Les Nouvelles
de
Chrétienté


n°50

Le 21 avril 2006

 

 

Sommaire

1-Autour du premier anniversaire du pontificat de Benoît XVI 

a-Benoît XVI, un an après

b-La curie romaine dresse un portrait élogieux du pape

c-Une première année en chiffres.

d-Un pape de l’intérieur

2-Des Nouvelles de Mgr Rifan

3-Les nouvelles de France

 

Réflexions autour du CPE

 

 

 

1-Autour du premier anniversaire du pontificat de Benoît XVI

A- Benoît XVI, un an après

de Laurent Dandrieu

Quelques jours après avoir fêté ses 79 ans, Benoît XVI célébrait, le 19 avril, le premier anniversaire de son accession au pontificat. Esquisse d’un premier bilan.

Député prudent, le pape Benoît XVI est resté fidèle à la tradition qui veut que la première année d’un règne soit une année d’observation plutôt que de bouleversements. Mais les quelques changements significatifs d’ores et déjà apportés pourraient préluder à des mutations plus profondes.

Changement de style

Pas de gestes spectaculaires, moins de grands voyages : si Benoît XVI a réussi ses premières JMJ à Cologne, si quelques déplacements européens sont au programme – la Pologne à la fin mai, l’Espagne en juillet, la Bavière en septembre, Istanbul en octobre –, le pape semble vouloir privilégier la gestion de l’Église, très délaissée par Jean-Paul II, par rapport au contact avec les fidèles. Et pourtant, sa pudeur et sa discrétion ne semblent pas rebuter ceux-ci, au contraire : en un an, quatre millions de personnes se sont pressées aux cérémonies qu’il a présidées à Rome.

Moins de morale, plus de théologie

Après l’accent mis par Jean-Paul II sur les questions de morale, Benoît XVI veut éviter que le catholicisme puisse apparaître, à la façon de l’islam, comme une « kyrielle d’interdits », selon l’expression qu’il a employée aux JMJ. Il insiste donc davantage sur son message d’amour : sa première encyclique, Dieu est amour, qui opère une relecture de l’Éros, replacé dans sa vocation spirituelle authentique, est emblématique de ce réajustement.

Dialogue avec l’islam recadré

 Autant il est soucieux d’avancer dans l’union des différentes confessions chrétiennes, autant Benoît XVI, hostile à tout ce qui peut ressembler à du syncrétisme, semble décidé à recadrer le dialogue interreligieux : c’est ainsi qu’il a fondu l’instance vaticane chargée du dialogue interreligieux dans le Conseil pour la culture, comme pour mieux signifier que ce dialogue peut être sociétal et culturel, pas doctrinal. L’heure est à une plus grande fermeté avec l’islam, basée sur la réciprocité : l’islam ne peut se prévaloir du respect en Occident sans respecter les droits des chrétiens sur son sol.

 

L’enjeu asiatique

Création de trois nouveaux cardinaux asiatiques, réchauffement diplomatique avec le Vietnam, nomination pour la première fois d’un évêque chinois en accord avec les autorités communistes : Benoît XVI a multiplié les signes montrant que l’Asie est un enjeu prioritaire, qui passe forcément par la normalisation des relations avec Pékin, objectif qu’on juge au Vatican « pas insurmontable ».

 

La lutte contre “la dictature du relativisme

Ce cheval de bataille du cardinal Ratzinger, Benoît XVI ne manque pas une occasion d’y revenir. Cette lutte passe par une intervention décomplexée des catholiques dans le débat politique, comme on l’a vu récemment en Italie ou en Espagne, et dans le combat contre un laïcisme « qui relègue, comme l’a dit récemment le pape à la délégation du PPE, la manifestation de la conviction religieuse à la sphère du privé et du subjectif ». Cette lutte contre le relativisme se mène aussi au sein de l’Église : dans son discours capital du 22 décembre 2005, Benoît XVI a ainsi rappelé l’impossibilité d’interpréter Vatican II en « rupture » avec la tradition de l’Église.

 

La question de la liturgie

Le cardinal Ratzinger avait souvent martelé sa préoccupation face aux bouleversements liturgiques postconciliaires et à la perte du sacré qui en avait résulté. Benoît XVI s’est pour le moment contenté de limoger un responsable liturgique de la curie, et Mgr Marini, maître des cérémonies pontificales et cible des conservateurs, reconnaît avoir désormais les mains moins libres. Mais on attend, d’une semaine à l’autre, l’annonce d’une libéralisation du rite traditionnel de saint Pie V, dont Jean-Paul II avait remis l’usage à la discrétion épiscopale.

 

La main tendue aux traditionalistes

Cette dernière mesure serait évidemment un geste fort envers ceux-ci, avec lesquels Benoît XVI a renoué le dialogue. Mgr Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé, a déclaré que l’Église les attendait « à bras ouverts ». Mais cette réconciliation ne pourra se faire sans l’appui des épiscopats. Or, Mgr Ricard a publié le 7 avril un communiqué où, tout en annonçant l’imminence d’une initiative vaticane quant à l’accueil des traditionalistes, il a posé les limites de ce que les évêques de France sont prêts à accepter. Une manière de forcer la main au pape qui augure mal d’un autre chantier qu’il envisage de lancer durant son pontificat : la relance de la collégialité.

Laurent Dandrieu

Valeurs Actuelles n° 3621 paru le 21 Avril 2006

 

 

B-La curie romaine dresse un portrait élogieux du pape

Rome, 19 avril 2006 (Apic) Le pape Benoît XVI a fêté mercredi 19 avril le premier anniversaire de son pontificat. Interrogés par la presse italienne et française, des membres de la curie romaine sont sortis de leur réserve, ont donné leur avis sur une année de pontificat et dressé un portrait élogieux du pape allemand: morceaux choisis.

Pour le cardinal vicaire de Rome, Camillo Ruini, interviewé par le quotidien de la Conférence épiscopale italienne "Avvenire", “ce pape affronte les défis de l’histoire dans la perspective de la foi, en montrant que ce n’est pas quelque chose d’ajouté mais une réalité qui touche l’homme en profondeur“. Abordant le thème de la laïcité, soulevé à plusieurs reprises par Benoît XVI, le cardinal Ruini souligne que le pape a “rappelé la distinction nette entre l’Eglise et l’Etat, entre la foi et la politique, expliquant en même temps que la laïcité doit être ouverte pour qu’elle puisse être fécondée“.

Pour le vicaire de Rome, l’éthique est un autre thème crucial pour Benoît XVI “qui veut dire que l’autorité de l’Etat et la vie publique ne peuvent pas faire abstraction des grandes exigences de l’éthique, qui ont finalement leurs origines dans la religion, concrètement des sources éthiques que le Christianisme a ouvertes à l’Humanité“.

Pour le cardinal Renato Raffaele Martino, président du Conseil pontifical Justice et Paix, “Benoît XVI est un pape qui cherche la collégialité de pensée et d’intention“. “Ainsi sera l’Eglise du futur, empreinte entièrement de la collégialité : les cardinaux, en tant qu’étroits collaborateurs, seront appelés à agir ensemble et avec le pape“, a-t-il ajouté dans un entretien au quotidien italien "L’Eco di Bergamo".

A propos de l’image de “gendarme de la doctrine“ et de “gardien de la foi“ que pouvait avoir le cardinal Ratzinger avant son élection, le cardinal Martino a souligné qu’il n’en restait plus “rien“. “Des affirmations expéditives qui se sont tout de suite dissoutes“, observe le cardinal, ajoutant qu’“une recherche du dialogue est apparue dès les premiers pas de son pontificat“. “Le fait d’avoir reçu entre autres les lefébvristes en dit long sur son désir de retourner au dialogue, sans préjugés“, a-t-il ajouté.

Plus de "fraternité et de paternité"

Quant au cardinal Francesco Marchisano, archiprêtre de la basilique Saint Pierre, il a été marqué par la transformation de Joseph Ratzinger qui de cardinal réservé s’est transformé en pape “très humain“. “Quand j’ai rencontré le cardinal Ratzinger, il a toujours été très gentil, très serein, mais évidemment il avait un comportement un peu réservé, probablement lié à son rôle“, a-t-il confié au quotidien italien "La Stampa". “En tant que pape, en revanche, il donne l’exemple d’une spiritualité chrétienne très humaine. Il suffit de voir comme il s’approche toujours plus des gens lors des audiences générales, avec plus de fraternité et de paternité“.

Comme “exemple d’humanité“, l’épisode qui a le plus marqué le cardinal Marchisano au cours de cette première année de pontificat a été la rencontre du pape avec le théologien contestataire Hans Küng. “Il l’a voulu à sa table et il sont restés ensemble pendant plusieurs heures, comme des frères“, a-t-il affirmé.

Cet épisode a également beaucoup marqué le cardinal Tarcisio Bertone, archevêque de Gênes, interviewé par l’hebdomadaire catholique italien "Famiglia Cristiana". Outre ce repas historique, le cardinal s’est souvenu d’une intervention du pape allemand qui évoquait son enfance au cours d’une émission sur Radio Vatican : “Pour moi, la bonté implique aussi la capacité de dire ‘non’, car une bonté qui laisse tout aller ne fait pas de bien à l‘autre, quelque fois la forme de la bonté peut être celle de dire non et risquer ainsi la contradiction“, avait alors confié Benoît XVI.

Le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, a évoqué quant à lui la continuité de Benoît XVI avec son prédécesseur. Interrogé dans le quotidien français "La Croix", le cardinal allemand a rappelé que Joseph Ratzinger avait été le “collaborateur le plus étroit“ de Jean Paul II, “impliqué dans toutes les décisions importantes“. Constatant malgré tout “un changement de style“, il a noté que Benoît XVI, lors des Journées mondiales de la jeunesse de Cologne en août 2005 n’avait “pas cherché à imiter Jean Paul II“ et était “resté modeste, simple“.

Le président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens a aussi affirmé que Benoît XVI était “différent du cardinal Ratzinger“, expliquant qu’une nouvelle responsabilité “permet de développer des aspects autres de sa nature (…) comme sa sensibilité pastorale“.

Benoît XVI remercie les fidèles de leur soutien et de leur indulgence

“Je sens toujours plus que, tout seul, je ne pourrais pas porter seul cette mission“ qui m'a été confiée il y a un an, a affirmé Benoît XVI le 19 avril, remerciant les fidèles de leur soutien et de leur indulgence. Le pape, qui s'exprimait à l'occasion de l'audience générale hebdomadaire place Saint-Pierre, est revenu avec émotion sur les premiers moments de son pontificat ouvert un an plus tôt, demandant aux pèlerins de prier afin qu'il soit “un pasteur doux et ferme“ de l'Eglise.

“Au début de l'audience générale qui se déroule dans le climat joyeux de Pâques, je voudrais remercier avec vous le Seigneur, qui m'a appelé exactement il y a un an à servir l'Eglise comme successeur de l'apôtre Pierre et qui ne manque pas de m'assister avec son aide indispensable“, a lancé Benoît XVI devant quelque 50'000 personnes rassemblées place Saint-Pierre.

“Comme le temps passe vite!“, a renchéri le pape. “Une année est déjà passée depuis le moment où, de façon tout à fait inattendue et surprenante pour moi, les cardinaux réunis en conclave ont voulu choisir ma pauvre personne pour succéder au regretté et bien-aimé serviteur de Dieu Jean Paul II, pour succéder au grand pape Jean Paul II“, s'est-il souvenu sous les applaudissements des fidèles. “Je me rappelle avec émotion du premier choc que j'ai eu depuis la loggia centrale de la basilique, juste après l'élection, avec les fidèles rassemblés en cette même place“. (apic/imedia/cp/ar/pr)

19.04.2006 - Apic

 

C- Une première année en chiffres.

Rome, 14 avril 2006 (apic) Benoît XVI a été élu pape dans l’après-midi du 19 avril 2005, lors du conclave ouvert la veille en présence de 115 cardinaux électeurs. La messe d’intronisation du 265e pape de l’histoire de l’Eglise catholique a eu lieu le 24 avril 2005. Depuis, le pape allemand a accueilli plus d’un million de pèlerins lors des audiences générales du mercredi, a reçu une quarantaine d’hommes d’Etat, tenu le premier consistoire et le premier synode de son pontificat et publié un certain nombre de textes normatifs.

Benoît XVI a convoqué un consistoire ordinaire public pour la création de nouveaux cardinaux les 24 et 25 mars 2006. Le pape a ainsi créé 15 nouveaux princes de l'Eglise, dont douze de moins de 80 ans, pour respecter le plafond des 120 électeurs fixé par Paul VI. Parmi eux, trois sont chefs de dicastères dans la curie

La 11e assemblée générale ordinaire du Synode des évêques s’est tenue du 2 au 23 octobre 2005 au Vatican sur le thème "l'Eucharistie, source et point culminant de la vie et de la mission de l'Eglisé. 256 pères synodaux venant de 118 pays étaient présents, “le nombre le plus élevé de participants à une assise synodale“, selon Mgr Nikola Eterovic, secrétaire général du Synode des évêques. C’était aussi la 21e assemblée synodale, depuis son institution 40 ans plus tôt par Paul VI le 15 septembre 1965.

Benoît XVI a effectué deux voyages apostoliques hors du territoire du Vatican. Le premier a eu lieu le 29 mai 2005 à Bari, dans les Pouilles, au sud de l’Italie, pour le 24e Congrès eucharistique national italien. Le pape est ensuite parti pour la première fois à l’étranger, dans son pays natal, à Cologne, à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse, du 18 au 21 août 2005.

Comme évêque de Rome, Benoît XVI a rendu visite à deux paroisses romaines, sur un total de 335: ‘Santa Maria Consolatricé, dans le quartier de Casalbertone, le 18 décembre 2005 et ‘Dio padre misericordioso’, dans le quartier de Tor Tre Teste, le 26 mars 2006. Il a en outre célébré la messe dans l’église ‘Sainte Anné, l’unique paroisse du Vatican, le 5 février 2006.

Nombreux chefs d'Etat

38 hommes d’Etat ont été reçus en audience par le pape allemand. Le premier a été Carlo Azeglio Ciampi, président italien, le 3 mai 2005. Parmi les plus importants, on peut également citer Juan-Carlos, roi d’Espagne et la reine Sofia, à Castel Gandolfo, Abdallah II, roi de Jordanie et son épouse Rania, Moshe Katsav, président de l'Etat d'Israël, Silvio Berlusconi, président du Conseil italien, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité nationale palestinienne et Lech Kaczynski, président polonais. Dernièrement, Benoît XVI a reçu Hosni Moubarak, président égyptien (13 mars 2006) et Albert II, roi des Belges et la reine Paola (1er avril 2006).

Quelque 1'007 000 fidèles sont venus assister aux 46 audiences générales du mercredi entre le 27 avril 2005 et le 12 avril 2006.

En ce qui concerne la production de textes pontificaux, Benoît XVI a publié sa première Encyclique intitulée Deus caritas est le 25 janvier 2006. En outre, trois Motu Proprio ont été promulgués, le 31 mai 2005 pour la Basilique Saint-Paul hors-les-Murs et son complexe extraterritorial, le 28 juin pour l'approbation et la publication du Compendium du Catéchisme de l’Eglise catholique et le 9 novembre pour les nouvelles dispositions relatives aux Basiliques Saint-François et Sainte-Marie-des-Anges, à Assise. Enfin, le pape allemand a approuvé fin août 2005 une Instruction publiée par la Congrégation pour l’éducation catholique recommandant de ne pas ordonner des prêtres à tendance homosexuelle.

Il convient d'ajouter que la Congrégation pour la cause des saints a promulgué de nouvelles normes pour la célébration des béatifications le 29 septembre 2005, entérinant le choix de Benoît XVI de ne plus célébrer lui-même ces cérémonies. Le pape a ainsi rompu avec la tradition engagée par Paul VI et suivie par Jean Paul II.

De nombreux bienheureux déjà et cinq nouveaux saints

32 bienheureux, parmi lesquels le Français Charles de Foucauld, ont été proclamés lors des huit cérémonies de béatification depuis le début de son pontificat. La plupart d’entre elles étaient présidées par le cardinal José Saraiva Martins, préfet de la Congrégation pour les causes des saints. La prochaine béatification prévue est celle de la religieuse portugaise Rita Amada De Jesus (1848-1913), le 26 mai 2006 au Vatican.

Le pape allemand a en revanche célébré la canonisation de cinq nouveaux saints lors de la cérémonie qui se déroulait le 23 octobre 2005 sur la place Saint-Pierre : les Polonais Zygmunt Gorazdowski et Jozef Bilczewski, les Italiens Gaetano Catanoso et Felice da Nicosia, ainsi que le Chilien Alberto Hurtado Cruchaga. (apic/imedia/cp/pr)


D- Un pape de l’intérieur

Rome, 14 avril 2006 (Apic) "Ora et labora". Cette devise traditionnelle de la famille bénédictine, qui allie la prière et le travail, pourrait être celle de Benoît XVI qui, élu le 19 avril 2005, a accompli sa première année de pontificat dans la discrétion, travaillant aux grands dossiers internes de l’Eglise, tout en assumant l’héritage de son prédécesseur.

Professeur de théologie (1958-1977), cardinal archevêque de Munich (1977-1981) puis préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (1981-2005), Joseph Ratzinger a observé la vie de l’Eglise depuis l’intérieur. La première année de Benoît XVI sur le trône de Pierre, lente et entourée de secret, semble dominée par le souci du règlement des questions internes à l’Eglise au sens large, comme celle de la réintégration des intégristes, de la droiture des candidats au sacerdoce ou de l’unité des chrétiens. Invitant à la collégialité, comme lors du Synode d’octobre 2005, les réunions de chefs de dicastère ou le consistoire privé du 23 mars dernier, Benoît XVI a mis l’accent sur celle-ci, mais entend bien prendre seul ses décisions.

Un héritage difficile

Depuis un an, Benoît XVI a géré l’héritage du “grand pape“ Jean Paul II, et a repris à son compte certaines des initiatives de son “bien-aimé“ prédécesseur comme la visite aux paroisses romaines, les catéchèses du mercredi lors des audiences générales et la Journée mondiale de la jeunesse. Lors de la première semaine sainte de son pontificat, à l’inverse, il a aussi mis de côté certaines créations du pape polonais comme la Lettre aux prêtres pour le jeudi saint ou la confession individuelle des fidèles le vendredi saint. Avec la célébration du premier anniversaire de la mort du pape polonais, le 2 avril 2006, selon l’expression du quotidien La Croix, Benoît XVI a marqué “le signal de la fin du deuil“ de Jean Paul II. A cette occasion, il a invité les fidèles à “regarder en avant“. Mais l a dernière étape, et non des moindres, sera son voyage fin mai prochain sur la terre natale du pape défunt, la Pologne. Il visitera alors des lieux chers à Karol Wojtyla.

Ce regard sur un an de pontificat ne peut faire l’économie d’un rappel des pas importants effectués dans les mêmes temps par son prédécesseur. Ainsi, lors de sa première année à la tête de l’Eglise, Jean Paul II avait voyagé en Amérique centrale, en Pologne, en Irlande et aux Etats-Unis où il était intervenu devant les Nations Unies. Il publiait aussi sa première Encyclique Redemptor hominis, nommait un nouveau cardinal secrétaire d’Etat et convoquait un premier consistoire. Mais ce qui surprenait avant toute chose, c’est le changement radical imposé par Karol Wojtyla dans sa façon de ‘faire le pape’. Mais Benoît XVI, érudit et emprunt de tradition, opère le passage, selon Le Figaro, d’un “pontificat du geste à celui de la parole“.

Un style nouveau

Moins charismatique que Jean Paul II, le nouveau pape semble pourtant séduire par sa réserve, sa rigueur doctrinale, son sourire et sa voix au timbre doux. Benoît XVI fête ses 79 ans le 16 avril 2006, jour de Pâques. Sobre, avec une vie apparemment minutée, il sait qu’il lui faut économiser ses forces. Lève-tôt et couche-tôt, le pape se donne quotidiennement un temps de repos entre 14h et 16h. Ces derniers temps, il a fait parvenir aux gardes suisses, dont la caserne se trouve sous ses fenêtres, une demande expresse de respecter le silence dans cette tranche horaire. S’il préfère la solitude et le calme, il s’est peu à peu prêté aux bains de foule lors de ses audiences.

S’il n’a pas hésité à recevoir personnellement une série de présidents des différents Länder allemands, Benoît XVI a en revanche fortement réduit le nombre d'audiences privées accordées aux ministres du monde entier et aux nonces apostoliques. Les portes de l’appartement pontifical, largement ouvertes sous Jean-Paul II pour les messes privées ou des déjeuners à la table du pape, se sont refermées avec l’arrivée de Benoît XVI au troisième étage du palais apostolique. Les invités sont rares et la messe du matin est célébrée en petit comité. A la table du pape, les mets sont d’une extrême simplicité, comme dans un monastère… "Ora et labora !"

Les premiers pas

Un nouveau pape est traditionnellement attendu sur sa première Encyclique, censée donner de claires indications programmatiques. Ni réellement sociale, ni entièrement pastorale, la Lettre Encyclique de Benoît XVI a porté sur l’amour chrétien et a été rendue publique le 25 janvier 2006, au début du dixième mois de pontificat. Dans Deus caritas est, ‘Dieu est amour’, le pape a condamné les "formes réductrices de l'amour" et invité les fidèles à équilibrer, dans leur vie, le contact avec Dieu et l’attention aux autres. Benoît XVI y a aussi demandé aux Etats de prendre leurs responsabilités en matière de justice sociale et a justifié l’engagement de l’Eglise dans ses œuvres caritatives. En guise de programme, il a ainsi mis l’amour chrétien au centre du pontificat et de la foi de l'Eglise. Cette première Encyclique a aussi été présentée par le pape lui-même comme un “fondement“ pour “la recherche patiente de la pleine communion“ des chrétiens.

Ainsi, le pape originaire du pays de la Réforme s’est montré particulièrement attentif au dossier œcuménique. “L'actuel successeur de Pierre assume comme engagement premier celui de travailler sans économiser ses énergies à la reconstitution de l'unité pleine et visible de tous les disciples du Christ“, avait-il lancé au lendemain de son élection, affirmant que “la manifestation de bons sentiments ne suffit pas“. Son regard et ses gestes se sont alors tournés vers les réformés français réunis en synode en mai 2005, les luthériens finlandais en janvier 2006 et vers les responsables orthodoxes à Athènes, Constantinople et Moscou. Dans un message au Conseil œcuménique des Eglises, en février dernier, il a souhaité “intensifier“ les efforts pour “arriver au jour où les chrétiens seront unis“.

En matière d’œcuménisme, la pensée du nouveau pape semble résumée dans un message qu’il a adressé à des membres du Patriarcat œcuménique de Constantinople deux mois après son élection: “L'unité que nous recherchons n'est ni une fusion, ni une assimilation, mais le respect de la plénitude multiple de l'Eglise“. L’œcuménisme de Benoît XVI est fait de débat théologique, de dialogue et de diplomatie.

Jean Paul II, l’ami des juifs, n’est pas trahi par son successeur qui a déjà reçu moult délégations de représentants juifs au Vatican et a accompli, lui aussi, la démarche symbolique d’entrer dans une synagogue, en août 2005 à Cologne. Les références aux textes de la tradition hébraïque de ce fils de la nation allemande sont légion. Sa visite en Pologne, en mai prochain, prévoit une étape très attendue au camp d’extermination nazi d’Auschwitz. “Juifs et chrétiens ont un riche patrimoine commun“, a récemment déclaré le pape allemand devant une délégation juive américaine, avant de préciser que “ceci distingue de nombreuses manières un rapport qui est unique parmi les religions du monde“.

Les défis

Ainsi, les relations avec l’Islam sont plus complexes, et il semble que Benoît XVI souhaite orienter le dialogue sur le plan culturel. A Cologne, où sa visite à la synagogue avait marqué les esprits, il avait accordé une audience discrète aux responsables de la communauté musulmane locale, essentiellement turcs, lançant un appel à ce que cesse le terrorisme, “choix pervers et cruel“, réclamant le respect de la liberté religieuse et invitant à un “dialogue interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans“. Depuis, le pape a provisoirement unifié la présidence du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux avec celle du Conseil pontifical de la culture, probablement en vue d’unifier prochainement les deux dicastères.

“Pendant un an, j’observe, puis j’agirai“. Cette phrase que certains cardinaux prêtent au nouveau pape au soir même de son élection rassure les impatients et inquiète les autres, dont certains membres de la curie romaine. L’unification temporaire de la présidence de quatre conseils pontificaux – le dialogue interreligieux avec la culture, les migrants avec Justice et Paix – permet de penser que le pape, tranquillement, prépare des changements au sein de la curie. Par le passé, le cardinal Ratzinger n’avait pas caché son souhait d’un “amaigrissement“ de l’appareil curial. De plus, il n’échappera pas au remplacement de certains hauts prélats nommés par Jean-Paul II et ayant largement dépassé l’âge de la retraite, comme son secrétaire d’Etat et les chefs de plusieurs dicastères. Ces nominations et ces changements, selon certains, sont imminents et pourraient aussi concerner la liturgie, la pastorale de la santé, les laïcs et les communications.

Un autre dossier semble dominer ce début de pontificat: celui des catholiques attachés au rite traditionnel de la messe et des fidèles intégristes. En vue de parvenir à un rapprochement que Jean-Paul II n’a pas réussi à sceller, Benoît XVI réfléchirait à la levée de l'excommunication des évêques schismatiques souhaitant réintégrer l’Eglise et à une libéralisation de la messe selon le rite saint Pie V. Benoît XVI a créé la surprise en recevant le chef de file des intégristes, Mgr Bernard Fellay, en août 2005.

Le pape a réservé d’autres surprises. Il a ainsi reçu en privé le théologien contestataire Hans Küng, en septembre 2005, essayant de se réconcilier avec la frange la plus progressiste de l’Eglise qui le voit encore comme le ‘panzerkardinal’. Il s’est posé un autre défi : élever son prédécesseur à la gloire des autels en un temps record, une façon de rendre hommage à Jean Paul II mais aussi d’inscrire son nom dans l’histoire… Ainsi, à peine plus d’un mois après son élection, il a ouvert le procès en béatification du ‘serviteur de Dieu’ Jean Paul II.

D’un point de vue géopolitique, ce début de pontificat porte les priorités du prédécesseur polonais. Poursuivant l’engagement du Saint-Siège à promouvoir la paix entre l’ensemble des nations, Benoît XVI avance à petits pas avec Moscou et marque certains points du côté de Pékin. Son premier consistoire a consacré deux évêques défenseurs de la liberté religieuse en Asie: les archevêques de Hongkong et de Séoul. Malgré cela, des signes positifs commencent à arriver de Pékin. “Dernier pape européen“ selon le journaliste français Bernard Lecomte, Benoît XVI reste cependant très attentif à ce qui se passe dans le vieux continent, au risque de laisser un peu de côté le reste du monde où vivent aujourd’hui, paradoxalement, 80 % des catholiques.

Après le voyage d’août 2005 à Cologne, prévu par Jean Paul II, et celui de mai 2006 en Pologne comme pèlerinage en forme d’hommage à son prédécesseur, Benoît XVI va entamer ses ‘propres’ voyages. L’Espagne, en juillet 2006, pour réaffirmer l’importance des valeurs familiales, la Bavière, en septembre, pour saluer les siens et confirmer les racines chrétiennes du continent européen, puis la Turquie, en novembre, pour un geste envers les orthodoxes et délivrer un message au monde musulman. Européen, Benoît XVI prévoit pourtant de s'envoler les années à venir au Brésil, en Australie, et pourquoi pas au Canada. (apic/imedia/Antoine-Marie Izoard/pr)

14.04.2006 – Apic

 

Des Nouvelles de Mgr Rifan

 

de l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney

On sait que « La porte latine », site du District de France de la FSSPX,  a diffusé, en plein Vendredi Saint, chose étonnante…un article très polémique contre Mgr Rifan…Il a reçu un courrier nombreux d’encouragement. Il veut en remercie les auteurs.

A LITTLE NOTE FROM BISHOP RIFAN

About my last interview, I would like to thank all the messages of congratulations I received from everywhere. Thanks be to God, there are many and many souls, mainly among the traditionalists, with good sense, a true “sensus Ecclesiae”. They understood my right intention and my love for the traditionalist faithfuls. The true friend is one who shows us our defects and dangers, in order to correct us. The attacks and offenses I received unfortunately confirm my warnings against the seven capital sins or temptations where we can fall in. But I understand and forgive them and pray for them. With my blessing.

            + Bishop Fernando Arêas Rifan

               Titular Bishop of Cedamusa - Apostolic Administrator

 

UNE PETITE NOTE DE MGR. RIFAN

Sur ma dernière interview, je voudrais remercier tous les messages de congratulation que j’ai reçu. Grâce à Dieu, il y a beaucoup d’âmes, surtout parmi les traditionalistes, qui ont gardé bon sens, le vrai « sensus Ecclesiae ». Ils ont compris ma droite intention et mon amour pour les fidèles traditionalistes. Le vrai ami est celui qui nous montre nos défauts et dangers, pour nous corriger. Les attaques et offenses que j’ai reçues confirment malheureusement mes avertissements sur les sept péchés capitaux ou des tentations où nous pouvons tomber. Mais je les comprends et leur pardonne, et je prie pour eux. Avec ma bénédiction.

+ Mgr. Fernando Arêas Rifan

Evêque titulaire de Cedamusa – Administrateur Apostolique

 

Les nouvelles de France

 

Réflexions autour du CPE

 

Jean Madiran, dans Présent de jeudi 20 avril, nous donne son jugement sur l’anarchie qui secoua la France. Il est à prendre en compte…

 

A-   Après huit semaines d’anarchie militante

 

Il y a les dégâts chiffrés et les non chiffrables

 

Premières estimations des saccages, vols, vandalismes de toute sorte commis pendant deux mois dans les locaux universitaires : un million d’euros à la Sorbonne, 100 000 à Rennes, et ainsi de suite : « Plusieurs centaines de milliers d’euros par université » prévoit le ministre des finances Thierry Breton. Ces chiffres sont très parlants. Mais il y a aussi, non chiffrable, le nouveau naufrage intellectuel et moral de la supposée « Education nationale ».

 

Huit semaines de recrutement et d’exercice à la guérilla pour les groupes anarcho-trotskistes qui ont mené l’affaire !

 

Pour eux, l’aubaine est considérable, et se mesurera à la prochaine occasion, au prochain conflit. Pour le climat intellectuel des lycées et facultés, c’est une dégradation supplémentaire.

 

La coordination étudiante qui a dirigé la manœuvre réclame aujourd’hui l’abolition de la loi Fillon, la suppression du CNE, l’abandon du projet de loi sur l’immigration, la dissolution de l’Assemblée nationale, la démission de Chirac et de Villepin. La CGT elle-même n’en demande pas tant, en tout cas pas tout de suite. Mais les dirigeants de la coordination étudiante peuvent dire avec raison : « Nous n’avons pas inventé de nouvelles revendications, nous le réclamons depuis le début du mouvement, bien avant la fin du CPE. » Il est possible qu’ils écoutent la recommandation de Bernard Thibault, qui leur suggère avec précaution de poursuivre maintenant par d’autres formes d’action. Mais leur identité idéologique n’est pas douteuse, et tout au long des dernières semaines Présent n’a cessé

de l’indiquer.

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Bien sûr, il y a aussi la revendication de l’attribution automatique des examens de fin d’année à tous les étudiants. Cela ne se fera probablement pas sous une forme aussi provocante. Mais cela fonctionne quasiment déjà à tous les niveaux.

Le bac accordé à plus de 80 % de chaque génération scolaire envoie donc presque tous les élèves dans les facultés, où les trois quarts sont assurés d’avance de n’avoir aucun débouché, aucun métier réel, même si les diplômes distribués n’étaient pas de plus en plus disqualifiés par leur démocratisation aveuglément égalitaire. On parle à mi-voix d’« examens modifiés » pour les rendre d’accès encore plus facile. Diplômé sans doute, mais socialement inutile, ce trop nombreux prolétariat intellectuel n’aura d’autre avenir qu’une carrière de « permanents » dans des associations artificielles et subventionnées, où ils deviendront des « révolutionnaires professionnels », merci Lénine

d’avoir pensé à eux.

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 Autre revendication qui va de soi : parachever l’impunité dont jouissent les activités anarchistes par l’arrêt de toutes les poursuites et l’amnistie pour ceux des casseurs et auteurs d’agressions barbares qui ont déjà été condamnés. On nous dira une fois de plus que c’est pour l’apaisement. Et, une fois de plus, ce sera un puissant encouragement.

 

 Conformément à l’amoralisme officiel de la Ve République et aux prescriptions de sa Haute Autorité (la Halde), l’Education nationale s’est installée dans la légitimation et le respect de n’importe quelle « orientation sexuelle », ce qui est une incitation à peine indirecte à toutes les débauches. De cette éducation à l’anarchie libertine, le passage à l’anarchie libertaire est  naturel, et ensuite à l’anarchie militante, puis terroriste, parfumée de quelques reliefs de la vulgate marxiste-léniniste. Mardi, quelques dizaines d’étudiants et lycéens ont occupé les locaux du quotidien économique La Tribune, accusé d’être un journal qui « échafaude les inégalités et violences sociales », et cette occupation était une tentative de confiscation, ils avaient toutes prêtes des affiches proclamant « La Tribune est à nous ». Elle ne sera pas à eux, du moins cette fois, parce que la police est intervenue, mais l’important, le signe annonciateur, est que, bien éduqués scolairement, ils trouvaient tout naturel d’en prendre possession.

JEAN MADIRAN

 

 

La guerre civile n’est peut-être pas très loin…surtout quand on lit le récent sondage réalisé par IFOP

Jean Cochet en fait l’analyse dans Présent du samedi 22 avril.

 

 

B- Un tiers des Français juge « l’extrême droite » : « proche de leurs préoccupations »

 

Voilà un sondage, réalisé par IFOP, qui chagrine au plus haut point la classe politico-médiatique. Pensez donc : plus d’un tiers des Français estiment que « l’extrême droite enrichit le débat politique » et qu’en outre, elle est « proche des préoccupations » des Français. Les commentateurs politiques en sont restés sans voix.

 

35 % des personnes interrogées répondent « oui, plutôt », à la question de savoir si « l’extrême droite » enrichit le débat politique. Les proportions sont respectivement de 34 % et de 66 % à la question de savoir si « l’extrême droite » est proche des préoccupations des Français. « Extrême droite » étant bien sûr synonyme ici de droite nationale. Une droite que nos adversaires ont notamment diabolisée par le biais du vocabulaire en lui accolant une notion d’extrémisme que nous avons réfutée. Alors que la droite traditionnelle, la droite d’idées n’a en fait rien d’extrémiste. Ni dans ses propositions, ni dans son comportement, ni dans son électorat. Mais, à tant tirer sur la corde, elle finit par s’user. Et il semble que ce terme « extrémiste », qui nous qualifie de façon fausse et diffamatoire, trompe de moins en moins de monde. Si être extrémiste, c’est penser comme Le Pen et les élus nationaux, alors nous sommes « extrémistes », en concluent même placidement certains électeurs, pourtant étrangers dans leur vie quotidienne à tout radicalisme et à tout activisme. Directeur du département d’opinion publique de l’IFOP, Frédéric Dabi commente ainsi les chiffres du sondage qui attristent fort les bobos du Tout-Paris: « Emeutes dans les banlieues à l’automne 2005, mouvements sociaux consécutifs au CPE en 2006, autant de crises hexagonales qui (…) semblent renforcer l’extrême droite. » Ceux qui trouvent que « l’extrême droite » enrichit le débat politique estiment que sa contribution est la plus utile en matière d’immigration (43 % des réponses), puis sur la sécurité (31 %). Difficile en effet de faire confiance pour résoudre ces problèmes angoissants, à ceux qui en sont à l’origine. Invités à désigner la personnalité incarnant le mieux « l’extrême droite », près de 48 % des personnes interrogées placent nettement  en tête Jean-Marie Le Pen (48 %). Le président du Front national devance nettement Philippe de Villiers (24 %), Marine Le Pen (19 %), Bruno Mégret (4 %) et Bruno Gollnisch (2 %).

 

Face aux trahisons à répétitions de la fausse droite, désormais identifiée au parti de la reculade, les Français, peu à peu, commencent à regarder du côté de la vraie droite. Celle dont ils découvrent que le prétendu extrémisme n’était qu’un mensonge médiatique de plus. Non seulement la droite nationaliste existe toujours, mais dans l’effondrement du système en train de craquer de toutes parts, elle existera de plus en plus. Ce sont les sondeurs de l’IFOP qui nous l’annoncent…

Jean Cochet.

 

 

Danièle Masson nous livre ses réflexions sur « l’affaire du CPE »

C- La grande méprise

 

Par Danièle Masson . Dans Présent du samedi 22 avril.

 

 

 

Le CPE enterré, chacun a pu retourner à ses occupations... Le soulagement, nous affirme-t-on, est général.

 

Que la France soit devenue plus ingouvernable que jamais ne semble pas déranger grand monde. Il est cependant à craindre que ce calme apparent soit de courte durée... ou à souhaiter – selon que l’on aspire à paix à n’importe quel prix, ou que l’on craigne que, plus les causes de cette situation agonistique durera, plus problématique sera le retour à

une situation favorable aux reconstructions. Non que nous étions de fervents inconditionnels de cette loi. Le CPE, n’était un bien que relatif ; une tentative à un retour « plus bas que le mal ». Cette loi n’est en effet en rien glorieuse – pas plus que ne l’est le coup de bistouri sur un abcès –, elle ne s’attaquait pas au mal profond dont cette révolte télécommandée est résultat, mais à ses seuls effets.

 

La société d’opinion fait son entrée (1)

 

Comment a-t-on pu croire un seul instant que les syndicats accepteraient de se laisser déposséder de la seule raison d’être qu’il leur reste : les conflits dans l’entreprise... et comment a-t-on pu croire que les médias laisseraient passer cette occasion rêvée de fomenter une alliance objective en vue de la reconquête du pouvoir par la gauche selon leur cœur, et que pour cela ils hésiteraient à envoyer courageusement les étudiants et lycéens en première ligne. Si Villepin est impardonnable de quelque chose, c’est bien d’avoir cru que le début de solution au blocage de l’emploi des jeunes qu’il proposait assurerait une assise à ses ambitions politiques – par ailleurs, somme toute légitime – et que cette disposition pouvait aboutir en faisant l’économie des précautions... c’est-à-dire sans s’assurer contre l’outrecuidance de la secte culturelle, de ses bras et de ses jambes que sont les médias et les syndicats.

 

L’opposition a gagné ! clame-t-on. La belle affaire si la France y a perdu ; car il semble bien que, ce faisant, les futurs travailleurs viennent de perdre une occasion de faire leurs preuves : ils – ou plutôt ceux qui se sont imposés pour les représenter – ont donné confirmation à leurs futurs éventuels employeurs qu’il était décidément difficile de donner d’emblée une confiance « indéterminée », c’està- dire illimitée, à cette jeunesse révoltée, déboussolée, découragée avant même de commencer à travailler... ils ne les embaucheront donc pas, en tout cas pas pour une prime ! Ladite droite, aux affaires, en la personne du Premier ministre, a cru qu’il était encore possible de prendre ladite gauche de court. De son côté, gauche croit venue l’occasion de s’emparer du gouvernail du bateau ivre qu’est devenue la France.

Or, ils se trompent tous deux ! C’est la société d’opinion (1) qui a fait son entrée en force, en réalité la démocratie selon ses fondamentaux, c’est-à-dire l’assujettissement de l’homme complet – corps, âme et esprit – à une classe dirigeante – la caste culturelle – assez intelligente pour laisser les deux clans opposés – la droite et la gauche – se disputer une gouvernance qui n’a plus du pouvoir que l’apparence, mais garde les réels comptes à rendre. Les seconds font le travail, les premiers récoltent... Les grandes manœuvres. Il y a peu, l’affaire de l’alinéa 2 de la loi mentionnant « le rôle positif de la présence française outre-mer », qui dut être retiré par une savante orchestration, fut un coup de semonce. L’abandon de l’alinéa 8 de la loi sur « l’égalité des chances (sic) » – feu le CPE – est la confirmation d’une prise, par la caste culturelle, d’une part du pouvoir plus grande encore. La machination est parfaitement concluante : l’homme postmoderne est advenu !

 

Pourquoi, dans ces conditions, dira-t-on, ne pas avoir profité de l’occasion pour prendre le pouvoir qui était à portée de main ? En effet, contrairement à Mai 68, le pays est resté tétanisé, et, à quelques exceptions près, sans grande réaction. Si la caste culturelle n’a pas pris le pouvoir apparent, c’est qu’elle n’en veut pas, n’en déplaise à quelques éléments mal contrôlés – rapidement repris en main – qui voulaient « aller jusqu’au bout » (ils ne disent pas de quoi). Pourquoi, alors qu’elle a le pouvoir réel, la caste culturelle prendrait-elle le risque d’être tenue pour responsable de la casse inévitable produite par le monde qu’elle met en place... et celui de perdre ses bras et jambes : les médias et syndicats, alors que, comme dans la chanson, l’alternance droite gauche est la meilleure façon de marcher : de faire avancer leur projet de société.

 

Seconde méprise

 

A l’évidence, cette affaire repose sur une confusion. Il y a eu erreur sur la cible ! On ne s’en est pas pris à la maladie mais à son palliatif. Il est difficile d’en vouloir pour ce malentendu à la jeunesse – si ce n’est à ses meneurs et à ses mentors. Cette jeunesse, en effet, est tenue loin de toute analyse véritable, et l’argumentation qui lui est fournie se limite à des slogans et à des rejets simplistes : « Avant tout dialogue, on exige le retrait. » Il y a des moments où l’on comprend pourquoi Villepin a tenté le passage en force ! La jeunesse – et, là, elle a raison  ne peut se contenter de l’horizon qui lui est offert : un avenir de producteurs-consommateurs à la merci d’un capitalisme tel qu’il est devenu... ni solidaire ni équitable, mais rapace et inhumain. Comment se contenterait-elle d’une vie résumée à une confrontation entre des prédateurs et leurs victimes ? Mais elle s’est trompée de cible ! Combattre le mal

où il est.

 

Avec l’arrivée du totalmondialisme, le capitalisme a perdu tous freins et toutes barrières pour contenir ses débordements, et leurs tenants sont devenus fous des richesses qu’ils accumulent à l’infini, pillant sans vergogne, ni retenue, la planète et ses ressources y compris humaines. Et l’on voudrait nous faire croire qu’il y a là une fatalité, un progrès contre lequel on ne peut rien et auquel il convient de s’adapter. Toute morale préalablement extirpée, plus rien ne retient leur effrayante voracité qui ne connaît plus de limite dans aucun domaine, excepté celles qui les protègent de leurs homologues. Les autres mécanismes de régulation ont sauté, ils peuvent désormais délocaliser et rançonner à leur guise. Il est significatif que les jeunes manifestants aient pris (ou accepté de prendre) pour symbole de la précarité : le CPE qui, précisément, voulait y remédier. A long terme, il est difficile de leur donner tort, quant au fond. On leur a fait prendre le palliatif pour le remède ! A aucun moment, en effet, il ne s’est agi de la maladie dont on nous tient dans l’ignorance, mais de ses seuls effets. Et on peut se demander si la classe politique entière ne fait pas la même confusion. La comparaison de Villepin entre le non au CPE et le non au référendum sur la Constitution européenne est révélatrice et inquiétante, car, s’il ne s’agit pas de naïveté, cette comparaison en fait l’allié objectif de l’inhumaine totalmondialisation qui est, entre autres méfaits, la première cause de la précarité des emplois. De plus, notre matador, contraint de reculer, continue d’ignorer les pro- CPE et les anti-anti-CPE pour discuter avec des syndicats ultraminoritaires, et il s’entête à ne pas exiger des médias un minimum d’objectivité, quitte à se servir des dispositions mises en place pour cela sous Giscard... C’est à se demander s’il a conscience du précipice duquel notre pays se rapproche dangereusement. La démocratie est devenue un instrument d’oppression entre les mains de la secte totalmondialiste et de la caste culturelle à sa dévotion, qui, après avoir fabriqué un homo œconomicus, veulent recomposer le monde à leur convenance ; c’est-à-dire le mettre à la portée de leur effrayante avidité. Voilà contre quoi la jeunesse s’est révoltée, mais elle ne le sait pas ! Quant au pouvoir apparent, il n’a qu’à bien se tenir ! Il sait maintenant ce qui attend celui qui s’aviserait de vouloir gouverner.

D.M.

 

 (1) La différence qu’il y a entre opinions et vérité est la même qui sépare la croyance et la foi. La première posture est idéologique – c’est-à-dire a pour origine la seule raison... la sienne ou celle que l’on adopte par choix personnel. La seconde est donnée et reçue – antérieure à celui qui la pense – si ce n’est dans la manière de l’expliciter, du moins quant à son substrat. Dans la société d’opinion, chère à Augustin Cochin, le relatif est absolutisé et l’intangible relativisé... C’est bien le monde à l’envers.