Les Nouvelles
de
Chrétienté


n° 62

Le 16 septembre 2006

 

Décès d'Oriana Fallaci

« Je chante l’Occident ».

 

 

La journaliste et écrivain italienne Oriana Fallaci, connue pour son franc parler, notamment à l'égard de l'islam, est  décédée à Florence. Elle était âgée de 76 ans. Fallaci souffrait d'un cancer depuis des années.

Malgré sa « profession » d’athéisme, mais d’un athéisme « chrétien » ( !) disait-elle, je tiens à lui rendre hommage. Pourquoi ? Elle a su chanter l’Occident. La meilleure preuve,  son dernier livre : « la force de la Raison ». Elle ose écrire dans son franc parlé :  

- "L'Europe n'est plus l'Europe, c'est l' 'Eurabie, une colonie de l'Islam (...). La servilité vis-à-vis des envahisseurs a empoisonné la démocratie, avec des conséquences évidentes pour la liberté de pensée, et pour la conception de la liberté elle-même."

- "Tas de Ponce Pilate, plutôt qu'une communauté d'États. Et même si tous les habitants de cette planète pensent autrement, c'est ce que moi je continuerai à penser."

Elle était très proche du cardinal Ratzinger. Elle fut reçue par Benôit XVI dès son accès au Trône Pontificale. Elle écrivait "Je me sens moins seule quand je lis les livres de Ratzinger." (...) "je suis une athée, et si une athée et un pape pensent les mêmes choses, il doit y avoir quelque chose de vrai.". Dans la quatrième page de son livre : la Force de La Raison : elle écrit : « Cette fois-ci, je ne fais pas appel à la rage, à l’orgueil, à la passion. Je fais appel à la Raison ». C’était justement le thème de la magnifique conférence que  Benoît XVI donnait, mercredi dernier, dans le grand amphithéâtre de l’université de Ratisbonne. Nous y reviendrons  la semaine prochaine dans « Regard sur le monde ».

Voici un extrait de son  premier chapitre.

« Cela ne me fait pas plaisir, de dire que Troie brûle, que l’Europe est désormais une province, voire une colonie de l’Islam et l’Italie, un avant poste de cette province, un point de repère de cette colonie. Le dire revient à admettre que les Cassandres parlent vraiment au vent, que malgré leurs cris de douleur, les aveugles restent aveugles, les sourds restent sourds, les consciences réveillées se rendorment vite, et les Mastri Cecchi meurent pour rien. Mais, c’est cela la vérité. Du Détroit de Gibraltar aux fiords de Soroy, des falaises de Douvres aux plages de Lampedusa, des steppes de Volgograd aux vallées de la Loire et aux collines de Toscane, l’incendie flambe.

Dans chacune de nos villes, il y a une seconde ville. Une ville superposée et semblable à celle que, dans les années soixante-dix, les Palestiniens créèrent à Beyrouth, établissant un Etat dans l’Etat, un gouvernement dans le gouvernement. Une ville musulmane, une ville gouvernée par le Coran. Une étape de l’expansionnisme islamique. Cet expansionnisme sur lequel personne n’a jamais réussi à prendre le dessus. Personne. Même pas les Perses de Cyrus le Grand. Même pas les Macédoniens d’Alexandre le Grand. Même pas les Romains de Jules César. Même pas les Français de Napoléon. Car l’unique art où les fils d’Allah ont toujours excellé, c’est l’art d’envahir, conquérir, soumettre. La proie qui leur a toujours inspiré la plus forte convoitise, c’est l’Europe, le monde chrétien.

Et si l’on jetait un coup d’œil à l’Histoire que Monsieur Doudou voudrait contrôler ?

En 635, trois ans après la mort de Mahomet, les armées du Croissant envahirent la chrétienne Syrie et la chrétienne Palestine. En 638, elles prirent Jérusalem et le Saint-Sépulcre. En 640, une fois conquises la Perse et l’Arménie et la Mésopotamie, l’actuel Irak, elles envahirent la chrétienne Egypte et débordèrent sur le chrétien maghreb, en Tunisie et en Algérie et au Maroc. En 668 elles attaquèrent Constantinople pour la première fois, lui imposant un siège de cinq ans. En 711, après avoir traversé le détroit de Gibraltar, elles débarquèrent dans la très catholique Péninsule Ibérique, s’emparèrent du Portugal et de l’Espagne où ; malgré les Pélage et Cid Campe Ador et les divers souverains engagés dans la Reconquista, elles restèrent pendant huit bons siècles. Celui qui croit au mythe de la « cohabitation pacifique » qui, selon les collaborateurs, caractérisait les rapports entre le conquis et les conquérants, ferait bien de relire l’histoire des couvents et des monastères brûlés, des églises profanées, des religieuses violées, des femmes chrétiennes ou juives enlevées pour être enfermées dans les harems. Il ferait bien de  réfléchir sur les crucifixions de Cordoue, sur les pendaisons de Grenade, sur les décapitations de Tolède et de Barcelone, de Séville et de Zamora…Mon Dieu ! Pour avoir invoqué le nom de Jésus ou de la Vierge, on finissait vite exécuté. Crucifié, justement, ou décapité, ou pendu. Et parfois empalé. Pour avoir fait sonner les cloches, pareil. Pour avoir mis un vêtement vert, couleur de l’Islam, idem. Et au passage d’un musulman, les chiens infidèles devaient s’écarter, s’incliner. Si le musulman les agressait ou les insultait, ils ne pouvaient pas se rebeller. Quant au détail que les chiens-infidèles n’étaient pas  obligés de se convertir à l’Islam, sais-tu à quoi c’était dû ? Au fait que les convertis ne payaient pas d’impôts. Les chiens-infidèles, en revanche, si.

 

….

 

Dans l’Espagne, en 721, elles passèrent à la non moins catholique France. Conduites par Abs Al-Rahman, le gouverneur d’Andalousie, elles franchirent les Pyrénées, prirent Narbonne. Elles y massacrèrent toute la population mâle, réduisirent en esclavage toutes les  femmes et tous les enfants, puis reprirent leur marche vers Carcassonne.

De Carcassonne, elles passèrent à Nîmes où elles firent un carnage de bonnes sœurs et de frères. De Nîmes, elles passèrent à Lyon et à Dijon où elles razzièrent les églises une par une, et sais-tu combien de temps dura leur avancée à travers la France ? Onze ans. Par vagues. En 731, une vague de trois cent quatre-vingt mille fantassins et seize mille cavaliers arriva à Bordeaux qui se rendit immédiatement. De Bordeaux, elle passa à Poitiers, puis à Tours et si en 732, Charles Martel n’avait pas gagné la bataille de Poitiers, aujourd’hui, les Français aussi danseraient le flamenco. En 827, elles débarquèrent en Sicile, un autre objet de leur convoitise. En massacrant et en profanant comme d’habitude, elles conquirent Syracuse et Taormina, Messine puis Palerme, et en trois quart de siècle…Elle fut islamisée. Elles y restèrent plus de deux siècles et demi, jusqu’au moment où les Normands les en délogèrent, mais en 836, elles débarquèrent à Brindisi. En 840 à Bari. Et elles islamisèrent les Pouilles aussi. En 841, elles débarquèrent à Ancône. Puis, de l’Adriatique, elles se déplacèrent vers la Mer Tyrrhénienne, et pendant l’été 846, elles débarquèrent à Ostie. Elles la mirent à sac, arrivèrent à Rome. Elles l’assiégèrent, et une nuit, y firent irruption. Elles pillèrent les basiliques de Saint Pierre et de Saint Paul, saccagèrent tout ce qui se pouvait saccager. Pour s’en libérer, le Pape Serge II dut s’engager à leur verser un tribut annuel de vingt cinq mille pièces d’argent. Pour prévenir d’autres attaques, son successeur Léon IV dut ériger les murs léonins.

 

Cependant après avoir quittées Rome, elles s’installèrent en Campagnie. Elles y restèrent soixante dix ans, détruisant Monté Cassino et tourmentant Salerne. Ville où, à une certaine époque, elles se divertirent à sacrifier chaque nuit la virginité d’une religieuse. Sais-tu où ? Sur l’autel de la cathédrale. En 898, pour changer, elles débarquèrent en Provence. Plus précisément, dans l’actuel Saint Tropez. Elles s’y établirent, et en 911, elles franchirent les Alpes pour entrer dans le Piémont. Elles occupèrent Turin et Casals, mirent le feu aux églises et aux bibliothèques, tuèrent des milliers de Chrétiens, puis passèrent en Suisse. Elles arrivèrent à la vallée des Grisons et au lac de Genève, puis, découragées par la neige, firent demi tour. Elles retournèrent au chaud en Provence, occupèrent Toulon en 940, et…

 

De nos jours, il est à la mode de battre sa coulpe à propos des Croisades, de blâmer l’Occident pour les Croisades, de voir dans les Croisades une injustice commise au détriment des pauvres musulmans innocents. Mais avant d’être une série d’expéditions visant la récupération du Saint Sépulcre, les Croisades étaient la riposte à quatre siècles d’invasions occupations vexations carnages. Elle était une contre offensive visant à bloquer l’expansionnisme islamique en Europe. A le faire dévier vers l’Orient. Vers l’Inde, l’Indonésie, la Chine, le continent africain, ainsi que vers la Russie et la Sibérie où les Tartares convertis à l’Islam étaient déjà en train de répandre le Coran.

 

De fait, les Croisades finies, les fils d’Allah se remirent à sévir par chez nous comme avant et mieux qu’avant. Par les soins des Turcs, cette fois-ci, qui se préparaient à donner naissance à l’Empire Ottoman. Un empire qui, jusqu’au XVIII siècle, aura concentré sur l’Occident toute son avidité, toute sa voracité, et aura fait de l’Europe son champ de bataille préféré.

 

C’est pourquoi il ne faut pas que la Turquie entre dans l’UE

 

Interprètes et porteurs de cette voracité, les fameux janissaires qui, jusqu’à nos jours, enrichissent notre langage du synonyme de sicaire ou fanatique ou assassin. Mais sais-tu qui étaient les janissaires en réalité ? Les troupes d’élite de l’Empire. Les super-soldats capables de s’immoler aussi bien que de combattre, massacrer, saccager. Sais-tu où on les recrutait, ou plutôt enlevait ? Dans les pays soumis à l’Empire. En Grèce, par exemple, ou en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie, en Albanie, en Serbie, et parfois en Italie aussi. Sur les côtes où sévissaient les pirates. On les enlevait à l’âge de dix ou onze ou douze ans, en les choisissant parmi les premiers-nés les plus beaux et les plus forts des bonnes  familles. Après les avoir convertis, on les enfermait dans des casernes où, en leur interdisant de se marier et d’avoir n’importe quel genre de rapports amoureux ou affectueux, on les endoctriner comme Hitler lui-même n’a pas réussi à endoctriner ses Waffen SS. On les transformait en la plus formidable machine de guerre que le monde eût vue depuis le temps des anciens Romains. 

                                                    

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Je ne voudrais pas t’ennuyer avec les petites leçons d’Histoire qui, au grand soulagement de Doudou, sont soigneusement évitées dans nos écoles, mais je dois te rafraîchir la mémoire au moins de façon sommaire, je le fais donc :

 

en 1356, quatre-vingt-quatre ans après la Huitième Croisade, les Turcs ne firent qu’une bouchée de Gallipoli, c’est-à-dire de la péninsule qui s’étend sur cent kilomètres le long de la côte septentrionale des Dardanelles. De là, ils partirent à la conquête de l’Europe du sud-est, et en un clin d’œil, envahirent la Thrace, la Macédoine, l’Albanie. Ils firent plier la Grande Serbie, et paralysèrent par un nouveau siège de cinq ans Constantinople, désormais complètement isolée du reste de l’Occident. En 1396, ils  s’arrêtèrent, c’est vrai, pour affronter les Mongols (islamisés à leur tour), mais en 1430, ils  reprirent leur marche occupant Salonique la vénitienne. L’emportant sur les chrétiens à Varna, en 1444, ils s’approprièrent la Valachie, la Moldavie, la Transylvanie, bref, tout le territoire qui s’appelle aujourd’hui Bulgarie et Roumanie, et en 1453, assiégèrent de nouveau Constantinople qui tomba, le 29 mai, entre les mains de Mehmed II. Une bête féroce qui, en vertu de la loi islamique sur le Fratricide (une loi qui, pour des raisons dynamiques, autorisait le sultan à assassiner les membres les plus proches de sa famille), était montée sur le trône en étranglant son petit frère âgé de trois ans.

 

Et à ce propos, connais-tu le récit de la chute de Constantinople que nous a laissé le copiste Phrantzes ? Peut-être pas.

 

Dans cette Europe qui pleure seulement sur les musulmans, jamais sur les chrétiens ou les juifs ou les bouddhistes ou les hindouistes, il ne serait pas politiquement correct de connaître les détails de la chute de Constantinople…


Les habitants qui, à la tombée du soir, pendant que Mehmed II fait tirer au canon sur les murs de Théodose, se réfugient dans la cathédrale de Sainte Sophie et se mettent à chanter les psaumes, à invoquer la miséricorde divine. Le patriarche qui, à la lumière des cierges, célèbre la dernière messe, et pour redonner courage aux plus terrifiés, crie : « N’ayez pas peur ! Demain, vous serez au Royaume Céleste, et vos noms survivront jusqu’à la nuit des temps ! ». Les enfants qui pleurent, les mamans qui sanglotent : « Tais-toi, mon enfant, tais-toi ! Nous mourons pour notre foi en Jésus-Christ ! Nous mourons pour notre empereur Constantin XI, pour notre patrie ! ». Les troupes ottomanes qui, battant les tambours, entrent par les brèches  des murs croulants, renversent les défenseurs génois et vénitiens et espagnols, les massacrent tous à coups de cimeterre, puis font irruption dans la cathédrale et décapitent même les  nouveaux-nés. Avec leurs petites têtes, ils éteignent les cierges…Le carnage dura de l’aube à l’après-midi. Il cessa seulement au moment où le Grand Vizir monta sur la chaire de Sainte Sophie et dit aux massacreurs : « Reposez-vous. Maintenant, ce temple appartient à Allah. »

Pendant ce temps, la ville brûlait. La soldatesque crucifiait et empalait. Les janissaires violentaient et égorgeaient les religieuses (quatre mille en quelques heures) ou enchaînaient les survivants pour le vendre au marché d’Ankara. Et les courtisans préparaient le Banquet de la Victoire. Ce banquet auquel (à la barbe du prophète) Mehmed II s’enivra de vins de Chypre, et, ayant un faible pour les jeunes garçons, fit amener le premier-né du grand duc grec orthodoxe Notaras. Un garçon de quatorze ans, connu pour sa beauté. Devant tout le monde, il le viola et après l’avoir violé, fit amener les autres Notaras. Ses parents, ses grands-parents, ses oncles, ses cousins. Sous ses yeux, il les décapita. Un par un. Il fit aussi détruire tous les autels, fondre toutes les cloches, transformer toutes les églises en mosquées ou en bazars. Eh, oui. C’est ainsi que Constantinople devint Istanbul. Que les Fra’Accursio de l’ON U veuillent ou ne veuillent pas l’entendre dire.

 

Trois ans plus tard, en 1456, les Turcs conquirent Athènes où, de nouveau, Mehmed II transforma en mosquées toutes les églises et les édifices antiques. Avec la conquête d’Athènes, ils complétèrent l’invasion de la Grèce qu’ils auront gardée, c’est-à-dire détruite, pendant quatre cents ans, ensuite ils attaquèrent la République de Venise qui, en 1476, les vit entrer aussi dans le Frioul, puis dans la vallée de l’Isonzo.

 

Et ce qui se passe au cours du siècle suivant n’est pas moins glaçant.

 

Car en 1512, sur le trône de l’Empire Ottoman monta Selim le Terrible. Toujours en vertu de la loi sur le Fratricide, il y monte en étranglant deux frères, cinq neveux, divers califes ainsi qu’un nombre non précisé de vizirs, et de cet individu naquit celui qui voulait créer l’Etat islamique d’Europe : Selim le Magnifique. De fait, à peine couronné, le Magnifique équipa une armée de presque quatre cent mille hommes et trente mille chameaux, quarante mille chevaux et trois cents canons. De la Roumanie désormais islamisée, en 1526, il marcha sur la catholique Hongrie, et en dépit de l’héroïsme de ses défenseurs, il en désintégra l’armée en moins de quarante-huit heures. Puis il arriva à Buda, l’actuelle Budapest. Il y mit le feu, paracheva l’occupation et devine combien de Hongrois (hommes et femmes et enfants) finirent bientôt au marché d’esclaves qui distinguait dès lors Istanbul ? Cent mille.

Devine combien finirent, l’année suivante, aux marchés qui faisaient concurrence à celui d’Istanbul, c’est-à-dire aux bazars de Damas et de Bagdad et du Caire et d’Alger ? Trois millions. Mais il ne se contenta même pas de cela. De fait, pour créer l’Etat islamique d’Europe, il équipa une seconde armée, de quatre cents nouveaux canons, et en 1529, il partit de Hongrie pour l’Autriche. L’ultra catholique Autriche qui, désormais était considérée comme le rempart de la Chrétienté. D’accord, il ne réussit pas à la conquérir. Après cinq semaines de vains assauts, il préféra battre en retraite. Mais en se retirant, il massacra trente mille paysans qui ne méritaient pas d’être vendus à Istambul ou à Damas ou à Bagdad ou au Caire ou à Alger, car le prix des esclaves avait trop baissé à cause des trois millions cent mille Hongrois, et à peine rentré, il confia la réforme de la flotte au fameux pirate Khayr Al-Din dit Barberousse. La réforme lui permit de transformer la Méditerranée en fief aquatique de l’Islam, de sorte que, après avoir étouffé un complot de palais en faisant étrangler son premier et son deuxième fils, et leurs six enfants, ses propres petits-enfants, il se lança, en 1565, sur la citadelle chrétienne Malte. Et sa mort par infarctus, en 1566, n’arrangea rien.

Elle n’arrangea rien car son troisième fils monta sur le trône. Connu, lui, non pas comme Magnifique, mais comme intempérant. Et c’est justement sous Selim l’Intempérant qu’en 1571, le général Lala Mustapha conquit la chrétienne Chypre.

 

 

Il y commit l’une des infamies les plus honteuses dont la prétendue Culture-Supérieure ne fût jamais souillée.

 

Le martyre du patricien vénitien Marcanonio Bragadino, gouverneur de l’île.

 

Comme l’historien Paul Fregosi le raconte dans son livre extraordinaire, Jihad, après avoir signé la reddition, Bragadino se rendit chez Lala Mustapha pour discuter les termes de la future paix. Et étant un homme attaché à la bienséance, il s’y rendit en grande pompe. C’est-à-dire sur un destrier au harnachement raffiné, vêtu de la toge violette du Sénat, et escorté par quarante arquebusiers en grande tenue et par le très beau page Antonio Quirini( le fils de l’amiral Quirini) qui tenait au dessus de sa tête une ombrelle précieuse. Mais on ne parla pas vraiment de paix. Car suivant le plan déjà établi, les janissaires saisirent aussitôt le page Antonio pour l’enfermer dans le sérail de Lala Mustapha qui déflorait les jeunes garçons encore plus volontiers que Mehmed II, puis ils encerclèrent les quarante arquebusiers et les mirent en morceaux à coup de cimeterres. Littéralement en morceaux. Enfin, ils désarçonnèrent Bragadino, lui coupèrent séance tenant le nez puis les oreilles et ainsi mutilé, ils l’obligèrent à s’agenouiller devant le vainqueur qui le condamna à être écorché vif. L’exécution eut lieu treize jours plus tard, en présence de tous les Chypriotes auxquels on avait enjoint d’y assister. Tandis que les janissaires se riaient de son visage sans nez ni oreilles, Bragadino dut faire plusieurs fois le tour de la ville en traînant des sacs de balayures, et lécher la terre chaque fois qu’il passait devant Lala Mustapha. Il mourut pendant qu’on l’écorchait. Et de sa peau bourrée de paille, Lala Mustapha ordonna de faire un  pantin qui, à cheval sur une vache, fit encore une fois le tour de la ville, puis fut hissé au pennon principal de navire amiral. A la gloire de l’Islam.

 

Du reste, le fait que le 7 octobre de la même année, les Vénitiens furibonds, s’étant alliés avec l’Espagne, la papauté, Gênes, Florence, Turin, Parme, Mantoue, Lucques, Ferrare, Urbino et Malte, mirent en déconfiture la flotte d’Ali Pacha dans la bataille navale de Lépante, n’arrangea rien non plus.

 

Désormais, l’Empire ottoman avait atteint le sommet de la puissance, et sous les sultans suivants, les attaques contre le continent européen reprirent sans que rien ne les arrête. Il atteignit jusqu’à la Pologne où ses hordes entrèrent deux fois : en 1621 et en 1672. leur rêve de fonder l’Etat islamique d’Europe aura été bloqué seulement en 1883, quand le Grand Vizir Kara Mustapha réunit un demi million de soldats, mille canons, quarante mille chevaux, vingt mille chameaux, vingt mille éléphants, vingt mille buffles, vingt mille mulets, vingt mille vaches et taureaux, dix mille brebis et chèvres, ainsi que cent mille sacs de maïs, cinquante mille sacs de café, une centaines d’épouses et de concubines, et avec tout cela, il entra de nouveau en Autriche. En dressant un camp immense (vingt mille tentes en plus de la sienne, ornée de plumes d’autruche et de fontaines), il fit de nouveau le siège de Vienne. Le fait est qu’à l’époque, les Européens étaient plus intelligents que maintenant, et à l’exception des Français du Roi Soleil ( qui avait signé avec l’ennemi un traité d’alliance, mais avait promis aux autrichiens de ne pas les attaquer), ils accoururent tous pour défendre la ville considérée comme le rempart de la Chrétienté. Tous, Anglais, Espagnols, Allemands, Ukrainiens, Polonais, Génois, Vénitiens, Toscans, Piémontais, soldats papalins. Le 12 septembre, ils remportèrent l’extraordinaire victoire qui obligea Kara Mustapha à fuir en abandonnant chameaux, éléphants, épouses, concubines égorgées…. »