Les Nouvelles
de
Chrétienté
n°58
Le 27 juillet 2006
Les
nouvelles du Liban
Nos regards sont au Liban
pour
comprendre, compatir et prier
Après ces quelques jours passés dans un monastère ami,
les « Victimes du Sacré Cœur » de Marseille, un monastère édifiant, je me retrouve dans ce
très chaud Paris. L’actualité reprend ses droits…C’est le Liban chrétien qui
attire de nouveau, notre regard et notre
compassion. Et notre prière. Benoît XVI
nous y a vivement encouragé lors de l’Angelus du 16
juillet. Faisons le.
Le Journal Présent consacre à ce drame de souffrances de
belles et intelligentes pages, quotidiennes, émouvantes grâce à son
correspondant à Beyrouth, Marouen Charbel.
Témoin privilégié, il nous informe justement et nous fait comprendre ce conflit
et ses enjeux.
Suivons ses articles…au quotidien.
Dans Présent du 14 juillet 2006
POUR COMPRENDRE LE PROCHE-ORIENT
De Gaza à Beyrouth : état de guerre au Liban
De notre correspondant à
Beyrouth.
– A l’heure où nous écrivons ces
lignes, c’est-à-dire dans la nuit de mercredi à jeudi, une vaste offensive terrestre,
aérienne et navale de l’armée israélienne était en cours à
Tout commence par le tir de
dizaines de Katioucha et d’obus de mortier sur le nord d’Israël faisant les
3 premiers blessés israéliens de la journée. L’armée israélienne riposte en
bombardant les villages libanais frontaliers. Le Hezbollah répond en tirant sur
le secteur des fermes de Chebaa occupé par Israël. C’est
alors que lors d’affrontements, en Israël, selon le gouvernement
israélien, au Liban, selon le
Hezbollah et la police libanaise, 8 soldats israéliens sont tués et deux
autres sont enlevés. « Ils
sont en lieu sûr et loin » a déclaré le secrétaire général du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, dans une conférence de presse où il a,
entre autre chose, déclaré que les deux
soldats étaient « dans un
lieu sûr et très lointain » et « qu’aucune opération militaire ne les
fera
revenir ». Il a ajouté : « Les prisonniers ne seront pas
rendus, à une exception près : si des négociations indirectes et un échange ont
lieu » avant de lancer à un journaliste présent « connaissez-vous
un autre moyen pour libérer les prisonniers ? »
En octobre 2000, le Hezbollah
avait capturé trois soldats israéliens dans le secteur des fermes de
Chebaa. Leurs corps ont été échangés en janvier 2004 contre
des détenus libanais et arabes en Israël. Réuni en urgence sous la présidence d’Emile
Lahoud et en présence de tous les ministres, y
compris ceux qui boycottent la présidence de
La réponse d’Israël a été claire
:
« Le gouvernement
libanais, dont le Hezbollah fait partie, tente d’ébranler la stabilité
régionale. Le Liban va devoir supporter les conséquences (…) Israël tient le gouvernement
souverain du Liban responsable de l’opération lancée à partir de son territoire
et du retour, sains et saufs, des soldats enlevés. Israël doit agir avec la
sévérité appropriée en réponse à cette attaque et il le fera. Israël répondra
d’une manière directe et sévère contre les auteurs responsables et il agira pour
prévenir de futurs efforts et actes dirigés contre Israël. »
Depuis ce matin ce sont
routes bombardées et défoncées, ponts détruits, centrale électrique en partie etc.
Sans compter la saison touristique sérieusement compromise. Alors que des tirs
de joie saluaient la capture des deux soldats dans l’ensemble des zones chiites
et dans les camps palestiniens, le Hamas et les Frères musulmans saluaient l’exploit
du Hezbollah. Pour la plupart des observateurs il y a eu coordination entre le
Hamas et le Hezbollah avec le soutien et la coopération de
Est-ce que c’était prévisible
?
C’est la question que nous
nous posons aux lendemains de chaque événement de ce type. Il y a quelques semaines,
le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah faisait
solennellement la promesse de ramener chez eux tous les prisonniers libanais
détenus en Israël. L’opération de ce 12 juillet a été appelée « promesse
tenue ». Un peu prématuré et surtout impudent. Mais peut-être pas avec l’inconnue
de la capacité d’Israël à gérer deux fronts militaires.
Enfin, aujourd’hui, au Liban,
c’est le Hezbollah qui décide seul de la paix ou de la guerre. Et c’est aussi la
doctrine syrienne en la matière : « La résistance dans le sud du
Liban et au sein du peuple palestinien décide elle-même de ce qu’il
convient de faire et pourquoi », a déclaré le vice-président syrien
Farouk Al-Charaa. Les résolutions des Nations
Unies ordonnant le désarmement du Hezbollah n’ont rien fait que renforcer ses
positions au sein de la communauté chiite et à le singulariser dans cette lutte
contre Israël prétexte à toutes les résistances dans le monde arabe.
Cela fait des semaines, au
fil des rendez-vous du dialogue national qui s’étiole de séances en séances, que
nous le signalions, le Hezbollah et à travers lui
Alors… Damas et Téhéran
pourront jeter les masques.
MAROUN
CHARBEL
DERNIÈRE MINUTE. –
L’aéroport de Beyrouth a
été bombardé par l’aviation israélienne à l’aube de jeudi matin entraînant sa
fermeture. De source israélienne on affirme que l’objectif de cette attaque
était de couper le trafic aérien en provenance et vers la capitale libanaise. L’aéroport
de Beyrouth est l’unique aéroport international du Liban. Par ailleurs et en 24
h, dix ponts ont été détruits isolant complètement le Liban-Sud
du reste du pays. M.C.
Dans Présent du 18 Juillet :
La guerre du Hezbollah et la guerre d’Israël
De notre correspondant à Beyrouth.-
Lundi 17 juillet. 0 h 32.
C’est à la lueur d’une bougie que je commence ma
chronique, avec l’espoir que le courant soit rétabli avant l’heure du bouclage
à Paris. Deux centrales électriques ont été touchées dont une détruite. Les
générateurs des fournisseurs privés
d’électricité ne suffisent plus à la demande. Alors de
temps en temps, ils laissent reposer leurs moteurs pour les refroidir.
Dehors la nuit est profonde. On entend les avions
passer et les bombes exploser en de grands éclairs rouges sur les quartiers
chiites de
pas une route ou chemin n’a été épargné. Dans
certaines zones, il ne reste plus que les sentiers de chèvres pour aller d’un
village à l’autre. Tactique israélienne évidente pour éviter le transfert de
ses deux soldats otages du Hezbollah.
Depuis mercredi dernier – voir Présent du jeudi
13 juillet – c’est l’ensemble du pays qui est touché.
Je dis bien tout le pays. Tout le Sud est détruit,
mais aussi l’aéroport international de Beyrouth, les deux aéroports militaires
et l’embryon d’aéroport de Hamat. Les centrales
électriques du Sud et du Nord et les grands axes routiers qui mènent vers le
Sud et
les postes frontières avec
pays – ce qui ne nous laisse que le choix de chercher
ce qui aura peutêtre des chances d’être épargné. A
qui la faute ? qui est responsable ? ces questions nous nous les posons ici à
Beyrouth comme vous à Paris. Et nos réponses sont encore des questions. Qui a
permis au Hezbollah de devenir un Etat dans l’Etat ? Un Etat plus puissant que
l’Etat libanais lui prenant le droit de décider de la guerre et de la paix. On
pourrait répondre
qui en découlait, le Hezbollah a pris en otage toute
la vie politique du pays. Obligeant tout le monde à se déterminer par rapport à
lui et tenant tête à l’ensemble de la communauté internationale, il a empêché
l’Etat libanais d’appliquer la résolution 1559 du Conseil de Sécurité. Cette
résolution imposait, entre autre son désarmement comme celui de toutes les
milices. A cette époque le Hezbollah était l’unique milice armée. Il le restera
jusqu’au point de devenir cette armée à l’arsenal redoutable de plus de 12 000
fusées et roquettes dont plusieurs centaines de très longues portées et qui
tient tête à Israël. Haïfa, Safad, Tibériade, Acre ou
encore Afoula et Nazareth Illit,
à une quarantaine de kilomètres au sud de la frontière libanaise, sont touchés
par les tirs du Hezbollah faisant des morts et des blessés. Le Hezbollah menace
aujourd’hui Tel Aviv et a réussi à détruire un bateau
israélien tuant quatre marins. On pourrait aussi s’interroger sur le calendrier
de cette attaque du Hezbollah qui a déclenché ce déluge de fer et de feu sur le
pays. Pourquoi maintenant ? au seuil d’une saison touristique qui promettait d’être
la meilleure depuis des dizaines d’années avec un taux de remplissage des
hôtels de près de 100 %. Et ce n’est pas seulement le secteur hôtelier qui est
touché aujourd’hui mais toute l’économie du pays. Le tourisme c’est les hôtels,
les restaurants, les loueurs de voiture, les festivals… et l’on pense à tous
ces saisonniers qui en quatre mois engrangent de quoi tenir toute une année, de
quoi payer leur scolarité ou celle de leur petit frère. A Damas, où les touristes
arabes et étrangers ont fui, les hôtels sont pleins. Le ministre libanais des
Finances, Jihad Azour, a
estimé à plus d’un demi milliard de dollars les dégâts causés aux
infrastructures depuis le début
de l’offensive israélienne et
l’on estime à près de 2,4 milliards de dollars les pertes totales. Azour a cependant souligné que ces chiffres étaient sujets
à caution en raison de l’impossibilité d’effectuer un état des lieux exhaustif
des destructions, et de la poursuite des raids israéliens contre les infrastructures.
La communauté internationale
– à l’ONU comme au sein du G8 – n’a pu se retrouver que sur le plus petit
dénominateur commun : demander à l’Etat libanais de désarmer le Hezbollah et de
le faire entrer dans le rang – Jacques Chirac a ainsi appelé dimanche au «
désarmement du Hezbollah dans les délais les plus brefs ». Ubuesque. Mais quand
on voit qu’au sein de
Samedi, l’Osservatore
Romano résumait la situation en quelques lignes : « Les Nations
Unies sont encore une fois réduites à l’immobilisme alors que le Liban brûle
sous les attaques d’Israël et que l’Hezbollah continue d’attaquer militaires et
civils au-delà de la frontière libanaise… la dynamique des veto croisés, propre
au Conseil de sécurité, empêche l’adoption de mesures
concrètes de soutien à la
légalité internationale. Le principal organe décisionnel de la communauté
internationale est donc de nouveau spectateur face à la mort du droit, violé
par les deux parties,
Israël et le Hezbollah. »
Sur le terrain, l’autre parti
chiite, Amal, dirigé par le président de
l’initiative du dialogue
national. A cette même table ronde où toutes parties, dont le Hezbollah,
s’étaient engagées à sauver la saison touristique et à remettre à la rentrée
leurs querelles.
Les Chiites du Liban font la
guerre à Israël et c’est tout le Liban qui paye le prix.
Systématiquement,
méthodiquement, le Liban est détruit sous nos yeux impuissants. Israël «
inflige une punition collective immorale aux Libanais » a déclaré Premier
ministre Fouad Siniora
dans une conférence de presse
digne et fier mais la voix brisée par l’émotion, il a fait porter à l’Etat
hébreu « la responsabilité de la catastrophe humanitaire et
économique qui frappe le Liban. Il a aussi condamné l’action et la
provocation du Hezbollah en rappelant que gouvernement « était le seul à
décider de la paix et de la guerre ». Israël a annoncé – via
l’Italie – prix d’un cessez-le-feu : la libération des soldats pris en otage et
le recul du Hezbollah jusqu’au nord du Litani soit à environ
Cette nuit, alors que le
courant électrique nous est rendu, les avions passent et repassent au-dessus nos
têtes. C’est Tripoli et son port qui sont bombardés au nord pays, Rayak et sa région dans
C’est ce lundi que devrait
arriver le premier bateau affrété par France pour évacuer ses ressortissants. L’annonce
de la décision française comme celle de l’Allemagne, Royaume-Uni ou des Etats-Unis
fait comprendre aux Libanais qu’ils étaient installés dans un conflit qui allait
durer. Ce matin quand le jour se lèvera, ils vérifieront les réserves d’eau
potable, le niveau d’essence du réservoir de la voiture et entameront une
longue liste de téléphone pour avoir des nouvelles des uns des autres. C’est
que le chapelet noms de villages et de villes qui défilent à longueur de
bulletins d’information a le visage d’êtres chers bloqués dans les zones de
combat, pris au piège de cette guerre qu’ils n’avaient pas vu venir.
MAROUN CHARBEL
Parmi les premières réactions
Lundi 17 juillet 04 h
ALORS que Dominique de Villepin s’envolait, ce lundi matin, pour le Liban, afin
d’exprimer aux autorités et au peuple libanais sa solidarité, les réactions ont
été nombreuses en France face à la violence qui déferle sur le Liban. Le Front
national a notamment dénoncé, dans un communiqué, cette situation de guerre.
« Jean-Marie Le Pen exprime sa vive inquiétude devant l’aggravation des
interventions militaires israéliennes en Palestine et désormais au Liban.
« Ces hostilités, qui
s’apparentent de plus en plus à des actions de guerre, ne sauraient être
justifiées par l’enlèvement, au demeurant, très étonnant, de un ou deux soldats
israéliens.
« Par ailleurs,
l’alourdissement des pressions exercées sur l’Iran, le développement d’une
véritable guerre civile en Irak et la persistance des actions armées en
Afghanistan constituent une menace de plus en plus grave sur la paix, non
seulement de la région, mais du monde. D’ores et déjà, la progression du prix
du pétrole met en danger l’équilibre économique mondial.
« Jean-Marie Le Pen appelle les différents responsables nationaux et
internationaux
à agir au plus vite pour rétablir
les conditions durables de la paix et de la sécurité internationales.»
De son côté, le cardinal
Ricard, au nom de l’Eglise de France, a envoyé dimanche un message de soutien
aux patriarches, évêques et à toutes les communautés catholiques du Liban, les
assurant de sa prière « pour que cessent les actes de violence contre le populations
innocentes ».
« Puissent tous les hommes
de bonne volonté s’unir, conclut-il, pour que cessent les violences aveugles et
absurdes, qui ne pourront jamais résoudre les conflits. »
Dans Présent du 19 juillet
Situation de guerre au Proche-Orient
De notre correspondant à Beyrouth
– mardi 18 juillet, 01 h 20.
Cette nuit nous avons du courant et même l’électricité
de l’Etat comme on dit au Liban. Ce qui donne les leitmotive quotidiens «
nous sommes sur l’Etat ou le moteur ? » Question que nous posons des
dizaines de fois par jour pour savoir quels appareils employer et quels autres
éviter. Ce soir c’est un luxe inespéré alors qu’une nouvelle centrale
électrique était bombardée et détruite. Celle du Jambour
au tout début de la route Beyrouth-Damas et à
proximité du Collège Notre Dame des pères Jésuites et des Clarisses du Monastère
de l’Unité que les lecteurs de Présent connaissent bien.
En se réveillant au matin du sixième jour de la guerre
israélo- Hezbollah, les Libanais semblaient commencer à comprendre que c’était
la guerre. Une guerre totale que se livrent d’une part Israël et de l’autre
déjà et les distributeurs de billets étaient vides.
Dans ses longues files aux caisses, les conversations
allaient bon train et un mot revenait sans cesse « baklawa…
baklawa ». Nul ne réclamait cette pâtisserie gluante de sirop,
mais tous se souvenaient amers de ce mercredi 12 juillet lorsqu’à l’annonce de
l’enlèvement des deux soldats, les militants du Hezbollah sont descendus dans
les rues portant
d’immenses plateaux de baklawa
qu’ils présentaient, en signe de joie et de fierté, aux passants et aux automobilistes.
Certains se demandaient s’il ne faudrait pas en faire
livrer au chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Comment un fin stratège comme lui, qui force même
l’admiration des Israéliens, a-t-il pu commettre une telle erreur tactique ?
Comment n’a-t-il pas pu prévoir et doser l’ampleur de la réaction israélienne ?
A moins que cela ne soit ce qu’il cherchait ou ce que ses commanditaires souhaitaient
?
Les Libanais ont aussi compris qu’ils étaient seuls.
Abandonnés de tous.
Ils ont parfaitement saisi l’inutilité du ballet diplomatique qui les a, un
instant, distraits des communiqués annonçant de nouvelles destructions et de
nouveaux morts. Et de l’avoir compris ils ont allongé
leur liste de quelques sacs de riz et de quelques
bouteilles d’huiles de plus.
Aucune instance, aucune délégation n’a apporté
l’espérance d’un cessez-le-feu. Le Premier ministre français, Dominique de Villepin, venu à la demande de Jacques Chirac, a déçu
autant qu’il fut annoncé et attendu. Il n’a rien promis, rien
demandé. Après avoir été saluer le premier groupe
français à être évacué, il est rentré à Paris en demandant « une trêve
humanitaire ».
Trêve que personne ne réclame.
Quant aux autres délégations, aucune n’a réclamé ou
abordé la probabilité d’un possible cessez-le-feu. L’état-major israélien
affirme sans ambages que l’opération se poursuivra avec la même intensité
pendant encore au moins une semaine.
C’est plus qu’il ne faut pour détruire ce qui reste de
l’infrastructure du pays. Quand on connaît la puissance de feu des Israéliens
et du Hezbollah (!) et le vivier de martyrs que ce dernier peut être. Chaque
action de l’un appelant la réaction immédiate de l’autre. Le Hezbollah prouvant
sa capacité de résistance en tirant de Marjeyoun – pourtant
au cœur du Sud labouré par les bombes israéliennes – des missiles contre
Israël.
MAROUN CHARBEL.
Mardi
18 juillet 02 h 30.
Dans
Présent du 20 juillet
Prix du numéro par abonnement postal :
1,20
Liban : un demi million de déplacés
De notre correspondant à Beyrouth.
– Mercredi 19 juillet, 1 h 10.
Assis à ma table depuis un moment, je
découvre que le silence de la nuit pouvait être assourdissant quand il est si
profond. Pas une voiture, pas un passant… pas un avion israélien allant porter
la mort et la destruction.
C’était il y a une demi-heure. Maintenant
nous sommes au même régime qu’hier à la même heure, régime qui a été le nôtre
toute la journée de mardi. Les avions passent et repassent et l’on entend
exploser leurs bombes. Le Liban comptait ce matin 50 ponts détruits, des
milliers de kilomètres d’autoroutes détruits, des routes nationales et
départementales aussi et jusqu’à certains chemins vicinaux qui étaient, eux, le
dernier lien de nombreux villages du sud avec le reste du pays.
Accrochés à nos postes de radio ou à la
télévision, la main sur le combiné du téléphone, prêts à appeler pour
s’enquérir d’une mère, d’un frère ou d’un cousin. Les émissions sont réduites à
des chants patriotiques, à des prières – selon l’obédience de la chaîne – et à
des bulletins d’information. Le tout régulièrement interrompu par des flashs
qui annoncent un nouveau bombardement ou donnent la liste des victimes du
précédent. Très populaires, les chaînes de télévision et les stations radio
privées ont un carnet de publicité très chargé. Publicités qui ont été payées
et qui sont donc dues. Entre deux flashs d’informations on écoutera vanter les
mérites de telles ou telles stations balnéaires ou encore du tout dernier
complexe hôtelier et l’on mesure l’abîme vers lequel le pays est précipité. Un demi-million de déplacés pour une population totale de
moins de 4 millions, des destructions par milliard selon des pronostics tous
les jours revus à la
hausse, un tissu industriel détruit…
L’heure avance et je n’ose prendre le temps de vous raconter toute cette
journée de mardi. A chaque instant, l’électricité et la connexion internet pouvant être coupées, je ne retiendrai que quelques
faits qui sont venus accroître encore plus – et je ne savais pas que c’était
possible – mon angoisse pour nous les chrétiens du
Liban.
.
« On pouvait comprendre que l’Etat d’Israël s’en
prenne au Hezbollah, parti islamiste chiite menaçant de plus en plus la
sécurité avec sa milice financée et alimentée en armes modernes par la
coalition irano- syrienne. On pouvait comprendre que tout en frappant et affaiblissant
le Hezbollah il mette le gouvernement libanais à la fois dans l’obligation d’en
finir avec le Hezbollah, Etat dans l’Etat, dominateur et à terme instaurateur
d’une république islamique.
« Ce que l’on ne comprend pas à première vue c’est que
ce soit le Liban dans son ensemble que frappe et ruine la puissance militaire
israélienne. Non seulement dans les zones de peuplement chiite elle ne s’en
tient pas à des objectifs militaires mais partout elle frappe des installations
civiles vitales pour les populations, détruisant même des laiteries
indispensables à la vie des enfants. La milice du Hezbollah prend soin de se
replier bien sûr, il fallait s’y attendre, dans des villages chrétiens qui
seront autant de cibles. Alors à la réflexion, la question se pose de savoir si
ce n’est pas avec le Hezbollah, qu’il n’abattra d’ailleurs pas, la prospérité
économique du Liban qui se relevait de ses ruines, qu’Israël veut aussi
anéantir.
La terreur israélienne a pour effet encore de
solidariser dans le malheur toutes les populations du Liban et de les agréger pour
un temps au Hezbollah. C’est une erreur tragique. »
L’église Saint-Georges de Rachayael-
Fokhar, gros bourg du Sud-Liban,
où avaient trouvé refuge de nombreux habitants, a été visée par les bombardements
de l’aviation israélienne, venant rappeler à ceux qui l’avaient peut-être
oublié que le Sud- Liban est d’abord chrétien avant d’être chiite.
L’immigration des uns et la croissance démographique des autres avec en sus
l’emprise du Hezbollah nous l’ont vite fait oublier. Ils sont des milliers à
être bloqués dans leur village bombardé et coupé du monde et des milliers
d’autres à tenter de monter vers le nord le plus souvent à pied puisque les
routes sont défoncées et les ponts détruits. Il y a quelques jours, nous étions
à Tyr. Aujourd’hui Tyr est une ville sinistrée où l’on a faim et où l’on a
peur. Et l’on pense à sa vieille ville exclusivement
chrétienne, lovée autour du vieux port. Ses vieilles maisons serrées les unes
contre les autres, leurs portes ouvertes sur des cuisines propres et misérables
où s’agitent des ménagères un chapelet au poignet. Que sont-ils devenus et que
deviendront-ils ? d’eux nul ne parle. Nul doute que ce sont là des candidats
potentiels à l’immigration qui saigne les chrétientés d’Orient. Victimes de
l’instabilité politique et économique comme leurs voisins musulmans ils doivent
en plus en subir les vexations.
Le demi million de déplacés a trouvé refuge dans
toutes les régions du pays et en particulier dans celles qui sont encore les
plus calmes : les régions chrétiennes d’Achrafieh à
Beyrouth, du Metn, du Kesrouan,
de Zahlé dans
fiefs et les musulmans dans les leurs.
Quand le calme sera revenu – pas avant 3 ou 4 semaines
annoncent les Israéliens qui en prévoyaient une seule hier – où ira cette
population chiite ? Vu l’état des destructions une infime partie d’entre eux
pourra rentrer dans les villages d’origine. Et les autres ? L’hiver sera vite
là. Quel chef chrétien se lèvera pour défendre les intérêts de sa communauté à l’heure
où chacun pensera à soi ? A l’heure où il faudra trouver impérativement un
nouveau pacte national ? Samir Geagea ? il n’a pas
encore retrouvé toute sa place. Le général Aoun ? dans un entretien à
Il est peut être encore trop tôt pour aborder ces
questions mais nous nous devons d’être d’autant plus vigilants que notre
quotidien est un quotidien de guerre qui occupe toutes nos énergies et qu’il
faut se préparer au pire. Israël avait annoncé un très sévère blocus du pays.
L’aéroport est presque quotidiennement bombardé.
Tous les points de passages avec
Ce soir, le Liban chrétien chantera les vêpres de
MAROUN CHARBEL
Mercredi 19 juillet 03h05
Communiqué de Bernard Antony
« On pouvait
comprendre que l’Etat d’Israël s’en prenne au Hezbollah, parti islamiste chiite
menaçant de plus en plus la sécurité avec sa milice financée et alimentée en
armes modernes par la coalition irano- syrienne. On pouvait comprendre
que tout en
frappant et affaiblissant le Hezbollah il mette le gouvernement libanais à la
fois dans l’obligation d’en finir avec le Hezbollah, Etat dans l’Etat, dominateur
et à terme instaurateur d’une république islamique.
« Ce que
l’on ne comprend pas à première vue c’est que ce soit le Liban dans son
ensemble que frappe et ruine la puissance militaire israélienne. Non seulement
dans les zones de peuplement chiite elle ne s’en tient pas à des objectifs
militaires mais partout elle frappe des installations civiles vitales pour les
populations, détruisant même des laiteries indispensables à la vie des enfants.
La milice du Hezbollah prend soin de se replier bien sûr, il fallait s’y
attendre, dans des villages chrétiens qui seront autant de cibles. Alors à la réflexion,
la question se pose de savoir si ce n’est pas avec le Hezbollah,
qu’il
n’abattra d’ailleurs pas, la prospérité économique du Liban qui se relevait de
ses ruines, qu’Israël veut aussi anéantir. La terreur israélienne a pour effet
encore de solidariser dans le malheur toutes les populations du Liban et de les
agréger
pour un
temps au Hezbollah. C’est une erreur tragique. » Le bureau de Chrétienté-Solidarité exprime toute sa compassion à l’ensemble
des Libanais et particulièrement aux populations chrétiennes menacées de
l’extérieur et de l’intérieur. Il annoncera prochainement ses décisions pour
manifester son soutien par de l’aide concrète. A cette fin Bernard Antony se
rendra dès que possible au Liban ».
Dans Présent du 21 juillet 2006
Conflit israélo-libanais
Pourquoi ?
De notre correspondant à Beyrouth.
Mercredi 20 juillet 2006, 1 h 44.
Il est étrange combien, en situation de crise
et de danger réel comme celle que nous vivons depuis 8 longs
jours, des petits riens nous manquent et nous rappellent la réalité de
notre quotidien. A la sortie des vêpres de
Le tribut payé aujourd’hui par la population a été le
plus lourd depuis le 12 juillet : plus de 70 morts. Le Hezbollah annonce pour
sa part la mort de 7 (?) de ses miliciens alors que selon un premier bilan, il
y aurait, environ 300 morts et plus de 1000 blessés côté civils libanais, un demi-million de déplacés, les hôpitaux sont paralysés et la
pénurie de médicaments et de nourriture s’installe. « Alors que je m’adresse
à vous, le massacre quotidien se poursuit. Le pays a été réduit
en miettes », a déclaré le Premier ministre libanais Fouad Siniora aux diplomates accrédités au Liban qu’il avait
convoqués au Grand Sérail, siège de son gouvernement. Dans cette même
allocution, Siniora a critiqué les positions des
Etats-Unis qui s’étaient pourtant « posés comme un des principaux défenseurs
d’un Liban indépendant, libre et démocratique après le départ des
forces syriennes du pays ».
Quant au bilan des 745 roquettes tirées par le
Hezbollah sur le nord d’Israël il serait de 13 civils tués sans compter les
blessés. Auxquels s’ajoutent 12 soldats dont les 4 marins qui étaient à bord de
la corvette touchée par un missile du Hezbollah. Les 8 autres sont morts le
jour de la capture des deux soldats.
Et tout laisse à croire que cela va durer. Israël
annonce une « offensive sans limite » et le journal britannique, The Guardian, affirme que Washington aurait
donné son feu vert à Tel Aviv pour continuer à frapper
le Hezbollah pendant encore une semaine. Au bout de ce délai, les Etats-Unis
pourraient éventuellement se joindre à l’appel de la communauté internationale
pour un cessez- le-feu. Notre confrère, citant des sources
diplomatiques, souligne que l’objectif est de « donner une claque à
l’Iran et à
En frappant le Liban ?
Répondre à cette question, c’est apporter un début
d’explication à l’offensive israélienne. En capturant 2 soldats israéliens, le
Hezbollah a donné à Israël l’occasion attendue depuis longtemps. En 2000,
Israël a quitté le Liban sous les coups de butoir du Hezbollah – de
n’a cessé de se renforcer et de monter en puissance,
aidé et soutenu par
Le 2 septembre 2004, le Conseil de sécurité adopte la
résolution 1559 qui stipule le retrait de toutes les forces étrangères du
Liban, le désarmement du Hezbollah et le déploiement de l’armée libanaise sur
les frontières avec Israël. Rafic Hariri, alors Premier ministre, décide
d’appliquer cette résolution. Avec son refus de la prolongation frauduleuse du
mandat d’Emile Lahoud, ce sera, sans aucun doute
l’une des causes de son assassinat.
Nous nous posions la question hier de savoir pourquoi
un fin stratège comme Hassan Nasrallah, connaissant la
très forte réactivité israélienne, aurait fait enlever en territoire israélien
2 soldats. Mieux que personne il connaît le prix qu’Israël est prêt à mettre
pour les ramener à la maison.
Question
classique mais incontournable : à qui profite… ? Téhéran y a vu le meilleur
moyen d’enterrer pour un temps le dossier de son nucléaire. Damas qui voit
approcher la fin de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri et la
constitution du Tribunal international y a vu elle aussi un moyen sûr de faire
oublier pour un temps « le Premier ministre martyr ».
Mais alors, dirions-nous, pourquoi ne pas frapper
Damas et Téhéran chez eux, en Syrie, en Iran ?
Imaginez-vous un instant l’embrasement généralisé si
tel avait été le cas ?
Les Israéliens, les Américains et les autres l’ont eux
parfaitement imaginé. Alors, comme au temps de la guerre froide, on cure
l’abcès de fixation régional. Le Liban se meurt et le monde assiste à la curée.
Que les positions du Hezbollah soient bombardées et détruites c’est la
règle, comme leurs quartiers, leurs camps d’entraînement, leurs centres de
commandements et ceux des organisations palestiniennes inféodées
aux mêmes maîtres. Après avoir détruit ponts et
routes, l’aviation israélienne bombarde les camions isolés ou en convoi
craignant des transferts d’armes, via
Mais ont été bombardés aussi 2 laiteries industrielles
dans
Maroun Charbel
Jeudi 20
juillet 2006, 3 h 56
Dans Présent du 22 juillet
La guerre faite au Liban
Des départs et un retour
De notre correspondant à Beyrouth.
Jeudi 20 juillet, 1 h 38.
En début de soirée, à l’heure où le soleil est un
magnifique disque rouge qui s’enfonce loin dans l’horizon – les couchers du
soleil au Liban sont d’une exceptionnelle beauté –, des bateaux se détachaient
des quais du port de Beyrouth et de celui de Dbayé et
semblaient vouloir suivre le soleil dans sa course. Le spectacle était
magnifique. Figés, nous regardions sans le voir leur sillage. A bord, des
Américains, des Anglais, des Français, des fonctionnaires de
l’ONU… Nous ne pensions pas revivre en si peu de temps
– moins d’une génération – et dans les mêmes lieux une évacuation d’une telle
ampleur. Quelques heures plus tôt, le patriarche maronite qui achevait une
tournée pastorale aux Etats-Unis, arrivait à Beyrouth à bord d’un hélicoptère
de l’armée américaine. Il a été reçu à sa descente d’avion par l’ambassadeur des
Etats-Unis et le ministre libanais de
C’est un soulagement indicible que de savoir le
vénérable prélat à nouveau chez lui à Bkerké. Nous,
les chrétiens, avons enfin l’impression que notre voix nous est rendue. Faible
et forte comme Sfeir lui-même qui a trébuché en
sortant de l’hélicoptère, mais qui, grâce à Dieu, n’est pas tombé.
Ces deux images sont bien celles que nous retiendrons
de ce 20 juillet, alors que sur le terrain un calme relatif a régné pendant les
quelques petites heures nécessaires aux opérations d’embarquement. Très
rapidement, l’aviation israélienne et la marine ont repris leurs bombardements
systématiques sur la banlieue-sud, fief du Hezbollah
à Beyrouth, l’aéroport et Baalbeck. Plus tôt dans la
journée le Hermel – nord du pays – a été abondamment bombardé
ainsi que le sud où l’offensive terrestre israélienne aurait commencé. Il
semblerait que neuf soldats israéliens se seraient perdus et l’intensité des
bombardements servirait de couverture aux opérations de recherches. En tout
cas, on entend bien que l’intensité des bombardements a repris, les avions passent
et repassent.
La situation humanitaire est dramatique.
Les réfugiés sont partout, dans les jardins publics,
les couvents, les écoles et leur sort est presque heureux quand on pense aux
milliers de personnes bloquées du sud au nord du pays dans leurs villages
coupés du monde avec leurs blessés et leurs malades, leurs bébés et leurs
enfants qui ont faim et peur et leurs morts ensevelis sous les décombres de
leurs maisons. Les médicaments d’urgence ou pour les maladies chroniques ou les
cancers ne peuvent plus être livrés d’une part parce que les routes sont
impraticables et les ponts détruits et de l’autre parce que Israël bombardant
les camions il est de plus en plus difficile de trouver des volontaires pour
les conduire – d’ailleurs les automobilistes les croisant passent très
rapidement ou alors se laissent dépasser par plus téméraire qu’eux. Mais les
médicaments, tous les médicaments, finiront par manquer très rapidement si le
blocus se poursuivait encore quelques semaines. Ce qui semble bien devoir être
le cas. Une lueur d’espoir semble se dessiner avec l’accord du Premier ministre
israélien de créer un couloir humanitaire entre Chypre et le Liban. Pour
seulement évacuer les ressortissants étrangers ou recevoir aussi l’aide
humanitaire ?
Diplomatiquement, toutes les tentatives pour obtenir
un cessez-le-feu imposé par l’ONU ont échoué face au refus américain,
l’opération israélienne faisant « partie de la guerre contre le terrorisme (et)
on ne négocie pas avec des terroristes ». Israël se pose la question « avec qui
négocier ? ». Et sa réponse est claire : on ne négocie pas avec les
terroristes. Et le gouvernement libanais est absolument paralysé. Comme son
armée.
Comment l’armée libanaise pourra-t-elle faire face au
Hezbollah avec son armement antédiluvien ? Comment envoyer une troupe très
majoritairement chiite se battre contre ses frères du Hezbollah ? Les officiers
– toujours moitié chrétiens et moitié musulmans – pourront-ils contenir leurs
hommes et éviter l’éclatement de l’armée comme en 1983- 1984 ? C’est pour cela
que tous les projets de résolution prévoient une force d’interposition dotée de
tout l’arsenal – diplomatique et militaire – nécessaire à sa mission.
C’est-à-dire à des années-lumière du mandat de l’actuel FINUL.
Pour l’instant et
secrétaire général pour le dossier syro-libanais. Roed-Larsen est chargé de surveiller l’application de la
résolution 1559 qui prévoit notamment le retrait de toutes les troupes
étrangères du Liban, le désarmement des milices au Liban et le rétablissement
de l’autorité du gouvernement libanais sur l’ensemble de son territoire. La
délégation est rentrée à New York sans avoir pu rencontrer les responsables
syriens. Kofi Annan a alors
déclaré que si cette délégation devait retourner à Damas c’est à lui et à lui
seul qu’il revenait d’en choisir les membres.
L’ambassadeur américain auprès l’ONU, John Bolton, a
déclaré : « Je ne vois pas comment l’ONU peut jouer pleinement son
rôle si un protagoniste important de conflit,
A Téhéran et dans un communiqué lu àtélévision
d’Etat, l’Iran annonce que «
Si on ajoute de telles résolutions aux propos des
Israéliens, qui s’installent dans la durée et massent plus de 6 000 hommes à frontière
avec le Liban, et à ceux de Hassan Nasrallah
déclarant solennellement sur chaîne Al-Jazirah que «
même si l’univers tout entier faisait pression sur le Hezbollah cela
ne ramènerait pas les soldats israéliens, à moins de négociations
indirectes et d’un échange de prisonniers »… alors une seule certitude
: le conflit sera long, douloureux meurtrier.
Nous reste alors la prière. Dans de nombreuses églises
et paroisses le Saint-Sacrement est exposé à la dévotion des fidèles et nombreux
curés de rites melkites – catholiques et orthodoxes – ont décidé d’avancer prière
de
MAROUN CHARBEL
Jeudi 20 juillet, 3 h 57.
L’appel de Benoît XVI
Le pape Benoît XVI a appelé jeudi à une journée de
prière dimanche pour un cessezle- feu immédiat au
Proche-Orient dans un message soulignant que le pape « suit avec une grande
préoccupation le sort de toutes les populations » du Proche-Orient et appelle à
une « journée de prière et de pénitence » dimanche pour « un cessez-le-feu
immédiat ».
Le Pape appuie aussi la demande de « couloirs humanitaires
» pour venir en aide aux populations éprouvées. Comme il l’a déjà fait lors de
l’Angélus dominical le 16 juillet sur son lieu de vacances du Val d’Aoste
(Alpes italiennes), Benoît XVI
appelle à l’ouverture de négociations « raisonnables et
responsables pour mettre fin aux situations objectives d’injustice dans la
région ».
Il souligne que « les Libanais ont le droit au
respect de l’intégrité et de la souveraineté de leur pavs.
Les Israéliens ont le droit de vivre en paix dans leur Etat et les Palestiniens
ont le droit d’avoir une patrie libre et souveraine ».
Il lance enfin un appel aux organisations humanitaires
pour qu’elles viennent en aide « à toutes les populations frappées par
conflit impitoyable ». C’est la troisième fois en cinq
jours que souverain pontife s’exprime sur le conflit Proche-Orient et ses
développements au Liban. Mardi soir, au retour d’une promenade en montagne, il
a déclaré à des journalistes
qu’il soutenait la proposition du G8 de Saint- Pétersbourg (Russie) d’envoi d’une force internationale afin
d’aider à stabiliser le Liban-Sud.
Selon la presse italienne, le chef du gouvernement libanais
Fouad Siniora a appelé mercredi le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat du Vatican, pour que le
Saint-Siège intervienne en faveur d’un cessez-le-feu. cardinal Sodano devait par ailleurs recevoir jeudi le chef de la
majorité parlementaire libanaise, Saad Hariri.
Le communiqué de Jean-Marie Le Pen
«Même si Israël avait dû répondre à une provocation du
Hezbollah (ce qui n’est pas le cas puisqu’il s’agit, au départ, de la capture,
sur le territoire libanais, de deux soldats israéliens), le déluge de feu qui
s’abat sur les populations civiles libanaises serait indubitablement
illégitime. « Les tirs irresponsables de roquettes par le Hezbollah, et le refus de libérer les deux soldats, ont conduit
à une escalade dont le résultat est la destruction du Liban par une armée qui
prétend vouloir anéantir son ennemi mais sème essentiellement la mort et la
souffrance chez les innocents. « La communauté internationale, paralysée par le
soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël, étale son impuissance face à la
nouvelle tragédie libanaise.
L’absence de réaction de l’ONU au bombardementdu
QG de
Dans Présent du 25 juillet
Liban : installés dans la guerre
De notre correspondant à Beyrouth.
– Samedi 22 juillet, 13 h 15.
Sainte Marie Madeleine, l’égale des apôtres, comme le
chante la liturgie de nos frères melkites. Notre pensée va évidemment vers
notre chère abbaye du Barroux à la prière de laquelle
nous confions le peuple chrétien du Liban.
La matinée semblait annoncer – selon quels critères ?
– une journée calme après une nuit qui ne le fut évidemment pas. C’est
peut-être le propre des situations de guerre de créer des rumeurs ou des
assertions de cette sorte.
Réunis dans une maison amie, quelque part sur les
hauteurs de Beyrouth, nous profitions dans la fraîcheur d’un moment d’amitié.
Nous savions bien que ce calme n’était qu’une relative accalmie liée à ces
bateaux accostés aux quais de Beyrouth et de Dbayé
attendant leurs lots désormais quotidiens d’Américains, de Français, de
Britanniques,… Bref !
de tous ceux qui souhaitaient partir.
N’empêche, nous n’écoutions plus le vrombissement des
avions et étions certains de n’entendre que le chant des cigales, quand
déchirent le ciel la première explosion puis la seconde.
La guerre est là et nous avions eu tort de vouloir
l’occulter.
L’aviation israélienne venait de bombarder les relais
de télévision de Fatqa, au-dessus de Jounieh, de Sannine au-dessus de Faraya et de Terbol au nord de
Tripoli. Il y aura un mort, le chef de station de
brève interruption, en crachouillant elles ont toutes
très rapidement repris leur diffusion. Des communiqués diffusés à longueur
d’antenne annoncent les modifications de longueur d’ondes tant pour les radios
que pour les télévisions.
N’empêche que le sud et la région du Akkar dans l’extrême nord du pays sont coupés et ne
reçoivent plus que par intermittence quelques images floues. Quant à les
joindre par téléphone…
Il est évident qu’Israël se devait de faire taire les
télévisions. Cette guerre du Hezbollah et d’Israël était une guerre en direct,
donc source permanente d’informations. Nous assistions en direct – grâce à des
correspondants dans le moindre des villages – aux bombardements, à l’exode, à
la destruction, à la mort, à la recherche des victimes… Que d’images
insoutenables qui hantent nos insomnies, priant Dieu de nous épargner.
Et pourtant nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons
nous offrir ce luxe de temps de paix de bouder l’information et de nous tenir
loin du tumulte du monde. A la cuisine, en voiture, au bureau, pour ceux qui y
vont encore, dans les supermarchés et chez l’épicier du coin, l’information
règne en maître et sauve parfois et rassure souvent. C’est ainsi que Sawt Loubnane el-Hor (
c’est en les écoutant que nous prenons toute la mesure
de ce Sud-Liban chrétien que l’on vous présente
presque exclusivement chiite. Et jour après jour se pose, lancinante et
urgente, la question de notre avenir – à nous chrétiens – dans ce Liban nouveau
ou du moins ce « nouveau Moyen- Orient » annoncé par le
Secrétaire d’Etat américain Condoleezza Rice.
Aujourd’hui nul ne pourra le dire avec certitude. En
tout cas pas moi et pas cet après-midi. Le nez dans notre quotidien de survie
nous n’avons qu’une angoisse notre sécurité de demain, d’après-demain quand la
douleur, la mort et la haine chercheront un bouc émissaire. Aujourd’hui le pays
entier affiche, très officiellement, une magnifique unité de façade qui
n’empêche pas des divergences « d’appréciations ». Sur tous les médias, les
victimes sont des « martyrs » et les institutions de toutes les
communautés sont ouvertes aux déplacés de toutes les communautés. Cela n’a pas
empêché des incidents qui, à Dieu ne plaise, seront peut-être un jour classés
dans la rubrique « comment cela à commencé… ». Je n’en citerai que deux
qui m’ont été reportés par des sources locales – vrais ? faux ? en tout cas
fort plausibles vu le climat ambiant.
Dans une des agglomérations qui font de Beyrouth une mégapole
qui s’étend vers Jounieh, des réfugiés chiites
décident de faire flotter le drapeau jaune du Hezbollah sur le toit de l’école
qui les accueille. Il faudra l’intervention de la police pour éviter et les
incidents et le drapeau claquant au vent.
Dans un village du Metn
chrétien, un réfugié chiite court dans les rues, agitant à bout de bras un
immense drapeau frappé du poing du Hezbollah. Les villageois l’arrêtent, lui
disent qu’il est chez lui chez eux mais sans son drapeau qu’ils
réduisent en miettes.
Par ailleurs, une institution chrétienne du sud du
pays, au cœur de la zone bombardée, a ouvert ses portes aux déplacés des
villages frontaliers. Chrétiens et musulmans se partagent les nattes et les
mauvais matelas. A chaque explosion d’obus, c’est la bagarre parmi les
musulmans, les uns accusant les autres de leur malheur. Chiites contre Sunnites
? Chiites entre eux ? Incidents isolés ou plus graves ? l’avenir seul nous le
dira. Aujourd’hui
nous prenons acte et nous sommes attentifs. Toute la
journée, les autorités religieuses et les instances supérieures des communautés
se sont réunies, multipliant les gestes de solidarité et de soutien au
gouvernement
Et toute la journée aussi, les bombardements continueront
des deux côtés de la frontière comme se répondant et faisant monter (?) d’un
cran la violence et la destruction. Le Hezbollah lançant ses roquettes jusqu’à
systématiques des positions et des fiefs du Hezbollah.
Les Etats-Unis auraient accéléré, à la demande d’Israël, la livraison d’une
commande, datant de 2005, de « bombes à guidage de précision ». Le Hezbollah
disposant d’un important réseau d’installations souterraines, on constatera que
certaines zones, comme la banlieue sud de Beyrouth, sont intensivement
bombardées à plusieurs reprises. Mais cette guerre, le
Hezbollah l’attendait, cela veut dire qu’il s’y préparait depuis de longues
années au point qu’il aura fallu des jours et des nuits de bombardements pour
qu’Israël puisse amorcer les opérations terrestres.
En Israël, on n’hésite pas à comparer le Hezbollah au Vietcong. Au soir de ce samedi, nous apprendrons
que parmi les fonctionnaires de l’ONU évacués dans la
journée se trouvaient les membres de
Comme en écho, on découvre la déclaration du
secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, pour qui
Dimanche 23 juillet 2006. 2 h 30.
Toute la nuit dernière les bombardements ont repris au
sud dans la zone frontalière, dans la banlieue-sud de
Beyrouth et dans
A l’issue de la messe paroissiale de ce matin, la voix
frêle et pas très juste d’une jeune femme, son bébé dans les bras, s’élève
spontanément en un cantique de supplication à Notre-Dame.
Surprise, la foule qui commençait à quitter ses bancs,
reste et joint sa voix forte pour demander la paix au Liban.
En voiture l’information reprend ses droits et le mot
« cessez-le-feu » sera de tous les bulletins comme la préparation de la
conférence internationale du 26 juillet prochain à Rome. Nous aurons d’abord la
répétition jusqu’à plus soif des propos de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, qui a affirmé
et martelé qu’« un cessez-le-feu serait une fausse promesse s’il ne
faisait que nous ramener au statu quo ante. Il permettrait aux
terroristes de lancer des attaques à la date et du type de leur choix,
et de menacer des innocents, arabes et israéliens, dans l’ensemble de
la région ».
Puis nous aurons les propositions syriennes de
médiations (?). Le viceministre des Affaires
étrangères, Fayçal Moukdad, a annoncé que son pays était
prêt à aider à résoudre la crise actuelle au Liban, à condition que Washington cherche
aussi à résoudre les autres problèmes de la région, notamment celui des
territoires occupés par Israël. Il a ainsi déclaré : « La position de
La réponse des Etats-Unis fut lapidaire
: « Si les Syriens faisaient toutes les choses
qu’ils savent déjà devoir faire, cela représenterait un grand pas en avant », a
déclaré l’ambassadeur américain à l’ONU, John Bolton.
Concrètement, arrêter de soutenir le Hezbollah.
La position d’Israël est invariable depuis le début du
conflit : on ne discute pas avec une organisation terroriste.
Et il ne peut y avoir aucun préalable avant la
libération des deux soldats pris en otage par le Hezbollah. Il semblerait que
le Hezbollah ait accepté de livrer les deux Israéliens au gouvernement libanais
pour que ce dernier puisse conduire les négociations. Rien n’est moins sûr. A
moins qu’Israël ne casse véritablement le Hezbollah, le gouvernement libanais
n’aura jamais les moyens de se tenir aux résultats d’éventuelles négociations.
Et puis, nous l’apprenons tout juste – Israël annonce avoir capturé deux
miliciens du Hezbollah dans le village de Maroun Al-Ras et le commandant israélien de la région nord, le
général Adam, annonce que l’opération israélienne au Liban va durer de très longues
semaines. « L’objectif est de vaincre. Combien de temps cela prendra
? A mon avis, plusieurs semaines, a-t-il déclaré avant d’ajouter, la
victoire signifie à mes yeux, que le Hezbollah ne soit plus
présent sur la ligne de contact à proximité de la frontière israélo-libanaise
et n’ait plus la capacité de tirer des roquettes. »
Plusieurs semaines ?
Alors à Rome, ou ailleurs, les diplomates auront tout le
temps de discuter de la nature de l’éventuelle force d’interposition.
Casques bleus ? Forces de l’OTAN ?
Les Allemands et les Américains ont déjà annoncé
qu’ils n’en feront pas partie. La préoccupation de l’Etat libanais aujourd’hui
est d’abord de continuer à exister et de maintenir coûte que coûte une certaine
cohésion des peuples du Liban et ensuite de trouver 100 000 matelas au plus
vite. Nul n’a pu encore les fournir et les usines veulent bien travailler 24 h
sur
24 pour les fabriquer mais ne pourront le faire faute
de matières premières que l’on ne pourra pas importer pour cause de blocus.
MAROUN CHARBEL
Benoît XVI renouvelle son appel
(…) jeudi dernier, face à l’aggravation de la
situation au Moyen-Orient, j’ai proclamé ce dimanche journée spéciale de prière
et de pénitence, invitant les pasteurs, les fidèles et tous les croyants à
implorer de Dieu le don de la paix. Je renouvelle avec force l’appel aux
parties impliquées dans le conflit, afin qu’elles cessent le feu immédiatement et
permettent l’envoi d’aides humanitaires, et afin qu’avec le soutien de la
communauté internationale, l’on recherche des voies pour ouvrir des
négociations.
Je saisis
cette occasion pour réaffirmer le droit des Libanais à l’intégrité et
la souveraineté de leur pays, le droit des Israéliens à vivre en paix
dans leur Etat et le droit des Palestiniens à avoir une patrie
libre et souveraine. Je me sens par ailleurs particulièrement proche des
populations civiles sans défense, injustement touchées dans un conflit dans
lequel elles ne sont que
des victimes
: aussi bien à celles de Galilée obligées de vivre dans des abris, qu’aux très
nombreux Libanais qui, encore une fois, voient leur pays détruit et qui ont dû
tout abandonner et chercher refuge ailleurs. J’élève à Dieu une prière remplie
d’une douleur profonde, afin que l’aspiration à la paix de la très grande majorité
des populations puisse se réaliser au plus vite, grâce à
l’engagement
commun des responsables. Je renouvelle également mon appel à toutes les
organisations caritatives, afin qu’elles fassent parvenir à ces populations
l’expression concrète de la solidarité commune. (Angélus du 23
juillet 2006)
é
Assemblée plénière
extraordinaire
des évêques maronites du
Liban
Communiqué
1 -
Absolument injustifiables et illogiques sont les douloureux événements que nous
vivons au Liban depuis quelques jours, événements qui l’ont paralysé, après le
bombardement de ses pistes d’atterrissage, de la plupart de sesponts
et routes, de certaines centrales électriques, de ses services et de ses centres
de communication. L’enlèvement de deux soldats, quoi qu’on puisse en penser, ne
justifie pas qu’on démembre ainsi un pays tout entier, que l’on tue des
centaines de personnes et qu’on affame la plus grande partie d’une population.
2 - La
situation dramatique vécue par les Libanais, en particulier ceux qui ont été
forcés à quitter leurs foyers et villages, impose à tous d’oublier les
divergences politiques qui les séparent et de faire front commun. L’heure n’est
pas aux règlements de comptes politiques, mais à la solidarité, à l’entente et au
courage pour faire face autant que possible.
3 - Le
bombardement délibéré et intensif des axes routiers a abouti à l’isolement de
la plupart des villes et villages, en particulier au sud et dans
De ce fait,
les pères exhortent les organisations humanitaires, en particulier le CICR et
4 -
L’assemblée exhorte tous les Libanais à accueillir dans l’amour et la
solidarité leurs frères forcés par la guerre à abandonner leurs foyers et leurs
villages, abstraction faite de leur appartenance communautaire. Le malheur doit
nous unir et non nous séparer. Il doit nous placer face à nos responsabilités et
aux conséquences de nos actes sans pour autant nous pousser aux
échanges
d’accusations.
Rompre le
cycle de la violence
5 -
L’assemblée exhorte les membres du Conseil de sécurité de l’ONU à mettre fin une fois pour toutes au cycle de
la violence au Liban en adoptant sans délai une résolution demandant un
cessez-le-feu immédiat, par égard pour les civils innocents, et en réglant la crise
de façon radicale de sorte que justice entière soit faite à toutes les parties.
6 -
L’assemblée appuie les efforts du gouvernement et du Premier ministre pour
mettre fin à la tragédie libanaise et
poser les
fondements d’un Etat juste et fort qui étende son autorité sur l’ensemble du
territoire, qui en rassemble
tous les
fils et préserve les composantes de la société libanaise.
7 - Les
pères pressent les fidèles de répondre à l’appel lancé par le Saint-Père, le
pape Benoît XVI, à une journée de prière et de pénitence dimanche pour implorer
la paix. Il invite aussi tous les croyants, à quelque religion qu’ils
appartiennent, à élever leurs cœurs vers Dieu, seul maître de l’histoire et
juge des actions humaines, bonnes et mauvaises. C’est lui que nous implorons d’écourter
ces jours d’épreuve et de répandre la paix dans les cœurs et le pays.
8 - Les
pères remercient les chefs des Eglises sœurs, les conseils épiscopaux, évêques
et évêchés dans le monde, qui se sont solidarisés avec le Liban, dans cette
épreuve. Ils expriment leurs sincères condoléances aux familles des victimes, souhaitent
prompt rétablissement aux blessés et demandent à Dieu de mettre fin à ce
terrible malheur. »
Dans Présent du 26 juillet.
Face au jeu trouble des alliances
De notre correspondant à Beyrouth.
— Mardi 25 juillet 2006,
0 h 53.
Beyrouth et sa région comme d’ailleurs
Le Hezbollah en
a profité pour faire visiter, à un groupe de journalistes, son fief de la banlieue
sud de Beyrouth quasiment détruit par l’aviation israélienne.
Au Sud-Liban, et des deux
côtés de la frontière, les bombardements acharnés n’ont laissé quasiment aucun répit
aux populations civiles.
Il était évident que pour nous, Beyrouthins, il était
bien plus rassurant de faire ses courses alors que le Secrétaire d’Etat
américain est chez le Premier ministre, Fouad Siniora,
ou chez le président de
Il faisait très beau et chaud, de cette chaleur humide
propre à la fin juillet. Pour la première fois depuis le 12 juillet, je me suis
pris à regarder à nouveau les voitures que nous croisions.
Elles étaient comme aux couleurs de la guerre. Si
certains avaient oublié d’enlever les fanions aux couleurs de leur champion du
Mondial de football, d’autres, beaucoup d’autres, arboraient sur les mêmes petites
hampes, ou accrochés au bout de cintres de pressing tordus, des chiffons
blancs qui furent des chemises ou des draps. Les ambulances aussi étaient aux
couleurs de la guerre avec de très grands drapeaux frappés de
Syriens pour la très grande majorité d’entre eux, ont
fui dès les premières heures du conflit. Les étals des marchands de meubles de
jardin, dont c’est la pleine saison, se sont transformés
en marchands de matelas en latex.
Mais il faut pouvoir les acheter.
La pénurie de matière première nécessaire à leur
fabrication en fait une marchandise rare et précieuse.
Les écoles, les institutions et les monastères ont
très largement ouvert leurs portes à la demande des patriarches de toutes les
communautés chrétiennes. Près de 15 jours après le début du conflit, avec en
plus la certitude que cela sera un conflit long et douloureux, les premiers
appels à l’aide se font entendre. Ces institutions ont dans un premier temps
besoin d’argent. L’on trouve encore au Liban – dont les réserves sont évaluées à
3 mois – de quoi nourrir et vêtir l’ensemble des réfugiés. Mais il faut les
acheter. Aux portes de l’automne, ils auront alors besoin de tout.
En voiture, les bulletins d’informations succèdent aux
flashs qui interrompent les messages personnels. Le sud continue à être
pilonné, après Maroun Al-Rass,
c’est Bint-Jbeil, la
capitale du Hezbollah comme l’ont surnommée les
Israéliens, qui est prise d’assaut. A l’heure où je vous écris, les pertes sont
importantes chez les deux parties, mais la ville n’est pas encore tombée. On
évoque à longueur d’antenne l’arrivée de Rice. Ce que
Rice va proposer. Ce que Rice
va exiger. Et puis ce que Rice a dit à Siniora. Ce qu’elle a exigé de Berri. Mais toute la journée
un mot revient sans cesse :
au conditionnel, on évoque son retour sur la scène
politique libanaise.
Aujourd’hui, nous avons un front régional et qui
semble indestructible, qui est celui que forment l’Iran et
De très nombreux pays arabes estiment qu’il serait bon
de « désiraniser »
peu lui faire retrouver sa place dans le concert des
nations et rompre son isolement qui est total depuis l’assassinat de Rafic
Hariri et le vote de la résolution 1559 par le Conseil de sécurité.
Ces mêmes capitales, et avec elles Washington,
estiment que
n’est pas entièrement inféodé à
obligé et surtout de poids. Les Américains semblent
avoir chargé et les Italiens et les Allemands de faire les premiers pas. Les
Israéliens, enfin, la ménagent encore. Par ailleurs, Israël semble non piétiner
mais hésiter. En 1982, Ariel Sharon annonçait envoyer ses troupes pour 48 h au
Liban, elles y seront restées 22 ans avant d’en partir chassées par la guérilla
du Hezbollah promu depuis Mouvement de la résistance libanaise. De plus en plus
de sources concordantes estiment qu’Israël
« a l’aval des Américains pour continuer les
opérations contre le Hezbollah au moins jusqu’à dimanche prochain ». Israël, nous l’avons vu hier, annonce un
conflit de plusieurs semaines. Tout le monde semble heureux de
voir le Hezbollah cassé, y compris de très nombreux pays arabes
et y compris la très vaste communauté des pays de
et que sa victoire serait celle de toute la nation.
Mais une question demeure : jusqu’à quand Israël
pourra supporter d’avoir 2 millions d’individus dans les abris et continuer de
recevoir son lot quotidien de roquettes – 1 100 depuis le 12 juillet ? Et une
autre se fait de plus en plus lancinante : avec qui Israël signera son
cessez-le-feu ? Et si le
Hezbollah, ayant prouvé sa capacité d’organisation, de
résistance face à l’agression…, devenait brusquement un partenaire ?
A moins de détruire complètement le parti et son
organisation, de déployer une force internationale aux moyens et au mandat à la
hauteur de l’enjeu tout au long de la frontière sud mais aussi de la frontière
avec
dominer la scène politique libanaise.
En attendant, heure après heure, c’est un pays
entier qui est méthodiquement détruit avec près du cinquième de
sa population qui erre sur les routes et qui n’espère déjà plus rien
de cette conférence internationale qui s’ouvre à Rome. Certains
présidents de municipalités ayant décidé d’éteindre les stations relais
de télécommunications sur le territoire de leur commune pour éviter
leur bombardement, j’espère pouvoir vous dire à demain…
MAROUN CHARBEL
Mardi
25 juillet, 3 h 22
Dans Présent du 27 juillet.
Liban : vous avez dit cessez-le-feu ?
De notre correspondant à Beyrouth
– Mardi 25 juillet 2006,
8 h 50.
J’ai pu vous sembler bien pessimiste hier. Ecoutant à
longueur d’antenne les communiqués des ambassades appelant leurs ressortissants
au départ… Suivant jusqu’à plus soif le sillage des bateaux quittant le port…
Ecoutant le téléphone sonner dans le vide chez plus d’un ami… Nous mesurons,
heure après heure, l’abîme au bord duquel nous nous trouvons. « Nous avons
vécu beaucoup d’épreuves, mais celle-ci est la plus grave », a déclaré
le patriarche maronite.
Mais l’urgence ne laisse la place à aucun état d’âme
et heureusement.
Notre tragique réalité est là et nous avons envie de
hurler quand nous entendons les responsables du Hezbollah dire : « La vérité
est que nous ne nous attendions même pas qu’Israël exploite cette
opération pour cette grande guerre contre nous. Le Hezbollah
escomptait la réponse habituelle, limitée. »
A les croire, ils auraient oublié leur propre
expérience avec Israël et occulté dans leurs esprits ce qui se passe à Gaza à la
suite de l’enlèvement d’un soldat.
Mercredi 26 juillet, 4 h 30.
A Gaza, où l’offensive israélienne continue – et il
faut prendre garde de l’oublier et ne plus suivre ce qui s’y passe comme
d’ailleurs en Irak –, environ 50 chars sont entrés au cours de la nuit de mardi
à mercredi dans le nord du Territoire alors que l’aviation continuait ses raids
visant
les domiciles de responsables du Hamas et du Djihad
islamique. L’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou,
aujourd’hui chef du Likoud dans l’opposition, a affirmé de son côté que le conflit
en cours – à Gaza comme au Liban – a été déclenché par l’Iran, par le biais de
« ses forces auxiliaires, le Hezbollah et le Hamas ». Il a notamment déclaré : «
Le monde a pu voir comment l’Iran a testé ses armes. Il a, dans
un premier temps, actionné le Hamas avec des tirs de roquettes
artisanales Qassam, puis le Hezbollah avec des
tirs de roquettes et de missiles sur les villes d’Israël. »
Alors que ceux qui ont encore des illusions portent
tous leurs espoirs vers Rome où la conférence sur le Liban commence ses travaux
aujourd’hui mercredi, nous sommes, sur le terrain comme dans les plans des
belligérants, loin très loin des conditions d’un éventuel cessez-lefeu.
Du temps des autres guerres du Liban, les dépêches
d’agences et les manchettes des journaux titraient souvent sur des
cessez-le-feu « mort-nés ». Là, il n’a même pas été conçu. Et le mot qui
revient le plus souvent est celui de « guerre ». Les Israéliens parlent «
de guerre de vie ou de mort » – « c’est eux ou nous »,
a déclaré le vice-Premier ministre Shimon Pérès –, les Saoudiens
craignent une « guerre régionale » si une
solution n’est pas très rapidement trouvée. Les Iraniens,
eux, estiment que nous nous dirigeons vers une «
guerre d’usure ».
Sur le terrain, et des deux côtés de la frontière,
c’est tout simplement la guerre. L’aviation israélienne a repris ses raids sur
les quartiers chiites de la banlieue sud et les combats ont fait rage toute la
nuit autour de la ville de Bint-Jbeil, à la frontière
israélo-libanaise. Israël annonçait, aux premières heures de mercredi, dominer
la situation et contrôler ses faubourgs. Cette grosse
bourgade du Sud-Liban
surnommée « capitale du Hezbollah » est aussi, ou d’abord, une ville chrétienne
dont les habitants sont pris au piège d’une guerre qui n’est pas la leur.
Le jour se lève sur Beyrouth.
Dans notre quartier, ce matin, nous avons de
l’électricité – celle de l’Etat ! – mais pas de connexion internet. Sur les
ondes, les radios égrènent la liste des raids de la nuit, lancent les premiers
appels à l’aide et messages personnels de la journée et décortiquent toutes les
petites
phrases autour de la conférence de Rome et la tournée
de Condoleezza
Rice dans la région.
Selon le ministre libanais de l’Information, le Druze
Ghazi Aridi, « les conditions exigées par Rice pour un cessez-le-feu sont difficiles à
remplir et la guerre va durer.».
De source proche du président de
zone, ce qui faciliterait, selon elle, le retour des
déplacés. Mais la secrétaire d’Etat américaine a refusé de discuter d’un
échange de prisonniers entre le Liban et Israël ».
Ce qui a fait dire à Berry, par ailleurs chef du
mouvement Amal dont les hommes se battent aux côtés du
Hezbollah, « les conditions américaines sont dangereuses pour l’unité
des Libanais ».
Côté israélien, le ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a refusé tout
cessez-le-feu parce qu’il « permettrait à
Les conditions israéliennes pour un cessez-le-feu
restent donc inchangées
: « Démantèlement complet de l’appareil militaire
du Hezbollah le long de la frontière : interruption totale des livraisons de
missiles au parti de Dieu ; retrait de ce dernier au nord de la rivière Litani –
soit à une vingtaine de kilomètres de la frontière – et soutien à un
déploiement
de l’armée libanaise au sud. » Ce qui correspond aux termes de la résolution 1
559 du
Conseil de sécurité de l’ONU.
A quoi servira donc la réunion de Rome alors ?
Livni en attend « un plan économique pour le
Liban, un programme d’aide et peut-être, avant tout, des signes
que la situation a changé, que le monde n’accepte plus un
gouvernement libanais faible, pris en otage par un Hezbollah armé
de missiles ».
Les pays arabes invités et l’Italie comme
A Rome, où le Premier ministre libanais Fouad Siniora a choisi de se rendre accompagné d’un ministre de
chaque communauté, on discutera d’abord de l’avenir du Liban, de son existence
et de ce qui semble être un préalable à toute amorce de cessez-le-feu, de la
formation et du déploiement d’une force multinationale qui ne sera pas chargée,
comme
les noms de
pour éviter – toujours de sources israéliennes – que
l’on parle à nouveau comme en Irak de « croisade chrétienne » et
Attentat dont le Hezbollah – ou en tout cas ceux qui
seront le Hezbollah – porte la paternité.
MAROUN CHARBEL
Mercredi 26 juillet, 7 h 12.
A suivre…