Les Nouvelles

de

Chrétienté

 

N° 172

Le voyage du Pape Benoît XVI

en Angola

 

 

1- Le Vendredi 20 mars 2009

 

Benoît XVI arrive en Angola : Discours à l’aéroport

 

 

Le pape Benoît XVI est arrivé le vendredi20 mars , à 12h45,  à l'aéroport « 4 de Fevereiro » de Luanda, en Angola. Il a été accueilli par le président de la République, M. José Eduardo dos Santos et son épouse puis par l'archevêque de Luanda et président de la Conférence épiscopale d'Angola et de São Tomé, Mgr Damião António Franklin. Après l'allocution du président, le pape a prononcé le discours suivant :

 

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs qui représentez les Autorités civiles et militaires

Chers Frères dans l'épiscopat,

Chers amis Angolais !

 

C'est avec des sentiments de déférente amitié que je foule le sol de cette noble et jeune Nation dans le cadre d'une visite pastorale qui, à mes yeux, a comme horizon le continent africain tout entier, même si j'ai dû limiter mes pas à Yaoundé et à Luanda. Tous, nous savons bien que je garde dans mon cœur et ma prière l'Afrique tout entière et le peuple Angolais en particulier auquel je désire offrir mes encouragements cordiaux à progresser sur les chemins de la pacification et de la reconstruction du pays et de ses institutions.

 

Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de vous remercier pour l'aimable invitation que vous m'avez faite à venir visiter l'Angola et pour les mots de cordiale bienvenue que vous venez de m'adresser. Veuillez accepter mes salutations respectueuses et mes vœux les meilleurs, que j'étends aux autres Autorités qui sont venues pour m'accueillir ici.

 

En la personne de ses Évêques ici présents, je salue l'ensemble de l'Église catholique en Angola. Et je vous remercie, vous tous, amis Angolais, pour l'accueil affectueux que vous me réservez.

 

J'assure aussi de mon amitié ceux qui m'écoutent par la radio et la télévision, dans la certitude que le Ciel veille avec bienveillance sur la mission qui nous a été confiée à tous : édifier ensemble une société plus libre, plus pacifique et plus solidaire.

 

Comment ne pas évoquer ici le souvenir de l'illustre visiteur qui bénit l'Angola au mois de juin de 1992, mon bien-aimé prédécesseur le Pape Jean-Paul II ? Missionnaire infatigable de Jésus Christ, jusqu'aux extrémités de la terre, il a montré le chemin vers Dieu, invitant tous les hommes de bonne volonté à écouter la voix de leur conscience formée dans la droiture, et à construire une société de justice, de paix et de solidarité, dans la charité et le pardon réciproques.

 

Quant à moi, vous le savez, je viens d'un pays dont les habitants ont une haute estime de la paix et de la fraternité, en particulier ceux qui - comme moi - ont connu la guerre et la division entre frères d'une même Nation en raison d'idéologies destructrices et inhumaines qui faisaient peser le joug de l'oppression sous la fausse apparence du rêve et de l'illusion. Vous pouvez donc comprendre combien le dialogue entre les hommes est important à mes yeux, car il permet de dépasser toutes les formes de conflits et de tensions et de faire de chaque Nation - et donc de votre Patrie - une maison de paix et de fraternité. Pour atteindre ce but, vous devez puiser dans votre patrimoine spirituel et culturel les valeurs positives dont l'Angola est riche, et aller sans peur à la rencontre les uns des autres, en acceptant de partager pour le bien de tous les richesses spirituelles et matérielles.

 

Comment ne pas penser aux populations de la province de Kunene frappées par des pluies torrentielles et des inondations qui ont provoqué de nombreuses victimes et ont laissé tant de familles privées de toit en raison de la destruction de leur maison ? À ces populations éprouvées, je désire en cet instant transmettre l'assurance de ma solidarité ainsi qu'une invitation particulière à la confiance pour reprendre, avec l'aide de tous, une vie normale.

 

 

Chers amis Angolais, votre territoire est riche ; votre Nation est forte. Utilisez ces atouts pour favoriser la paix et l'entente entre les peuples, sur une base de loyauté et d'égalité capable de promouvoir en Afrique l'avenir pacifique et solidaire auquel tous aspirent et auquel tous ont droit. Pour cela, je vous en prie, ne vous laissez pas prendre par la loi du plus fort ! Car Dieu a accordé aux hommes le pouvoir de s'élever avec les ailes de la raison et de la foi, au-dessus de leurs inclinations naturelles. Si vous vous laissez emporter sur ces ailes, il ne vous sera pas difficile alors de reconnaître dans l'autre un frère, né avec les mêmes droits humains fondamentaux. À l'intérieur de vos frontières, se trouvent malheureusement encore tant de pauvres qui demandent le respect de leurs droits. Il n'est pas possible d'oublier la multitude des Angolais qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté absolue. Ne décevez pas leurs attentes !

 

Il s'agit là d'une immense entreprise, qui requiert le plus grand civisme possible de la part de tous. Il y faut l'engagement de la société civile angolaise tout entière ; mais elle doit se présenter à ce rendez-vous plus forte et plus organisée, que ce soit entre ses diverses composantes ou dans le dialogue avec le Gouvernement. Pour donner naissance à une société véritablement soucieuse du bien commun, des valeurs partagées par tous sont nécessaires. Je suis convaincu que l'Angola pourra les trouver aujourd'hui encore dans l'Évangile de Jésus Christ, tout comme cela fut, il y a bien longtemps, avec votre illustre ancêtre, Dom Afonso I Mbemba-a-Nzinga ; grâce à lui, il y a cinq cents ans, fut établi au Mbanza Congo un royaume chrétien qui a subsisté jusqu'au XVIIIesiècle. De ses cendres prit naissance, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, une Église renouvelée qui n'a pas cessé de grandir jusqu'à nos jours ; que Dieu en soit remercié ! C'est là le motif premier qui a conduit mes pas en Angola : aller à la rencontre d'une des plus anciennes communautés catholiques de l'Afrique sub-équatoriale, pour la confirmer dans sa foi en Jésus Christ et pour m'unir aux supplications de ses fils et de ses filles afin que le temps de la paix, dans la justice et dans la fraternité, ne connaisse pas de déclin en Angola, lui donnant ainsi la possibilité d'accomplir la mission que Dieu lui a confiée à l'égard de son peuple et dans le concert des Nations. Que Dieu bénisse l'Angola !

 

 

 

2- Le vendredi 20 mars dans l’après midi.

 

Discours de Benoît XVI aux autorités et au Corps diplomatique

 

Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé lors de sa rencontre, le vendredi, en fin d'après-midi, avec les autorités politiques et civiles de l'Angola et les membres du Corps diplomatique, dans le salon d'honneur du palais présidentiel, à l'issue de sa rencontre privée par le président de la République, M. José Eduardo dos Santos.

 

 

Monsieur le Président de la République,

Mesdames, Messieurs qui représentez les Autorités civiles et politiques,

Messieurs les Ambassadeurs,

Chers Frères dans l'Épiscopat,

Mesdames, Messieurs,

 

Par un aimable geste d'hospitalité, Monsieur le Président a souhaité nous accueillir dans sa résidence, m'offrant ainsi la joie de vous rencontrer tous, afin de vous saluer et de vous souhaiter le plus grand succès dans les importantes responsabilités que chacun de vous assume au gouvernement, dans le domaine civil ou diplomatique, où il sert sa nation en vue du bien de toute la famille humaine.

 

 Monsieur le Président, je vous remercie de votre accueil et des paroles que vous venez de m'adresser, pleines de considération pour le Successeur de Pierre et de confiance vis-à-vis de l'activité de l'Église catholique en faveur de cette Nation tant aimée.

Chers amis, vous êtes les artisans et les témoins d'un Angola qui se relève. Après vingt-sept années de guerre civile qui ont dévasté ce Pays, la paix a commencé à prendre racine, portant avec elle les fruits de la stabilité et de la liberté. Les efforts tangibles du Gouvernement pour mettre en place les infrastructures et rénover les institutions indispensables au développement et au bien-être de la société ont fait refleurir l'espérance parmi les citoyens. Pour soutenir cette espérance, ont été mises en place différentes actions conduites par des agences internationales, décidées à dépasser les intérêts particuliers pour œuvrer dans la perspective du bien commun. Dans diverses régions du pays, les exemples ne manquent pas d'enseignants, de travailleurs sanitaires et de fonctionnaires qui, avec de faibles revenus, servent avec intégrité et dévouement la communauté humaine à laquelle ils appartiennent. De même le nombre des personnes engagées dans des activités de volontariat au service des plus nécessiteux augmente. Que Dieu bénisse et qu'il multiplie toutes ces bonnes volontés et leurs initiatives au service du bien !

 

L'Angola sait qu'est arrivé pour l'Afrique le temps d'être le continent de l'espérance. Tout comportement humain droit est espérance en action. Nos actions ne sont jamais indifférentes devant Dieu ; et elles ne le sont pas non plus pour le développement de l'histoire.

 

Chers amis, avec un cœur intègre, magnanime et plein de compassion, vous pouvez transformer ce continent, libérant votre peuple du fléau de l'avidité, de la violence et du désordre en le conduisant sur le chemin indiqué par les principes indispensables à toute démocratie civile moderne : le respect et la promotion des droits de l'homme, un gouvernement transparent, une magistrature indépendante, des moyens de communication sociale libres, une administration publique honnête, un réseau d'écoles et d'hôpitaux fonctionnant de façon adéquate, et la ferme détermination, basée sur la conversion des cœurs, d'éradiquer une fois pour toutes la corruption.

 

Dans le Message de cette année pour la Journée mondiale de la Paix, j'ai voulu attirer l'attention de tous sur la nécessité d'une approche éthique du développement. En effet, plus que de simples programmes et protocoles, les habitants de ce continent demandent à juste titre une conversion profonde, authentique et durable des cœurs à la fraternité (cf. n. 13). Leur exigence vis-à-vis de ceux qui œuvrent dans la politique, dans l'administration publique, dans les agences internationales et dans les compagnies multinationales est avant tout celle-ci : soyez à nos côtés de façon vraiment humaine, accompagnez-nous, ainsi que nos familles et nos communautés !

 

Le développement économique et social en Afrique requiert la coordination des actions gouvernementales nationales avec les initiatives régionales et avec les décisions internationales. Une telle coordination suppose que les nations africaines ne soient pas seulement considérées comme les destinataires des plans et des solutions élaborées par d'autres. Les africains eux-mêmes, œuvrant ensemble pour le bien de leurs communautés, doivent être les premiers acteurs de leur développement. À ce propos, il y a un nombre croissant d'initiatives qui méritent d'être encouragées. Parmi elles, la New Partnership for Africa's Development (NEPAD), le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des Grands Lacs, le Kimberley Process, la Publish What You Pay Coalition et l'Extractive Industries Transparency Initiative : leur objectif commun est de promouvoir la transparence, la pratique honnête du commerce et la bonne gouvernance. Quant à la communauté internationale dans son ensemble, la coordination des efforts pour affronter la question du changement climatique est d'une urgence décisive, tout comme l'entière et juste réalisation des engagements pour le développement indiqués par le Doha round, ainsi que la concrétisation de la promesse des Pays développés, faite à plusieurs reprises, de consacrer 0,7% de leur PIB (Produit Intérieur Brut) à l'aide officielle au développement. Cette assistance est encore plus nécessaire aujourd'hui avec la tempête financière mondiale qui sévit. Mon souhait est que cette assistance ne soit pas une autre de ses victimes.

 

Chers amis, je conclus ma réflexion en vous confiant que ma visite au Cameroun et en Angola suscite en moi cette joie humaine profonde qu'on éprouve lorsqu'on se retrouve en famille. Je crois qu'une telle expérience est le don commun que l'Afrique peut offrir à tous ceux qui sont originaires d'autres continents et qui arrivent ici, où « la famille est le fondement sur lequel l'édifice social est construit » (Ecclesia in Africa, n. 80). Cependant, comme nous le savons tous, ici aussi les familles subissent de nombreuses pressions : angoisse et humiliation causées par la pauvreté, le chômage, la maladie, l'exil pour n'en citer que quelques-unes. Est particulièrement bouleversant le joug opprimant des discriminations qui pèsent sur les femmes et sur les jeunes filles, sans parler de l'innommable pratique de la violence et de l'exploitation sexuelle qui leur cause tant d'humiliations et de traumatismes.

 

Je dois également mentionner un autre grave sujet de préoccupation : les politiques de ceux qui, dans l'illusion de faire progresser l'« édifice social », en menacent les fondements mêmes. Combien est amère l'ironie de ceux qui promeuvent l'avortement au rang des soins de la santé des « mamans » ! Combien est déconcertante la thèse de ceux qui prétendent que la suppression de la vie serait une question de santé reproductive (cf. Protocole de Maputo, art. 14) !

 

 

Mesdames et Messieurs, vous trouverez toujours l'Église - par la volonté de son divin Fondateur - aux côtés des plus pauvres de ce continent. Je peux vous assurer qu'à travers les activités diocésaines, les innombrables œuvres éducatives, sanitaires et sociales prises en charge par les différents Ordres religieux, les programmes de développement des Caritas et d'autres organisations, elle continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir les familles - y compris celles qui sont frappées par les effets tragiques du Sida - et pour promouvoir l'égale dignité des hommes et des femmes sur la base d'une harmonieuse complémentarité.

 

Le chemin spirituel du chrétien est celui de la conversion quotidienne. L'Église invite tous les responsables de l'humanité à l'emprunter, afin que cette dernière puisse suivre les chemins de la vérité, de l'intégrité, du respect et de la solidarité.

Monsieur le Président, je vous renouvelle ma vive reconnaissance pour l'accueil que vous nous avez offert dans votre résidence. Je remercie chacun de vous pour son aimable présence et pour son écoute attentive. Comptez sur mes prières pour vous, pour vos familles et pour tous les habitants de cette merveilleuse Afrique ! Que le Dieu du Ciel vous soit propice et vous bénisse tous !

 

 

3- Le samedi 21 mars.

 

Messe avec le clergé et les mouvements d’Angola

 

Nous publions ci-dessous le texte de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée le samedi 21 mars au cours de la messe qu'il a célébré en présence des évêques, des prêtres, des religieux et religieuses ainsi que des mouvements et catéchistes présents en Angola et à Sao Tomé. La messe a eu lieu à l'église de São Paulo, à Luanda.

 

 

Chers frères et sœurs,

Bien-aimés ouvriers de la vigne du Seigneur,

 

Comme nous venons de l'entendre, les fils d'Israël se disaient l'un à l'autre : « efforçons-nous de connaître le Seigneur ». Par ces paroles, ils s'encourageaient mutuellement, alors qu'ils étaient plongés dans les tribulations. Celles-ci les avaient accablés - explique le prophète - parce qu'ils vivaient dans l'ignorance de Dieu ; et leurs cœurs étaient pauvres d'amour. Le seul médecin en mesure de les guérir, c'était le Seigneur. Mieux encore, lui-même, comme un bon médecin, ouvre la plaie, afin de guérir la blessure. Le peuple se décide alors : « Allons ! Revenons au Seigneur ! C'est lui qui nous a cruellement déchirés, c'est lui qui nous guérira » (Os 6, 1). De cette manière, ont pu se rencontrer la misère humaine et la Miséricorde divine, laquelle ne désire rien d'autre que d'accueillir les miséreux.

 

Nous le voyons dans la page d'Évangile qui vient d'être proclamée : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier » ; et de là, l'un s'en retourna « juste, et l'autre, non » (Lc 18, 10.14). Ce dernier avait mis en avant tous ses mérites devant Dieu, faisant de Lui presque son débiteur. Au fond, celui-ci n'éprouvait pas le besoin de Dieu, même si il Le remerciait de lui avoir accordé d'être si parfait « et non comme ces publicains ». Pourtant, c'est le publicain qui reviendra chez lui justifié. Conscient de ses péchés qui le faisaient rester la tête basse - mais en réalité il était tout tourné vers le Ciel -, il attendait tout du Seigneur : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » (Lc 18, 13). Il frappait à la porte de la Miséricorde, laquelle s'ouvre et le justifie, parce que - conclut Jésus : « Qui s'élève sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé » (Lc 18, 14).

 

De ce Dieu, riche en miséricorde, saint Paul nous parle en vertu de son expérience personnelle, lui qui est le patron de la ville de Luanda et de cette magnifique église, construite voilà près de cinquante ans. J'ai souhaité souligner le bimillénaire de la naissance de saint Paul par la célébration de l'Année paulinienne qui est en cours, dans le but d'apprendre de lui à mieux connaître Jésus Christ. Tel est le témoignage qu'il nous a laissé : « Voici une parole sûre, et qui mérite d'être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m'a pardonné, c'est pour que je sois le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ; je devais être le premier exemple de ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle » (1 Tm 1, 15-16).

 

 Au fil des siècles, le nombre de ceux qui ont été rejoints par la grâce n'a cessé d'augmenter. Toi et moi, nous sommes de ceux-là. Nous rendons grâce à Dieu parce qu'il nous a appelés à prendre place dans cet immense cortège pour nous conduire vers l'avenir. À la suite de ceux qui ont suivi Jésus, et avec eux, nous suivons le même Christ et ainsi, entrons-nous dans la Lumière.

 

Chers frères et sœurs, j'éprouve une grande joie à me retrouver parmi vous, qui êtes mes compagnons de labeur dans la vigne du Seigneur; dont vous prenez soin quotidiennement, préparant le vin de la Miséricorde divine et le versant sur les plaies de votre peuple si meurtri. Monseigneur Gabriel Mbilingi s'est fait l'interprète de vos espérances et de vos peines dans les paroles aimables qu'il m'a adressées. Avec reconnaissance et plein d'espérance, je vous salue tous - hommes et femmes donnés à la cause de Jésus - qui êtes ici et qui en représentez tant d'autres : Évêques, prêtres, personnes consacrées, séminaristes, catéchistes, responsables des mouvements et des associations les plus divers de cette chère Église de Dieu. Je désire faire mémoire aussi des religieuses contemplatives, présence invisible mais si féconde pour les pas de chacun d'entre nous. Que me soit permis enfin une parole toute particulière à l'adresse des Salésiens et aux fidèles de cette paroisse saint Paul qui nous accueillent dans leur église, sans hésiter pour cela à céder les places qu'ils occupent habituellement dans l'assemblée liturgique. J'ai appris qu'ils se trouvaient réunis dans le champ adjacent et j'espère, à la fin de cette Eucharistie, pouvoir les saluer et les bénir, mais d'ors et déjà, je leur dis : « Merci beaucoup ! Que Dieu suscite au milieu de vous et grâce à vous de nombreux apôtres dans le sillage de votre saint Patron ! »

 

La rencontre avec Jésus, alors qu'il marchait sur le chemin de Damas, a été fondamentale dans la vie de Paul : le Christ lui apparaît comme une lumière éblouissante, lui parle et conquiert son cœur. L'apôtre a vu Jésus ressuscité, c'est-à-dire l'homme dans sa stature parfaite. C'est alors produit en lui un renversement de perspective, et il s'est mis à envisager toute chose à partir de cette état final de l'homme en Jésus Christ : ce qui lui semblait à l'origine essentiel et fondamental ne vaut désormais pour lui pas plus que des « balayures » ; ce n'est plus un gain mais une perte, parce que maintenant ne compte plus que la vie dans le Christ (cf. Ph 3, 7-8). Il ne s'agit pas d'une simple maturation du « moi » de Paul, mais d'une mort à soi-même et d'une résurrection dans le Christ : en lui, est morte une certaine forme d'existence ; et avec Jésus ressuscité, une forme nouvelle est née.

 

 

Chers frères et amis, « efforçons-nous de connaître le Seigneur » ressuscité ! Comme vous le savez, Jésus, homme parfait, est aussi le vrai Dieu. En Lui, Dieu est devenu visible à nos yeux pour nous rendre participants de sa divinité. De cette façon, surgit avec lui une nouvelle dimension de l'être et de la vie, dans laquelle la matière a elle aussi sa part et par laquelle apparaît un monde nouveau.

 

Mais, dans l'histoire universelle, ce saut qualitatif que Jésus a accompli à notre place et pour nous, comment concrètement rejoint-il l'être humain, en pénétrant sa vie et en l'emportant vers le Haut ? Il rejoint chacun d'entre nous à travers la foi et le baptême. En effet, ce sacrement est mort et résurrection, transformation en une vie nouvelle, à tel point que la personne baptisée peut affirmer avec saint Paul : « je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Je vis, mais ce n'est déjà plus moi. D'une certaine façon, je suis enlevé à moi-même, et je suis intégré en un « Moi » plus grand ; mon moi est encore présent, mais il est transformé et ouvert aux autres moyennant mon insertion dans un Autre : dans le Christ, j'ai acquis mon nouvel espace de vie. Qu'est-il donc advenu de nous ? Paul répond : vous êtes devenus un dans le Christ (cf. Ga 3, 28).

 

Grâce à cet être christifié par l'œuvre et la grâce de l'Esprit Saint, se réalise peu à peu la croissance du Corps du Christ tout au long de l'Histoire.

 

En cet instant, il me plaît de revenir, par la pensée, cinq cents ans plus tôt, c'est-à-dire, vers les années 1506 et suivantes, quand sur cette terre, alors que les portugais étaient présents, s'est formé le premier royaume chrétien sub-saharien, grâce à la foi et à la détermination politique du roi Dom Afonso I Mbemba-a-Hzinga, qui règna de 1506 à 1543, année de sa mort ; le royaume demeura officiellement catholique de la fin du XVIè jusqu'au XVIIIè siècle, ayant son ambassadeur à Rome. Vous voyez comment deux peuples si divers - bantou et lusitanien - ont pu trouver dans la religion chrétienne un lieu d'entente, et se sont employés ensuite à ce que cette entente se prolonge et que les divergences - il y en a eu, et d'importantes - ne séparent pas les deux royaumes. De fait, le Baptême permet que tous les croyants soient un dans le Christ.

 

Aujourd'hui, il vous revient, frères et sœurs, dans le sillage des saints et héroïques messagers de Dieu, de présenter le Christ ressuscité à vos concitoyens. Ils sont si nombreux à vivre dans la peur des esprits, des pouvoirs néfastes dont ils se croient menacés ; désorientés, ils en arrivent à condamner les enfants des rues et aussi les anciens, parce que - disent-ils - ce sont des sorciers. Qui ira auprès d'eux pour leur dire que le Christ a vaincu la mort et toutes les puissances des ténèbres (cf. Ep 1, 19-23 ; 6, 10-12) ? Quelqu'un objectera : «Pourquoi ne les laissons-nous pas en paix ? Ceux-ci ont leur vérité ; et nous, la nôtre. Cherchons à vivre pacifiquement, en laissant chacun comme il est, afin qu'il réalise le plus parfaitement possible sa propre identité ». Mais si nous sommes convaincus et avons fait l'expérience que, sans le Christ, la vie est inachevée, qu'une réalité - la réalité fondamentale - lui fait défaut, nous devons être également convaincus du fait que nous ne faisons d'injustice à personne si nous lui présentons le Christ et lui donnons la possibilité de trouver de cette façon, non seulement sa véritable authenticité, mais aussi la joie d'avoir trouvé la vie. Bien plus, avons-nous le devoir de le faire ; c'est un devoir d'offrir à tous cette possibilité dont dépend leur éternité.

Frères et sœurs très chers, disons-leur comme le peuple d'Israël : « Allons ! Revenons au Seigneur ! C'est lui qui nous a cruellement déchirés, c'est lui qui nous guérira ». Aidons la misère de l'homme à rencontrer la Miséricorde divine. Le Seigneur fait de nous ses amis, Il s'en remet à nous, Il nous confie son Corps dans l'Eucharistie, Il nous confie son Église. Nous devons donc être véritablement ses amis, avoir avec Lui les mêmes sentiments, vouloir ce que Lui veut et ne pas vouloir ce qu'Il ne veut pas. Jésus lui-même a dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15, 14). Que ce soit là notre engagement commun : faire, ensemble, sa sainte volonté : « Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16, 15). Épousons sa volonté, comme saint Paul l'a fait : Annoncer l'Évangile, « c'est une nécessité qui s'impose à moi : malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! » (1 Co 9, 16).

 

NB : Ce dernier paragraphe est très important.Il justifie avec force l’élan missionnaire et le justifie parfaitement.

 

 

4- Le samedi  21 mars dans l’après-midi.

 

Rencontre avec les jeunes en Angola

 

Nous publions ci-dessous le discours que le pape Benoît XVI a prononcé le samedi au cours de sa rencontre avec les jeunes, au stade dos Coqueiros de Luanda, en Angola. La rencontre a débuté à 16.30. Elle avait pour thème : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5).

C’est une très belle méditation du pape.

 

Très chers jeunes,

Vous êtes venus très nombreux, sans parler de tous ceux qui vous sont unis spirituellement, pour rencontrer le successeur de Pierre et, avec lui, proclamer devant tous la joie de croire en Jésus Christ et renouveler l'engagement d'être aujourd'hui ses fidèles disciples. Une rencontre semblable avait eu lieu en cette même cité, le 7 juin 1992, avec le bien-aimé Pape Jean-Paul II. Sous des traits un peu différents, mais avec le même amour dans le cœur, voici devant vous l'actuel successeur de Pierre, qui vous prend tous dans ses bras en Jésus Christ qui « est le même, hier et aujourd'hui, et pour l'éternité » (He 13, 8).

 

Avant tout, je désire vous remercier pour cette fête que vous me faites, pour cette fête que vous êtes vous-mêmes, pour votre présence et pour votre joie.

 

J'adresse un salut affectueux à mes vénérés Frères dans l'Épiscopat et dans le Sacerdoce et à ceux qui animent ce rassemblement. De grand cœur, je remercie et je salue tous ceux qui ont préparé cette rencontre et, en particulier, la Commission épiscopale pour la Jeunesse et les Vocations, ainsi que son Président, Monseigneur Kanda Almeida, à qui j'exprime ma reconnaissance pour les paroles chaleureuses de bienvenue qu'il m'a adressées. Je salue tous les jeunes, catholiques et non-catholiques, qui sont à la recherche d'une réponse à leurs problèmes, dont certains ont été évoqués par vos représentants : j'ai écouté leurs paroles avec gratitude. L'accolade que j'ai échangée avec eux s'étend naturellement à vous tous.

 

Rencontrer des jeunes est, pour tous, bienfaisant ! Ils ont sans doute beaucoup de problèmes, mais ils portent en eux tant d'espérance, tant d'enthousiasme, tant d'envie de recommencer.

 

Chers jeunes, vous détenez en vous la dynamique de l'avenir.

 

Je vous invite à regarder celui-ci avec les yeux de l'apôtre Jean : « Alors j'ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle (...) et j'ai vu descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux. Et j'ai entendu la voix puissante qui venait du Trône divin ; elle disait : ‘Voici la demeure de Dieu avec les hommes' » (Ap 21, 1-3).

 

Chers amis, la présence de Dieu fait la différence. Cela se vérifie en commençant par la sereine intimité entre Dieu et le couple humain présent dans le jardin d'Éden, en passant par la gloire divine qui irradiait la Tente de la Rencontre plantée au milieu du peuple d'Israël durant la traversée du désert, jusqu'à l'Incarnation du Fils de Dieu qui s'est indissolublement uni à l'homme en Jésus Christ. Ce même Jésus reprend la traversée du désert humain en passant à travers la mort et parvient à la résurrection, entraînant avec lui l'humanité entière vers Dieu. Maintenant, Jésus ne se trouve plus situé dans les limites d'un lieu et d'un temps déterminé, mais son Esprit, l'Esprit Saint, vient de Lui et pénètre en nos cœurs, nous unissant ainsi avec Lui et par Lui avec le Père - avec le Dieu un et trine.

 

Oui, mes chers amis ! Dieu fait la différence... Qui plus est, Dieu nous rend différents, nous refait à neuf ! Telle est la promesse qu'il fait Lui-même : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). Et cela est vrai ! L'apôtre saint Paul nous le dit : « Si quelqu'un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2 Co 5, 17-18). Étant monté au ciel et étant entré dans l'éternité, Jésus Christ est devenu le Seigneur de tous les temps. C'est pourquoi, il peut se faire notre compagnon dans le présent, portant le livre de nos jours dans sa main : en elle, il tient fermement le passé, avec les sources et les fondements de notre être ; en elle, il garde jalousement notre avenir, en nous laissant apercevoir la plus belle aube qu'il fait lever sur notre vie, c'est-à-dire la résurrection en Dieu.

 

L'avenir de l'humanité nouvelle, c'est Dieu, et le commencement de tout cela, c'est son Église.

 

Quand vous en aurez la possibilité, lisez attentivement son histoire : vous vous rendrez compte avec surprise que l'Église, au cours des âges, ne vieillit pas ; elle devient au contraire de plus en plus jeune, parce qu'elle chemine vers le Seigneur, se rapprochant chaque jour de la seule et véritable source d'où jaillissent la jeunesse, la régénération, la force de la vie.

Amis qui m'écoutez, l'avenir, c'est Dieu. Comme nous l'avons entendu il y a peu, « il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n'existera plus ; il n'y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse ; car la première création aura disparu » (Ap 21, 4). En même temps, je vois présents ici - mais il y en a des milliers d'autres - de jeunes angolais qui sont mutilés à cause de la guerre et des mines, je pense aux torrents de larmes que tant de vous ont versé à cause de la perte de membres de vos familles, et il n'est pas difficile d'imaginer les sombres nuages qui couvrent encore le ciel de vos rêves les plus beaux...

 

Je lis dans vos cœurs un doute, que vous m'objectez : « C'est cela qui est notre réalité. Ce que tu nous dis, nous ne le voyons pas ! La promesse est garantie par Dieu - et nous y croyons -, mais quand Dieu se lèvera-t-il pour renouveler toutes choses ? »

 

La réponse de Jésus est la même que celle qu'il a faite à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? » (Jn 14, 1-2).

 

Mais vous, chers jeunes, vous insistez : « D'accord ! Mais quand cela adviendra-t-il ? » À une question semblable faite par ses apôtres, Jésus répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins (...) jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 7-8). Vous le voyez, Jésus ne nous laisse pas sans réponse ; il nous dit clairement une chose : le renouvellement commence en nous ; vous recevrez une force d'En-Haut. La force dynamique de l'avenir se trouve en vous.

Elle se trouve en nous... mais comment ? Tout comme la vie est à l'intérieur d'une semence : ainsi Jésus l'a-t-il expliqué, en un moment décisif de son ministère. Son ministère avait débuté dans l'enthousiasme, puisque les gens voyaient les malades guéris, les démons chassés, l'Évangile annoncé ; mais pour le reste, le monde tournait comme avant : les Romains dominaient encore, la vie était difficile dans la succession des jours, bien qu'il y ait eu ces signes et ces belles paroles. L'enthousiasme était allé en diminuant jusqu'à s'éteindre, au point que plusieurs disciples avaient abandonné le Maître (cf. Jn 6, 66), qui prêchait mais ne changeait pas le monde. Et tous se demandaient : au fond, quelle valeur ce message a-t-il ? Qu'est-ce que nous apporte ce Prophète de Dieu ? Alors, Jésus se mit à parler d'un semeur qui semait dans le champ du monde, et il expliqua ensuite que la semence était sa parole (cf. Mc 4, 3-20) et les guérisons qu'il avait opérées : en vérité peu de choses en regard des immenses besoins et difficultés de chaque jour. Et pourtant, dans la semence, l'avenir est présent, parce que la semence porte en elle le pain de demain, la vie de demain. La semence semble n'être presque rien, mais elle est la présence de l'avenir, elle est la promesse déjà tangible aujourd'hui ; quand elle tombe dans une bonne terre, elle fructifie trente, soixante et même parfois cent fois pour un.

Mes amis, vous êtes une semence jetée par Dieu sur la terre ; elle porte dans le cœur une force d'En-Haut, la force de l'Esprit Saint.

 

Cependant, pour passer de la promesse de vie au fruit, la seule voie possible est d'offrir sa vie par amour, et de mourir par amour. Jésus l'a dit lui-même : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd, celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle » (Jn 12, 24-25). Ainsi Jésus a-t-il parlé, et ainsi a-t-il vécu : sa crucifixion semble être un échec total, mais il n'en est rien ! Jésus, animé par la force de « l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tâche » (He 9, 14). Et de cette façon, tombé en terre, Il a pu donner du fruit en tout temps et tout au long du temps. Au milieu de vous se trouve le Pain nouveau, le Pain de la vie qui vient, la sainte Eucharistie qui nous nourrit et fait s'épanouir la vie trinitaire dans le cœur des hommes.

 

Chers jeunes, semences animées de la force de l'Esprit éternel lui-même, ouvrez-vous au feu de l'Eucharistie, dans laquelle se réalise le testament du Seigneur : Il se donne à nous et nous répondons en nous donnant aux autres par amour pour Lui. C'est là chemin de la vie ; mais il sera possible de le parcourir à la seule condition qu'existe un dialogue constant avec le Seigneur et un dialogue vrai entre vous. La culture sociale dominante ne vous aide pas à vivre la Parole de Jésus ni le don de vous-même auquel il vous appelle selon le dessein du Père. Chers amis, la force se trouve en vous, comme elle était en Jésus qui disait : « Le Père qui demeure en moi (...) accomplit ses propres œuvres (...) Celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père » (Jn 14, 10.12). N'ayez donc pas peur de prendre des décisions définitives. La générosité ne vous manque pas - je le sais ! Cependant, face au risque de s'engager pour toute la vie, que ce soit dans le mariage ou dans une consécration particulière, vous éprouvez de la crainte : « Le monde vit dans un mouvement continuel et la vie est riche de possibilités. Puis-je disposer aujourd'hui de ma vie alors que j'ignore les imprévus qu'elle me réserve ? Par une décision définitive, est-ce que je ne mets pas en jeu toute ma liberté et est-ce que je ne me lie pas les mains ? » Tels sont les doutes qui vous assaillent et la culture individualiste et hédoniste les renforce. Le résultat : vous ne vous décidez pas, et vous risquez ainsi de demeurer d'éternels enfants !

Je vous le dis : Courage ! Osez prendre des décisions définitives parce que ce sont les seules qui ne détruisent pas la liberté, mais qui lui donnent la juste orientation, en permettant d'avancer et de faire quelque chose de grand dans la vie. La vie n'a de valeur que si vous avez le courage de l'aventure et la certitude confiante que le Seigneur ne vous laissera jamais seuls. Jeunesse de l'Angola, libère en toi l'Esprit Saint, la force d'En-Haut ! Confiant en cette force, à l'image de Jésus, risque ce saut dans le « définitif » et, par lui, offre une chance à la vie ! Ainsi naîtront parmi vous des points, puis des oasis et enfin de grandes étendues de culture chrétienne, à travers laquelle deviendra visible cette « cité sainte, qui descend du ciel, d'auprès de Dieu, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux ». Voilà la vie qui mérite d'être vécue et que, de tout cœur, je vous souhaite. Vive la jeunesse de l'Angola !

 

 

5- le dimanche 22 mars.

 

 

Homélie de Benoît XVI lors de la Messe dominicale à Luanda

 

En présence de plus d’un million de fidèles

 

Nous publions ci-dessous le texte de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcée le dimanche  22 mars au cours de la messe qu'il célébra sur l'esplanade de Cimangola, à Luanda, en présence des évêques de l'IMBISA (Inter-regional Meeting of Bishops of Southern Africa).

 

 

Messieurs les Cardinaux,

Chers Frères dans l'Épiscopat et dans le sacerdoce,

Chers Frères et Sœurs dans le Christ,

 

« Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle » (Jn 3, 16). Ces paroles nous comblent de joie et d'espérance, nous qui attendons l'accomplissement des promesses de Dieu. C'est pour moi, en tant que Successeur de l'Apôtre Pierre, un motif de joie particulier de pouvoir célébrer aujourd'hui cette Messe avec vous, Frères et Sœurs venus des différentes régions de l'Angola, de São Tomé e Principe et de bien d'autres pays. Avec une grande affection, je salue dans le Seigneur les communautés catholiques de Luanda, Bengo, Cabinda, Benguela, Huambo, Huíla, Cuando Kubango, Kunene, Kwanza Norte, Kwanza Sul, Lunda Norte, Lunda Sul, Malanje, Namibe, Moxico, Uíge e Zaire.

 

Je salue d'une manière toute particulière mes Frères Évêques, les membres de l'Association interrégionale des Évêques de l'Afrique australe réunis autour de cet autel du Sacrifice du Seigneur. Je remercie le Président de la CEAST, Monseigneur Damião Franklin, pour ses aimables paroles de bienvenue, et en la personne de leurs Pasteurs, je salue tous les fidèles du Botswana, du Lesotho, du Mozambique, de Namibie, de l'Afrique du Sud, du Swaziland et du Zimbabwe.

 

La première lecture de ce jour résonne de manière particulière pour le Peuple de Dieu en Angola. C'est un message d'espérance adressé au Peuple élu dans son lointain exil, une invitation à retourner à Jérusalem pour y reconstruire le Temple du Seigneur. La description saisissante de la destruction et de la ruine causée par la guerre trouve un écho dans l'expérience personnelle de nombreuses de personnes de ce pays lors des terribles dévastations de la guerre civile. Qu'il est vrai de dire que la guerre peut détruire tout ce qui est précieux (cf. 2 Ch 36, 19) : des familles, des communautés entières, le fruit du travail des hommes, les espoirs qui guident et soutiennent leurs vies et leur travail ! Une telle expérience est malheureusement trop familière à l'Afrique tout entière : le pouvoir destructeur de la guerre civile, la chute vertigineuse dans le tourbillon de la haine et de la vengeance, le gaspillage des efforts de générations de personnes honnêtes. Lorsque la Parole de Dieu n'est plus écoutée - Parole qui a pour objectif de construire les personnes, les communautés et la famille humaine tout entière - et quand la Loi de Dieu est tournée en dérision et méprisée (cf. ibid., 16), il ne peut en résulter que destruction et injustice : l'humiliation de notre humanité commune et la trahison de notre vocation à être fils et filles du Père miséricordieux, frères et sœurs de son Fils bien-aimé.

 

Recueillons donc le réconfort qui nous vient des paroles de consolation que nous avons entendues dans la première lecture ! L'appel à faire retour et à reconstruire le Temple de Dieu a un sens particulier pour chacun de nous. Saint Paul, dont nous célébrons cette année le bimillénaire de la naissance, nous dit que « nous sommes le temple du Dieu vivant » (2 Co 6, 16). Comme nous le savons, Dieu demeure dans les cœurs de ceux qui mettent leur foi dans le Christ, qui sont « renés » par le Baptême et qui deviennent temple de l'Esprit Saint. Aujourd'hui encore, dans l'unité du Corps du Christ qui est l'Église, Dieu nous appelle à reconnaître la puissance de sa présence en nous, à faire nôtre de nouveau le don de son amour et de son pardon, et à devenir messagers de cet amour miséricordieux au sein de nos familles et de nos communautés, à l'école et sur nos lieux de travail, dans tous les secteurs de la vie sociale et politique.

Ici en Angola, ce dimanche a été désigné comme la journée de prière et de pénitence pour la réconciliation nationale.

 

L'Évangile nous enseigne que la réconciliation - une réconciliation vraie - ne peut être que le fruit d'une conversion, d'un changement du cœur, d'une nouvelle façon de penser. Il nous enseigne que seul le pouvoir de l'amour de Dieu peut changer nos cœurs et nous rendre plus forts que la puissance du péché et de la division. Quand nous étions « morts par suite de nos fautes » (cf. Ep 2, 5), son amour et sa miséricorde nous ont offert la réconciliation et la vie nouvelle dans le Christ. C'est là le cœur de l'enseignement de l'Apôtre Paul, et il est important de nous souvenir que seule la grâce de Dieu peut créer en nous un cœur nouveau ! Seul son amour peut changer notre « cœur de pierre » (Ez 11, 19) et nous rendre capable de construire plutôt que de démolir. Seul Dieu peut faire toutes choses nouvelles !

 

Je suis venu en Afrique précisément pour annoncer ce message de pardon, d'espérance et d'une vie nouvelle dans le Christ.

 

Il y a trois jours, à Yaoundé, j'ai eu la joie de rendre publique l'Instrumentum laboris de la Deuxième Assemblée Spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques, qui sera consacrée au thème : L'Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Je vous demande aujourd'hui de prier, en union avec nos frères et sœurs de toute l'Afrique, pour cette intention : que chaque chrétien, sur ce grand continent, expérimente l'action recréatrice de l'amour miséricordieux de Dieu et que l'Église en Afrique devienne « pour tous le lieu d'une authentique réconciliation, grâce au témoignage rendu par ses fils et ses filles » (Ecclesia in Africa, n. 79).

 

Chers amis, tel est le message que le Pape vous apporte ainsi qu'à vos enfants. De l'Esprit Saint, vous avez reçu la force d'être les bâtisseurs d'un avenir meilleur pour votre pays bien-aimé. Dans le Baptême, l'Esprit vous a été donné pour être les hérauts du Royaume de Dieu, règne de vie et de vérité, de grâce et de sainteté, de justice, d'amour et de paix (cf. Missel Romain, Préface du Christ Roi de l'univers). Au jour de votre Baptême, vous avez reçu la lumière du Christ. Soyez fidèles à ce don, certains que l'Évangile peut affermir, purifier et ennoblir les profondes valeurs humaines présentes dans votre culture d'origine et dans vos traditions : l'unité de la famille, le profond sens religieux, la célébration joyeuse du don de la vie, la considération pour la sagesse des anciens et pour les aspirations de la jeunesse. Enfin, soyez reconnaissants pour la lumière du Christ ! Manifestez de la gratitude envers ceux qui vous l'ont apportée : des générations et des générations de missionnaires qui ont tant contribué et qui continuent de contribuer au développement humain et spirituel de ce Pays. Soyez reconnaissants pour le témoignage de tant de parents et d'enseignants chrétiens, de catéchistes, de prêtres, de religieuses et de religieux, qui ont sacrifié leur vie pour vous transmettre ce trésor précieux ! Affrontez le défi que ce patrimoine vous impose. Prenez conscience que l'Église, en Angola et partout en Afrique, a le devoir d'être, devant le monde, un signe de cette unité à laquelle l'humanité entière est appelée par la foi au Christ rédempteur.

Dans l'Évangile d'aujourd'hui, les paroles que Jésus énonce ne laissent pas indifférent : il nous dit que le jugement de Dieu sur le monde a déjà été prononcé (cf. Jn 3, 19ss). La lumière est déjà venue dans le monde. Mais les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Combien sont épaisses les ténèbres en de nombreuses régions du monde ! De façon tragique, les sombres nuages du mal ont aussi assombri l'Afrique, y compris cette nation bien-aimée, l'Angola. Nous pensons au fléau de la guerre, aux conséquences cruelles du tribalisme et des rivalités ethniques, à la cupidité qui corrompt le cœur de l'homme, réduit en esclavage les pauvres et prive les générations futures des ressources dont elles auront besoin pour créer une société plus solidaire et plus juste - une société vraiment et authentiquement africaine dans son génie et dans ses valeurs. Et que dire de l'égoïsme insidieux qui fait se replier les individus sur eux-mêmes, divise les familles et, supplantant les grands idéaux de générosité et de dévouement, conduit inévitablement à l'hédonisme, à la fuite vers de faux paradis à travers l'usage de la drogue, à l'irresponsabilité sexuelle, à l'affaiblissement du lien matrimonial, à la destruction des familles et à l'élimination de vies humaines innocentes par l'avortement.

 

Cependant, la parole de Dieu est une parole d'espérance sans limite. En effet, « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique... pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 16-17). Dieu ne nous donne jamais pour perdus ! Il continue de nous inviter à lever les yeux vers un avenir d'espérance et il nous promet la force pour le concrétiser. Comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture d'aujourd'hui, Dieu nous a créés dans le Christ Jésus pour mener une vie juste, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous (cf. Ep 2, 10). Il nous a donnés ses commandements, non comme un fardeau, mais comme une source de liberté : la liberté de devenir des femmes et de hommes pleins de sagesse, des maîtres de justice et de paix, des gens qui ont confiance dans les autres et qui recherchent leur véritable bien. Dieu nous a créés pour vivre dans la lumière et pour être lumière pour le monde autour de nous ! C'est ce que Jésus nous dit dans l'Évangile d'aujourd'hui : «Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu » (Jn 3, 21).

« Vivez donc selon la vérité ! » Rayonnez la lumière de la foi, de l'espérance et de l'amour dans vos familles et dans vos communautés ! Soyez témoins de la sainte vérité qui rend les hommes et les femmes libres ! Vous savez, de par une amère expérience, que face à la fureur inattendue et destructrice du mal, le travail de reconstruction est douloureusement lent et dur. Cela nécessite temps, effort et persévérance. Ce travail doit commencer dans nos cœurs, dans les petits sacrifices quotidiens requis pour être fidèles à la loi de Dieu, dans les petits gestes par lesquels nous manifestons que nous aimons notre prochain - notre prochain quelle que soit sa race, son ethnie ou sa langue - dans la disponibilité à collaborer avec lui pour construire ensemble sur des bases durables. Faites en sorte que vos paroisses deviennent des communautés où la lumière de la vérité de Dieu et le pouvoir de l'amour du Christ qui réconcilie ne soient pas seulement célébrés, mais vécus dans les œuvres concrètes de la charité. N'ayez pas peur ! Même si cela signifie être « signe de contradiction » (Lc 2, 34) face à des attitudes de dureté et à une mentalité qui considère les autres comme des instruments à manipuler plutôt que comme des frères et des sœurs à aimer, à respecter et à aider sur le chemin de la liberté, de la vie et de l'espérance.

 

Permettez-moi de terminer en m'adressant en particulier aux jeunes de l'Angola et à tous les jeunes de l'Afrique. Chers jeunes, vous êtes l'espérance et l'avenir de votre Pays, la promesse d'un lendemain meilleur ! Commencez dès aujourd'hui à grandir dans l'amitié avec Jésus, qui est « le chemin, la vie et la vérité » (Jn 14, 6) : une amitié nourrie et approfondie par une prière humble et persévérante. Cherchez la volonté qu'il a sur vous, en écoutant quotidiennement sa Parole et en laissant sa loi façonner votre vie et vos relations. Ainsi, vous deviendrez de sages et généreux prophètes de l'amour salvifique de Dieu ; vous deviendrez les évangélisateurs de vos compagnons, les conduisant par votre exemple à apprécier la beauté et la vérité de l'Évangile et les orientant vers l'espérance d'un avenir modelé par les valeurs du Royaume de Dieu. L'Église a besoin de votre témoignage ! N'ayez pas peur de répondre généreusement à l'appel de Dieu à le servir, que ce soit comme prêtres, religieuses ou religieux, comme parents chrétiens ou bien encore à travers tant d'autres formes de service que l'Église vous propose.

Chers frères et sœurs ! À la fin de la première lecture d'aujourd'hui, Cyrus, roi de Perse, inspiré par Dieu, enjoint au Peuple élu de retourner sur sa terre bien-aimée et de reconstruire le Temple du Seigneur. Que ces paroles du Seigneur soient un appel au peuple de Dieu tout entier, ici en Angola et dans toute l'Afrique australe : Levez-vous ! Prenez la route (cf. 2 Ch 36, 23). Regardez l'avenir avec espérance, ayez confiance dans les promesses de Dieu et vivez dans sa vérité. De cette façon, vous construirez quelque chose qui est destiné à subsister et vous laisserez aux générations futures un héritage durable de réconciliation, de justice et de paix. Amen.

 

6- le dimanche 22 mars dans l’après midi.

 

Discours de Benoît XVI sur la promotion de la femme

 

Nous publions ci-dessous le texte du discours que le pape Benoît XVI a prononcé le dimanche 22 mars après-midi au cours de sa rencontre avec des représentants de mouvements catholiques engagés dans la promotion de la femme. La rencontre s'est déroulée dans une paroisse de la périphérie de Luanda..

 

 

Chers frères et sœurs,

 

« Ils n'ont plus de vin » - disait Marie en suppliant Jésus, afin que les noces puissent continuer dans la fête, comme il se doit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc jeûner pendant que l'Époux est avec eux ? » (Mc 2, 19). Puis la Mère de Jésus s'approcha des serviteurs pour leur recommander : « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2, 5). Cette médiation maternelle rendit possible le « bon vin », prémonitoire d'une nouvelle alliance entre la toute-puissance divine et le cœur humain, pauvre mais disponible. C'est d'ailleurs ce qui s'était déjà produit dans le passé quand - nous l'avons entendu dans la première lecture - « le peuple tout entier répondit d'une seule voix : "Tout ce qu'a dit le Seigneur, nous le ferons." » (Ex 19, 8).

 

Ces mêmes paroles jaillissent du cœur de ceux qui sont ici réunis, dans l'église Saint-Antoine, édifiée grâce à l'œuvre missionnaire méritoire des Frères mineurs capucins, qui la voulurent comme une nouvelle Tente pour l'Arche de l'Alliance, signe de la présence de Dieu au milieu du peuple en marche. Sur eux et sur tous ceux qui collaborent et qui bénéficient de l'assistance religieuse et sociale qui y est donnée, le Pape invoque une bienveillante et encourageante bénédiction. Je salue affectueusement chacune des personnes présentes : Évêques, prêtres, personnes consacrées et, de façon particulière, vous, les fidèles laïcs qui accomplissez consciemment les devoirs d'engagement et de témoignage chrétien qui découlent du sacrement du Baptême et pour les époux, du sacrement du Mariage. En raison du motif qui nous réunit ici, j'adresse une salutation pleine d'affection et d'espérance aux femmes auxquelles Dieu a confié les sources de la vie : vivez et misez tout sur la vie, parce que le Dieu vivant a misé sur vous ! Avec reconnaissance, je salue les responsables et les animateurs des Mouvements ecclésiaux qui ont à cœur, entre autres, la promotion de la femme angolaise. Je remercie Monseigneur José de Queirós Alves et vos représentants pour les paroles qu'ils m'ont adressées, soulignant les préoccupations et les espérances des nombreuses femmes héroïques et silencieuses de cette Nation bien-aimée.

 

Je vous exhorte tous à une réelle prise de conscience des conditions défavorables auxquelles ont été - et continuent d'être - soumises de nombreuses femmes, en examinant dans quelle mesure la conduite des hommes, leur manque de sensibilité ou de responsabilité peuvent en être la cause. Les desseins de Dieu sont autres. Nous avons entendu dans la lecture que tout le peuple répondit d'une même voix : « Tout ce qu'a dit le Seigneur, nous le ferons. » (Ex 19, 8). L'Écriture Sainte dit que le Créateur divin, en examinant l'œuvre qu'il avait accomplie, découvrit que quelque chose manquait : tout aurait été bon, si l'homme n'avait pas été seul ! Comment l'homme seul pouvait-il être à l'image et à la ressemblance de Dieu qui est un et trine, de Dieu qui est communion ? « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra ». Et après que l'homme a cherché longuement dans la création sans résultat (cf. Gn 2, 18-20), Dieu se mit de nouveau à l'œuvre pour créer l'aide qui lui manquait, et le gratifia de façon privilégiée en introduisant l'ordre de l'amour, qu'il ne voyait pas suffisamment représenté dans la création.

 

Comme vous le savez, frères et sœurs, cet ordre de l'amour appartient à la vie intime de Dieu lui-même, à la vie trinitaire, l'Esprit Saint étant l'hypostase personnelle de l'amour. Or, « conformément au dessein éternel de Dieu - comme disait le regretté Pape Jean-Paul II -, la femme est celle en qui l'ordre de l'amour dans le monde créé des personnes trouve le lieu de son premier enracinement » (Lettre Apostolique Mulieris dignitatem, n. 29). En effet, en voyant le charme fascinant qui émane de la femme de par la grâce intime que Dieu lui a donnée, le cœur de l'homme s'éclaire et se retrouve en elle : « Cette fois-ci, voilà l'os de mes os et la chair de ma chair » (Gn 2, 23). La femme est un autre « moi » dans l'humanité commune. Il faut reconnaître, affirmer et défendre l'égale dignité de l'homme et de la femme : tous les deux sont des personnes, à la différence de tout autre être vivant dans le monde autour d'eux.

 

Tous les deux sont appelés à vivre en profonde communion, dans une reconnaissance mutuelle et un don de soi réciproque, travaillant ensemble pour le bien commun avec les caractéristiques complémentaires de ce qui est masculin et de ce qui est féminin. Aujourd'hui, qui ne perçoit le besoin d'accorder plus de place aux « raisons du cœur » ? Dans une civilisation comme la nôtre, dominée par la technique, on ressent le besoin de cette complémentarité de la femme, afin que l'être humain puisse y vivre sans se déshumaniser complètement. Il suffit de penser aux terres où règne la pauvreté, aux régions dévastées par la guerre, à de nombreuses situations dramatiques découlant des migrations forcées ou non... Ce sont presque toujours les femmes qui y maintiennent intacte la dignité humaine, défendent la famille et sauvegardent les valeurs culturelles et religieuses.

 

Chers frères et sœurs, l'histoire mentionne presque exclusivement les conquêtes des hommes, alors qu'en réalité une part très importante est due à des actions déterminantes, persévérantes et utiles accomplies par des femmes.

 

Parmi de nombreuses femmes extraordinaires, laissez-moi vous parler de deux d'entre elles : Teresa Gomes et Maria Bonino.

 

La première, Angolaise, est décédée en 2004 dans la ville de Sumba, après une vie conjugale heureuse, dont sont nés sept enfants. Sa foi chrétienne a été solide et son zèle apostolique admirable, surtout au cours des années 1975 et 1976, quand une propagande idéologique et politique féroce s'est abattue sur la paroisse Notre-Dame des Grâces de Porto Amboim, arrivant presque à faire fermer les portes de l'église. Teresa se mit alors à la tête des fidèles qui n'abdiquaient pas face à cette situation, les soutenant, protégeant courageusement les structures paroissiales et recherchant toutes les voies possibles pour que la Messe soit à nouveau célébrée. Son amour pour l'Église la rendit infatigable dans l'œuvre de l'évangélisation, sous la conduite des prêtres.

 

Quant à Maria Bonino, pédiatre italienne, elle s'est proposée comme volontaire pour différentes missions en cette Afrique bien-aimée, et elle est devenue responsable du service pédiatrique de l'hôpital provincial d'Uíge durant les deux derrières années de sa vie. Se consacrant aux soins quotidiens de milliers d'enfants qui y étaient hospitalisés, Marie dût payer par le sacrifice le plus haut le service qui y était rendu durant une terrible épidémie de fièvre hémorragique de Marbourg, finissant par être elle-même contaminée. Transférée à Luanda, c'est ici qu'elle est décédée et qu'elle repose depuis le 24 mars 2005. Demain, ce sera le quatrième anniversaire de sa mort. L'Église et la société humaine ont été - et continuent à être - grandement enrichies par la présence et par les vertus des femmes, en particulier de celles qui se sont consacrées au Seigneur et qui, en fondant leur vie sur Lui, se sont mises au service des autres.

 

Chers Angolais, aujourd'hui personne ne devrait plus douter du fait que les femmes, sur la base de leur égale dignité avec les hommes, ont « tout à fait le droit de jouer un rôle actif dans tous les secteurs de la vie publique, et leur droit doit être affirmé et défendu, y compris par des instruments juridiques lorsque cela se révèle nécessaire. La reconnaissance du rôle public des femmes ne doit pas diminuer pour autant leur rôle irremplaçable à l'intérieur de la famille : leur contribution au bien et au progrès de la société a là une valeur réellement inestimable, même si elle est peu considérée » (Message pour la Journée Mondiale de la Paix 1995, n. 9). Toutefois, au niveau personnel, la femme fait l'expérience de sa dignité non pas comme le résultat de l'affirmation de droits sur le plan juridique, mais plutôt comme la conséquence directe des attentions matérielles et spirituelles reçues au sein de la famille. La présence maternelle dans la famille est tellement importante pour la stabilité et la croissance de cette cellule fondamentale de la société, qu'elle devrait être reconnue, louée et soutenue par tous les moyens possibles. Et, pour le même motif, la société doit rappeler aux maris et aux pères leurs responsabilités à l'égard de leur propre famille.

Chères familles, vous vous êtes certainement rendu compte qu'aucun couple humain ne peut à lui seul, uniquement par ses propres forces, donner de façon adéquate à ses enfants l'amour et le sens de la vie. En effet, pour pouvoir dire à quelqu'un : « Ta vie est bonne, bien que je n'en connaisse pas l'avenir », il faut une autorité et une crédibilité plus grandes que celles que les parents peuvent avoir à eux seuls. Les chrétiens savent que cette plus grande autorité a été confiée à cette famille plus large que, par son Fils Jésus Christ et par le don de l'Esprit Saint, Dieu a créée dans l'histoire des hommes, c'est-à-dire à l'Église. Nous voyons ici à l'œuvre cet Amour éternel et indestructible qui assure un sens permanent à la vie de chacun de nous, même si nous n'en connaissons pas l'avenir. C'est pourquoi la construction de chaque famille chrétienne advient au sein de cette famille plus grande qu'est l'Église, qui la soutient et la serre sur son cœur, en garantissant que se pose sur elle, maintenant et à l'avenir, le « oui » du Créateur.

 

« Ils n'ont plus de vin » - dit Marie à Jésus. Chères femmes angolaises, prenez-la comme votre Avocate auprès du Seigneur. C'est ainsi que nous la connaissons depuis les noces de Cana : comme la Femme bienveillante, pleine de sollicitude maternelle et de courage, la Femme qui perçoit les besoins des autres et, voulant y remédier, les porte devant le Seigneur. Auprès d'Elle, nous pouvons tous, femmes et hommes, retrouver la sérénité et la confiance intime qui nous font nous sentir heureux en Dieu et infatigables dans la lutte pour la vie. Puisse la Vierge de Muxima être l'Étoile de votre vie ! Qu'elle vous garde unis dans la grande famille de Dieu ! Amen.

 

 

7- Le  lundi matin 23 mars

 

Discours de Benoît XVI  avant de quitter le sol de l'Angola, le lundi matin, 23 mars, à l'aéroport de Luanda, après sept jours en terre africaine. 

 

Monsieur le Président de la République

Mesdames, Messieurs qui représentez les Autorités civiles, militaires et ecclésiastiques, 

Chers frères et sœurs dans le Christ, 

Chers amis Angolais, 

 

Monsieur le Président, très sensible à la présence de Votre Excellence au moment de mon départ, je tiens à vous exprimer ma satisfaction et ma gratitude pour l'accueil de choix que vous m'avez réservé ainsi que pour les dispositions prises pour faciliter le déroulement des diverses rencontres que j'ai eu la joie de vivre. Aux Autorités civiles et militaires comme aux Pasteurs et aux responsables des communautés et Institutions ecclésiales qui ont participé à ces rencontres, j'adresse mes remerciements les plus cordiaux pour la gentillesse avec laquelle ils ont voulu honorer ma personne au cours des journées que j'ai passées parmi vous. Je dois aussi exprimer ma reconnaissance aux agents des moyens de communication sociale, aux membres des services de sécurité et à tous les volontaires qui, avec générosité, efficacité et discrétion, ont contribué à la bonne réussite de ma visite. 

Je remercie Dieu d'avoir trouvé une Église vivante et, malgré les difficultés, pleine d'enthousiasme, qui a su se charger de sa croix et de celle des autres, portant témoignage devant tous de la force salvifique du message de l'Évangile. Elle continue d'annoncer que le temps de l'espérance est arrivé, s'engageant à pacifier les esprits et invitant à pratiquer une charité fraternelle qui sait s'ouvrir à l'accueil de tous, dans le respect des idées et des sentiments de chacun. Le moment est venu de vous saluer et de repartir à Rome, triste de devoir vous quitter, mais content d'avoir rencontré un peuple courageux et décidé à renaître. Malgré les résistances et les obstacles, ce peuple veut construire son avenir en passant par les sentiers du pardon, de la justice et de la solidarité. 

Qu'il me soit permis de faire ici un appel final. Je voudrais demander que la réalisation légitime des aspirations fondamentales des populations les plus démunies constitue la préoccupation principale de ceux qui assument les charges publiques, car leur intention - j'en suis sûr - est d'accomplir la mission qu'ils ont reçue non pour eux-mêmes mais en vue du bien commun. Notre cœur ne peut être tranquille tant que des frères souffrent à cause du manque de nourriture, de travail, de maison ou d'autres biens primordiaux. Pour arriver à apporter une réponse concrète à nos frères humains, le premier défi à relever est celui de la solidarité : solidarité entre les générations, solidarité entre les Nations et entre les Continents, qui engendre un partage toujours plus équitable des ressources de la terre entre tous les hommes. 

Et, depuis Luanda, j'élargis mon regard à toute l'Afrique, lui donnant rendez-vous au mois d'octobre prochain, à la Cité du Vatican, lorsque nous nous réunirons pour la deuxième Assemblée Spéciale du Synode des Évêques, consacrée à ce Continent, où le Verbe incarné en personne a trouvé refuge. Je prie Dieu aujourd'hui de faire sentir sa protection et son aide aux réfugiés et aux expatriés sans nombre qui errent en attendant de retourner chez eux. Le Dieu du Ciel leur répète : « Même si ta mère t'oubliait, moi, je ne t'oublierai jamais » (cf. Is 49, 15). C'est en tant que fils et filles que Dieu vous aime. Il veille sur vos jours et sur vos nuits, ainsi que sur vos efforts et sur vos aspirations. 

Frères et amis d'Afrique, chers Angolais, courage ! Ne vous lassez pas de faire progresser la paix, en accomplissant des gestes de pardon et en travaillant pour la réconciliation nationale, afin que jamais la violence ne prévale sur le dialogue, la peur et le découragement sur la confiance, la rancœur sur l'amour fraternel. Cela sera possible, si vous vous reconnaissez les uns les autres comme fils du même et unique Père du Ciel. Que Dieu bénisse l'Angola ! Qu'il bénisse chacun de ses fils et filles ! Qu'il bénisse le présent et l'avenir de cette Nation bien aimée. Adieu !