Les Nouvelles
de
Chrétienté
n° 61
Le 31 août 2006
La guerre faite au Liban
La chronique de Présent assurée tous les
jours depuis le début du conflit au Liban par son correspondant à Beyrouth, Maroun Charbel, est vraiment passionnante.
Nous en poursuivons la publication dans
ce nouveau numéro de LNDC au 31 août.
Dans
Présent du mardi 22 août.
Une France responsable
De notre correspondant à Beyrouth
– Dimanche 20 août 2006,
16 h 35.
Au début c’était sourd et lointain. Puis
cela s’est fait plus proche. Nous ne savions pas ce que c’était. Reprise des
bombardements ? Après l’opération commando de l’armée israélienne à Boudaï,
dans
D’ailleurs
cela ressemblait fort à un vrombissement d’avion. Puis ce fut les premières
explosions. Rien à la radio. Aucun flash d’information sur aucune chaîne. Et
l’orage fut sur nous.
Je trouve
tout juste les mots pour vous raconter notre soulagement. Il n’y a jamais
d’orage en été au Liban.
Avant que
l’orage n’éclate, les standards des différentes radios et chaînes de télévision
ont été submergés
de
téléphones inquiets. Il faisait pourtant très beau ce matin à Beyrouth, très
clair. Le nuage toxique semble vouloir s’éloigner vers le nord du pays. Mélange
de fumée d’amiante des incendies de la banlieue-sud et des miasmes de celui de
la centrale électrique de Jiyeh mêlé à ceux de la marée noire, il stagnait sur
Beyrouth depuis plusieurs jours.
Lundi 21
août 2006. 0 h 35. Plus tôt dans la soirée et alors que le rôle et le
mandat de
multinationale
arrive dans la région au plus tôt et que l’Italie y joue un rôle primordial (…)
Israël voit dans la participation de l’armée italienne à
Orient
(…) Israël ne veut pas voir au sein de la force multinationale des soldats de
pays dont le gouvernement a soutenu le Hezbollah durant la guerre. » Comme, par
exemple,
autres Etats
musulmans qui n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël.
Pour
comprendre les hésitations de Paris, sa quête urgente de garanties de sécurité
de stabilité, il suffit non seulement de se souvenir du Drakkar mais de lire et
d’écouter l’autre presse.
Exemple extrait de l’éditorial du 18 août
dernier d’Al-Akhbar un tout nouveau quotidien - en kiosque depuis le 14 août –
et qui ne cache pas sa « proximité » avec le Hezbollah : « Les troupes
françaises ne seront pas accueillies comme des troupes de libération
ou de maintien de la paix. Elles seront accueillies comme
l’instrument venu compléter l’œuvre dans laquelle a échoué
Israël. C’est la stricte vérité. C’est la réalité. La terre du
Sud est aujourd’hui hostile à une présence française qui sera animée
principalement par la politique française de ces deux dernières années.
Si
Les
Etats-Unis, eux, n’ont pas hésité à critiquer Paris estimant que
il y a un
seul mouvement et c’est
presque
constituée. »
provoqués
par les frappes aériennes » a déclaré son commandant, le colonel Christophe
Issac. C’est avec beaucoup de reconnaissance que nous avons vu
débarquer aujourd’hui l’avant-garde de ce détachement mais aussi
avec beaucoup d’inquiétude, bien que le service de communication
des armées semble avoir bien fait les choses. Toutes les chaînes
insistaient sur leur rôle de soutien logistique pour la
reconstruction – mot magique aujourd’hui.
Côté
libanais, le gouvernement semble vouloir aussi prendre l’initiative sur le
terrain en mettant de son côté tous les moyens légaux pour préserver cette
suspension des hostilités. Dénonçant l’opération héliportée des Israéliens dans
tribunal
militaire ».
Le ton est
nouveau. Il offre aux pays désireux de participer à
Mais le
problème demeure. Le Liban a-t-il les moyens de sa volonté de survie, de son
instinct de vie qui le poussent désespérément à se défendre contre le Hezbollah
? Je ne sais pas. Du moins j’en doute.
Comment
lutter contre un tel parti totalitaire – dans le sens propre du mot
c’est-à-dire qu’il prend à sa charge totalement l’individu du berceau à la mort
– et qui, lui, a les moyens de sa politique. Pour faire face à l’aide de
première urgence, le gouvernement doit attendre le bon vouloir des pays
donateurs. Et heureusement qu’elle
commence à
arriver. Le Hezbollah, lui, donne tout de suite, en espèces et sur simple
preuve de contrat de
location ou
de titre de propriété, 12 ou 15.000 dollars. A la question pressente quant à
l’origine de l’argent, on vous répond invariablement, que « le Hezbollah est
riche de ses militants ».
MAROUN CHARBEL
Lundi 21 août 2006, 1 h 52
Dans Présent du mercredi 23 août
Finul, Kamikase
De notre correspondant à Beyrouth.
Mardi 22 août 2006, 0 h 42.
Sept jours.
Voici donc 7 jours que la cessation des hostilités est entrée en vigueur entre
Israël et le Hezbollah
et a interrompu
pour un temps cette guerre faite au Liban. Notre quotidien s’organise autour de
cette interrogation : est-ce que cela va durer ? Nos déplacements restent hésitants.
La pénurie d’essence se résorbe peu à peu avec l’arrivée de deux navires
chargés de fuel, nous pourrions donc nous permettre de sortir de nos quartiers.
Les principaux ponts étant détruits, les trajets sont longs, aléatoires. Mais
la tension demeure. Et si nous nous retrouvions bloqués dans une zone de combat
? Israël a menacé de tirer sur tout camion – ou tout autre véhicule – soupçonné
de transporter
des armes. Difficile
de ne pas se trouver devant ou derrière un camion alors que l’aide aux villages
du sud commence
à se mettre
en place et que les agriculteurs qui ont réussi à ramasser leurs récoltes
tentent de les écouler. L’armée libanaise continue, d’une part, à se déployer dans
le sud du pays où Israël ne souhaite pas la voir s’approcher à
plus de
du
Hezbollah. Ce soir, une escarmouche semble avoir eu lieu entre Israéliens et
miliciens du Hezbollah et il y aurait
des morts et
des blessés des deux côtés. Israël nie avoir des victimes et affirme que seuls
ses hommes auraient tirés. « Une force a identifié des hommes armés
venant vers elle de manière menaçante. Les soldats ont tiré sur
eux et identifié trois impacts » a déclaré un porte-parole de l’armée
israélienne. Toute la problématique de la force des Nations Unies telle que
prévue par la résolution 1701 du Conseil de Sécurité est résumée dans la
sécheresse de ce communiqué
militaire : «
… venant vers elle de manière menaçante.
Les soldats ont tiré sur eux ». Les
soldats français et leurs collègues n’auront même pas ce droit.
Du moins ils l’auront mais assorti de telles précautions et de
tels garde-fous que le temps de réfléchir et d’analyser s’ils ont
le droit de tirer ou non, nous aurons commencé à les pleurer. Alors
non merci !
Malgré cela,
le Premier ministre italien, Romano Prodi, s’estimant fort des bonnes relations
qu’entretient l’Italie avec l’Iran et étant agréé par Israël, a déclaré son
pays prêt à prendre la responsabilité de
immédiatement
donné de la voix pour dénoncer cette décision « potentiellement suicidaire
» comme, par exemple, Francesco Storace, membre d’Alliance Nationale, qui a
déclaré : « Chirac va envoyer quelques généraux, l’Allemagne un bateau
ou deux alors que nous devrons envoyer nos troupes drapées comme
des kamikazes dans le drapeau
italien.
» Pour comprendre les hésitations des Européens et en particulier
celle de
hostilités
mais elle ne prévoit aucune piste pour le désarmement du Hezbollah. Comment
alors envoyer des troupes – qui n’auront pas le droit de prévenir une attaque -
dans un terrain susceptible de s’enflammer à la moindre escarmouche ?
Répondre à
la question c’est régler le problème. Pour l’instant, le Hezbollah garde ses
armes - nul ne sait quelle est la part de son arsenal qui a été détruite – et
annonce vouloir les garder comme le confirme, un parmi tant d’autre, son
représentant à Téhéran. Abdullah Safieddin, a affirmé que la milice chiite non
seulement « ne désarmera pas » mais pourra toujours « importer
des armes ».
Il y a
quelques jours, le ministre français de
le président
américain, George Bush, qu’une nouvelle résolution serait adoptée par le
Conseil de sécurité pour justement fixer et clarifier les règles d’engagements
: « Le besoin est urgent. La communauté internationale doit à
présent désigner ceux qui prendront la tête de la force
internationale, elle doit donner à cette force des règles d’engagement
solides et la déployer aussi vite que possible pour assurer le
maintien de la paix. »
Cette
nouvelle résolution sera-telle, comme la 1701, une émanation du Chapitre VI de
de militaire
et réaliser effectivement la mission de l’ONU. Mission qui a toujours été sur
le terrain une utopie.
hommes du
Hezbollah arriver et tirer leurs roquettes à proximité immédiate de leurs
postes d’observation avant de s’enfuir. Elle subissait alors, les tirs de
représailles des Israéliens. Résultat : des morts et des
blessés.
MAROUN CHARBEL
Mardi 22 août 2006,
2 h 12
Dans Présent du jeudi 24 août
Les communautés du Liban
De notre correspondant à Beyrouth –
Mardi 22 août 2006, 14 h 06.
Cette nuit,
et après avoir envoyé mon papier à la rédaction, je poursuivais – à la lueur
d’une bougie
(!) – ma réflexion sur ces pauvres soldats de l’ONU signalés à des lieux à la
ronde par leurs casques bleus qui brillent sous le soleil d’août comme autant
de cible. Si leur mandat, revu et corrigé, était une émanation du chapitre VII
de
Mercredi
23 août 2006, 5 h 59.
Le soleil se
lève tout juste. Notre journée sera faite d’attentes. Attendre les réponses à
la non-réponse iranienne sur le
nucléaire.
Attendre la réunion des ministres européens des Affaires étrangères ce vendredi
à Bruxelles. Ces deux jours seront-ils décomptés de ce « vide sécuritaire
de 2 à 3 mois » craint et annoncé par l’émissaire de l’Onu Terje
Roed-Larsen en visite en Israël ? Ce délai correspond au temps nécessaire selon
lui au déploiement de l’armée libanaise
et à
l’arrivée de
a notamment
déclaré Roed-Larsen qui invite « toutes les parties à la plus grande
retenue ». Ce qu’il craint, en
particulier,
ce sont les raids frontaliers ou encore des assassinats.
Méthodiquement
et avec ses pauvres moyens, l’armée libanaise poursuit son déploiement au
Sud-Liban et sur la
frontière
avec
consente à
lever le blocus aérien, maritime et terrestre qui reste imposé au Liban malgré
la cessation des hostilités.
La compagnie
aérienne nationale, Middle East Airlines (MEA) a repris ses vols depuis
Beyrouth qui font tous
une escale
de 50 mn à Amman en Jordanie. Officiellement escale technique pour prendre du
kérosène qui manque à
Beyrouth
mais, selon certaines sources « généralement bien informées », imposée «
pour vérification » par Israël.
Pour le
président syrien, Bachar el Assad, un tel déploiement de
de la
souveraineté libanaise (…) qui nuirait aux relations avec
à «
assumer ses responsabilités ». Le gouvernement Siniora continue sa «
politique nationale, sage et courageuse » comme la qualifie
Une
politique qui tente de faire recouvrer à l’Etat son droit régalien de décider
de la guerre et de la paix (?), d’étendre ses forces armées partout au Liban et
en particulier dans ces zones frontalières d’où elles ont été tenues éloignées
pendant des décennies et enfin et surtout maintenir coûte que coûte la cohésion
intercommunautaire des
peuples du
Liban. Il ne se passe pas un jour – et en particulier depuis le 14 août et la
cessation des hostilités – sans une « sortie » à très forte visibilité
médiatique des responsables chiites et sunnites que l’on voit aller de concert
sur les ruines de
Les plus
hautes autorités religieuses chiites et sunnites étaient réunies mardi pour
souligner que « l’État est le creuset
rassemblant
tous les Libanais, la colonne vertébrale de leur unité et le symbole qui les
unit et dont ils tirent leur fierté
(…) et que l’unité
religieuse entre musulmans sunnites et chiites au Liban, une unité reposant sur
la foi en Dieu et
les
piliers de l’islam, et l’unité nationale entre musulmans et chrétiens, reposant
sur la foi dans le Liban, patrie définitive où tous les Libanais sont égaux en droits
et en devoirs, sont les fondements constants et solides de l’unité nationale libanaise,
dont chaque Libanais pris individuellement et toutes les familles religieuses au
Liban sont les dépositaires et les garants ».
Au-delà du
ronronnement propre à ce genre de discours nous retiendrons la notion de «
patrie définitive » qui semble consacrer la « libanité » de l’islam libanais
et en particulier des chiites qui affirment ainsi ne plus regarder audelà
des
frontières nationales et nous retiendrons évidemment « l’unité nationale
entre musulmans et chrétiens » et « tous les Libanais sont égaux en
droits et en devoirs ». Tout ceci évidemment ne peut être que des
voeux pieux qui risquent
d’être
balayés très vite mais pour l’instant, et en ces temps d’incertitude, ils sont
de rigueur et bienvenus. « Nous sommes venus ici parce que c’est une
région chrétienne qu’Israël ne bombardera pas. » Que de fois avons-nous
entendu ce type d’assertion ? C’était l’intime conviction des Chiites réfugiés
dans le Metn ou le Kesrouan ou encore à Achrafieh. Pourtant Israël n’a pas
hésité un instant à bombarder des villages ou des quartiers chrétiens parce que
le Hezbollah s’y était installé le temps de tirer une fusée ou deux. C’est là
toute l’ambiguïté du regard porté sur les Chrétiens du Liban par les autres
communautés et en particulier les Chiites. Les Chrétiens du Liban ont été la
première victime de cette guerre faite au Liban. Le Général Aoun se sentait fort
de son alliance avec le Hezbollah – « je vis avec 1 million de chiites »
- Et ses fidèles étaient convaincus que cela protégerait les Chrétiens – «
Ma priorité, depuis que je suis rentré au Liban, est de
déconfessionnaliser les conflits pour que les Libanais se retrouvent
sur un même pied d’égalité en cas de crise » - .
Hassan Nasrallah l’a-t-il prévenu de ses plans
de guerre ? La question a été plus d’une fois posée au général qui demande –
comme il y a quelques jours encore – que l’on passe à la question suivante.
Le
Sud-Liban, nous ne le rappellerons jamais assez, est d’abord une terre chrétienne.
Si nous ne pouvons pas encore
prendre la
mesure exacte des destructions et des églises rasées par les bombardements,
nous pouvons anticiper
l’avenir de
ces îlots de chrétienté. Combien seront-ils à revenir ? Nous constatons dans
tous les centres d’accueil des réfugiés le même phénomène. Les réfugiés chiites
sont rentrés en famille dans leur village chez les Chrétiens, seuls les chefs
de famille. « Quel est le bilan de cette bataille ? » se demande
Samir Geagea. « Nous avons eu plus de 1 200 victimes, près de dix
milliards de dollars de pertes, et 200 000 Libanais ont quitté le pays,
dont un grand nombre de cadres. Dans quel but ? Jusqu’à présent,
de nombreux Libanais n’ont pas compris pourquoi cette bataille a
été enclenchée. Le plus important et le plus grave au niveau du bilan
négatif est la perte de confiance des Libanais dans le pays. Pour que
la confiance soit rétablie, il faut qu’on ait l’assurance que le
pays ne sera pas confronté à nouveau, un jour, à un nouveau 12
juillet. Nous avons déployé des efforts pendant de nombreuses années
pour reconstruire et subitement, en ce matin du 12 juillet, le ciel
nous est tombé sur la tête sans que personne ne comprenne pourquoi.
Il n’est pas admissible que cela se reproduise. » Craignez-vous
pour la population chrétienne du Liban ? a été la question posée au
patriarche maronite, le Cardinal Sfeir. Je donne toute sa réponse accordée à un
hebdomadaire parisien et souligne l’essentiel : « L’histoire montre qu’il
y a eu beaucoup de menaces pour les chrétiens. Beaucoup de Libanais ont
quitté le pays, c’est une menace en soi. Avec la guerre, la peur
s’est accentuée. Mais elle a toujours existé, parce que le nombre
de chrétiens diminue un peu partout au Proche-Orient. Ils avaient encore
au Liban une situation confortable. Ils venaient ici trouver un climat
de liberté et de démocratie. Mais si leur nombre continue à diminuer,
alors je ne saurais vous dire dans quel pays du Proche-Orient ils
se trouveront en sécurité. Lorsque
les musulmans sont majoritaires, ils imposent leur doctrine coranique, leur façon de voir la société et de la bâtir. Cela, personne ne peut
les en empêcher. »
C’est pour cela qu’aujourd’hui de
l’existence
des communautés, et chaque communauté doit pouvoir se sentir à l’aise et être
partie prenante dans les affaires de
MAROUN CHARBEL
Mercredi 23 août
2006, 8 h 16.
Dans Présent du vendredi 25 août
e notre correspondant à Beyrouth.
Jeudi 24 août 2006. 06 h 36.
Ce matin, le
survol de l’aviation israélienne me semble plus intense. Dix jours après la
cessation des hostilités, on n’y prête plus vraiment attention. Il le faudrait
pourtant.
Au sud – où
des échanges de tirs ont eu lieu pendant 3 heures dans le secteur des fermes de
Chebaa – et dans
L’attente
d’une solution, ou du moins du début de l’application de la résolution 1701
avec le déploiement d’une force des Nations Unies dotée du mandat et des moyens
nécessaires à son application ronge, jour après jour, le capital confiance des
Libanais quant à l’avenir et à la stabilité du pays. Et l’attente se mue
inexorablement en interrogation
: pourquoi ?
pour qui ?
Au nom du
collectif du 14-mars, Dory Chamoun s’adresse au chef du Hezbollah, Hassan
Nasrallah en lui demandant « où sont donc ces victoires annoncées
dans le Sud ?.. Auriez-vous le courage de dire aux Libanais : je me suis
trompé dans mes choix et mes décisions ? »
Chamoun
rappelle d’abord à Nasrallah la question soulevée il y a déjà quelques jours
par Joumblatt : « Que faites vous de Taëf ? » Et va ensuite plus loin : «
Est-ce vrai, ce que pensent beaucoup de Libanais, que vous allez
instituer une République islamique chiite au Liban ? Répondez par
oui ou par non. Il ne nous suffit plus d’être rassurés par le
général Aoun que les armes du Hezbollah ne seront pas employées à
l’intérieur » contre les autres
communautés.
Samir
Geagea, dans un entretien à une agence de presse saoudienne, est encore plus
clair quand il affirme
: « Le
Hezbollah n’est pas un instrument entre les mains de l’Iran, proprement dit,
mais plutôt le visage libanais de la révolution islamique… Toutes les
communautés au Liban ont fini par se convaincre qu’il ne faut pas compter sur
une puissance non libanaise pour tenter d’infléchir la politique libanaise,
sauf une qui continue à considérer que les affaires internes du Liban
concernent la oumma, la nation musulmane .»
Commentant
les dernières déclarations de Bachar el Assad qui refuse le déploiement de
l’armée libanaise ou des forces de l’ONU le long de la frontière
syro-libanaise, Geagea a rappelé qu’il y avait très peu de chance que
« Que
faites-vous de Taëf ? »
C’est dans
la réponse à cette question que se trouve l’avenir du Liban et de ses peuples.
Du Liban-message de Jean-Paul II. Cet accord de 1989, et qui nous avait
fait si mal alors, a désarmé toutes les milices mais a aussi établi le droit de
chaque communauté et a défini son rôle dans un Liban inter-communautaire.
Consacrant
ce que le patriarche maronite, le cardinal Sfeir disait : « Ce n’est pas le
nombre de membres qui compte mais l’existence des communautés, et
chaque communauté doit pouvoir se sentir à l’aise et être partie
prenante dans
les
affaires de
Hier soir,
une foule nombreuse célébrait à Achrafieh le 24e anniversaire de l’élection de
Béchir Gemayel à la présidence de
vers la
discorde. »
Moins d’une
heure avant le début de la manifestation, une voiture arborant de grands
portraits de Hassan Nasrallah, drapeau du Hezbollah claquant au vent, s’était
garée au coeur de la place Sassine, lieu du rassemblement de la manifestation, jusqu’à
l’intervention des forces de l’ordre. Il y a quelques jours des motards,
étendards jaunes du Hezbollah et drapeau orange des partisans du général Aoun
tendus à bout de bras, avaient sillonné les rues
d’Achrafieh.
En début de semaine dernière nous les avions croisés, sans les couleurs du
général, sur les grands boulevards au pied d’Achrafieh. Enfin les équipes de
dans le
Akkar à proximité de la frontière syrienne. Et c’est sans peine que nous croyons
sur parole le ministre des Affaires étrangères israélien, Tzipi Livni, en
visite à Paris, qui affirme que « nous sommes ces jours-ci dans la situation
la plus sensible et la plus explosive qui soit ».
MAROUN CHARBEL
Jeudi 24 août 2006, 8h18.
Dans Présent du samedi 26 août
Merci
De notre correspondant à Beyrouth.
Vendredi 25 août 2006,
Saint Louis, 5 h 37.
« Les
conditions mises en avant par
C’est en ces
termes qu’au cours d’une très brève allocution radiotélévisée, hier soir jeudi,
que Jacques Chirac a dit le « oui » de
Merci
Ici nous
n’avons pas le temps de réfléchir et de penser aux équilibres de la scène
politique française aux calculs bassement électoraux qui ont peut-être
sous-tendu cette décision. Pardon même d’y penser.
Mais sur le
terrain si peu de choses ont changé que la question de la sécurité de ces
hommes demeure presque entière. Vous me direz ce sont des militaires. Certes,
mais pas des kamikazes et leurs chefs n’ont pas à les envoyer vers
mort certaine.
Disons les choses autrement. La mission sera difficile, très difficile d’autant
que hommes, si j’ai bien compris, viendront d’autres théâtres d’intervention ou
alors auront tout juste achevé une mission à l’engagement aussi
dur. Pour le
Premier ministre libanais, Fouad Siniora, c’est là « preuve supplémentaire
de l’attachement français » au Liban. Israël a salué la décision
française en qualifiant de « développement positif.
dans
l’idée (...) d’une force internationale et l’annonce d’une orte participation
française contribuera à la renforcer ».
Le ministre
israélien des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a, quant à elle, appelé
la communauté internationale
à tirer
profit au plus vite de cette « occasion » pour la paix en disant : «
Nous sommes surveillés (...) par des extrémistes qui veulent embraser
la région. »
L’Italie,
qui, pendant quelques heures, avait pensé remplacer
Le ministre
finlandais des Affaires étrangères, Erkki Tuomioja, dont le pays assure la
présidence de l’Union européenne, a déclaré que, même si la situation au
Sud-Liban « demeurait précaire » il était « essentiel » que
l’UE déploie « le plus rapidement possible » ses renforts au Sud-Liban : «
Nous aimerions voir les premiers renforts arriver
dans une
semaine si possible (…) L’essentiel de la force devrait s’y trouver dans un
délai de quelques semaines, car chaque jour, le cessez- le-feu risque de
s’effondrer. »
Côté
français, il faudra attendre le débat à
Qu’est-ce
qui a changé sur le terrain ou quelles sont les garanties obtenues par Paris ?
Je ne pourrais vous les dire avec certitude. Mais nous pouvons essayer de les
deviner en observant le terrain et en écoutant nos politiques libanais.
L’armée
libanaise continue à se déployer dans le Sud et sur les frontières avec
hier soir,
par une déclaration du ministre de
En d’autres
termes, si le Hezbollah ne continue pas à jouer le jeu et Israël aussi, les
soldats de l’ONU risquent fort de se trouver pris sous le feu et sans pouvoir
vraiment réagir malgré une chaîne de commandement réduite, etc. Le désarmement du
Hezbollah reste dans l’escarcelle du gouvernement libanais. Le Hezbollah s’est
voulu rassurant
hier et a
annoncé que « malgré les violations par Israël de la résolution 1701 des
Nations Unies » ils ne réagiront qu’avec « l’autorisation du
gouvernement ». J’espère que ce n’est pas là l’une des garanties données
à
temps pour
mieux servir ses intérêts et ceux de sa révolution islamique.
Traversant
hier soir Achrafieh pour aller à Jounieh après la déclaration de Chirac, je
réalisais combien, pour nous à Beyrouth, l’effet d’annonce des 2 000 soldats
français supplémentaires a été très vite estompé par la « gestion » de notre quotidien
et par toute l’attention que nous portons aux agissements et déclarations de
notre voisin syrien. Des queues interminables devant les stations services – un
coup d’oeil rapide sur ma jauge me rassure quant à mon réservoir – sont la
réaction immédiate des Libanais aux menaces de
sont précipités
dans les stations services. Le chef des renseignements militaires israéliens
Amos Yadlin a mis
en garde les
Israéliens contre un excès de confiance des Syriens, renforcé par les revers de
l’armée israélienne
au Liban.
Mise en garde qui vaut, à mon sens, d’abord pour les Libanais et les forces de
l’ONU.
MAROUN CHARBEL
Vendredi 25 août 2006,
Saint Louis, 7 h 47.
Dans Présent du mardi 29 août
De notre correspondant à Beyrouth.
Lundi 28 août 2006, 7 h 15.
« Si
j’avais su que la capture des soldats conduirait à ce résultat, nous ne
l’aurions pas fait. » De qui se moque le chef du Hezbollah ? Dans
un entretien accordé à une chaîne de télévision libanaise,
trouver des
« excuses » à son aventurisme criminel et déclare : « Nous ne
pensions pas, même à 1 %, que la capture conduirait à une guerre à
ce moment-là et de cette ampleurlà… car ce genre de guerre n’est jamais
arrivé dans l’histoire. Si j’avais su le 11 juillet (…) que cette
opération conduirait à une telle guerre, est-ce que je l’aurais fait
?
Je
réponds non. (…) »
C’est sans
illusion aucune – mais avec beaucoup d’attention – que nous avons écouté
Nasrallah justifier sa décision par le fait qu’Israël « allait de toute
façon mener cette guerre au début de l’automne, et l’ampleur des
destructions aurait
été
encore plus importante ». Hassan Nasrallah est très fort.
J’ai essayé,
tout au long de ce long mois de guerre, de rendre au plus près sa maîtrise de
l’espace médiatique et de la prise de parole. Mais, cette fois, je doute que
les variations de ton et les vibrations de sa voix si particulière aient pu
convaincre
beaucoup de monde. Comment nous fera-t-il croire que le 12 juillet, il avait
déjà oublié le 25 juin quand les Palestiniens de Gaza enlevaient un soldat
israélien et que le gouvernement israélien envoyait ses chars, ses avions et
ses soldats ? En trois semaines, nous avions bien eu le temps de méditer sur
les inconséquences de certains actes, de contempler la destruction de
l’infrastructure palestinienne et de compter les morts et les blessés dans
En 1985,
trois soldats israéliens sont échangés contre 1 150 prisonniers. En 2004,
un agent (?) israélien et les corps de trois soldats sont rendus par le
Hezbollah en échange de 436 prisonniers et les restes de 59 Libanais.
Dans ce même
entretien, Nasrallah dit aussi s’être préparé à une telle guerre et que le
blocus imposé par Israël n’aura aucune conséquence sur son armement : « Pour
l’instant, ils s’embêtent à bloquer les ports, les frontières et tout
cela,
mais cela
ne servira à rien. Nous nous sommes organisés en prévision d’une guerre longue,
dure et destructive. C’est pourquoi ce que nous avons utilisé au cours de la
guerre ne représente qu’une petite part de ce que nous avons préparé. »
Et la
population civile, objet aujourd’hui de toute sa sollicitude, avait-elle été
préparée ? Qu’avait-on prévu pour la protéger « d’une guerre longue,
dure et destructive » ? Rien.
Aujourd’hui,
au sein même de la population chiite – qui continue à accueillir l’armée
libanaise avec des pluies de riz et de pétales de roses – des voix s’élèvent
pour condamner et demander des comptes.
Dans un
entretien accordé à
sur tous
les plans. »
Ali el-Amine
va plus loin encore en osant toucher à un autre mythe de cette guerre de
juillet, la victoire du Hezbollah. « Nous avons tenu bon, nous avons
fait face à l’agression et les combattants ont résisté avec
courage, mais on ne peut pas parler de victoire. (…) Il n’est pas honteux
de dire que nous n’avons pas remporté de victoire. Les pertes que
nous avons subies sont de loin supérieures à celles qu’a subies l’ennemi.
» Il est heureux qu’une voix chiite autorisée – et non planquée dans un
abri à x pouces sous terre – s’élève. Pour dire non seulement la réalité mais
pour poser aussi les bonnes questions. Sayyid Ali el-Amine doute que le
Hezbollah se détache totalement de la tutelle iranienne mais
il espère
que les « derniers événements auront contribué à dégager une conception
nouvelle de cette relation
(…) et
que l’Iran se laissera convaincre que les chiites dans chaque pays ont leur
spécificité nationale et que ses relations avec eux devront passer par l’Etat
et non par un parti ou un individu ». Que de fois dans leur histoire, le Liban
et ses peuples se sont-ils trouvés à une croisée de chemins ?
Aujourd’hui les y voilà à nouveau avec, comme à chaque fois, un
pays entier à reconstruire. Quant au Mufti de Tyr, Sayyid el-Amine, il
est d’ores et déjà menacé de mort sur plus d’un site ou forum de
discussion.
MAROUN CHARBEL
Lundi 28 août 2006,
8 h 38
Dans PRÉSENT du mercredi 30 août 2006
Embouteillages
De notre
correspondant à Beyrouth
– Mardi
29 août 2006, 5 h 28.
Je ne savais
pas que l’on pourrait être un jour heureux de retrouver les embouteillages et
les bouchons des entrées de Beyrouth. Signes de reprise – timide encore – d’une
certaine vie économique, ils sont à nouveau au rendez-vous aux horaires de
bureau. Nous le savons bien : ce n’est là qu’un semblant de vie normale. Pays
de services, pays de transit vers le Proche et le Moyen-Orient, le Liban et son
économie ne peuvent fonctionner en situation de blocus – ce qui peut paraître
comme une lapalissade, mais qui ne l’est pas. Et puis la confiance en ce pays
est pour l’instant perdue.
Malgré ce
qui semble être les prémices ou la promesse d’une solution globale, les
Libanais ne peuvent y croire avec 15 ans d’efforts à terre. Si c’est sans
illusions, c’est avec courage qu’ils reprennent le chemin de leur(s) bureau(x).
Les
réductions
de salaires sont telles, que la quête d’un second voir d’un troisième emploi
est essentielle. Vous coupant les cheveux ou vous servant
et vous
commenteront chaque information.
Hier, ils
attendaient tous Kofi Annan : « son avion arrive à 12 h 30 »… 12 h 25 « Son
avion est arrivé ». Au milieu du clic-clic de ses ciseaux, mon coiffeur
m’expliquera le discours de Nasrallah de la veille et conclura en disant «
aujourd’hui le président Chirac va parler ». Que de fois, en un mois, avonsnous
entendu « X va parler ». Dans
son
désespoir, le Libanais est extrêmement sensible à l’effet d’annonce des
discours. Ce que Hassan Nasrallah et le Hezbollah ont parfaitement compris en
occupant tout l’espace médiatique.
« Il y a
une chance pour un cessez- le-feu à long terme et une paix à long terme. Nous
avons besoin de travailler tous ensemble, et c’est l’objet de ma visite ici », a déclaré
le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, à son arrivée à
Beyrouth hier.
A son
programme des entretiens avec le chef du gouvernement, Fouad
Siniora, et le président de
chance
pour la paix et la stabilité ». Il a rappelé que «
Annan
demandera à
Je ne suis
pas d’un naturel optimiste – vivre au Liban n’arrange pas les choses – mais le
discours de Jacques Chirac en ouverture de la conférence des ambassadeurs ouvre
quelques portes qui laissent entrevoir ce que pourrait être le début du chemin
vers une solution globale.
Après avoir
brossé un tableau – somme toute bien fait – de la situation, Chirac s’adresse à
l’Iran mais aussi à
Syrie.
L’Iran ne trouvera pas la sécurité dans le développement de programmes
clandestins, mais bien dans sa pleine insertion au sein de la communauté
internationale. J’exhorte une fois encore Téhéran à faire les gestes
nécessaires pour créer les conditions de la confiance. Il y a toujours place
pour le dialogue. L’Iran est un grand pays. Mais la reconnaissance de son rôle lui
crée aussi une obligation : celle de dissiper les appréhensions et de travailler
à la stabilité régionale, comme il convient à un grand pays responsable. Quant
à
les
exigences de l’ONU et la souveraineté de ses voisins. Le Moyen- Orient a besoin
d’une Syrie active au service de la paix et de la stabilité régionale. »
Aujourd’hui
29 août, décollation de Saint-Jean Baptiste, évidemment nos voeux et notre
pensée vont vers nos chers Jean Madiran et Jeanne Smits. Dans quelques instants
– du moins là où la coutume perdure – les enfants du Liban se
réveilleront
avec une pastèque (!) sur l’oreiller. Pas une tranche ou une moitié de
pastèque. Non ! Une belle et grosse et qui « sonne » bien quand on la frappe de
la paume. Au petit-déjeuner, les pastèques seront
coupées en
mémoire du chef de Jean-Baptiste. Celui qui aura eu la pastèque la plus rouge
sera le héros
Dans Présent du jeudi 31 août.
« Vous avez dit des troupes pour Beyrouth »
De notre correspondant permanent
au Liban – Mardi 29 août
2006, 19 h 30.
Notre
quotidien à Beyrouth ? me demandent nos amis.
Dans les
zones, qui n’ont pas été touchées, ou partiellement, le rythme habituel semble
reprendre ses droits avec les mêmes soucis « normaux » d’eau et de
rationnement d’électricité d’avant le 12 juillet mais nettement plus graves.
Au-delà de
ce vernis de « normalité » – exercice dans lequel les Libanais sont
passés maîtres – des abîmes d’angoisse du lendemain. Vivons-nous une trêve ou
le début de la solution ? Ces réductions de salaires acceptées pour échapper au
chômage dureront-elles longtemps ? Ce chômage technique, sera-t-il prolongé en
septembre ? Les récoltes et les moissons de septembre pourront-elles être
ramassées ? et vendues ? Le blocus sera-t-il maintenu ? Et les questions
s’enchaînent sans réponse. Alors les décisions sont remises à plus tard. Les
investissements reportés, etc. Et la vie économique s’enlise et certains
secteurs – tourisme en particulier – sont au bord de la faillite malgré les
aides promises par l’Etat et les dispenses de taxes et d’impôts. Pourtant les
prémices de quelque chose que l’on devine, sans deviner, se profilent. Beyrouth
a vu défiler en 48 heures des envoyés et des délégations des principaux pays
qui comptent dans la région et dans le monde. Y compris l’Iran et l’Irak.
Samedi dernier,
c’était Israël qui « encourageait » les pays
musulmans – du moins ceux avec qui des relations diplomatiques existent
– à participer activement à la nouvelle FINUL. « Si
Alors que
Kofi Annan – qui a été conspué lors de sa visite dans la banlieue-sud de
Beyrouth par une foule brandissant des portraits de Hassan Nasrallah et des
slogans saluant la victoire du Hezbollah – poursuit sa tournée au Proche-
Orient, les
pays qui se sont engagés à fournir des soldats à l’ONU se réunissaient à huis
clos à New York. Après avoir remercié les pays pour leur promesse de
contribution, Hedi Annabi, sous-secrétaire général des opérations de maintien
de la paix,
a souligné combien les engagements de pays non européens, tel que l’Indonésie,
la future
force ait « un caractère multilatéral afin de bénéficier de la confiance des
deux parties ».
Vu de chez
nous, nous chrétiens du Liban ou Arméniens – on cherche les troupes chrétiennes
! Sans aucun doute nul ne tiendra compte du refus des Arméniens de voir arriver
des troupes turques de sinistre mémoire ni du ressentiment des chrétiens du
Liban qui se souviennent eux qu’un tiers de la population du Mont-Liban a été
décimé par la famine organisée et maintenue par le blocus de la montagne par
les forces ottomanes. Alors que nous pouvons parfaitement comprendre qu’un
Israélien et un Allemand en uniforme n’aient pas envie de se retrouver face à
face. Tenir compte des susceptibilités du Hezbollah quand on doit maintenir la
paix fait aussi partie de la règle du jeu.
Aucun des
contingents européens – qui formeront en principe l’ossature de
et malgré
tous ses reniements – comme l’Occident chrétien. Comme l’Europe chrétienne.
Comme
Est-ce que
la participation de contingents de pays musulmans protégeront les autres ? Nous
ne pouvons que l’espérer très fort.
MAROUN CHARBEL
Mercredi 30 août
2006, 1 h 29