de
Chrétienté
N°
173
Au 17 avril 2009
L’enseignement du Pape durant
A la messe
Chrismale
Nous publions ci-dessous le texte intégral de l'homélie que le pape Benoît XVI a prononcé le jeudi matin, 9 avril, dans la basilique Saint-Pierre, au cours de la messe chrismale.
Chers frères et sœurs,
Au Cénacle, la veille de sa passion, le Seigneur a prié pour ses disciples réunis autour de Lui, regardant en même temps par avance vers la communauté des disciples de tous les temps, vers « ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi » (Jn 17, 20). Dans sa prière pour tous ses disciples de tous les temps, il a pensé aussi à nous et il a prié pour nous. Ecoutons ce qu'il demande pour les Douze et pour nous qui sommes réunis ici : « Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi consacrés par la vérité » (Jn 17, 17ss). Le Seigneur demande notre sanctification, notre sanctification dans la vérité. Et il nous envoie pour continuer sa propre mission. Mais il y a dans cette prière une phrase qui attire notre attention, qui nous semble peu compréhensible. Jésus dit : « Pour eux je me consacre moi-même ». Qu'est-ce que cela signifie ? En soi, Jésus n'est-il pas « le Saint de Dieu », comme Pierre l'a déclaré à un moment décisif à Capharnaüm (cf. Jn 6, 69) ? Comment peut-il à présent se consacrer, c'est-à-dire se sanctifier lui-même ?
Pour le comprendre, nous devons surtout expliquer ce que
veulent dire dans
A présent seulement, nous pouvons comprendre pleinement la prière que le Seigneur a présentée à son Père pour les disciples - pour nous. « Consacre-les par la vérité » : c'est là l'entrée des apôtres dans le sacerdoce de Jésus Christ, l'institution de son sacerdoce nouveau pour la communauté des fidèles de tous les temps. « Consacre-les par la vérité » : c'est là la véritable prière de consécration pour les apôtres. Le Seigneur demande que Dieu lui-même les attire à lui, dans sa sainteté. Il Lui demande de les soustraire à eux-mêmes et de les faire siens, afin que, à partir de Lui, ils puissent remplir leur service sacerdotal pour le monde. Cette prière de Jésus apparaît deux fois sous une forme légèrement modifiée. Les deux fois, nous devons l'écouter avec beaucoup d'attention pour commencer à comprendre au moins un peu le fait sublime qui est en train de s'accomplir. « Consacre-les par la vérité ». Jésus ajoute : « Ta parole est vérité ». Les disciples sont donc attirés dans l'intimité de Dieu par leur immersion dans la parole de Dieu. La parole de Dieu est, pour ainsi dire, le bain qui les purifie, le pouvoir créateur qui les transforme dans l'être de Dieu. Qu'en est-il alors dans notre vie ? Sommes-nous vraiment imprégnés de la parole de Dieu ? Est-elle vraiment la nourriture qui nous fait vivre, plus encore que le pain et les choses de ce monde ? La connaissons-nous vraiment ? L'aimons-nous ? Intérieurement, nous préoccupons-nous de cette parole au point qu'elle façonne réellement notre vie et informe notre pensée ? Ou bien notre pensée n'est-elle pas plutôt sans cesse modelée sur tout ce qui se dit et tout ce qui se fait ? Les opinions prédominantes ne sont-elles pas très souvent les critères sur lesquels nous nous basons ? Ne demeurons-nous pas, en fin de compte, dans la superficialité de tout ce qui s'impose en général à l'homme d'aujourd'hui ? Nous laissons-nous vraiment purifier dans notre for intérieur par la parole de Dieu ? Nietzsche a décrit ironiquement l'humilité et l'obéissance comme des vertus serviles, par lesquelles les hommes auraient été diminués. Il a mis à leur place la fierté et la liberté absolue de l'homme. Or, il y a des caricatures d'une humilité erronée et d'une soumission erronée, que nous ne voulons pas imiter. Mais il y a aussi l'orgueil destructeur et la présomption qui désintègrent toute communauté et aboutissent à la violence. Savons-nous apprendre du Christ la juste humilité qui correspond à la vérité de notre être, et l'obéissance qui se soumet à la vérité, à la volonté de Dieu ? « Consacre-les par la vérité ; ta parole est vérité » : ces mots qui introduisent dans le sacerdoce éclairent notre vie et nous appellent à devenir toujours à nouveau disciples de cette vérité, qui se révèle dans la parole de Dieu.
Dans l'interprétation de cette phrase nous pouvons faire
encore un pas de plus. Jésus n'a-t-il pas dit de lui-même : « Je suis la vérité
» (cf. Jn 14. 6) ? Est-ce qu'il n'est pas lui-même
Etre plongés dans
Etre plongés dans la vérité et ainsi dans la sainteté de Dieu, cela signifie pour nous accepter aussi le caractère exigeant de la vérité ; s'opposer, dans les grandes choses comme dans les petites au mensonge, qui de manière extrêmement variée est présent dans le monde ; accepter le combat pour la vérité, parce que sa joie la plus profonde est présente en nous. Quand nous parlons d'être consacrés par la vérité, nous ne devons pas non plus oublier qu'en Jésus Christ vérité et amour sont une seule réalité. Etre plongés en Lui signifie être plongés dans sa bonté, dans l'amour vrai. L'amour vrai ne se trouve pas à bon marché, il peut même être très exigeant. Il oppose résistance au mal, pour conduire l'homme vers le bien véritable. Si nous devenons un avec le Christ, nous apprenons à Le reconnaître dans ceux qui souffrent, dans les pauvres, dans les petits de ce monde ; alors nous devenons des personnes qui servent, qui reconnaissent les frères et sœurs du Christ et qui en eux le rencontrent Lui-même.
« Consacre-les par la vérité » - c'est la première partie de cette parole de Jésus. Mais il ajoute après : « Pour eux, je me consacre moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité » - c'est-à-dire authentiquement (Jn 17, 19). Je pense que cette deuxième partie a une signification particulière. Il existe dans les diverses religions dans le monde de multiples modes rituels de « sanctification », de consécration d'une personne humaine. Mais tous ces rites peuvent rester à un niveau purement formel. Le Christ demande pour ses disciples la vraie sanctification, qui transforme leur être, qui les transforme eux-mêmes ; que cela ne reste pas purement rituel, mais soit une véritable appropriation par le Dieu saint. Nous pourrions dire encore : le Christ a demandé pour nous le Sacrement qui nous touche dans les profondeurs de notre être. Mais il a prié aussi pour que cette transformation qui s'accomplit jour après jour en nous se traduise en vie ; il a prié pour que dans notre vie quotidienne, dans le concret de notre vie de chaque jour, nous soyons vraiment envahis par la lumière de Dieu.
A la veille de mon Ordination sacerdotale, il y a 58 ans,
j'ai ouvert
A
- Nous publions ci-dessous le texte intégral de l'homélie
que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de la messe de
Chers frères et sœurs,
Qui, pridie quam pro nostra omniumque salute pateretur,
hoc est hodie, accepit panem : ainsi dirons-nous aujourd'hui dans le Canon
de
En premier lieu, il est frappant que le récit de
l'institution ne soit pas une phrase autonome, mais qu'il débute par un pronom
relatif : qui pridie. Ce « qui » rattache le récit
entier aux paroles précédentes de la prière, « ... qu'elle devienne pour
nous le corps et le sang de ton Fils bien-aimé, Jésus Christ, notre
Seigneur ». De cette façon, le récit de l'institution est lié à la prière
précédente, à l'ensemble du Canon, et il devient lui-même une prière. Ce n'est
pas simplement un récit qui est ici inséré, et il ne s'agit pas davantage de
paroles d'autorité indépendantes, qui viendraient interrompre la prière. C'est
une prière. C'est seulement dans la prière que s'accomplit l'acte sacerdotal de
la consécration qui devient transformation, transsubstantiation de nos dons du
pain et du vin dans le Corps et le Sang du Christ. En priant, en cet instant
central, l'Église est en accord total avec l'événement du Cénacle, puisque
l'agir de Jésus est décrit par ces mots : « gratias agens
benedixit - il rendit grâce par la prière de bénédiction ». Par cette
expression,
Il y a une autre particularité dans le récit de
l'institution rapporté dans le Canon romain, que nous voulons méditer en ce
moment. L'Église priante regarde les mains et les yeux du Seigneur. Elle veut
comme l'observer, elle veut percevoir le geste de sa prière et de son agir en
cette heure singulière, rencontrer la figure de Jésus, pour ainsi dire, même à
travers ses sens. "Il prit le pain dans ses mains très saintes...".
Regardons ces mains avec lesquelles il a guéri les hommes; les mains avec
lesquelles il a béni les enfants; les mains, qu'il a imposées aux hommes; les
mains qui ont été clouées à
De l'introduction à la prière sacerdotale de Jésus (cf. Jn 17, 1), le Canon reprend les paroles suivantes: "Les yeux levés au ciel, vers toi, Dieu, son Père tout-puissant..." Le Seigneur nous enseigne à lever les yeux et surtout le cœur. À élever le regard, le détachant des choses du monde, à nous orienter vers Dieu dans la prière et ainsi à nous relever. Dans une hymne de la prière des heures nous demandons au Seigneur de garder nos yeux, afin qu'ils n'accueillent pas et ne laissent pas entrer en nous les "vanitates" - les vanités, les futilités, ce qui est seulement apparence. Nous prions pour qu'à travers nos yeux n'entre pas en nous le mal, falsifiant et salissant ainsi notre être. Mais nous voulons surtout prier pour avoir des yeux qui voient tout ce qui est vrai, lumineux et bon; afin que nous devenions capables de voir la présence de Dieu dans le monde. Nous prions afin que nous regardions le monde avec des yeux d'amour, avec les yeux de Jésus, reconnaissant ainsi les frères et les sœurs, qui ont besoin de nous, qui attendent notre parole et notre action.
En bénissant, le Seigneur rompit ensuite le pain et le distribua à ses disciples. Rompre le pain est le geste du père de famille qui se préoccupe des siens et leur donne ce dont ils ont besoin pour la vie. Mais c'est aussi le geste de l'hospitalité par lequel l'étranger, l'hôte est accueilli dans la famille et il lui est consenti de prendre part à sa vie. Partager - partager avec, c'est unir. Par le fait de partager une communion se crée. Dans le pain rompu, le Seigneur se distribue lui-même. Le geste de rompre fait aussi mystérieusement allusion à sa mort, à son amour jusqu'à la mort. Il se distribue lui-même, le vrai "pain pour la vie du monde" (cf. Jn 6, 51). La nourriture dont l'homme a besoin au plus profond de lui-même est la communion avec Dieu lui-même. Rendant grâce et bénissant, Jésus transforme le pain, il ne donne plus du pain terrestre, mais la communion avec lui-même. Cette transformation, cependant, veut être le commencement de la transformation du monde. Afin qu'il devienne un monde de résurrection, un monde de Dieu. Oui, il s'agit d'une transformation. De l'homme nouveau et du monde nouveau qui prennent leur commencement dans le pain consacré, transformé, transsubstantié.
Nous avons dit que le fait de rompre le pain est un geste de communion, d'union par le fait de partager. Ainsi, dans le geste même est déjà indiquée la nature profonde de l'Eucharistie: elle est agape, elle est amour rendu corporel. Dans le mot "agape" les significations d'Eucharistie et d'amour s'interpénètrent. Dans le geste de Jésus qui rompt le pain, l'amour auquel nous participons a atteint sa radicalité extrême: Jésus se laisse rompre comme pain vivant. Dans le pain distribué nous reconnaissons le mystère du grain de blé, qui meurt et qui ainsi porte du fruit. Nous reconnaissons la nouvelle multiplication des pains, qui vient de la mort du grain de blé et qui continuera jusqu'à la fin du monde. En même temps nous voyons que l'Eucharistie ne peut jamais être seulement une action liturgique. Elle est complète seulement si l'agape liturgique devient amour dans le quotidien. Dans le culte chrétien les deux choses deviennent une - le fait d'être comblés par le Seigneur dans l'acte cultuel et le culte de l'amour à l'égard du prochain. Demandons en ce moment au Seigneur la grâce d'apprendre à vivre toujours mieux le mystère de l'Eucharistie si bien que de cette façon la transformation du monde trouve son commencement.
Après le pain, Jésus prend la coupe remplie de vin. Le Canon
romain qualifie la coupe que le Seigneur donne à ses disciples, de "praeclarus
calix" (de coupe glorieuse), faisant allusion ainsi au Psaume 22
[23], ce Psaume qui parle de Dieu comme du Pasteur puissant et bon. On y lit:
"Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis... ma coupe est
débordante" - calix praeclarus. Le Canon romain interprète ces
paroles du Psaume comme une prophétie qui se réalise dans l'Eucharistie:
Oui, le Seigneur nous prépare la table au milieu des menaces de ce monde, et il
nous donne la coupe glorieuse - la coupe de la grande joie, de la vraie fête, à
laquelle tous nous aspirons ardemment - la coupe remplie du vin de son amour.
La coupe signifie les noces : maintenant est arrivée l'«heure », à
laquelle les noces de Cana avaient fait allusion de façon mystérieuse. Oui,
l'Eucharistie est plus qu'un banquet, c'est un festin de noces. Et ces noces se
fondent dans l'auto-donation de Dieu jusqu'à la mort. Dans les paroles de la
dernière Cène de Jésus et dans le Canon de l'Église, le mystère solennel des
noces se cache sous l'expression « novum Testamentum ». Cette
coupe est le nouveau Testament - « la nouvelle Alliance en mon
sang », tel que Paul rapporte les paroles de Jésus sur la coupe dans la
deuxième lecture d'aujourd'hui (1 Co 11, 25). Le Canon romain
ajoute : « de l'alliance nouvelle et éternelle » pour exprimer
l'indissolubilité du lien nuptial de Dieu avec l'humanité. Le motif pour lequel
les anciennes traductions de
Pour pouvoir comprendre ce qui arrive là en profondeur, nous
devons écouter encore plus attentivement les paroles de
Maintenant, cependant, une autre question se pose encore. Au Cénacle, le Christ a donné aux disciples son Corps et son Sang, c'est-à-dire lui-même dans la totalité de sa personne. Mais a-t-il pu le faire ? Il est encore physiquement présent au milieu d'eux, il se trouve devant eux ! La réponse est : en cette heure Jésus réalise ce qu'il avait annoncé précédemment dans le discours sur le Bon Pasteur : « Personne ne m'enlève ma vie : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre... » (Jn 10, 18). Personne ne peut lui enlever la vie : il la donne par sa libre décision. En cette heure il anticipe la crucifixion et la résurrection. Ce qui se réalisera là, pour ainsi dire, physiquement en lui, il l'accomplit déjà par avance dans la liberté de son amour. Il donne sa vie et la reprend dans la résurrection pour pouvoir la partager pour toujours.
Seigneur, aujourd'hui tu nous donnes ta vie, tu te donne toi-même à nous. Pénètre-nous de ton amour. Fais-nous vivre dans ton « aujourd'hui ». Fais de nous des instruments de ta paix ! Amen.
Allocution
de Benoît XVI à la fin du Chemin de Croix au Colisée
Benoît XVI a prononcé l'allocution suivante, au terme du Chemin de Croix du Vendredi Saint, au Colisée.
Chers frères et sœurs !
Au terme du récit dramatique de
La profession de foi de ce soldat nous est proposée de
nouveau chaque fois que nous réentendons le récit de
La douloureuse Passion du Seigneur Jésus ne peut pas ne pas porter à la pitié même les cœurs les plus endurcis, parce qu'elle constitue le sommet de la révélation de l'amour de Dieu pour chacun de nous. Saint Jean observe : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle » (Jn 3, 16). C'est par amour pour nous que le Christ meurt sur la croix ! Au long des millénaires, des foules d'hommes et de femmes se sont laissés fasciner par ce mystère et l'ont suivi, faisant à leur tour, comme Lui et avec son aide, de leur propre vie un don à leurs frères. Ce sont les saints et les martyrs, dont beaucoup demeurent inconnus de nous. Encore à notre époque, combien de personnes, dans le silence de leur existence quotidienne, unissent leurs souffrances à celles du Crucifié et deviennent les apôtres d'un véritable renouveau spirituel et social ! Que serait l'homme sans le Christ ? Saint Augustin observe : « Tu serais toujours dans un état de misère, s'Il ne t'avait fait miséricorde. Tu n'aurais pas retrouvé la vie, s'Il n'avait partagé ta mort. Tu manquerais, s'Il n'était venu à ton aide. Tu serais perdu, s'Il n'était arrivé » (Discours 185, 1). Pourquoi alors ne pas l'accueillir dans notre vie ?
Arrêtons-nous ce soir à contempler son visage défiguré : c'est le visage de l'Homme des douleurs, qui s'est chargé de toutes nos angoisses mortelles. Son visage se reflète sur celui de toute personne humiliée et offensée, malade et souffrante, seule, abandonnée et méprisée. En versant son sang, il nous a rachetés de l'esclavage de la mort, il a brisé la solitude de nos larmes, il est entré dans toutes nos peines et dans tous nos soucis.
Frères et sœurs ! Alors que pointe