Les Nouvelles
de
Chrétienté


n°49

Le 14 avril 2006



Bon anniversaire

Très saint Père,

Tous les fidèles de la paroisse saint Michel, tous mes collaborateurs du site « Item » - qui se font un honneur de faire connaître, sur le Web, votre enseignement,  de le transmettre et de le faire aimer - vous souhaitent  un Bon anniversaire.

Le pape, en effet,  célèbre son anniversaire le 16 avril, dimanche prochain, jour de Pâques.

Le pape est en effet né le 16 avril 1927. Il a été élu pape le 19 avril 2005.

Le pape devrait fêter son anniversaire dans la résidence pontificale de Castel Gandolfo, à quelque 30 kilomètres au sud de Rome, où il devrait partir se reposer quelques jours après les célébrations pascales.

Sommaire

- 1- L’enseignement de Benoît XVI

- Message de Pâques du patriarche Sabbah

- 3- Golias, juge le récent texte de l’épiscopat français

 


1- L’enseignement de Benoît XVI

a- Sur le « triduum pascal ».

Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse que le pape a prononcée le mercredi 12 avril.

Chers frères et sœurs,

Demain commence le Triduum pascal, qui est le sommet de toute l'année liturgique. Aidés par les rites sacrés du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale solennelle, nous revivrons le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. Ce sont des jours capables d’éveiller en nous un plus vif désir d'adhérer au Christ et de le suivre généreusement, conscients du fait qu'Il nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous. Que sont, en effet, les événements que le saint Triduum nous re-propose, sinon la manifestation sublime de cet amour de Dieu pour l'homme ? Apprêtons-nous donc à célébrer le Triduum pascal en accueillant l'exhortation de saint Augustin: « A présent, considère avec attention les trois saints jours de la crucifixion, de la sépulture et de la résurrection du Seigneur. De ces trois mystères, nous accomplissons dans la vie présente ce dont la croix est le symbole, alors que nous accomplissons au moyen de la foi et de l'espérance ce dont la sépulture et la résurrection sont le symbole » (Epistola 55, 14, 24: Nuova Biblioteca Agostiniana (NBA), XXI/II, Rome 1969, p. 477).

Le Triduum pascal s'ouvre demain, Jeudi Saint, avec la Messe vespérale « in Cena Domini », même si le matin a lieu normalement une autre célébration liturgique significative, la Messe chrismale, au cours de laquelle, rassemblé autour de l'évêque, tout le presbyterium de chaque diocèse renouvelle les promesses sacerdotales, et participe à la bénédiction des huiles des catéchumènes, des malades et du Chrême ; et ainsi ferons-nous ici aussi, à Saint-Pierre demain matin. Outre l'institution du sacerdoce, en ce jour saint on commémore l'offrande totale que le Christ a faite de lui-même à l'humanité dans le sacrement de l'Eucharistie. Au cours de la nuit même où il fut trahi, Il nous a laissé comme le rappelle les Saintes Ecritures, le commandement nouveau — « mandatum novum » — de l'amour fraternel, en accomplissant le geste touchant du lavement des pieds, qui rappelle l'humble service des esclaves. Cette journée particulière, évocatrice de grands mystères, se termine par l'Adoration eucharistique, en souvenir de l'agonie du Seigneur dans le jardin de Gethsémani. L'Evangile rapporte, que pris d'une grande angoisse, Jésus demanda aux siens de veiller avec Lui en restant en prière : « Demeurez ici et veillez avec moi » (Mt 26, 38), mais les disciples s'endormirent. Aujourd'hui encore, le Seigneur nous dit : « Demeurez ici et veillez avec moi ». Et nous voyons que nous aussi, disciples d'aujourd'hui, nous dormons souvent. Ce fut pour Jésus l'heure de l'abandon et de la solitude, qui fut suivie, dans le cœur de la nuit, par l'arrestation et le début du chemin douloureux vers le Calvaire.

Centré sur le mystère de la Passion, le Vendredi Saint est un jour de jeûne et de pénitence, entièrement orienté vers la contemplation du Christ sur la Croix. Le récit de la passion est proclamé dans les églises et les paroles du prophète Zacharie retentissent : « Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Et nous aussi, le Vendredi Saint, nous voulons réellement tourner notre regard vers le cœur transpercé du Rédempteur dans lequel — écrit saint Paul — sont « cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Col 2, 3), où, plus encore, « habite la plénitude de la divinité » (Col 2, 9), c'est pourquoi l'Apôtre peut affirmer résolument ne rien vouloir connaître d'autre « que Jésus Christ, ce Messie crucifié » (1 Co 2, 2). C'est vrai : la croix révèle « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur » — les dimensions cosmiques, tel est le sens — d'un amour qui dépasse toute connaissance — l'amour va au-delà de ce que l'on connaît — et nous comble de « la plénitude de Dieu » (Ep 3, 18-19). Dans le mystère du Crucifié « s'accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l'homme et le sauver — tel est l'amour dans sa forme la plus radicale » (Deus caritas est, n. 12). La Croix du Christ, écrit au Ve siècle le pape saint Léon le Grand, « est source de toutes les bénédictions, et cause de toutes les grâces » (Disc. 8 sur la passion du Seigneur, 6-8; PL 54, 340-342).

Le Samedi Saint, l'Eglise, s'unissant spirituellement à Marie, reste en prière auprès du sépulcre, où le corps du Fils de Dieu gît inerte, comme dans une attitude de repos après l'œuvre créatrice de la rédemption, accomplie avec sa mort (cf. He 4, 1-13). La nuit venue commencera la Veillée pascale solennelle, au cours de laquelle, dans chaque Eglise, le chant joyeux du Gloria et de l'Alleluia pascal s'élèvera du cœur des nouveaux baptisés et de toute la communauté chrétienne, joyeuse car le Christ est ressuscité et a vaincu la mort.

Chers frères et sœurs, pour une célébration fructueuse de Pâques, l'Eglise demande aux fidèles de s'approcher au cours de ces journées du sacrement de la Pénitence, qui est comme une espèce de mort et de résurrection pour chacun de nous. Dans l'antique communauté chrétienne, le Jeudi Saint se déroulait le rite de la Réconciliation des Pénitents présidé par l'évêque. Les conditions historiques ont certainement changé, mais se préparer à Pâques avec une bonne confession reste une pratique qu'il faut pleinement valoriser parce qu'elle nous offre la possibilité de recommencer à nouveau notre vie et de connaître véritablement un nouveau début dans la joie du Ressuscité et dans la communion du pardon qu'il nous a donné. Conscients d'être des pécheurs, mais confiants dans la miséricorde divine, laissons-nous réconcilier par le Christ pour goûter plus intensément la joie qu'Il nous communique avec sa résurrection. Le pardon, qui nous est donné par le Christ dans le sacrement de la Pénitence, est une source de paix intérieure et extérieure et fait de nous des apôtres de paix dans un monde où continuent malheureusement les divisions, les souffrances et les drames de l'injustice, de la haine et de la violence, de l'incapacité de se réconcilier pour recommencer de nouveau avec un pardon sincère. Nous savons cependant que le mal n'a pas le dernier mot, car le vainqueur est le Christ crucifié et ressuscité et son triomphe se manifeste avec la force de l'amour miséricordieux. Sa résurrection nous donne cette certitude : malgré toute l'obscurité que l'on trouve dans le monde, le mal n'a pas le dernier mot. Soutenus par cette certitude, nous pourrons nous engager avec plus de courage et d'enthousiasme afin que naisse un monde plus juste.

Je forme ce vœu de tout cœur pour vous tous, chers frères et sœurs, en vous souhaitant de vous préparer avec foi et dévotion aux fêtes pascales désormais proches. Que vous accompagne la Très Sainte Vierge Marie qui, après avoir suivi le Fils divin à l'heure de la passion et de la croix, a partagé la joie de sa résurrection ».

b-Sur le jeudi saint

Homélie du Pape lors de la messe chrismale du jeudi 13 avril.

Le pape a prononcée, ce jeudi matin 13 avril, l’homélie suivante,  au cours de la messe chrismale, qui a eu lieu dans la Basilique Saint-Pierre.


Chers frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
chers frères et sœurs,

Le Jeudi Saint est le jour où le Seigneur donna aux Douze le devoir sacerdotal de célébrer, dans le pain et dans le vin, le Sacrement de son Corps et de son Sang jusqu'à son retour. A la place de l'Agneau pascal et de tous les sacrifices de l'Ancienne Alliance apparaît le don de son Corps et de son Sang, le don de lui-même. Ainsi, le nouveau culte se fonde sur le fait que, avant toute chose, Dieu nous fait un don, et nous, emplis de ce don, devenons siens : la création retourne au Créateur. Ainsi, le sacerdoce est également devenu une chose nouvelle : ce n'est plus une question de descendance, mais de se trouver dans le mystère de Jésus Christ. Il est toujours Celui qui donne et qui nous attire en haut vers lui. Lui seul peut dire: « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Le mystère du sacerdoce de l'Eglise réside dans le fait que nous, misérables êtres humains, en vertu du Sacrement, pouvons parler avec son Moi : in persona Christi. Il désire exercer son sacerdoce à travers nous. Ce mystère émouvant, qui dans chaque célébration du sacrement, nous touche à nouveau, nous le rappelons de façon particulière le Jeudi Saint. Pour que la vie quotidienne ne ternisse pas ce qui est grand et mystérieux, nous avons besoin d'un souvenir spécifique comme celui-là, nous avons besoin de retourner à cette heure où Il a posé ses mains sur nous et nous a rendus participants de ce mystère.

Réfléchissons donc à nouveau sur les signes à travers lesquels le Sacrement nous a été donné. Au centre, il y a le geste très ancien de l'imposition des mains, à travers lequel Il a pris possession de moi en me disant : « Tu m'appartiens ». Mais à travers cela, il a également dit : « Tu es sous la protection de mes mains. Tu es sous la protection de mon cœur. Tu es préservé dans le creux de mes mains, et précisément ainsi, tu te trouves dans toute l'étendue de mon amour. Reste dans l'espace de mes mains et donne-moi les tiennes ».

Nous rappelons également que nos mains ont été ointes avec l'huile qui est le signe de l'Esprit Saint et de sa force. Pourquoi précisément les mains ? La main de l'homme est l'instrument de son action, c’est le symbole de sa capacité à affronter le monde, précisément de « le prendre en main ». Le Seigneur nous a imposé les mains et veut à présent les nôtres afin qu’elles deviennent les siennes, dans le monde. Il veut qu'elles ne soient plus des instruments pour prendre les choses, les hommes, le monde pour nous-mêmes, pour en faire notre possession, mais qu’en revanche elles transmettent son toucher divin, en se mettant au service de son amour. Il veut qu'elles soient des instruments de service et donc une expression de la mission de la personne tout entière qui se porte garante de Lui et l'apporte aux hommes. Si les mains de l'homme représentent symboliquement ses facultés, et, plus généralement, la technique, comme pouvoir de disposer du monde, alors, les mains ointes doivent être le signe de sa capacité de donner, de sa créativité dans l’action de façonner le monde à travers l'amour, — et pour cela, nous avons besoin sans aucun doute de l'Esprit Saint. Dans l'Ancien Testament, l'onction est le signe de la prise de service : le roi, le prophète, le prêtre fait et donne plus que ce qui découle de lui-même. D'une certaine façon, il est exproprié de lui-même en fonction d'un service dans lequel il se met à la disposition de quelqu’un de plus grand que lui. Si Jésus se présente aujourd'hui dans l'Evangile comme l'Oint de Dieu, le Christ, alors cela veut précisément dire qu'Il agit sur mission du Père et dans l'unité du Saint Esprit et que, de cette façon, il donne au monde une nouvelle royauté, un nouveau sacerdoce, une nouvelle façon d'être prophète, qui ne se cherche pas lui-même, mais qui vit pour Celui en vue duquel le monde a été créé. Nous mettons aujourd'hui à nouveau nos mains à sa disposition, et nous le prions de nous prendre toujours à nouveau par la main et de nous guider.

Dans le geste sacramentel de l'imposition des mains par l'évêque, c'est le Seigneur lui-même qui nous impose les mains. Ce signe sacramentel résume tout un parcours existentiel. Un jour, comme les premiers disciples, nous avons rencontré le Seigneur et nous avons entendu sa parole : « Suis-moi ! ». Sans doute au début l'avons-nous suivi de façon quelque peu incertaine, nous retournant et nous demandant si cette voie était vraiment la nôtre. Et, à un certain moment, sur le chemin, peut-être avons-nous fait l'expérience de Pierre, après la pêche miraculeuse, c'est-à-dire que nous avons été effrayés par sa grandeur, la grandeur de la tâche et l'insuffisance de notre pauvre personne, au point de vouloir nous retirer : « Eloigne-toi de moi Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » (Lc 5, 8). Mais Lui, ensuite, avec une grande bonté, nous a alors pris par la main, il nous a attirés à lui et nous a dit : « N'aie pas peur! je suis avec toi. Je ne te quitte pas, et toi, ne me quitte pas ! ». Et il nous est peut-être arrivé à chacun, plus d'une fois, de vivre ce que Pierre a vécu, lorsque, marchant sur les eaux à la rencontre du Seigneur, il s'est soudain aperçu que l'eau ne le soutenait pas et qu'il allait se noyer. Et, comme Pierre, nous avons crié: « Seigneur, sauve-moi ! » (Mt 14, 30). En voyant les éléments se déchaîner, comment pouvions-nous franchir les eaux bruyantes et bouillonnantes du siècle dernier et du dernier millénaire ? Nous avons alors tourné le regard vers Lui... Et Il nous a pris par la main et nous a donné un nouveau « poids spécifique »: la légèreté qui découle de la foi et qui nous attire vers le haut. Puis il nous donne la main qui soutient et porte. Il nous soutient. Fixons sans cesse à nouveau notre regard sur Lui et tendons les mains vers Lui. Laissons-nous prendre par sa main et nous ne coulerons pas, mais nous servirons la vie qui est plus forte que la mort, et l'amour qui est plus fort que la haine. La foi en Jésus, Fils du Dieu vivant, est l'instrument grâce auquel nous reprenons toujours la main de Jésus et à travers lequel Il prend notre main et nous guide. L'une de mes prières préférées est la prière que la liturgie place sur nos lèvres avant la Communion : «...Ne permets pas que je sois séparé de toi ». Nous demandons de ne jamais tomber en dehors de la communion avec son Corps, avec le Christ lui-même, de ne jamais tomber en dehors du mystère eucharistique. Demandons qu'il ne lâche jamais notre main...

Le Seigneur a posé sa main sur nous. Il a exprimé la signification de ce geste dans les paroles : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître » (Jn 15, 15). Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis : dans ces paroles, on pourrait même voir l'institution du sacerdoce. Le Seigneur fait de nous ses amis : il nous confie tout ; il nous confie sa personne, afin que nous puissions parler en son nom — in persona Christi capitis. Quelle confiance ! Il s'est véritablement remis entre nos mains. Les signes essentiels de l'Ordination sacerdotale sont au fond tous des manifestations de cette parole : l'imposition des mains ; la remise du livre — de sa parole qu'il nous confie ; la remise de la coupe à travers laquelle il nous transmet son mystère le plus profond et personnel. Le pouvoir d'absolution fait également partie de tout cela : il nous fait également participer à sa conscience de la misère du péché et de toute l'obscurité du monde, et nous donne dans les mains la clé pour rouvrir la porte vers la maison du Père. Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. Telle est la signification profonde de la condition de prêtre : devenir ami de Jésus Christ. Nous devons nous engager chaque jour à nouveau pour cette amitié. Amitié signifie communion dans la pensée et la volonté. Nous devons nous exercer à cette communion de pensée avec Jésus, nous dit saint Paul dans l'Epître aux Philippins (cf. 2, 2-5). Et cette communion de pensée n'est pas une chose purement intellectuelle, mais c'est une communion des sentiments et de la volonté, et donc également de l'action. Cela signifie que nous devons connaître Jésus de façon toujours plus personnelle en l'écoutant, en vivant avec Lui, en nous arrêtant auprès de Lui. L'écouter, — dans la lectio divina, c'est-à-dire en lisant l'Ecriture Sainte non pas de façon académique, mais spirituelle; ainsi, nous apprenons à rencontrer Jésus présent qui nous parle. Nous devons raisonner et réfléchir sur ses paroles et sur son action devant Lui et avec Lui. La lecture de l'Ecriture Sainte est prière, elle doit être prière, — elle doit naître de la prière et conduire à la prière. Les évangélistes nous disent que le Seigneur, à plusieurs reprises, — des nuits entières — se retirait « sur la montagne » pour prier seul. Nous aussi nous avons besoin de cette « montagne »: c'est le sommet intérieur que nous devons gravir, la montagne de la prière. Ce n'est qu'ainsi que se développe l'amitié. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons accomplir notre service sacerdotal, ce n'est qu'ainsi que nous pouvons apporter le Christ et son Evangile aux hommes. Le simple activisme peut même être héroïque. Mais l'action extérieure, en fin de compte, reste sans fruits et perd de son efficacité si elle ne naît pas de la communion intime avec le Christ. Le temps que nous passons pour cela est véritablement un temps d'activité pastorale, d’une activité authentiquement pastorale. Le prêtre doit être surtout un homme de prière. Le monde dans son activité frénétique perd souvent le sens de l'orientation. Si les forces de la prière, dont jaillissent les eaux de la vie capables de rendre féconde la terre aride, viennent à manquer, son action et ses capacités deviennent destructrices.
Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis. Le coeur du sacerdoce est d'être amis de Jésus Christ. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons véritablement parler in persona Christi, même si notre éloignement intérieur du Christ ne peut compromettre la validité du Sacrement. Etre ami de Jésus, être prêtre signifie être un homme de prière. C’est ainsi que nous le reconnaissons et que nous sortons de l'ignorance des simples serviteurs. C’est ainsi que nous apprenons à vivre, à souffrir et agir avec Lui et pour Lui. L'amitié avec Jésus est par antonomase toujours une amitié avec les siens. Nous ne pouvons être amis de Jésus que dans la communion avec le Christ tout entier, avec la tête et le corps; dans la vigne abondante de l'Eglise animée par son Seigneur. Ce n'est qu'en elle que l'Ecriture Sainte est, grâce au Seigneur, une Parole vivante et actuelle. Sans le sujet vivant de l'Eglise qui embrasse tous les âges, la Bible se fragmente en passages souvent hétérogènes et devient ainsi un livre du passé. Celle-ci n’est éloquente dans le présent que là où il y a la « Présence » — là où le Christ reste toujours notre contemporain : dans le corps de son Eglise.

Etre prêtre signifie devenir l'ami de Jésus Christ, toujours davantage, avec toute notre existence. Le monde a besoin de Dieu — non pas d'un dieu quelconque, mais du Dieu de Jésus Christ, du Dieu qui s'est fait chair et sang, qui nous a aimés jusqu'à mourir pour nous, qui est ressuscité et qui a créé en lui-même un espace pour l'homme. Ce Dieu doit vivre en nous et nous en Lui. Tel est notre appel sacerdotal: ce n'est qu'ainsi que notre action en tant que prêtre peut porter des fruits. Je voudrais conclure cette homélie par des paroles d'Andrea Santoro, le prêtre du diocèse de Rome qui a été assassiné à Trébisonde tandis qu'il priait ; le Cardinal Cè nous l'a communiqué au cours des Exercices spirituels. Ces phrases sont : « Je suis ici pour habiter parmi ce peuple et permettre à Jésus de le faire en lui prêtant ma chair... On ne devient capable de salut qu’en offrant sa propre chair. Le mal du monde doit être porté et la douleur doit être partagée en l'absorbant jusqu'au bout dans sa chair comme l'a fait Jésus ». Jésus a revêtu notre chair. Donnons-lui la nôtre, pour qu’il puisse ainsi venir dans le monde et le transformer. Amen !


Message de Pâques du patriarche Sabbah

Message de Pâques

16.4.2006

Le Christ est Ressuscité. Oui, il est vraiment ressuscité.

Bonne et sainte fête de Pâques.

1. Toute fête nous porte à réfléchir sur le sens de notre foi. Elle renouvelle notre courage afin de faire face aux défis de la vie, privée et publique, et à toutes les difficultés que nous rencontrons dans tous nos pays où se trouvent nos diocèses : Jordanie, Palestine, Israël et Chypre. La fête nous invite à renouveler notre foi en Dieu et notre confiance en nous-mêmes, afin de mieux contribuer à l’édification de notre société, dans laquelle nous sommes appelés à porter l’amour pour tous, sans distinction aucune et au-delà de toutes les barrières confessionnelles ou nationales. Le Christ Ressuscité, le triomphe sur la mort, le retour à la vie, tout cela nous dit : Premièrement, Dieu est parmi les hommes. « Il a habité parmi nous » (Jn 1,14) ; deuxièmement, «il est amour » (1 Jn 4,8), et troisièmement, il nous a rendus capables d’aimer comme lui : « Il nous a donné de son Esprit, dit Saint Jean. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli » (1Jn 4, 13.12). Par sa mort et sa Résurrection, Jésus a fait de nous une créature nouvelle et un Homme Nouveau « dans la justice, la sainteté et la vérité » (Ep 4,23-24). Il nous a rempli de son Esprit, et « le fruit de l’Esprit, nous dit Saint Paul, est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22-23).

2. Notre vie quotidienne semble être bien loin de cette vision du Dieu-avec-nous, de son amour pour tous et des fruits de l’Esprit en nous. Dans notre vie quotidienne, il peut nous sembler que la vie de l’Esprit, qui produit la charité, la joie et la paix, est un projet impossible, surtout dans notre Terre Sainte, livrée depuis des années et des années à la haine, au refus mutuel et à la mort. Et, l’action des chefs, et la vie des personnes et des groupes ne font que se développer selon cette logique. Il faut tuer pour vivre. Il faut tuer parce qu’on est tué. Il faut haïr parce qu’on a peur ou parce qu’on est opprimé. Voilà les critères de gouvernement et de vie dans une terre sainte, une terre de la Résurrection, une terre dans laquelle Dieu a parlé, dans laquelle les trois religions disent croire en Dieu et écouter Sa parole.

3. Malgré cette dure réalité, nous devons proclamer et dire que la terre où Dieu a parlé, où il a fait connaître son amour pour tous les hommes, peut rester terre de la Parole de Dieu, et non seulement terre de la parole des hommes qui remplace celle de Dieu par des attitudes de mort et de haine. Il faut croire dans notre capacité d’aimer, nous tous, Israéliens et Palestiniens. Nous sommes capables d’aimer et de faire justice pour nous-mêmes et pour les autres. Il faut repartir sur de nouveaux principes, sur une nouvelle vision de la vie en cette Terre Sainte. Nous sommes capables de nous libérer de la mort qui nous a été imposée jusqu’aujourd’hui. Nous, Israéliens et Palestiniens, nous sommes capables de nous libérer de la peur née dans la violence et le terrorisme, de l’occupation imposée par la loi du plus fort, et de la logique de la mort et de la haine. Vous qui tuez, cessez de tuer. Vous qui haïssez, arrêter de haïr. Vous qui occupez la terre, rendez-la à ses propriétaires. L’amour et la confiance sont plus efficaces pour réacquérir la liberté perdue, la sécurité perdue et l’indépendance désirée. Certes, ce langage est étrange à tous ceux qui détiennent en leurs mains le pouvoir. Mais à vous aussi, gouvernements, nous disons : Vous, gouvernements, qui ne croyez pas à ce langage, vous aussi, vous êtes capables d’aimer, de vivre et de transformer en termes de vie et de paix les rapports entre les deux peuples dans cette terre sainte.

4. Frères et Sœurs, qui célébrez la Résurrection du Seigneur dans notre diocèse et dans le monde entier, nous vous souhaitons une heureuse et sainte fête de Pâques. A tous les habitants de cette Terre Sainte, chrétiens, juifs, musulmans et druzes, nous souhaitons toutes les bénédictions du Seigneur. Aux Juifs, qui célébrez votre Pâque en ces jours, nous souhaitons que la fête soit une source de bénédiction, d’amour et de justice pour vous et pour tous les habitants de la Terre Sainte.

Le prophète Isaïe dit : « Voici qu’un roi règnera avec justice, et des princes gouverneront selon le droit » (Is 32,1). Nous souhaitons que cette prophétie puisse se réaliser dans notre terre. Pour le moment « les messagers de paix pleurent amèrement » (Is 33,7), comme le dit Isaïe aussi. Nous prions et nous espérons que nos chefs puissent se laisser guider par de nouvelles visions et un nouveau courage capables de changer la face de cette terre et de remplir les esprits et les cœurs de sécurité, de justice et de tranquillité.

Heureuse et sainte fête de Pâques.

+ Michel Sabbah, Patriarche latin

Jérusalem, 11.4.2006

3- Golias, juge le récent texte de l’épiscopat français

On sait que l’épiscopat français vient de publier, le 7 avril 2006,  un texte appelé : « les conclusions de l’assemblée plénière de printemps ». Nous l’avons commenté dans le « Regard sur le monde » ainsi que dans LNDC de la semaine dernière.

Voici le commentaire de « Golias » : la capitulation des évêques de France.

Il faut prendre en compte ce jugement…Il exprime certainement un  aspect de la question…

 

La capitulation des évêques de France

Molard Jean, 13 avril 2006

Contenu

Les évêques de France se sont réunis à Lourdes en Assemblée Générale et le 7 avril 2006 les conclusions ont été publiées (voir le site internet de l’épiscopat). Le premier point porte sur la réforme des structures de la conférence, et le troisième sur "le malaise de la jeunesse comme révélateur d’une crise profonde de notre société". C’est le deuxième point qui retient aujourd’hui notre attention, car nous y avons vu une nouvelle avancée de la "lefebvrisation" de l’Eglise . Il est intitulé : "L’accueil des groupes "traditionalistes" au sein de nos diocèses".

OUI, les autorités ecclésiastiques, romaines et maintenant françaises, ont fait le choix dangereux de réintégrer les intégristes de tout poil, prenant le risque de tensions fortes à l’intérieur des communautés paroissiales et autres. Ces fils de Lefebvre et de l’Extrême-Droite réunis ne sont pas des brebis égarés, regrettant leurs erreurs, ce sont des activistes qui reviennent en conquérants et en croisés pour rebâtir l’Eglise selon leurs convictions profondes. Et leurs convictions profondes, clairement exposées dans leur littérature, ont de quoi faire peur.

Pour prendre conscience de cette capitulation sans conditions devant l’extrémisme religieux, il suffit de lire les conclusions des évêques de France dont nous citons les passages les plus instructifs :

"... Depuis plus de 15 ans, la situation a beaucoup évolué. Des demandes nouvelles sont apparues, des sociétés de prêtres nouvelles se sont présentées pour se mettre au service de ces groupes, des jeunes sont entrés dans leurs séminaires, des écoles privées prises en charge directement par des parents se sont créées. Chaque évêque a dû faire face pastoralement à cette situation en constante évolution. Notre échange a montré que beaucoup portaient la préoccupation de bien articuler l’accueil des diversités liturgiques et d’animations ecclésiales, sans pour autant contribuer à faire naître des Eglises parallèles qui n’auraient pas de lien entre elles. Nous sentons qu’il y a là un enjeu ecclésiologique et pastoral important. Nous sommes prêts comme évêques à nous engager dans ce vrai travail de communion. C’est pourquoi la mise en place d’une structure juridique qui risquerait de distendre les liens de ces fidèles avec leur pleine appartenance à leur Eglise diocésaine ne nous paraît pas opportune ".

Que veut dire la dernière phrase, sinon que, au nom de la communion, la porte va s’ouvrir à tous les tradis jusqu’alors maintenus sur les bords par "une structure juridique". Ils vont être intégrés dans les paroisses, les écoles, les séminaires, les prêtres (nombreux) vont rejoindre et noyauter le clergé des paroisses et des aumôneries. Le processus est déjà bien enclenché pour les ralliés de la Fraternité Saint Pierre.

Demain, ce seront les lefebvristes dont le retour, pratiquement sans condition, est annoncé. Ils n’auront plus besoin de squatter des églises, M. le Cardinal Ricard et ses confrères évêques leur ouvrent les portes et leur remettent les clés du bercail. Il est envisageable donc que le célèbre Abbé Laguérie devienne curé de Notre Dame de Paris, que l’abbé Cottard soit désigné aumônier national des Scouts de France et que le très chrétien et très frontiste Bernard Anthony soit nommé directeur de la Croix, tout cela, bien évidemment, au nom de l’unité de l’Eglise et de la fidélité à Benoît XVI. On exagère ? Sans doute un peu pour l’immédiat, mais lisez ce qui suit et vous comprendrez qu’avec le retour de ces activistes, on se rapproche du domaine du possible, surtout en l’absence des "structures juridiques" signalées plus haut et qui constituent tout de même un minimum de barrières sanitaires. Toujours dans les conclusions, le cardinal Ricard poursuit :

Les évêques "mettront en oeuvre fidèlement" les directives de Benoît XVI.

"La question des relations avec la Fraternité Saint Pie X mérite un traitement particulier. Nous savons que le pape Benoît XVI en porte le souci. Dans les semaines ou les mois qui viennent, il devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion. Nous les accueillerons dans la foi et les mettrons en œuvre fidèlement "...

Cette communion doit être recherchée dans la charité et la vérité. La charité implique qu’on cherche à se connaître, à se comprendre, à faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des autres. Elle implique également l’abandon de toute polémique systématique et de toute volonté de confrontation sur le terrain. La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celles de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes des dernières décennies. La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précisions ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme que le Concile a décrétée.

Certes des abus ont pu voir le jour dans les années qui ont suivi le Concile : certains ont pu se réclamer d’un "esprit du Concile" qui n’avait pas grand chose à voir avec lui, comme l’a souligné le pape Benoît XVI dans son discours à la Curie du 22 décembre dernier. Mais il ne faut pas oublier tous ces prêtres religieux, religieuses et laïcs, qui ont mis en œuvre, avec sagesse et sens apostolique, les réformes conciliaires et ont contribué à la réception en profondeur du Concile dans l’Eglise. Il est important de leur dire aujourd’hui toute notre reconnaissance".

Cette finale est sans aucune ambiguïté : en dénonçant les "abus" qui ont suivi le concile, le texte épiscopal veut absoudre les intégristes : il faut les comprendre, les malheureux, ils ont été poussés au "schisme", par la faute des "progressistes".

Nos évêques oublient simplement que pendant les débats du Concile, donc avant tout abus, Mgr Lefebvre s’était déjà fait remarquer par son opposition farouche à toute ouverture de l’Eglise...

Poursuivant le largage de l’avancée et de l’ouverture conciliaires, nos évêques adressent une petit salut, en guise de coup de pied de l’âne, à tous ceux qui ont mis en œuvre le concile "avec sagesse et sens apostolique".

Cette "reconnaissance", comme ils l’appellent, est particulièrement odieuse. Elle ressemble à un hommage rendu à des gens dont l’entreprise veut se débarrasser pour mettre à leur place ceux qui apparaissent comme les seuls capables de remettre les chrétiens à genoux devant Dieu et à plat ventre devant les clercs : Merci, vous avez fait, en votre temps, du bon boulot, mais on n’a plus besoin de vous. Lâchez les manettes, rentrez chez vous, une nouvelle équipe attend pour prendre le manche.

A quand la canonisation de Lefebvre (il vient pourtant de réussir son premier miracle) ?

A quand Mgr Fellay sur le siège archiépiscopal de Bordeaux, et pourquoi pas au poste de Président de la Conférence des évêques de France ? Si devant tant de naïveté et de démissions épiscopales, les chrétiens, fiers de leur Dieu de liberté et d’ouverture, ne réagissent pas, l’Eglise va retourner au XIX° siècle.

Mais elle n’aura plus l’adhésion des masses. Elle ne sera plus qu’une secte assise sur un fondamentalisme prétendument doctrinal, comme il y en a déjà tant en Amérique.

QUELLE TRISTESSE EN CETTE PÂQUES 2006 !