Les Nouvelles
de
Chrétienté
n°56
Le 22 juin 2006
Actuellement,
rien ne me parait plus important que de suivre « l’histoire de la messe interdite »
que nous donne depuis déjà quelques semaines Jean Madiran dans Présent. Dans le
numéro du mercredi 31 mai, il nous
rappelle les événements qui se sont déroulés dans les années 1975-1984.
On
sait que cette histoire est déjà parue dans Itinéraires, voilà déjà plusieurs
années.
Jean
Madiran republie tout cela d’une part pour l’enseignement des jeunes, pour qu’ils
connaissent l’histoire et les noms de ceux qui ont mené ce combat, cette « bataille »,
mais aussi parce qu’il pense, tout comme moi, que le moment de la victoire approche.
Item
ne peut pas perdre ce précieux témoignage et veut le garder dans ses archives.
En
lisant cette brève histoire, on peut voir combien, la doctrine et le droit furent intimement liés. Il est en
toujours ainsi. On aime la doctrine. On respecte le droit. Le droit est le
meilleur garant des personnes et du vrai.
Sur
ce sujet, je vous renvoie volontiers à Flash-Info de cette semaine. Vous y
trouverez la déclaration que viennent de
faire Messieurs les abbés Laguérie et Héry suite au jugement du tribunal de Nanterre dans leur
exclusion de l’association cultuelle FSSPX ordonnée par les autorités de
« Histoire de la messe interdite »
(III)
Les deux premières parties de cette
histoire ont paru dans Présent le 24 et le 27 mai.
6 mai
« Par mandat exprès du Saint- Père », les
trois cardinaux Garonne, Wrigth et Tabera notifient à Mgr Lefebvre la
suppression de
Parmi les conclusions que Mgr Lefebvre
tire de cette première notification, il y a celle-ci concernant la messe
interdite : « En tout cas la décision n’est nullement motivée par la
fidélité à la messe de saint Pie V. Ce silence
forcé est un aveu qu’elle est bien
autorisée. » (Déclaration
au quotidien La libre Belgique du 21 août 1975.)
24 mai 1975
En ce samedi de
basilique Saint-Laurent-horsles- murs.
29 juin 1975
Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre : « Le
deuxième concile du Vatican ne fait pas moins autorité, il est même sous
certains aspects plus important que celui de Nicée. »
11 octobre 1975
Lettre du cardinal Villot, secrétaire
d’Etat, approuvant au nom de Paul VI l’édition française du nouveau missel, et
assurant que par sa constitution Missale romanum de 1969, le Pape
a « prescrit que le nouveau missel
doit remplacer l’ancien ». Cette lettre est adressée par le cardinal
Villot à Mgr Coffy, président de la commission épiscopale française
pour la liturgie. Elle paraît dans
I . – Premier point . – Le cardinal
Villot se dit chargé d’exprimer pour l’édition française du nouveau missel
romain la « satisfaction » du souverain pontife qui « se réjouit de penser que
désormais (sic) le clergé et les fidèles disposent d’un instrument
adéquat pour une digne célébration de la sainte messe ». (Jusqu’alors, pour une
digne célébration de la sainte messe, on ne disposait donc en France d’aucun
instrument adéquat : authentique ou non, telle était la joyeuse pensée de Paul
VI que le cardinal Villot était chargé de faire
connaître aux évêques français.)
II . – Second point . – Le cardinal
Villot assure que par la constitution Missale romanum, « le Pape
prescrit que le nouveau missel doit remplacer l’ancien, nonobstant les
constitutions et ordonnances de ses prédécesseurs ».
Paul VI a peut-être réellement voulu
prescrire une telle chose, mais juridiquement il n’a pas réussi.
En effet, la constitution Missale
romanum a promulgué un nouveau missel. Elle autorise son usage.
C’est en faveur de cette autorisation que joue le « nonobstant »
: il stipule en réalité que les ordonnances antérieures ne
sauraient faire obstacle ou empêchement à
la nouvelle messe. Cette messe nouvelle est donc, ainsi, déclarée licite ; mais
non point titulaire d’une obligation qui exclurait tout autre rite.
Novembre 1975
Louis Salleron publie La nouvelle messe
en quoi (suivie de : Solesmes et la messe), un opuscule de 64
pages édité par Itinéraires, puis en reprint chez DMM.
1976
24 mai
DISCOURS CONSISTORIAL DE PAUL VI réclamant que la messe traditionnelle ne soit plus jamais célébrée
:
« C’est au nom de
14 juin
de l’Ordinaire, seulement aux prêtres âgés
ou malades qui célèbrent sans assistance. Le nouvel Ordo a été promulgué pour
prendre la place de l’ancien, après une mûre délibération et afin d’exécuter
les décisions
du concile. De la même manière, notre
prédécesseur saint Pie V avait rendu obligatoire (2) le missel révisé (3) sous
son autorité après le concile de Trente. La même prompte soumission, nous
l’ordonnons, au nom de la même autorité suprême qui nous vient du Christ, à toutes
les autres réformes liturgiques, disciplinaires, pastorales mûries ces
dernières années en application des décrets conciliaires. » C’est la première
fois, sept années après la constitution Missale romanum, que Paul
VI parle explicitement d’une obligation de la messe nouvelle comportant
corrélativement une interdiction de la messe ancienne. Il le fait d’une manière
comportant
d’étranges anomalies, les principales
étant relevées au passage par des appels de note.
Note 1. – Cette instructio, selon le texte
latin, ou iztruzione, selon le texte italien de ce discours consistorial,
était en réalité, à l’époque, une Notificatio, publiée au demeurant de
manière suspecte, sans date ni nom d’auteur. Le seul document romain antérieur
auquel le discours consistorial de Paul VI fasse référence pour fonder l’obligation-interdiction
est donc celui-là. En revanche il ne fait aucune référence à sa constitution apostolique
Missale romanum du 3 avril 1969 qui avait promulgué le nouveau
missel : comme s’il confirmait qu’on ne peut y trouver aucune obligation- interdiction,
ainsi que nous l’avons expliqué plus haut à la date du 11 octobre 1975 («
second point ») et à celle du 3 avril 1969.
Note 2. – Ce n’est justement pas « de la même
manière ». Saint Pie V n’a pas aboli, il a au contraire confirmé,
en matière de rite, les coutumes légitimes ayant plus de deux cents ans d’existence.
Notamment, il a confirmé le droit des Eglises ou communautés ayant un missel propre,
approuvé dès son institution.
C’est ainsi que la promulgation du missel
romain de saint Pie V a laissé subsister le rite dominicain,
le rite lyonnais, à Milan le rite
ambrosien. Cela parce que dans l’Eglise une coutume, et surtout une coutume
séculaire, ne peut être abolie que dans le cas où elle ne serait pas une
coutume légitime. Il ne suffirait pas
de lui reprocher, à tort ou à raison, un
langage désuet, des vêtements démodés, et autres choses du même genre. C’est
précisément le reproche que faisait Paul VI à la messe traditionnelle dans son
allocution du 26 novembre 1969, quand il parlait de rejeter, par sa réforme de
la messe, les « vétustes vêtements de soie dont elle s’était
royalement parée ». Et encore la traduction française atténue
l’ironie acide de cette déclaration dans son italien
original. Même en sa version atténuée, on
souffre suffisamment d’avoir à la recopier, insultante, étrangère à la prière
de l’Eglise.
Note 3. – « Révisé » ? Recognitum, dit le latin, comme il
a toujours été dit du missel de saint Pie V. Mais le texte
italien qui est, lui, de la plume même de Paul VI, dit : «
riformato ». D’où sans doute la traduction du quotidien
Les requêtes du concile de Trente, mises
en œuvre par saint Pie V, avaient demandé une réglementation
de la messe existante et nullement la fabrication
d’une messe nouvelle. Saint Pie V avait donc réglementé le rite
séculaire de l’Eglise romaine. Paul VI, en créant une messe nouvelle et en
interdisant l’ancienne,
a opéré une rupture révolutionnaire.
Juin1976
Cinquième édition, revue et augmentée, de La
messe, état de la question, par Jean Madiran (un opuscule de 80
pages, édité par Itinéraires).
25 juin 1976
Mgr Benelli, de la secrétairerie d’Etat,
écrit au nom de Paul VI à Mgr Lefebvre pour exiger « la fidélité
véritable à l’Eglise conciliaire (sic)
».
8 septembre 1976
A son ami le philosophe Jean Guitton qui
lui demande d’autoriser en France la messe traditionnelle, Paul VI répond «
sévèrement » : —Cela, jamais ! Toutefois cette violente répartie n’a été
rendue publique qu’après la mort de Paul VI, dans le livre de Jean Guitton paru
en décembre 1979 : Paul VI secret, p. 158.
11 septembre 1976
Mgr Lefebvre est reçu par Paul VI à
Castelgandolfo. Il demande au pape de « laisser faire l’expérience de
Pape répond qu’il réfléchira et consultera
la curie.
29 septembre 1976
Achevé d’imprimer de la seconde édition
(augmentée) du livre de Louis Salleron : La nouvelle messe, un
volume de 256 pages aux Nouvelles Editions Latines.
11 octobre 1976
Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre exigeant
(entre autres) l’abandon total et définitif de la messe traditionnelle.
1977
27 février
Premier dimanche de Carême : Mgr
Ducaud-Bourget, l’abbé Louis Coache, l’abbé Vincent Serralda et les fidèles du
rite de saint Pie V s’installent dans l’Eglise parisienne SAINT-NICOLAS- DU-CHARDONNET, ainsi rendue
depuis ce jour au culte traditionnel.
1978
16 juin
Le cardinal Seper, préfet de la congrégation
romaine pour la doctrine, intervient de manière pressante auprès de Mgr
Lefebvre pour qu’il renonce à ordonner des prêtres fidèles à la messe
traditionnelle. (Malgré pressions, menaces et sanctions, Mgr Lefebvre procède aux
ordinations sacerdotales, chaque année à Ecône, le jour ou aux environs du 29
juin, fête des saints apôtres Pierre et Paul. Ainsi les célébrations
habituelles de la messe traditionnelle peuvent se multiplier. Le nombre des prieurés
de
ministère augmente régulièrement.)
1980
19 juin
La congrégation romaine du culte (dans une
communication qu’elle aurait voulu garder secrète) demande à tous les évêques d’ouvrir
une enquête sur la permanence éventuelle d’un attachement à la célébration de
la
messe en latin et selon le rite
traditionnel. L’existence et le contenu de cette enquête sont révélés par Itinéraires,
numéro 246 de septembre-octobre 1980, p. 153 et suiv. L’enquête est
systématiquement faussée par le fait que les évêques vont omettre ou
même refuser d’entendre justement les personnes et les groupes qui
demeurent attachés à la messe traditionnelle. D’où l’étrange conclusion de
cette enquête (plus loin, à la date de décembre 1981).
1981
Novembre
Mgr Antonio de Castro-Mayer, évêque de
Campos, rend publique sa réponse à l’enquête liturgique en la publiant dans Itinéraires
(numéro 257 de novembre). Il y déclare :
1 . – que conformément à la constitution
conciliaire de Vatican II sur la liturgie, numéro 54 et numéro 36, les prêtres
de son diocèse « maintiennent la coutume de célébrer la sainte messe en latin »
;
2 . – que conformément au numéro 4 de la
même constitution conciliaire, qui veut que « tous les rites légitimement
reconnus soient conservés et favorisés de toutes les manières », la messe traditionnelle,
dite tridentine, est « célébrée d’une manière générale dans les paroisses du
diocèse ».
Décembre 1981
Publication à Rome des résultats (faussés)
de l’enquête liturgique. Conclusion officielle : il n’existe plus aucun
problème concernant la messe traditionnelle, presque complètement disparue et
presque complètement oubliée.
1983
21 novembre
« Manifeste épiscopal » : dans une «
lettre ouverte au pape Jean-Paul II », Mgr Marcel Lefebvre et Mgr Antonio de
Castro- Mayer contestent (entre autres) la « conception protestante de la messe
» qui est celle de la messe nouvelle de Paul VI : « La désacralisation de la
messe, sa laïcisation entraînent la laïcisation du sacerdoce, à la manière
protestante. La réforme liturgique de style protestant est l’une des plus grandes
erreurs de l’Eglise conciliaire… »
1984
3 octobre
Déclarant obtempérer à un désir personnel
du Pape (« ipse summus pontifex »), la congrégation romaine pour le
culte adresse aux présidents des conférences épiscopales la lettre Quattuor
abhinc annos conférant aux évêques diocésains la possibilité d’user d’un
indult pour permettre quelques célébrations de la messe traditionnelle. La
lettre Quattuor abhinc annos est signée par Mgr Augustin Mayer,
pro-préfet de la congrégation romaine pour le culte divin, et par son
secrétaire Mgr Virgilio Noé, qui a la réputation d’être un farouche ennemi du
missel de saint Pie V.
JEAN
MADIRAN
1975
1976
1977
1981
1983
1978
1984