Les Nouvelles
de
Chrétienté


n° 60

Le 21 août 2006

 

La guerre faite au Liban

 

 

Nous poursuivons, dans ce numéro,  la publication des excellents articles que MAROUN CHARBEL, correspondant spécial à Beyrouth du journal Présent, lui adresse presque chaque jour. Nous attirons votre attention sur l’analyse qu’il fait de la résolution 1701 de l’ONU dans Présent du 19 août.  

 

PRÉSENT — Mardi 15 août 2006

 

La guerre faite au Liban

Décider de la guerre et de la paix

 

De notre correspondant à Beyrouth

– Lundi 14 août 2006, 0 h 40.

 

Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a téléphoné à ses homologues israélien

et iranien pour s’assurer de l’application effective de l’arrêt des hostilités ce lundi 14 août à 8 h du matin (7 h à Paris). Le flash d’information a été aussi bref que cela. Au moins les choses sont claires. Le pouvoir de décider de la guerre et

de la paix ne se trouve pas au Liban, mais bien en Israël – on le savait – et en Iran – et cela on le savait mais on ne le disait pas.

 

Il m’est difficile de rendre, après cette journée effroyable – au cours de laquelle nous n’avons pas cessé un instant de penser au mort de la dernière cartouche –, la joie et le soulagement de beaucoup à l’annonce de la résolution 1701. Un accord est trouvé à l’ONU, les Israéliens, les Libanais et le Hezbollah l’agréent. Le gouvernement libanais – y compris ses ministres Hezbollah qui émettent des réserves – approuve le texte. Le gouvernement israélien – moins une voix – aussi. Une réunion extraordinaire du gouvernement libanais est annoncée pour le début de la soirée. 18 h 45, la

nouvelle tombe. La réunion du gouvernement est reportée. Il n’y avait qu’un seul point inscrit à son ordre du jour : le désarmement du Hezbollah.

 

Le Hezbollah a dit NON . Ses ministres ont annoncé leur décision de boycotter la réunion. L’information

a été confirmée à l’AFP par un ministre, qui a requis l’anonymat : « C’est le moment de vérité et ils ne veulent pas livrer leurs armes. Nous avons préféré accepter de reporter la réunion pour permettre la poursuite des

 consultations. »

 

A l’heure où je vous écris, les consultations se poursuivent certainement.

 

Les combats sur le terrain et les raids aériens aussi. Et les langues se délient même au sein du gouvernement libanais où certains ministres commencent à se départir de la règle imposée de la « fraternité des abris » et accusent le Hezbollah. Et l’on se pose la question de ce revirement du parti de Hassan Nasrallah qui, dans son message télévisé

de samedi, avait affirmé : « Nous ne serons un obstacle à aucune décision prise par le gouvernement libanais.

(…) Quand la décision de déployer l’armée sera prise, la résistance coopérera. » La réponse est à chercher à Téhéran et l’on se souviendra que l’autorisation de participer aux dernières législatives libanaises, était aussi venue, en son

temps, de Téhéran.

 

Cette journée de dimanche a été, et comme il était prévisible, terrible sur le terrain, l’armée israélienne souhaitant « nettoyer » le Liban- Sud avant le gong de la cessation des hostilités. L’aviation a multiplié les raids sur la banlieue sud de Beyrouth et ses quartiers limitrophes dans l’espoir, selon certaines rumeurs, atteindre Hassan Nasrallah et ses proches collaborateurs. Le Hezbollah quant à lui a tiré, en une journée, 250 roquettes sur le territoire israélien.

 

Il est presque 3 h. Les combats sur le terrain dans le sud font rage. Israël espère dominer le cours du Litani avant 8 h du matin. Les bombardements sur Beyrouth, Tyr, Saïda, les frontières avec la Syrie et Baalbeck – où l’on parle d’une nouvelle opération aéroportée – continuent.

 

Et nous attendons que passe la nuit. En nous posant mille questions quant à l’avenir de cette résolution 1701.

 

Est-ce que la cessation des hostilités au Liban continuera à être liée au dossier nucléaire iranien et donc à l’échéance du 31 août qui attend Téhéran ? Le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé à Téhéran de suspendre toutes ses activités liées à l’enrichissement d’uranium d’ici au 31 août prochain. En cas de refus, la résolution prévoit que le Conseil se réunira de nouveau pour étudier les sanctions imposées à l’Iran.

 

Quelle attitude va adopter Damas ?

 

Si la France a accepté de remettre en selle Téhéran, elle continue à manifester sa méfiance à l’égard de la Syrie et de son président. Condoleezza Rice a exprimé sa satisfaction de n’avoir pas impliqué la Syrie dans la recherche d’un

règlement. Mais certaines rumeurs persistantes parlent d’un début de projet de visite à Damas pour le patron de la diplomatie américaine.

 

Et le Liban, son armée, ses institutions ? Aujourd’hui, du moins avant le report de la réunion de dimanche soir, le gouvernement libanais saluait en la résolution 1701 une victoire de sa diplomatie. Il n’a pas tout à fait tort, mais il n’a pas raison. La première mouture du texte épousait la vision israélienne, le texte adopté fait la part des revendications

libanaises et fait porter à l’Etat libanais toute la responsabilité de son application. L’incident de ce soir nous prouve bien les limites très étroites de ce gouvernement pris en otage par une milice, véritable Etat dans l’Etat, qui prend ses ordres à Téhéran. Que représente, face au Hezbollah, l’armée libanaise, même soutenue par une FINUL – Force intérimaire des Nations unies pour le Liban – au mandat renforcé ?

 

Et la FINUL ? il semblerait que le très gros contingent sera français. Merci la France et pauvre

France. L’effectif devrait passer de 2 000 à 15 000 hommes qui seront autorisés à « prendre toutes les mesures nécessaires (…) pour empêcher toutes activités hostiles ». Selon quels critères le degré d’hostilité sera-t-il jaugé ? et

comment sera-t-il fait par des militaires venus de pays aussi différents que la France, le Maroc, l’Espagne, l’Italie, l’Indonésie, la Malaisie ou la Turquie ? Et les trois derniers en particulier. L’Indonésie, premier Etat musulman

au monde, la Malaisie qui assure la présidence de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) et qui, à ce titre, a appelé les pays musulmans à apporter leur aide effective au Hezbollah, la Turquie qui cumule les accords de coopération avec Téhéran et Damas.

 

Il est 3 h 48. Dans la nuit, les bombardements n’ont pas cessé. Parfois un peu plus sourds ou un peu plus proches. Dans à peine plus de 4 h cela sera, ou non, la fin des hostilités de cette « guerre de juillet » comme la nomment mes confrères libanais. Il semblerait que notre espoir sera vain. Le Hezbollah accuse la majorité, et en particulier le collectif du 14 Mars, de vouloir lui « arracher ce qu’Israël n’est pas parvenu à lui arracher par la force ». La majorité

l’accuse d’avoir manœuvré comme lors des sessions du « dialogue national » pour ne faire que ce que Téhéran a décidé de lui faire faire. Le Secrétaire général des Nations unies, a immédiatement téléphoné au Premier ministre libanais, Fouad Siniora, pour lui dire sur un ton sans appel, ces mots lourds de conséquences : « Vous avez des engagements internationaux à tenir. Sinon, je n’assume pas la responsabilité de la poursuite de la destruction

du Liban. »

 

Début de réponse dans moins de quatre heures.

 

MAROUN CHARBEL

 

 

 

PRÉSENT — Jeudi 17 août 2006

La guerre faite au Liban

24 heures après la cessation des hostilités

 

De notre correspondant à Beyrouth

Mercredi 16 août 2006,0 h 11.

 

 « Je vois les choses avec beaucoup de réserves, et l’avenir avec un peu d’appréhension. Il faut que se prolonge la cessation des hostilités et ce n’est pas évident. (…) Cette situation est… très fragile et va le rester pendant pas mal de temps. On n’est pas tirés d’affaire. »

 

Ces propos de l’actuel commandant de la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban (FINUL), le général français Alain Pellegrini, à l’autre quotidien parisien du soir, résument en trois phrases notre sentiment à tous. Mais

lui n’est pas nous et son intime conviction a été nourrie par des années de FINUL, coincé entre Hezbollah et Israël. Du Hezbollah il connaît tout et d’Israël aussi. Sans compter la faiblesse et la paralysie des institutions libanaises.

 

Nous avons passé cette première journée de cessation des hostilités d’abord à rendre grâce à Notre Dame qui, en ce jour de son Assomption, de sa Dormition comme disent nos frères des Eglises byzantines, a entendu notre prière. Faisant fi de la pénurie d’essence, des pèlerins en grand nombre se sont pressés, dès la vigile de la fête, dans le sanctuaire de Notre-Dame du Liban à Harissa. Et ils y seront encore plus nombreux à la messe du 15 août présidée, au nom du Saint-Père, par le cardinal Etchegaray, venu dire au nom du Pape que « la paix est possible, elle est à portée

de main ». Le Cardinal a exprimé la position officielle du Saint-Siège pour qui « il faut trouver rapidement une

solution équitable au conflit israélopalestinien. Aucun remède ne pourra agir s’il ne va pas jusqu’à la racine

du mal ». Mais il aura dit d’abord la maternelle sollicitude de Marie pour ce peuple du Liban qui l’honore dans le moindre de ses oratoires comme dans ses basiliques. Comment ne pas voir la marque de Notre Dame en

cette cessation des hostilités le jour même de sa fête ? Le sermon de l’envoyé du Pape a été comme une parenthèse de paix ouverte sur notre Espérance entre deux discours de guerre et de menaces. Celui du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah qui crie victoire et en réclame les dividendes et celui du président syrien, Bachar El-Assad, qui s’attribue cette victoire et commence d’en exiger le prix.

 

Lundi soir, 14 août, dans un discours annoncé et mis en scène comme les précédents, Hassan Nasrallah, crie sa victoire et celle de son parti. C’est « une victoire stratégique et historique pour le Liban, tout le Liban, pour la Résistance, et pour la Oumma, toute la Oumma » islamique, a-til déclaré avant de centrer son intervention sur l’indemnisation des logements et bureaux détruits et la question du désarmement du parti. Prenant de vitesse le gouvernement qui, selon lui « aura besoin de temps », Nasrallah annonce, par exemple, un an de loyer et l’ameublement pour tous ceux dont le logement a été détruit. Dès ce matin, nous pouvions vérifier que comme d’habitude il fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait. Les milliers de déplacés qui sont retournés dans leurs villages et leurs quartiers y ont trouvé les militants du Hezbollah,

disponibles, dressant les listes des noms et des besoins. Qui va financer et aussi rapidement que promis ces 15 000 logements détruits – chiffre avancé par Nasrallah ? Sans aucun doute Téhéran. Le ton s’est fait menaçant pour annoncer que le parti ne désarmera pas. Le chef du Hezbollah a été jusqu’à affirmer que « des efforts énormes ont été déployés pour qu’il n’y ait justement pas de réactions » à ces prétentions de le voir rendre son armement. La menace n’est même pas voilée. Il a fustigé les membres de la majorité gouvernementale, antisyrienne, « qui ont mal choisi leur timing pour réclamer précipitamment le désarmement du Hezbollah » et les accuse « d’entraîner le Liban dans des débats qui ne sont pas dans son intérêt. (…) Je leur conseille de ne pas recourir aux provocations, à l’intimidation ou aux pressions pour des considérations humanitaires ou sécuritaires, car l’une des plus grandes armées au monde a été incapable de désarmer le Hezbollah ».

 

Pour comprendre le ton de Nasrallah et ses prétentions, il faut savoir qu’il se considère comme le vainqueur de cette guerre faite au Liban, que les chiites qui le suivent, soit la très grande majorité de la communauté, s’estiment aussi vainqueurs et lui vouent un culte sans faille. Le discours a été accueilli par des tirs de joie dans les quartiers chiites de Beyrouth et dans la plupart des régions.

Victoire que fêtent – sur ordre ? – les déplacés qui rentrent chez eux en de longs convois de voitures, couleurs du Hezbollah claquant au vent, pile de matelas en éponge ficelée sur le toit et faisant le V de la victoire. Si le Hezbollah ne veut pas désarmer qui va ou qui peut le contraindre ? Personne. Le gouvernement libanais est totalement paralysé. Depuis le 13 août dernier et le refus des ministres Hezbollah d’aborder la question, le Conseil des ministres ne s’est

plus réuni et ne semble pas pouvoir le faire de sitôt. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, le ministre

français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blasy, comme d’autres responsables internationaux, auront beau téléphoner ou venir sur place, cela ne servira à rien. Le gouvernement libanais ne peut pas désarmer le Hezbollah, tout simplement parce qu’il n’en a pas les moyens politiques.

 

Alors peut-être la FINUL ? utopie.

 

La France s’est battue à l’ONU, face aux Etats-Unis, pour que justement les Casques bleus ne se retrouvent pas chargés de cette tâche qualifiée, avec raison, de « suicidaire ». Paris n’oublie pas le Drakkar et ses 58 parachutistes.

Washington n’oublie pas non plus ses 241 marines. Mais les Etats-Unis ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne participeraient pas à la nouvelle FINUL. Paris subit une « pression appuyée » de la part des instances onusiennes qui lui demandent de prendre la direction des opérations et de fournir rapidement un contingent. « Notre réputation est entre les mains de la France » entendons- nous dire dans les couloirs de l’Onu. Mais à quel prix ? à l’aune du Drakkar ?

La réaction de Paris aux propos de Nasrallah a été immédiate, rappelant les engagements pris par tous et leur

acceptation de la résolution 1701 selon laquelle le Hezbollah doit se retirer au-delà du Litani et être désarmé, « cette charge incombant au gouvernement libanais ». Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy sera ce 16 août à Beyrouth pour rappeler les exigences de la communauté internationale à un gouvernement libanais qui n’a pas les moyens de sa volonté et sa préoccupation d’être « attentif à ce que la participation de nos armées s’accompagne de toutes les garanties nécessaires à leur sécurité ».

 

Mardi midi la donne se complique ou du moins se corse avec le discours du président syrien Bachar El-Assad,

qui d’emblée revendique sa part de l’aura du Hezbollah en déclarant : « Je dis à tous ceux qui accusent la

Syrie de se tenir du côté de la résistance que cela est, pour le peuple syrien, un honneur. » Pour Assad, le

collectif du 14 Mars, la majorité antisyrienne, au pouvoir au Liban veut « provoquer une sédition au Liban en

tentant de faire déposer les armes de la résistance, (…) ils ont commencé à parler d’un désarmement du Hezbollah

alors que le sang des martyrs est encore frais (...) mais moi je leur dis qu’ils ont échoué ».

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a immédiatement annulé sa visite à Damas où il devait arriver ce même 15 août dans l’après-midi : « Un engagement clair et sans équivoque pour régler les différends régionaux par le biais de moyens pacifiques est essentiel. Le discours d’aujourd’hui du président Assad va

dans la direction opposée. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de ne pas me rendre à Damas maintenant. »

 

MAROUN CHARBEL

Mercredi 16 août, 3 h 11.

 

Présent du 19 août

 

Liban : un marché de dupes

ou la victoire du Hezbollah

 

De notre correspondant à Beyrouth

– Jeudi 17 août 2006, 22 h 53.

 

Pour la première fois depuis 40 ans, l’armée libanaise s’est déployée au sud du Litani et jusqu’à la frontière avec Israël. C’est sans aucun doute un événement. À longueur de journée nous avons eu droit aux images en boucle des pluies de riz et de pétales de rose lancés sur les colonnes de chars et les camions de l’armée recevant de la Finul les anciennes positions de l’armée israélienne. Sur le papier le mécanisme est simple et clair : les Israéliens se retirent, livrent leurs positions aux Casques bleus qui les remettent alors à l’armée libanaise. Après ? tout est dans

la réponse que seul le Hezbollah détient. « Tout dépend des choix du Hezbollah, déclare Walid Joumblatt. Il

a eu sa guerre, maintenant, il va falloir qu’il se pose la question suivante : va-t-il accepter de se tourner vers les Libanais, de construire avec eux un avenir national ou bien va-til continuer à être un État dans l’État, au service de la Syrie et de l’Iran ? Dans ce deuxième cas, nous allons assister, malheureusement, à un remake de la situation actuelle dans un proche avenir. C’est-à-dire, que le Liban vivra une guerre sans fin. Chose que le reste des Libanais

ne peut plus accepter. »

 

Après 33 jours de guerre, de bombardement, de veille, de peur, nous étions tous fatigués. Nous avons baissé la garde ou du moins l’urgence d’aller voir des proches, des parents isolés ou simplement un appartement, un bureau abandonnés depuis le 12 juillet a retenu notre attention ailleurs. Pendant ce temps, le Hezbollah continuait à refuser le

désarmement de ses hommes « dans la hâte et sous la pression » et imposait au gouvernement un marché de dupe au nez et à la barbe de toute la communauté internationale qui explique les hésitations de tous pour la nouvelle FINUL.

 

La résolution 1701 prévoit le retrait des forces israéliennes et du Hezbollah, le déploiement de l’armée libanaise et l’application de la résolution 1559 qui exige le désarmement du Hezbollah. Maître du terrain avec un arsenal largement plus sophistiqué et moderne que l’armement antédiluvien de l’armée libanaise, le parti de Hassan Nasrallah

a « promis » que l’on ne verrait pas ses armes. L’armée libanaise se déployant au sud ne croisera aucun militant du Hezbollah en arme, ne passera devant aucune position du Hezbollah et ne trouvera aucun dépôt d’armes du Hezbollah. En foi de quoi l’armée pourra se déployer et annoncer à la communauté internationale que les « seules armes au sud

du Litani sont les armes de l’armée libanaise ».

 

 Mais qui a jamais vu un milicien du Hezbollah en arme ? ces hommes de l’ombre qui venaient tirer leurs fusées et leur roquette du cœur des quartiers d’habitations et de préférence chrétiens. Qui est jamais passé devant une position du Hezbollah ? Personne. Guerre de milice, toute leur infrastructure est souterraine ou maquillée en habitation, centre sportif, voir même hôpital. Les dépôts d’armes ? il semblerait selon certaines rumeurs que les caches d’armes et les dépôts du Hezbollah soient les caves ou les bergeries de certains de leurs militants qui arrondissaient

ainsi leur fin de mois.

Ayant imposé cet accord au gouvernement - pris à la gorge et laissé seul face à ses responsabilités par l’Onu et les parrains de la 1701 – les ministres du Hezbollah ont alors suspendu leur boycott des institutions et le Conseil des ministres a pu se tenir à nouveau pour avaliser ce marché de dupe véritable suicide annoncé.

« Le rôle de l’armée sera de défendre le territoire national, de maintenir l’ordre et la sécurité dans ces régions et ces deux cazas, de s’assurer que la ligne bleue est respectée et d’appliquer les lois en vigueur concernant toute présence armée quelle qu’elle soit, à part celle de l’État, et de coordonner avec la Finul conformément à la 1701 (…) Si une

arme est trouvée, même nos frères du Hezbollah ont dit qu’ils laisseraient l’armée s’en saisir » a déclaré Ghazi Aridi, ministre de l’Information et porte-parole du gouvernement qui a précisé : « Il n’y aura pas de confrontation avec le Hezbollah. L’armée se déploie… pour la population et contre personne. »

 

Les réactions et d’abord celle des ministres Pierre Gémayel, Joe Sarkis, Nayla Moawad, Marwan Hamadé et Michel Pharaon ont été immédiates. Walid Joumblat, par exemple, a fustigé « la demande du Hezbollah de trouver une formule souple lui permettant de conserver ses armes sous le sceau du secret ». « Le Hezbollah propose de cacher

ses armes et de ne pas les porter en public. C’est une formule qui n’est pas convaincante » a déclaré Pierre Gemayel (Kataëb) qui a boycotté la séance. Les autres ministres ont manifesté leur opposition et en particulier Joe Sarkis (Forces Libanaises) qui a exigé que son opinion dissidente et ses réserves soient rendues publiques. Tous demandent la création d’une zone militaire à la frontière avec Israël ce qui permettra à l’armée de perquisitionner et de saisir

les armes trouvées. Pour cela il faut un vote au Parlement. Et comment obtenir que le Parlement se réunisse ?

 

La position du gouvernement est terrible. Pris en otage, il sait que la survie du pays réside dans le retrait des Israéliens – qui n’ont aucune envie de rester d’ailleurs – et l’arrivée de la force internationale. Mais comment obtenir l’impossible c’est-à-dire le désarmement du Hezbollah ? la solution trouvée temporise encore une fois et donne au Hezbollah cette victoire politique qui peut-être – selon le gouvernement - le fera rentrer dans le giron de l’Etat faisant passer sa libanité avant son allégeance à Téhéran et plus particulièrement à son guide suprême l’ayatollah Ali

Khamenei. Les hommes du Hezbollah sont sur le terrain où ils accueillent les déplacés de retour du Nord leur assurant

tout, devançant le moindre de leur souhait. Il faut le savoir, le Hezbollah est fort de l’appui de l’Iran mais il est fort aussi de son implantation dans les villes et les villages où depuis des années il supplée à l’absence d’Etat des années de

plomb subies par la grâce de son allié syrien. « L’armée n’aurait jamais pu arriver ici sans la Résistance » dira par exemple un villageois aux journalistes qui l’interrogent. « Le Hezbollah appartient à la population… Ils viennent d’ici. Où sont-ils supposés aller ? » demandera un autre avant d’ajouter « Je n’ai vu aucun combattant. J’ai vu les hommes du village. Je ne sais pas qui est un combattant et qui ne l’est pas. Je ne les ai jamais vus pointer une arme contre quelqu’un ».

 

On ajoutera aussi la déclaration du ministre israélien des Affaires étrangères, Tzipi Livni, selon laquelle « aucune armée au monde n’aurait pu vaincre une guérilla telle que le Hezbollah ». Destinée à la consommation intérieure en Israël où le débat fait rage autour du bilan de l’opération, cette phrase ponctue désormais le discours Hezbollah et

ses chefs s’en gargarisent à longueur d’antenne renforçant ce sentiment de victoire.

 

On comprend dès lors l’extrême réserve des pays sollicités pour participer à la nouvelle FINUL et en particulier la France. Réserve et prudence que nous sommes bien obligés de comprendre et de saluer.

Envoyer des soldats occidentaux et des Français en particulier, c’est prendre le risque d’en faire la cible idéale pour autant de Drakkar d’autant qu’ils auront tout juste le droit de se défendre.

La juste hésitation française a bloqué pendant quelques heures tout le processus avant que le président Chirac n’annonce que la France va envoyer 200 soldats supplémentaires et mettra à la disposition de la FINUL les 1 700 soldats présents au large du Liban à bord de quatre navires mais ces hommes ne seront pas sous commandement onusien. « Le Hezbollah n’a pris aucun engagement sur son désarmement. Nous refusons que la FINUL se trouve dans une position inutile ou dangereuse. Pourquoi s’engager dans un bourbier ? » déclarait une « source diplomatique » à cet autre quotidien parisien du soir. Citation qui a été très largement reprise et commentée ici à Beyrouth. Paris aurait été demander des garanties au tuteur iranien du Hezbollah qui les aurait données. Comme celles que le Hezbollah a toujours données et toujours trahies ?

 

Dans ce débat nous retiendrons aussi les hésitations italiennes qui avaient promis 3 000 hommes et le refus très ferme de la très importante communauté arménienne du Liban de voir arriver des soldats turcs. Leurs différents communiqués rappellent le joug de l’empire ottoman et le génocide arménien. Moi je rajouterai aussi les massacres

de Chrétiens qui ont jalonné le XIXe siècle et la famine organisée pendant la guerre de 14 qui a assassiné par

milliers les Chrétiens de la montagne libanaise.

MAROUN CHARBEL

Vendredi 18 août 2006, 1 h 15.