Les Nouvelles
de
Chrétienté


n°54

Le 2 juin 2006

L’enseignement du Pape.

Lors de l’audience générale du mercredi 31 mai, Benoît XVI fit le compte rendu de son magnifique voyage en Pologne.

Nous publions ci-dessous le texte intégral de son discours.

Il y a de très belles choses à retenir de ces nombreux discours. Nous retiendrons particulièrement son appel à la foi qu’il lança aux jeunes ainsi que son appel à Autwitch.

Sur la foi : « A partir de la merveilleuse méditation mariale que Jean-Paul II a donnée à l'Eglise dans l'Encyclique Redemptoris Mater, j'ai voulu reproposer la foi comme attitude fondamentale de l'esprit – qui n'est pas seulement quelque chose d'intellectuel ou de sentimental – la foi véritable touche la personne tout entière: ses pensées, ses sentiments d'affection, ses intentions, ses relations, sa dimension corporelle, ses activités, son travail quotidien ».

Sur l'horreur d'Auschwitz :  « Face à l'horreur d'Auschwitz, il n'y a pas d'autre réponse que la Croix du Christ: l'Amour descendu jusqu'au fond de l'abîme du mal, pour sauver l'homme à sa racine, où sa liberté peut se rebeller à Dieu. Que l'humanité d'aujourd'hui n'oublie pas Auschwitz et les autres « usines de mort » dans lesquelles le régime nazi a tenté d'éliminer Dieu pour prendre sa place! Qu'elle ne cède pas à la tentation de la haine raciale qui est à l'origine des pires formes d'antisémitisme! Que les hommes recommencent à reconnaître que Dieu est le Père de tous et qu'il nous appelle tous en Christ à construire ensemble un monde de justice, de vérité et de paix!

Chers frères et soeurs,

Je désire aujourd'hui reparcourir, avec vous, les étapes du voyage apostolique que j'ai pu accomplir ces jours derniers en Pologne. Je remercie l'épiscopat polonais, en particulier les archevêques métropolitains de Varsovie et de Cracovie, pour le zèle et l'attention avec lesquels ils ont préparé cette visite. Je renouvelle l'expression de ma reconnaissance au président de la République et aux diverses autorités du pays, ainsi qu'à tous ceux qui ont collaboré à la grande réussite de cet événement. Je désire surtout dire un grand « merci » aux catholiques et au peuple polonais tout entier, que j'ai senti se serrer autour de moi dans une étreinte riche de chaleur humaine et spirituelle. Et un grand nombre d'entre vous l'ont vu à la télévision. C'était une véritable expression de la catholicité, de l'amour pour l'Eglise, qui s'exprime dans l'amour pour le Successeur de Pierre.

Après l'arrivée à l'aéroport de Varsovie, la cathédrale de cette importante ville a été le lieu de mon premier rendez-vous réservé aux prêtres, le jour même du 50e anniversaire de l'ordination sacerdotale du cardinal Józef Glemp, Pasteur de cet archidiocèse. Ainsi, mon pèlerinage a commencé sous le signe du sacerdoce et il s'est ensuite poursuivi par un témoignage de sollicitude oecuménique, rendu dans l'église luthérienne de la Très Sainte Trinité. A cette occasion, uni avec les représentants des diverses Eglises et communautés ecclésiales qui vivent en Pologne, j'ai réaffirmé la ferme intention de considérer l'engagement pour la reconstitution de l'unité pleine et visible entre les chrétiens comme une véritable priorité de mon ministère. Il y a ensuite eu la solennelle Eucharistie sur la Place Pilsudski, remplie de monde, au centre de Varsovie. Ce lieu, où nous avons célébré solennellement et avec joie l'Eucharistie, a désormais acquis une valeur symbolique, ayant accueilli des événements historiques tels que les messes célébrées par Jean-Paul II et la messe des funérailles du cardinal-primat Stefan Wyszynski, ainsi que plusieurs messes d'intention qui connurent une grande affluence après la mort de mon prédécesseur.

Dans mon programme ne pouvait manquer la visite aux sanctuaires qui ont marqué la vie du prêtre et de l'évêque Karol Wojtyla, trois en particulier: ceux de Czestochowa, de Kalwaria Zebrzydowska et de la Divine Miséricorde. Je ne pourrai jamais oublier la halte dans le célèbre Sanctuaire marial de Jasna Gorá. Sur ce Clair Mont, cour de la nation polonaise, comme dans un cénacle idéal, de très nombreux fidèles et en particulier des religieux, des religieuses, des séminaristes et des représentants des Mouvements ecclésiaux se sont recueillis autour du successeur de Pierre pour se placer avec moi à l'écoute de Marie. A partir de la merveilleuse méditation mariale que Jean-Paul II a donnée à l'Eglise dans l'Encyclique Redemptoris Mater, j'ai voulu reproposer la foi comme attitude fondamentale de l'esprit – qui n'est pas seulement quelque chose d'intellectuel ou de sentimental – la foi véritable touche la personne tout entière: ses pensées, ses sentiments d'affection, ses intentions, ses relations, sa dimension corporelle, ses activités, son travail quotidien. Ensuite, en visitant le merveilleux sanctuaire de Kalwaria Zebrzydowska, non loin de Cracovie, j'ai demandé à la Vierge des Douleurs de soutenir la foi de la communauté ecclésiale dans les moments de difficulté et d'épreuve; l'étape suivante au sanctuaire de la Divine Miséricorde, à Lagiewniki, m'a donné l'occasion de souligner que seule la Divine Miséricorde éclaire le mystère de l'homme. Dans le couvent proche de ce sanctuaire, en contemplant les plaies lumineuses du Christ ressuscité, Soeur Faustyna Kowalska reçut un message de confiance pour l'humanité, le message de la Miséricorde divine dont Jean-Paul II s'est fait l'écho et l'interprète, et qui est réellement un message central, surtout pour notre époque: la Miséricorde comme force de Dieu, comme limite divine contre le mal du monde. J'ai voulu visiter d'autres « sanctuaires » symboliques: je veux parler de Wadowice, localité devenue célèbre car c'est là que Karol Wojtyla est né et a été baptisé. Visiter ce lieu m'a offert l'opportunité de rendre grâce au Seigneur pour le don de cet inlassable serviteur de l'Evangile. Les racines de sa foi robuste, de son humanité si sensible et ouverte, de son amour pour la beauté et la vérité, de sa dévotion à la Vierge, de son amour pour l'Eglise et surtout de sa vocation à la sainteté, se trouvent dans cette ville, où il a reçu sa première éducation et formation. Un autre lieu cher à Jean-Paul II est la cathédrale de Wawel, à Cracovie, un lieu symbolique pour la nation polonaise: dans la crypte de cette cathédrale, Karol Wojtyla célébra sa première messe.

Une autre très belle expérience a été la rencontre avec les jeunes, qui a eu lieu à Cracovie, dans le Parc de Blonie. Aux jeunes, venus en grand nombre, j'ai symboliquement remis la « Flamme de la miséricorde », afin qu'ils soient dans le monde des hérauts de l'amour et de la Miséricorde divine. Je me suis arrêté avec eux pour méditer sur la parabole évangélique de la maison construite sur le roc (cf. Mt 7, 24-27), lue également aujourd'hui, au début de cette audience. Je me suis arrêté pour réfléchir sur la Parole de Dieu également dimanche matin, solennité de l'Ascension, au cours de la célébration conclusive de ma visite. Cela a été une rencontre liturgique animée par une participation extraordinaire des fidèles, dans le même parc où, la veille au soir, s'était déroulé le rendez-vous avec les jeunes.

J'ai saisi l'occasion pour renouveler au sein du peuple polonais l'annonce merveilleuse de la vérité chrétienne sur l'homme, créé et racheté dans le Christ; cette vérité que Jean-Paul II a proclamée tant de fois avec vigueur pour encourager chacun à être fort dans la foi, dans l'espérance et dans l'amour. Demeurez forts dans la foi! Telle est la consigne que j'ai laissée aux fils de la bien-aimée Pologne, en les encourageant à persévérer dans la fidélité au Christ et à l'Eglise, pour que la contribution de leur témoignage évangélique ne manque pas à l'Europe et au monde. Tous les chrétiens doivent se sentir engagés à rendre ce témoignage, pour éviter que l'humanité du troisième millénaire puisse encore connaître des horreurs semblables à celles tragiquement évoquées par le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.

C'est précisément dans ce lieu tristement célèbre dans le monde entier que j'ai voulu m'arrêter avant de revenir à Rome. Dans le camp d'Auschwitz-Birkenau, ainsi que dans d'autres camps semblables, Hitler fit exterminer plus de six millions de juifs. A Auschwitz-Birkenau moururent également environ 150.000 Polonais et des dizaines de milliers d'hommes et de femmes d'autres nationalités. Face à l'horreur d'Auschwitz, il n'y a pas d'autre réponse que la Croix du Christ: l'Amour descendu jusqu'au fond de l'abîme du mal, pour sauver l'homme à sa racine, où sa liberté peut se rebeller à Dieu. Que l'humanité d'aujourd'hui n'oublie pas Auschwitz et les autres « usines de mort » dans lesquelles le régime nazi a tenté d'éliminer Dieu pour prendre sa place! Qu'elle ne cède pas à la tentation de la haine raciale qui est à l'origine des pires formes d'antisémitisme! Que les hommes recommencent à reconnaître que Dieu est le Père de tous et qu'il nous appelle tous en Christ à construire ensemble un monde de justice, de vérité et de paix! Voilà ce que nous voulons demander au Seigneur par l'intercession de Marie qu'aujourd'hui, en concluant le mois de mai, nous contemplons diligente et pleine d'amour rendant visite à sa parente âgée Elisabeth.



Les nouvelles de Rome.

 

Benoît XVI et les communautés charismatiques à la Pentecôte à Rome.

Le pape Benoît XVI accueille, le samedi 3 juin, la veille de la Pentecôte, fêt de l’Esprit-Saint, place saint Pierre, plus de cent communautés dites « nouvelles » dit « charismatiques ».

La place Saint-Pierre se transformera en « un cénacle à ciel ouvert où, réunis autour du Successeur de Pierre, les mouvements invoqueront ensemble, avec le Saint Père, une nouvelle effusion de l’Esprit », a déclaré Mgr Stanislaw Rylko, président du Conseil pontifical pour les Laïcs, à qui le pape a confié l’organisation de cette rencontre.

C’était le 17 mai 2005, au cours de la première audience officielle accordée à Mgr Rylko,  en tant que président du Conseil pontifical pour les Laïcs,  que le Saint-Père Benoît XVI a exprimé le désir de rencontrer les mouvements ecclésiaux et les nouvelles communautés
.

 Selon le même Mgr Rylko, « Le pape a suivi de très près les préparatifs de l’événement. Les paroles qu’ils a prononcées après le Regina Caeli de dimanche dernier, 21 mai, le confirment : « Je garde également présent dans le cœur et dans la prière l’important rendez-vous du samedi 3 juin prochain, vigile de la Pentecôte, lorsque j’aurai la joie de rencontrer place Saint-Pierre les nombreux adhérents de plus de cent mouvements ecclésiaux et communautés nouvelles, provenant du monde entier. Je sais ce que signifie pour l’Eglise leur richesse formative, éducative et missionnaire, si appréciée, soutenue et encouragée par le bien-aimé pape Jean-Paul II ».

 

Dans son édition du 28 mai 2006 Zenitpublie l’entretien avec Mgr Rylko, président du Conseil pontifical pour les Laïcs, sur cette grande réunion dont il a eu la charge.

Un nouveau sommet religieux à Moscou.

 

Zenit du mercredi 31 mai 2006  annonce la réunion d’un sommet des chefs religieux à Moscou en juillet 2006

Il est prévu que ce sommet rassemble les chefs ou les représentants des Églises orthodoxes, des Églises pré-chalcédoniennes, de l'Église catholique romaine.

Les organisateurs du sommet comptent également sur la présence des responsables religieux chinois, de l'Église luthérienne allemande, du Conseil national des Églises des Etats-Unis, des grands rabbins d'Israël, des Etats-Unis et des pays européens, des responsables musulmans des pays de la CEI, du Moyen-Orient et de la péninsule arabique, des bouddhistes, des hindouistes, des dirigeants du Conseil oecuménique des Églises et d'autres organisations religieuses internationales.

Le métropolite espère que ce sommet de Moscou jouera «un rôle important dans la prévention de l'extrémisme».

C’est encore là une belle illusion.


Les Nouvelles de France.

 

Jugement de M Delinger sur les mouvement de mars –Avril 2006.

Vous le trouvez dans les numéros de Présent de cette semaine.

 

Manifestations et émeutes de mars-avril 2006

L’accélération dans la chute

 

 

« Depuis plus de soixante ans, la France va d’épreuve en épreuve, de souffrance en souffrance, d’abaissement

en abaissement. Même dans ce contexte, mars 2006 – ou ce qui a débuté en mars 2006 – me paraît particulièrement grave. Plus que jamais, les événements qui dégradent, avilissent, déshonorent la France se déroulent dans toutes les grandes villes.

 

Dans ces déchaînements, il importe de distinguer les manifestations et les émeutes en dépit de l’association devenue habituelle de ces deux types de débordements. Les unes et les autres sont menées par des acteurs différents. Elles sont symptomatiques de maux profonds dissemblables, même s’ils sont tristement complémentaires. En revanche,

à l’égard des unes comme des autres, la nullité et la perversion du pouvoir politique et la malfaisance absolue du pouvoir médiatique portent une égale et écrasante responsabilité.

 

Mai 1968-mars 2006

 

A 38 ans de distance, des comparaisons s’imposent. Pour ceux qui ont vécu les deux, bien des événements de l’actualité font remonter d’une mémoire plus ou moins enfouie des souvenirs, peu glorieux. Dans les deux cas, la chienlit généralisée a souillé la Sorbonne. Mais alors qu’elle a été le point névralgique de tout Mai 68, en mars 2006,

son importance n’a été qu’éphémère. Les émeutes se ressemblent (il est vrai que dans ce domaine il est difficile d’innover) : barricades, voitures brûlées – ce fut, en 1968, le début d’une pratique dont la descendance est illimitée –, saccages les plus divers pour le plaisir de détruire, forces de l’ordre criblées pendant des heures des projectiles les plus

meurtriers et maintenues l’arme au pied par un pouvoir qui laisse pourrir la situation, slogans les plus débiles braillés par des brutes mal fringuées et dépenaillées, etc.

 

D’autres points communs sont plus subtils, plus psychologiques.

 

Dans un cas comme dans l’autre, le mouvement a démarré sans raison profonde, sans objectif crédible, voire sans objectif exprimé. Rien d’autre que la volonté de dire non et éventuellement de tout casser. Les slogans de 1968 étaient tellement excessifs, tellement hors du sens commun que les bourgeois s’en sont souvent rassurés : c’est trop irréaliste

pour être dangereux. Hélas, comme d’habitude, ils se trompaient. Et, peu d’années après, toute la France était contaminée par l’idéologie libertaire et anarchisante, anti-française qui poussait Giscard et son gouvernement à promulguer les lois les plus laxistes : la légalisation de l’avortement, le regroupement familial, bref, tout ce qui allait précipiter notre descente aux abîmes.

 

En 2006, le prétexte du CPE, mesurette dérisoire sans portée ni positive ni négative, était parfaitement insignifiant. Or, quelques jours après qu’il eut été invoqué, des millions de Français conspuaient ce projet de loi comme le mal absolu,

menaçant depuis le travail des jeunes jusqu’au paiement des retraites !

 

Malgré le halo hagiographique qui couvre toujours le dernier règne de Charles de Gaulle (1958-1969), il s’est avéré, face à Mai 68, que la droite parlementaire de l’époque ne valait déjà pas plus cher que la nôtre. Tout d’abord, en l’absence du Président, le Premier ministre n’a pas sifflé la fin de la récréation, comme il aurait dû le faire face aux

désordres de Nanterre en mars et en avril, prévenant les déchaînements parisiens. Il n’a rien fait. Après leur éclatement, avec des journées et des nuits se soldant par des centaines de voitures brûlées et des centaines de policiers blessés parfois grièvement, il a laissé la situation pourrir. De Gaulle, de retour d’Europe orientale, s’est ridiculisé avec son discours du 24 mai. Puis il s’est enfui en hélicoptère, avec sa famille et quelques valises, auprès de Massu, l’ancien chef de la 10e division parachutiste à Alger en 1957 et personnage emblématique de l’Algérie française. Massu l’a requinqué en quelques phrases énergiques et l’a remis, vite fait, dans son hélicoptère pour aller faire face à ses responsabilités élyséennes. Ce qui a mis fin à la chienlit soixante-huitarde, c’est d’abord la décomposition interne du mouvement lui-même : les toilettes bouchées à la Sorbonne, la drogue et les affrontements de tous ces corrompus, la lassitude et l’écœurement des jobards qui avaient été manipulés. Mais, plus important encore, fut le coup d’arrêt donné par le parti communiste. Les « crapules staliniennes » – comme les appelaient Cohn Bendit et ses émules du Mouvement du 22 mars – n’ont pris le train en marche que le 9 mai, après la réunion au Cirque d’Hiver. La CGT, après avoir lancé une grève générale qui a paralysé la France, a remarquablement tiré parti de la réunion de Grenelle. Il en est en effet sorti des « Accords » qui, grâce à la capitulation préventive et totale de Jeanneney et de Ceyrac (président du CNPF), assuraient au syndicat communiste des victoires inespérées sur les salaires, la représentation syndicale au sein des comités d’entreprise, etc. Après, la poursuite de l’affaire n’intéressait plus le parti communiste et sa courroie de transmission syndicale. Dès le 29 mai, dans un pays où il n’y avait plus de ministres, plus de préfets, qui ne tenait plus debout que grâce à quelques compagnies de CRS et quelques escadrons de gendarmes mobiles, ce fut l’immense défilé du parti communiste de la République

à Saint-Lazare qui mit fin au mouvement insurrectionnel. Le défilé des gaullistes sur les Champs-Elysées, survenu seulement le lendemain, ne fut que l’exhibition des lâches après que l’adversaire soixante- huitard se fut dissipé et que tout danger eut disparu... Une fois de plus dans l’histoire, communistes et gaullistes avaient été complices.

 

Politiquernent, c’est la différence essentielle avec mars 2006 où tout ce qui est actif est uni contre la tourbe de l’UMP. Il n’y a plus de disjonction entre communistes et gauchistes – ou staliniens et troskistes – favorisant le retour au calme, au moins apparent et éphémère. Compter sur un retour imminent du calme, au moins apparent, comme en 1968, n’a aucun fondement.

 

Avant d’en venir à ce qui sous-tend ces manifestations, cantonnées d’abord à quelques étudiants, manipulés par leur syndicat et mobilisant des millions de Français, j’évoquerai la double instrumentalisation dont elles ont été l’objet et l’occasion.

 

Soulignons au préalable que cette instrumentalisation n’a été possible que grâce à l’incessant activisme des médias.

Ceux-ci, et tout particulièrement la télévision, ont systématiquement menti, présenté les faits et les documents de la façon la plus biaisée et la plus malhonnête, érigé systématiquement les convictions de quelques-uns au rang de celles de la totalité des Français ; bref, ils ont fait évoluer l’opinion à leur gré, l’ont formatée, ont transformé le peuple de France en une multitude de perroquets. Dans ce scandaleux concert, ce qui est le plus intolérable, c’est la participation prioritaire des moyens d’information (?) publics, payés par nos impôts, que les gouvemements de droite (?) ont systématiquement laissé passer sous la coupe d’individus d’extrême gauche.

 

La première de ces instrumentalisations a été le fait de ces bandes ethniques qui sévissent dans notre pays depuis plus de dix ans sans recevoir la juste et sévère réponse répressive qui y mettrait fin. Ce fut pour elles l’occasion de rompre le régime de croisière dans leurs méfaits qu’elles avaient adopté depuis la fin de notre « novembre noir » pour réactiver leurs invraisemblables exactions. Ce sont toujours les mêmes, faites de jeunes gens – et de moins jeunes – se recrutant dans le vivier grouillant et foisonnant des fils de l’immigration. Ces jeunes sont embrasés d’une haine raciale fondée sur la couleur de la peau et sur le faciès europoïde de ceux qu’ils attaquent, sur une jalousie agressive à l’égard de

ceux qui réussissent mieux dans la compétition moderne, y compris scolaire. Ils brûlent d’une avidité sans limite à l’égard des produits de cette société qu’ils brûlent avec délectation quand ils ne peuvent les voler. Depuis la mi-novembre, ils ne rêvaient que de remettre cela. Ces manifestations allaient leur en donner une très belle occasion.

Et il est remarquable qu’ils s’en soient pris en premier lieu à ces manifestants dont la réunion de masse leur facilitait la mise en œuvre de leurs appétits destructeurs et sanguinaires.

 

Soulignons, dans cet aspect, l’irréparable gravité de la tactique passive adoptée par Sarkozy avec – au moins – l’aval de Chirac. Exiger des forces dites de l’ordre que, pendant des heures, elles se laissent humilier, insulter, cracher au visage, caillasser, recevoir des cocktails Molotov avec une seule exigence – et une seule satisfaction cyniquement étalée – que ces bandits commettant massivement des tentatives d’assassinat ne reçoivent pas un coup, pas une bosse. C’est la culbute intégrale de tous les principes de toutes les sociétés, de toutes les civilisations.

Les fauteurs de désordre sont préférés aux défenseurs de l’ordre. Le Mal est préféré au Bien. Cette tactique

absurde et contre nature a pour effet évident d’attiser la soif de récidives toujours plus violentes, toujours plus

fréquentes chez ces émeutiers. Elle ne peut que susciter chaque jour d’avantage de « vocations » à ces actes criminels, avec l’indicible satisfaction de bafouer impunément le tabou d’une puissance publique régnant en maître sur la société pour lui assurer la paix.

 

L’état d’esprit que va fortifier cette situation abracadabrantesque, laisse présager des agressions de plus en plus fréquentes contre des policiers isolés – ne serait-ce que lorsqu’ils rentrent chez eux – et les pires sévices à l’égard de leur femme et de leurs enfants traités comme la lie de la terre.

 

L’autre manipulation est celle de la gauche, celle des partis et plus encore es syndicats. Exploitant la dégradation

rapide de la situation, imputable aux actions subversives désormais chroniques des émeutiers, à la nullité

des pouvoirs politiques, les hommes de gauche ont pu répéter les manifestations, les enfler démesurément et faire sans arrêt monter les enchères, ridiculisant de plus en plus totalement le pouvoir de droite. Successivement, il fallait réformer le CPE puis – dès que le gouvernement l’a admis – il fallait abroger la loi que l’exécutif avait régulièrement promulguée. Et dès que la mise en application de la loi a été suspendue – par le Président même qui venait de la signer – il faudra la démission du gouvernement. Après quoi, viendra sans doute l’exigence d’élections anticipées.

 

A vaincre sans péril, la gauche triomphe sans gloire. Mais elle le fait avec une assez remarquable perversité. Car la cause principale du ras-lebol des Français et de la faillite de la droite tient à ce que celle-ci a continué une politique de gauche et l’a aggravée avec une folle obstination. La gauche exploite sans vergogne la désespérance des Français devant la ruine spirituelle et économique de leur pays, l’inéluctable montée du chômage, l’appauvrissement dramatique des classes moyennes, la prise de conscience d’une impossibilité prochaine de payer la retraite, la faillite évidente du financement du système de santé, l’insécurité générale. Or, si la responsabilité de ces maux est politiquement partagée entre la gauche et la droite successivement au pouvoir, idéologiquement la crise prend sa source dans l’application continue d’une politique socialiste. Il est vrai qu’il y a belle lurette que la droite n’a plus ni programme ni idéologie.

 

Face à cette offensive de la gauche qui a monté et manipulé les événements qui ont débuté en mars 2006, l’inaction – et parfois le silence – des responsables de la droite n’a pu que frapper chacun. Villepin, quand les chaînes publiques lui laissaient misérablement la parole, s’est égaré dans des considérations techniques sur son CPE qui n’intéressaient personne et étaient largement dépassées. Répondre, même de la façon la plus modérée, aux calomnies et aux absurdités de la gauche, ne lui est pas venu à l’esprit : c’eût été « shocking ». Cette droite indigne et paralysée, si profondément complexée face à la gauche traditionnellement soucieuse du bien du peuple depuis des décennies, en rajoute par

rapport à ce que font et ce que pourraient faire les socialistes eux-mêmes. Aucun leader de droite ne pouvait dire la vérité sur la responsabilité de la désespérance des Français en général, des jeunes en particulier. Parce que, sur tous les facteurs responsables de cette crise – évoqués ci-dessus – sa part est au moins aussi grande que celle de la gauche. Cette droite agenouillée qui impose à ses policiers de subir les pires avanies physiques, n’a elle-même d’autre solution que de se tenir coite, sous les insultes d’une gauche politicienne et médiatique surexcitée par la perspective du hallali final.

 

Tacite observait déjà qu’à la fin de la République, les citoyens ne supportaient plus ni les maux qui accablaient

leur société, ni les remèdes qu’il aurait fallu y apporter. On peut en dire autant des Français en ce début du troisième millénaire. En effet, on ne mesure pas suffisamment l’étendue des dégâts que la révolution culturelle – explosée chez nous en Mai 68 – a faits dans la mentalité de nos concitoyens. Comparons l’état mental et spirituel des Français révélé par ces deux époques subversives, Mai 68 et mars 2006. Les leaders intellectuels de Mai 68 avaient

puisé leurs dénonciations et leurs idéologies chez les situationnistes et « des maîtres à penser » tels que Sartre et Marcuse. Ils ont déclaré la guerre à la société, source d’aliénation, aux contraintes de la morale – tout particulièrement sexuelle – et du même coup à la famille avec ses devoirs de fidélité, à la patrie qui exigeait l’esprit de sacrifice. Ils ont

maudit l’état, l’ordre, les forces chargées de maintenir celui-ci. Bref, ils ont maudit toutes les contraintes de la société. En quelques mois, leurs revendications et leurs slogans avaient infiltré puis gagné tous les médias. En un peu plus de cinq ans, ils avaient conquis les milieux politiques, en particulier les Giscard et les Chirac qui lançaient la « société libérale avancée », mieux appelée la « société libérale en décomposition avancée ».

 

En 2006, nous avons fait du chemin.

 

Ce que beaucoup de Français refusent maintenant, ce ne sont plus les contraintes de la société. Ce sont les contraintes de la vie. Tout simplement. Les propos tenus par l’homme de la rue, qu’il défile ou non, et rapportés à satiété et avec complaisance par les médias, sont consternants. Quand ces Français crétinisés nous expliquent que tous les jeunes doivent bénéficier d’un travail immédiat, stabilisé, sans remise en cause possible, ce qu’ils rejettent, c’est le travail même, avec tout ce qui le sous-tend. Dans une société encore vivante, les jeunes – au moins les jeunes – connaissent l’appétit de vivre, d’entreprendre, d’agir, de gagner – car le risque, c’est aussi la chance de gagner –, l’ambition du

succès ; quitte à ce que tout cela diminue, s’altère, s’éteigne avec l’âge. Cet appétit, ce dynamisme, ces attentes, ces espoirs étaient le signe d’une naturelle vitalité. Les étudiants et lycéens qui défilent en exigeant cette fonctionnarisation de tous les emplois de la société, ne sont que des petits vieillards. Et quoi de plus triste qu’un petit vieillard de 18

ans ?

 

Depuis bien des années, la grande majorité des jeunes Français rejettent catégoriquement la seule idée de s’orienter vers des métiers difficiles, durs, n’ayant pas une image de marque bourgeoisement « reluisante », surtout s’ils sont physiquement pénibles – tels que ceux souvent offerts par le bâtiment et les travaux publics, ceux de marins-pêcheurs,

ceux de mineurs ou même d’artisans et tant d’autres. Ils ne sont pas moins rebutés par des métiers astreignants par leurs horaires tels que tant de débouchés de la restauration, de la boulangerie, etc. Maintenant une autre exigence s’impose pour les débouchés exigés : celle de bénéficier d’une stabilité quelles que soient l’adéquation et l’efficacité qui se révèlent entre l’emploi disponible et le nouvel embauché. Personne, semble-t-il, pas même le MEDEF, n’a

fait observer qu’à l’heure actuelle les patrons – ainsi que leurs entreprises – quant à eux n’ont jamais connu une telle précarité et que le meilleur moyen de l’aggraver serait d’exiger d’embaucher n’importe qui et de

conserver tout nouvel embauché jusqu’à... sa retraite ou la faillite de l’entreprise, au grand dam de tous les autres salariés.

 

Quand le socialisme, pratiqué par 50 ans de Ve République, a créé un chômage insupportable par des dépenses extravagantes, en partie dues au coût des fonctions publiques pléthoriques, par des charges sociales plombant les entreprises privées, par des « acquis sociaux » tels que des prises en charge inconsidérées du chômage qui déresponsabilisent les individus, par une immigration qui achève le budget de la France – pour s’en tenir à cet aspect –, le socialisme ne trouve qu’une réponse : faire davantage de fonctionnaires, affaiblir encore nos entreprises face à la concurrence internationale en les empêchant de se délester de salariés inefficaces, donner un RMI à tout le monde, etc. Ces idéologues malades ont l’air de croire que l’argent de l’Etat se renouvelle comme l’arrivée d’eau à une source, comme la chaleur et la lumière dispensées tous les matins par un soleil généreux. Vous leur demandez : « Mais d’où viendra l’argent ? », ils vous répondront : « Vous n’avez qu’à prendre aux patrons, aux riches. » Ils nient l’évidence de ces milliers de patrons qui annuellement font déjà faillite, de ces riches fuyant la France et la privant d’investisseurs indispensables pour notre simple survie économique, de ces milliers de jeunes, capables, que notre socialisme pousse vers l’étranger. En vérité, nos idéologues ne sont pas irresponsables, ils sont fous. Longtemps, ils ont fait croire qu’ils luttaient contre les aliénations du travail capitaliste. Ils montrent maintenant jusqu’où va leur perversion. Ce dont ils ont la haine, c’est le travail de l’homme. Ce faisant, ils ne refusent pas les contraintes de la société, ils refusent la condition humaine. Quand Yaweh a dit à l’homme : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », il n’a fait qu’exprimer une évidence qui s’enracinait déjà dans la condition animale. L’animal, prédateur ou herbivore, de même que l’homme préhistorique, chasseur ou cueilleur, ne survivaient qu’au prix d’une quête incessante des éléments indispensables à la vie, d’une recherche sans trêve ni rémission. Prétendre que tout cela est périmé, que désormais le nécessaire et le pactole quotidien viendront tout seul, ce n’est pas de l’irréalisme, ce n’est pas de l’utopie, c’est proprement une bêtise. En outre, c’est ignorer que le travail – et le travail seul – est le principal instrument d’intégration sociale et qu’il est irremplaçable pour fournir à l’individu un sentiment d’utilité. Comment a-t-on pu crétiniser les Français au point que des millions défilent en proférant les plus énormes absurdités ? Ils ont dit

qu’il y avait obligation à ce que chaque jeune ait un emploi stable, définitif, quelle que soit en quelque sorte son incompétence, sa paresse, son envie ou non réelle de travailler. Ils ont dit qu’ils rejetaient la précarité. C’est invraisemblable ! La précarité, c’est la vie. Et quand le petit d’homme vient au jour – voire quand l’ovule est fécondé

–, c’est la précarité qui commence, et tout se joue désormais, même la survie.

 

Comment les Français, l’un des peuples les plus laborieux du monde, un des peuples les plus intelligents du monde ainsi que l’attestent tous les produits de leur culture, un des plus aventureux du monde comme le prouve leur présence historique sur toutes les mers et sur tous les continents, ont-ils pu devenir ce ramassis d’imbéciles ? C’est là que

se situe le drame et, à l’évidence, il est beaucoup plus grave que la nullité du personnel politique, trop souvent seul mis en cause dans notre chute tragique. Des optimistes me rétorqueront que la majorité des Français ne se reconnaît ni dans ces manifestants, ni dans les propos rapportés, ni dans les médias, ni dans les politiciens. Mais alors que ces Français majoritaires sortent de sous la terre. Qu’ils mettent au pas des meneurs dérangés, des syndicalistes irresponsables ou des politiciens nuisibles. Qu’ils renvoient chez eux des casseurs qui ne sont pas bien chez nous ! Alors, en vérité, je serai prêt à reconnaître et à aimer ces Français enfin retrouvés.

 

Georges Dillinger