens qui observaient avec scrupule les prescriptions imposées par la loi, alors que leurs cœurs étaient loin de Dieu. Le vrai jeûne, redit encore en d'autre lieux le divin Maître, consiste plutôt à faire la volonté du Père céleste, lequel « voit dans le secret et te récompensera » (Mt 6,18). Lui-même en donne l'exemple en répondant à Satan, au terme des quarante jours passés dans le désert : « Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Le vrai jeûne a donc pour but de manger « la vraie nourriture », qui consiste à faire la volonté du Père (cf. Jn 4,34). Si donc Adam désobéit à l'ordre du Seigneur « de ne pas manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal », le croyant entend par le jeûne se soumettre à Dieu avec humilité, en se confiant à sa bonté et à sa miséricorde.
La pratique du jeûne est très présente dans la première communauté chrétienne (cf. Act 13,3; 14,22; 27,21; 2 Cor 6,5). Les Pères de l'Église aussi parlent de la force du jeûne, capable de mettre un frein au péché, de réprimer les désirs du « vieil homme », et d'ouvrir dans le cœur du croyant le chemin vers Dieu. Le jeûne est en outre une pratique récurrente des saints, qui le recommandent. Saint Pierre Chrysologue écrit : « Le jeûne est l'âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Donc, celui qui prie doit jeûner ; celui qui jeûne doit avoir pitié ; qu'il écoute l'homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté ; il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d'entendre lorsqu'on le supplie » (Sermo 43: PL 52, 320. 332).
De nos jours, la pratique du jeûne semble avoir perdu un peu
de sa valeur spirituelle et, dans une culture marquée par la recherche du
bien-être matériel, elle a plutôt pris la valeur d'une pratique thérapeutique
pour le soin du corps. Le jeûne est sans nul doute utile au bien-être physique,
mais pour les croyants, il est en premier lieu une « thérapie » pour soigner
tout ce qui les empêche de se conformer à la volonté de Dieu. Dans
La pratique fidèle du jeûne contribue en outre à l'unification de la personne humaine, corps et âme, en l'aidant à éviter le péché et à croître dans l'intimité du Seigneur. Saint Augustin qui connaissait bien ses inclinations négatives et les définissait comme « des nœuds tortueux et emmêlés » (Confessions, II, 10.18), écrivait dans son traité sur L'utilité du jeûne : « Je m'afflige certes un supplice, mais pour qu'Il me pardonne ; je me châtie de moi-même pour qu'Il m'aide, pour plaire à ses yeux, pour arriver à la délectation de sa douceur » (Sermon 400, 3, 3: PL 40, 708). Se priver de nourriture matérielle qui alimente le corps facilite la disposition intérieur à l'écoute du Christ et à se nourrir de sa parole de salut. Avec le jeûne et la prière, nous Lui permettons de venir rassasier une faim plus profonde que nous expérimentons au plus intime de nous : la faim et la soif de Dieu.
En même temps, le jeûne nous aide à prendre conscience de la
situation dans laquelle vivent tant de nos frères. Dans sa Première Lettre, saint
Jean met en garde : « Si quelqu'un possède des richesses de ce monde et, voyant
son frère dans la nécessité, lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu
demeurerait-il en lui ? » (3,17). Jeûner volontairement nous aide à suivre
l'exemple du Bon Samaritain, qui se penche et va au secours du frère qui
souffre (cf. Deus caritas est, 15). En choisissant librement de se priver de
quelque chose pour aider les autres, nous montrons de manière concrète que le
prochain en difficulté ne nous est pas étranger. C'est précisément pour
maintenir vivante cette attitude d'accueil et d'attention à l'égard de nos
frères que j'encourage les paroisses et toutes les communautés à intensifier
pendant le Carême la pratique du jeûne personnel et communautaire, en cultivant
aussi l'écoute de
Il ressort clairement de tout ce que je viens de dire, que le jeûne représente une pratique ascétique importante, une arme spirituelle pour lutter contre tous les attachements désordonnés. Se priver volontairement du plaisir de la nourriture et d'autres biens matériels, aide le disciple du Christ à contrôler les appétits de sa nature affaiblie par la faute originelle, et dont les effets négatifs investissent entièrement la personne humaine. Une hymne antique de la liturgie du Carême exhorte avec pertinence : « Utamur ergo parcius, / verbis, cibis et potibus, / somno, iocis et arctius / perstemus in custodia - Nous utilisons plus sobrement les paroles, les nourritures, les boissons, le sommeil et les jeux, et avec plus d'attention, nous demeurons vigilants ».
Chers frères et sœurs, à bien regarder, le jeûne a comme
ultime finalité d'aider chacun d'entre nous, comme l'écrivait le Serviteur de
Dieu Jean-Paul II, à faire un don total de soi à Dieu (cf. Veritatis splendor,
21). Que le Carême soit donc mis en valeur dans toutes les familles et dans
toutes les communautés chrétiennes, pour éloigner de tout ce qui distrait
l'esprit et intensifier ce qui nourrit l'âme en l'ouvrant à l'amour de Dieu et
du prochain. Je pense en particulier à un plus grand engagement dans la prière,
la lectio divina, le recours au Sacrement de
Du Vatican, le 11 décembre 2008
BENEDICTUS PP. XVI