Les Nouvelles
de
Chrétienté


n°51

Le 12 mai  2006

 

 

 

Encore

sur les « conclusions » de l’Assemblée épiscopale

du 7 avril 2006

 

Jean Madiran, dans Présent des 10 et 11 mai 2006, vient de donner des appréciations fort remarquables sur le texte de synthèse que le  cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence épiscopal française, publia à l’issue de la réunion de printemps de la Conférence  épiscopale de France, le 7 avril 2006.

J’ai moi-même commenté ce texte dans «  Regard sur le monde », les   numéros 86 et 87, surtout le numéro 87.

Nos points de vue se rejoignent.

On ne peut pas ignorer les appréciations de Jean Madiran sur ce même texte. Il faut les faire connaître… Le plus simple  serait de vous abonner au journal…

 

De plus pour bien comprendre le problème, il faudrait lire le livre « La bataille de la messe » que j’ai publié aux Editions de Paris 5 rue du Maréchal Joffre 78000 Versailles. . Cette publication a été faite aux moments opportuns

 

Juste un mot sur ma santé. Je vais bien et les analyses faites ne révèlent rien de graves et surtout pas de tumeur cancéreuse. Tout est bien ainsi. Et tout va bien…Comme me le disait gentiment Monsieur l’abbé » Philippe Laguérie : « heureusement, car la route est encore longue ». Soit !

 

Voici le premier article de Jean Madiran:

 

 

Non, vous n’arriverez pas à esquiver les 2 messes

 

Dimanche dernier 7 mai, La Documentation catholique a publié le texte intégral, et officiel, des « conclusions » de l’assemblée épiscopale de printemps, telles que les dévoile et les résume le cardinal-président Ricard. Parmi d’autres questions, les évêques ont « échangé » (entre eux) sur « l’accueil

et la place des groupes traditionalistes dans les diocèses ».

 

 

 

 

 

 A ce sujet, le cardinal-président Ricard rappelle d’abord qu’il y a dix-huit ans, dans Ecclesia Dei adflicta, Jean-Paul II

avait demandé aux évêques de répondre « largement et généreusement » aux demandes de fidèles et de groupes de fidèles demandant une célébration de la messe selon le missel de 1962, appelée communément « messe de saint Pie V ».

 

Fort bien. Mais dans le long développement qui suit (environ 3 500 signes) sur l’« accueil des traditionalistes », il est question de plusieurs points certes importants, mais il n’est plus question du tout de la messe. Une allusion en passant à la « diversité de sensibilités liturgiques », et plus loin une dénomination embrouillardée : « questions de liturgie ».

 

C’est d’ailleurs dans un contexte plaçant ces questions de liturgie au second plan, voici ce contexte : « La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du Magistère, tout particulièrement celui du concile Vatican II. »

 

Evidemment, on peut toujours trouver un « point de dissension » plus général, et le plus général porte sans doute ici sur la conception philosophico-théologique selon laquelle le monde change, donc la religion doit changer aussi, et les rites.

 

Depuis quarante ans, nous avons bien eu quarante déclarations épiscopales, individuelles ou collectives, qui allaient

dans ce sens. Mais les vues générales, c’est quand elles se concrétisent qu’elles entraînent des heurts, des dissensions, des

conflits. C’est alors la rivalité de deux messes, la traditionnelle et la nouvelle.

 

Rivalité, c’est trop peu dire. La messe nouvelle a prétendu remplacer l’ancienne, c’est-à-dire l’assassiner ; elle a prétendu être obligatoire, c’est-à-dire être revêtue d’une obligation juridique et morale qui comportait l’interdiction de la messe traditionnelle. Avec quelle brutalité, dès 1970, le clergé a imposé cette contrevérité ! Il l’a imposée aux religieuses, dépendantes de leur aumônier désigné par l’évêque. Il l’a imposée spécialement aux religieuses enseignantes, et aux écoles

dépendant de la direction diocésaine ; et par là il l’a imposée aux enfants baptisés. Il l’a imposée à l’opinion publique, par l’affirmation répétée, de 1970 à 1984, que la messe de saint Pie V était interdite, et que d’ailleurs seuls des vieillards nostalgiques, en nombre infime, y restaient stupidement attachés. La messe de Paul VI a été ainsi instrumentalisée au profit d’un autoritarisme injuste et cruel, qui au demeurant a vidé les églises et tari les vocations sacerdotales. Cette messe réformée a tristement fait ses preuves ; à la longue elle ne pourra survivre qu’au prix d’une réforme de la réforme, cela est clairement ou obscurément admis désormais.

 

 Depuis 1984-1986, c’est-à-dire depuis une vingtaine d’années, on sait dans l’Eglise (mais nombreux sont encore ceux qui ne veulent pas le savoir) que l’interdiction supposée de la messe traditionnelle était une erreur, une tragique erreur. Depuis vingt ans, une importante partie de l’épiscopat et du clergé oppose sa mauvaise volonté, voire son veto, aux efforts de Jean-Paul II puis de Benoît XVI pour libérer la messe traditionnelle d’un interdit sans fondement. Le saint-siège veut éviter d’avoir à le faire malgré les évêques, et donc contre eux. Il n’est pas encore arrivé à les y entraîner de leur plein gré.

 

Il est à la mode de se demander si une libération officielle de la messe tridentine sera « suffisante », ou ne le sera pas, pour « satisfaire » les traditionalistes. Mais la messe n’est pas pour nous faire plaisir. Ses titres à être célébrée ne se limitent pas à notre éventuel contentement. Accidentellement il a bien fallu, et il faut encore, que des « traditionalistes » fassent

entendre leur réclamation en sa faveur. Mais indépendamment des subjectives « sensibilités liturgiques » plus ou moins riches ou pauvres, il y a la messe multiséculaire, il y a la primauté d’honneur à laquelle elle a droit et la piété filiale qu’elle réclame ; il y a sa liaison intime avec la foi de l’Eglise.

 

JEAN MADIRAN

 

 

Voici le deuxième article.

 

« Ne saurait tolérer »

 

PARLANT au nom de l’épiscopat, son président le cardinal Ricard déclare éventuellement « possible » un « retour » des traditionalistes à « la pleine communion » de l’Eglise, si Benoît XVI donne, comme il en est question, des « directives » en

ce sens « dans les semaines ou les mois qui viennent ». Il avertit cependant. Il stipule ce que la communion « ne saurait

tolérer ».

 

Ah, bon !

 

Elle « ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée ».

 

Cela paraît anodin. Il va de soi que le refus « systématique » et le « dénigrement » ne sont jamais les bienvenus en aucun domaine. Mais on aurait tort d’en conclure que le cardinal-président accueille comme légitimes un refus du Concile qui serait partiel et circonstancié, ou une critique de la réforme liturgique si elle est argumentée plutôt que systématique,

motivée plutôt que dénigrante. Il nous est bien précisé à quoi, selon notre épiscopat, se limite ce qui est tolérable :

« La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement.

»

Et pas plus.

 

Seulement des « questions ». Des « demandes de précision ».

 

Mais plus d’objections ? Plus de réfutations ? Plus de débats désormais ? Plus de discussions ?

Dans l’Eglise, plus de « questions disputées » ? Je suppose qu’il faut entendre, ou plutôt je constate que seuls les traditionalistes en sont ainsi privés.

 

Sinon, à ce compte, quand Jérôme et Augustin s’opposaient avec la vivacité que l’on sait, quand Bossuet réprimandait Fénelon, quand Guéranger affrontait Félix Dupanloup, lequel des deux aurait dû ne pas être « toléré » par la communion ? Et quand le futur cardinal Congar vilipendait l’« ecclésiologie » du concile de Trente ?

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Le refus du Concile, tel qu’il existe chez les traditionalistes, n’est pas le refus de tout le Concile, mais de ses innovations. Le refus de les recevoir aveuglément et sans critique. Autrement dit, le refus de leur sacralisation. Le refus de considérer que Vatican II aurait autant d’autorité et plus d’importance que le concile de Nicée. Le concile Vatican II n’a été infaillible dans aucune de ses décisions, aucun de ses décrets. Il s’est voulu pastoral par distinction d’avec dogmatique et même

d’avec doctrinal. Le considérer comme ayant autant d’autorité et plus d’importance que les décisions dogmatiques définissant la foi de l’Eglise, c’est une insupportable exagération, pour ne pas dire une imposture. Prétendre qu’on ne peut à son sujet formuler rien de plus que des questions ou des demandes de précision est un misérable abus d’autorité.

 

 La critique des innovations de Vatican II n’est pas infaillible elle non plus, bien sûr. Mais elle est licite. Elle relève d’une éventuelle réfutation mais non pas d’une censure ; non pas d’une exclusion de la communion ecclésiale. A cet égard l’épiscopat français pourrait utilement s’interroger sur ce qu’a été sa responsabilité, pendant et après Vatican II, dans l’injuste apartheid qui a frappé les traditionalistes et qui n’est toujours ni vraiment supprimé ni réparé. A ne considérer que les propos du cardinal- président, le temps de cette repentance-là ne paraît pas encore venu pour le noyau dirigeant de notre épiscopat.

 

JEAN MADIRAN