Les Nouvelles
de
Chrétienté
n° 68
Le 17 novembre 2006
Pour donner suite à ma critique de la pensée de Mgr
Vingt-Tois exprimée dans son intervention lors du colloque du cinquantième anniversaire de l’institut
supérieur de Liturgie, je publie ici la pensée du cardinal Stickler sur la
réforme liturgique et le Concile. Ce fut le thème de la conférence que le
cardinal Stickler donna en 1997 en Autriche, son pays d’origine. Cette
conférence sera un des chapitres du prochain livre à paraître en février 2007, intitulé
« L’enjeu ». Le titre du chapitre sera : Le cardinal Stickler et
la réforme liturgique de Vatican II.
J’en donne ici quelques extraits…
« Décembre 2001
Le cardinal Stickler, enfin
s’exprime sur la réforme liturgique issue du concile Vatican II et entre, à son
tour, dans cette bataille gigantesque. Son témoignage est tardif, certes. Il a
du poids cependant.
Pensez !
En poste à Rome depuis 1937,
le cardinal est canoniste, canoniste reconnu. Il fut professeur d’université
puis recteur préfet de la bibliothèque vaticane et des archives secrètes du
Vatican Il a été membre des commissions préparatoires du concile Vatican II,
puis expert auprès des différentes commissions conciliaires en particulier
On ne peut avoir meilleur témoin
de la pensée conciliaire surtout en matière liturgique.
Or il se trouve que cet
« expert » autrichien – c’est son origine – vient de parler … ou du
moins que sa pensée vient d’être connue en France grâce à un beau travail de
traduction réalisé par l’équipe du CIEL, le centre international d’Etudes
Liturgiques.
En effet, en mai, le CIEL
publie un petit livre blanc intitulé « Témoignage
d’un expert au concile ». Loic Merian m’en fait adresser un
exemplaire. Je l’ai dévoré, dés réception.
J’y ai trouvé des merveilles, des témoignages extraordinaires, des
jugements fondés tels que celui-ci que j’ai déjà plusieurs fois cité :
« pour résumer nos réflexions, nous
pouvons dire que les bienfaits théologiques de la messe tridentine
correspondent aux déficiences théologiques de la messe issue de Vatican
II »
C’est la conclusion de la
fameuse conférence qu’il donnait aux USA, à Fort Lee (New Jersey), le 20 mai
1995, à l’invitation de l’association « Christi fideles » sur le
thème : « les bienfaits de la
messe tridentine ». Vous trouverez ce jugement intéressant à la page
22 de ce petit fascicule
…..
Mon attention fut attirée par
cette conclusion. J’en poursuivais la
lecture sur le champ.
Je poursuivais donc la
lecture, toujours passionné. Là, Loic nous transcrit de l’allemand en français,
une conférence du cardinal qu’il intitule « Souvenirs et expériences d’un expert de
Malgré la longueur, je la
dévorais
….
Le cardinal Stickler se
présente
Ce n’est pas le dernier
personnage de l’Eglise, pensais-je. « J’ai
été professeur de droit canonique et d’histoire du droit ecclésistique à
l’Université salésienne, fondée en 1940, puis pendant 8 ans, de 1958 à 1966,
recteur de cette université. En cette qualité, j’ai bientôt été nommé
consulteur de
« Peu avant le concile, le cardinal Laraona, dont
j’avais été élève pendant mes études de droit canon et de droit ecclésiastique
au Latran et qui avait été nommé président de
proposé comme expert
de cette commission. Je lui objectais que j’avais déjà beaucoup à faire
en tant qu’expert de deux autres commissions, surtout celles des séminaires et
universités. Pourtant il maintint sa proposition en faisant remarquer que,
considérant l’importance canonique des prescriptions relatives à la liturgie,
il fallait également inclure des canonistes dans cette commission. C’est par
cette fonction non recherchée que j’ai ensuite vécu le Concile Vatican II
depuis ses débuts puisque, comme on le sait, la liturgie fut le premier sujet
inscrit à l’ordre du jour. Je fus ensuite affecté à la sous-commission qui
devait rédiger les modifications apportées aux trois
premiers chapitres et aussi préparer
l’ultime formulation des textes qui devaient être soumis, pour discussion et
approbation, à la commission réunie en plénière avant d’être présentés dans
l’aula conciliaire. Cette sous-commission se composait de trois évêques :
Mgr Callewaert, archevêque de Gand, qui en était le président, Mgr Enciso Viana,
de Majorque et, si je ne me trompe, Mgr Pichler, de Banjaluka (Yougoslavie),
ainsi que de trois experts Mgr Martimort, le père Martinez de Antoniana,
clarétin espagnol, et moi-même. Vous comprendrez aisément que, dans le cadre de
ces travaux, on pouvait se faire une idée exacte de ce que souhaitaient les
Pères conciliaires ainsi que du sens réel des textes votés et adoptés par le
concile ».
Puis il donne un témoignage
personnel – fort intéressant – sur la réforme liturgique : son jugement
sur « l’édition définitive »
du nouveau missel romain : « Mais
vous pourrez également comprendre ma stupéfaction lorsque, prenant connaissance
de l’édition définitive du Nouveau Missel
Romain, je fus bien obligé de constater que, sur bien des points, son contenu
ne correspondait pas aux textes conciliaires qui m’étaient si familiers, que
beaucoup de choses avait été changées ou élargies, ou allaient même directement
au rebours des instructions données par le Concile ».
N’y tenant plus – il doit
avoir du caractère – il demande une audience au cardinal Gut, alors préfet de
Je lui demandais une audience dans son logement au
monastère bénédictin de l’Aventin, audience qu’il m’accorda le 19 novembre
1969. Je ferai remarquer en passant que, dans ses mémoires parus en 1983, Mgr
Bugnini fait erreur sur la date de la mort de Mgr Gut, l’avançant d’un
an : Mgr Gut est mort le 8 décembre 1970 et non 1969.
Mgr Gut me reçut très aimablement, bien qu’il fût
visiblement malade et, comme l’on dit, j’ai pu déverser tout ce que j’avais sur
le cœur. Il me laissa parler une demi-heure sans m’interrompre, puis il me dit
qu’il partageait entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta-t-il, la faute n’en
incombait pas à
Au passage, il donne son
jugement sur Mgr Bugnini. Il faut le dire, ce n’est pas sans intérêt : « A ce sujet, une précision
s’impose : le Père Bugnini avait été Secrétaire de
pas être promu Secrétaire de
Et pourtant, bien qu’ils se soient consacrés corps et
âme aux travaux énormes et délicats réalisés par le Concilium, notamment sur le
cœur même de la réforme, à savoir le nouvel Ordo Missale Romanum qui fut
réalisé dans les délais les plus brefs, seul l’avenir nous expliquera pourquoi
les deux principaux acteurs sont
visiblement tombés en disgrâce : le cardinal dut renoncer à son siège
épiscopal, et le Père Bugnini, nommé archevêque dès 1968 et nouveau secrétaire
de
Ce préambule étant fait, le
Cardinal donne le thème de sa conférence : il veut juger « de la concordance ou de la contradiction
entre les dispositions conciliaires et la réforme effectivement appliquée »
(p. 35)
….
Tout au début, le cardinal
nous rappelle quelques grands principes liturgiques heureusement soulignés par
Qui ne serait d’accord avec ce principe…fut-il conciliaire !
Et vous savez le jugement du
cardinal sur ce point. Tout simplement, les réformateurs ont échoué en cette
affaire. Il écrit vers la fin : « Ma
conférence, mes souvenirs et expériences, je pense, ont permis d’évaluer dans
quelle mesure la réforme avait satisfait aux exigences d’ordre théologique et
ecclésiastique énoncées par le Concile, en d’autres termes, de voir si, dans
Le cardinal fait tout
simplement un constat d’échec total ; de sorte que, lui aussi, avec le
cardinal Ratzinger, forme des vœux pour lancer la réforme de la réforme. La
première aurait donc échoué ? « C’est précisément parce que l’on se rend
toujours plus clairement compte de la situation actuelle (NDLR i.e : de la déconfiture de la
réforme liturgique et son infidélité à la pensée conciliare…Mais à qui la
faute…) que se renforce l’espoir d’une
éventuelle restauration que le cardinal Ratzinger voit dans un nouveau
mouvement liturgique qui éveillera à une vie nouvelle le véritable héritage du
Concile Vatican II ». Et de citer le livre du Cardinal « Ma Vie », op cit p. 135. Mais c’est
peut être Loïc qui a rajouté cette citation… !
Intéressant, intéressant, me
disais-je. Enfin un cardinal de l’Eglise romaine qui parle et enseigne
clairement.
Je poursuivais ma lecture. Je
le fais aujourd’hui pour vous.
Le cardinal survole et résume
quelques articles fondamentaux du
Concile. Des rappels tout a fait
évidents et traditionnels.
L’article 21, l’article 23
qui affirme qu’il ne faut rien changer -
en matière liturgique - « avant que ne soit élaborée une
soigneuse étude théologique, historique , pastorale, en s’assurant d’un
développement organique harmonieux ».
Qui ne serait d’accord !
L’article 33 rappelle la
finalité de la liturgie : «La
liturgie est principalement le culte de la majesté de Dieu ». A la
bonne heure !
L’article 34, l’article 54
sur la langue latine. Là, le cardinal donne son témoignage.
C’est fort instructif ! « Au bout de quelques jours de débats
au cours desquel tous les arguments pour ou contre furent vivement discutés, on
en est arrivé à la conclusion bien claire
- tout à fait en accord avec le Concile de Trente - qu’il fallait conserver le latin comme
langue cultuelle du rite latin mais que des exceptions étaient possibles et
même souhaitables ». (p. 38-39)
Sur le chant grégorien, sur
les orgues, le cardinal rappelle l’article 116 de
Il rappelle l’article 108 qui
souligne spécialement l’importance des fêtes du Seigneur et surtout celles du
« propre du Temps », lequel doit
avoir la priorité sur les fêtes des saints pour ne pas affaiblir la
pleine efficacité de la célébration des mystères du salut (p. 39). Mais c’était
l’enseignement qu’à Ecône, Dom Guillou, professeur de liturgie, dispensait aux
séminaristes avec énergie et
conviction - pour toujours.
Ces principes
liturgiques - et d’autres encore - rappelés, le cardinal passe à la critique
de la réforme liturgique - l’œuvre
conciliaire par excellence - C’est la deuxième partie de la conférence.
Sans vouloir être exhaustif
en cette affaire, le cardinal aborde cette critique avec énergie et fraîcheur.
Sous sa plume, je retrouvais l’enseignement de mes maîtres. J’étais heureux.
J’avais appris chez Dom
Guillou, chez Monsieur l’abbé Dulac que
la liturgie devait exprimer la foi catholique. Que de fois, en effet, avais-je
entendu de la bouche de Mgr Lefebvre, cet axiome : « legem credendi, lex statuit supplicandi »
ou plus simplement dit : « lex
orandi, les credendi ».
Je retrouvais dans ces pages,
la même doctrine, la doctrine de toujours. Le cardinal écrivait : « la liturgie contient et exprime la foi de
façon juste et compréhensible » (p.40). De sorte que « la pérennité de la liturgie participe
de la pérennité de la foi, elle contribue même à la préserver ». Et
comme la foi est immuable, la liturgie qui l’exprime l’est aussi. « C’est pourquoi il n’y a jamais eu de rupture, de re-création radicale dans ancun
des rites chrétiens, catholiques, y compris dans le rite romain latin » (p
40-41). L’évolution liturgique - dès
lors – est lente, nécessairement organique.
Je me régalais en lisant ces
rappels. « Dans tous les rites, la
liturgie est quelque chose qui s’est développée et continue de croître
lentement ; partie du Christ et repris par les Apôtres, elle a été
organiquement développée par leurs successeurs, en particulier par les figures
les plus marquantes tels les Pères de l’Eglise, tout cela en préservant
consciencieusement la substance, i.e ; le corpus de
Mais Dom Guillou nous
enseignait la même chose ! Il écrivait en 1975, en la fête de
L’Esprit Saint est un et
véridique. Ce qu’il inspire ne peut-être que un et véridique, le même à travers
le temps. J’aime cette expression du cardinal. C’est clair, c’est net :
« C’est pourquoi, il n’y a jamais eu
de rupture, de re-création radicale…dans le rite latin romain ».
Il poursuivait :
« Il n’y a jamais eu rupture dans le
rite romain latin à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle, en
application de la réforme…bien que le Concile…ait toujours réaffirmé que cette
réforme devait préserver absolument la tradition ». (p. 40-41)
Jamais de rupture…à
l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle !
Mais c’est l’enseignement du
cardinal Ottaviani, me disais-je. Je me régalais.
Je courais prendre la lettre
du cardinal Ottaviani à Paul VI et lisais :
« Le nouvel Ordo Missae, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles
d’appréciations fort diverses qui y paraissent sous-entendues ou impliquées,
s’éloignent de façon impressionnante dans l’ensemble comme dans le détail, de
la théologie catholique de la sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la 22ème
Session du Concile de Trente ».
C’est donc bien à une rupture
que l’on assiste avec le Nouvel Ordo Missae. Cet éloignement est une véritable
rupture avec
Le cardinal Stickler a la
même analyse. Avec le Nouvel Ordo Missae, on assiste à une véritable
rupture avec
Et ceci est une véritable
nouveauté, la nouveauté par excellence… « Alors que toutes les réformes antérieures adoptées par les papes et
tout particulièrement celle entreprise sous l’impulsion du Concile de
Trente et mis en œuvre par le pape Pie V
et jusqu’à celles de Pie X, de Pie XII et de Jean XXIII, ne furent pas des
révolutions mais uniquement des corrections qui ne touchaient pas l’essentiel,
des ajustements et des enrichissements » (p. 41)
C’est ce que demandait, du
reste, le Concile en son article 23 : « Le Concile a expressément dit, à
propos de la restauration souhaitée par les pères, qu’aucune innovation ne
devait être faite qui ne fut vraiment exigée par l’utilité de l’Eglise ».
Non ! L’Ordo Missae est radicalement
nouveau ! Je me souvenais de notre savant abbé Dulac qui, dans l’analyse
qu’il faisait de
Non ! Nous n’avons rien
de tel avec Paul VI. Nous avons un « Novus Ordo Missae ».
Rien de comparable.
J’étais, vous dis-je, aux
anges en lisant tout cela…Mais je me souvenais aussi des affirmations du
cardinal Médina et du Cardinal Castrillon Hoyos… qui parlent, eux, de
continuité dans le rite romain, d’un « Ordo » à l’autre. Le cardinal
Castrillon Hoyos - en particulier - ne disait-
il pas qu’il ne fallait pas « contraposer les deux rites. Ils
seraient substantiellement identiques… »
Le Pape lui-même, alors qu’il
recevait les communautés relevant du Motu Proprio « Ecclesia Dei », le 26 octobre 1998 - venues à Rome en action de grâces, leur
tenait même langage : « les
derniers Conciles œcuméniques – Trente, Vatican I, Vatican II - se sont particulièrement attachés à
éclairer le mystère de
Que les choses sont
bizarres !
Même au plus haut niveau du
gouvernement ecclésial…les jugements des autorités divergent fondamentalement sur le même objet : la
réforme liturgique.
Pour les uns, nous aurions
« une nouveauté radicale ».
Pour les autres, « une continuité
parfaite ». Le magistère est vraiment divisé. C’est un des éléments de
la crise de l’Eglise. Qui croire ?
Mais poursuivons la pensée de
notre cardinal.
Il nous dit : « Nous allons maintenant présenter quelques
exemples marquants (sans vouloir être
exhaustif) de ce qui a été créé dans la réforme post-conciliaire et en
particulier dans son cœur : l’Ordo Missae est radicalement nouveau »
(p. 41)
Alors le cardinal passe en
revue le nouvel Ordo. Il feuillette le
nouvel Ordo. Il n’insiste pas sur l’introduction de la messe. Elle est « nouvelle », dit-il, page 42 et surtout comporte de « multiples variantes » (id), ce qui
souvent aboutit à une diversité presque illimitée mais il en vient, tout de
suite, à l’Offertoire. Là, il parle à ce sujet de « révolution ». « L’offertoire, dans sa forme et sur le fond, constitue
une révolution : il n’est, en effet, plus prévu d’offrande préalable des
dons mais simplement d’une préparation des oblats avec une teneur
nettement humaniste mais qui, en fin de compte, donne tout de suite, une
impression de dépassé » (p. 42) Il parle même de symbolisme « malheureux ». L’industrialisation a
envahi l’agriculture et la culture des céréales …
Il poursuit : « Quand aux signes hautement loués par le
Concile de Trente et exigés par le
Concile de Vatican II, tels que les nombreux signes de croix qui renvoient à
Il parle ensuite du sacrifice
qui est l’essence de
On a envie de dire au
cardinal : alors quoi ! Cette nouvelle Messe est-elle sacrifice ou
repas ? L’un est-il l’autre ? Le sacrifice n’est pas un repas, ni un
repas, un sacrifice. Mais le cardinal Castrillon Hoyos vous dit qu’il ne faut pas
« contraposer » les deux rites…
Je me souvenais du « Bref Examen Critique », de la
critique du fameux article 7 qui, dans cette affaire liturgique, est capital.
Je le relisais : « La définition de la messe est réduite
à celle de
« Tout cela n’implique ni la présence réelle, ni
la réalité du Sacrifice, ni le caractère sacramentel du prêtre qui consacre, ni
la valeur intrinsèque du sacrifice eucharistique indépendamment de la présence
de l’Assemblée ».
« En un mot, cette nouvelle définition ne
contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à
J’avais encore en mémoire
toutes ces phrases quand j’arrivais au
§2 de la page 43, je tombais sur ces paroles fulgurantes : « Ainsi, sont posés les fondements d’un autre détournement de fonction : à la
place du sacrifice présenté à Dieu par le prêtre ordonné en tant qu’un
« alter Christus », s’instaure la communauté de repas des fidèles
assemblés sous la résidence du prêtre ». (p. 43).
Mais attention, le cardinal
poursuit : « La définition de
J’étais estomaqué !
Avouez, sous la plume d’un
cardinal, c’était cinglant, court, bref. Les mots choisis particulièrement
exemplaires. J’espère que Loïc Merian a bien traduit.
On comprend que le cardinal
Stickler puisse – lui aussi parler
« de bouleversement du cœur même
du sacrifice de la messe ».
Il insiste. Il veut enfoncer le clou.
« Ce bouleversement du cœur même du sacrifice
de la messe fut confirmé et accentué par la célébration, « versus
populum », pratique autrefois
interdite et renversement de toute la tradition de la célébration vers l'orient et dans laquelle le prêtre
n'était pas l'interlocuteur du peuple mais se tenait à sa tête pour le guider
vers le Christ avec te symbole du soleil levant à l'est ». (p. 43)
Je n'en
croyais pas mes yeux.
Je retrouvais tout l'enseignement
d'Ecône, celui que nous avait donné Dom Guillou dans des pages célèbres qui ne
le sont pas assez même dans nos milieux.
En voici un exemple à faire exulter de joie :
« Toute l’
histoire de l'Église elle-même, est une montée de lumière dans l'accroissement
du nombre des élus et dans l'épanouissement du développement de ses dogmes et
de son mystère propre, jusqu'à son achèvement dans les éblouissantes splendeurs
de
« Faut-il
redire ici, après ce bref aperçu, le dommage causé à l'esprit et à la manière
liturgique par l'abandon de la règle de l'orientation des églises et de la
messe et de la prière orientée, règle qui se relie à un immense contexte
éminemment humain, biblique et chrétien. Les Anciens voulaient que le
sanctuaire de leurs églises soit comme un Orient spirituel que la lumière
matinale inonde à cette première heure de l'office de Laudes qui se termine,
chaque jour, par le chant du « Benedictus » de Zacharie, célébrant l'Orient
« ex alto », illuminant ceux qui sont assis à l'ombre de la mort… Comme
elle est significative ensuite, dans la joyeuse clarté de l'aurore, cette
prière du prêtre au bas des degrés lorsqu'il s'apprête à monter dans la nuée
lumineuse de l'autel: « Emitte lucem
tuam et veritatem tuam : ipsa
me deduxerunt et adduxerunt in montem sanctum tuum ... et introibo ad altare
Dei, ad Deum qui laetificat juven-tutem meam » (Ps. 42). Sera-t-il dit que tout ce poème des choses, que toutes ces correspondances
merveilleuses échapperont à la myopie
réformiste ? Pourtant, même au
strict point de vue pastoral, quelle plus belle illustration de cette vérité :
notre vie toute entière est comme une messe qui nous conduit à l'union au
Christ, à la céleste illumination où tout sera renouvelé dans une jeunesse
éternelle, par les mérites de
Puis le Cardinal en arrive à la formule
de la consécration du pain et du vin.
Là, sur ce sujet, il est également très sévère. Jugez
vous même !
Il parle de la très grave atteinte à la formule de
consécration du vin en le Sang du Christ en raison de la suppression des mots «
Mysterium fidei ».
« Les mots « Mysterium fidei »,
en ont été supprimés pour être ajoutés à l'appel du peuple à la prière,
après la consécration, ce qui fut présenté comme un gain majeur du point de vue
de la « participatio actuosa » » (p. 44 ).
Là, le Cardinal
part en guerre, il se déchaîne. C'est le cardinal, recteur d'Université,
archiviste, qui parle. Il enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que « Mysterium fidei » - ces deux mots - sont
d'origine apostolique. Il ne fallait en rien y toucher.
Saint Basile l’enseigne. Saint Augustin
aussi. Le « Sacramentarium Gelasianum » également. « Le « Sacramentarium
Gelasianum » qui est le livre de messe le plus ancien de l'Église romaine, dans
le Codex Vaticanus, Reg. Lat.
Il donne les références historiques.
C'est le professeur qui enseigne. Son affirmation est incontournable- Elle est
scientifique. Vous la trouverez là, dit-il : X, III , 41, 6 ;
Friedberg III, p. 636, sq.
C'est net.
Il continue : « Le
fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d'Innocent
III dans le grand recueil du liber X, établi par Raymond de Pegnafort à la
demande de Grégoire IX, n'ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le cas de bien
d'autres mais ait continué à être
transmise par
Nul doute que l'on ne pouvait toucher à
ces deux mots dans la forme de la consécration du vin, les supprimer, les
déplacer en en changeant le sens. On ne le pouvait pas sans être infidèle à
C'est la pensée du Cardinal.
Il invoque aussi l'autorité de saint Thomas d’Aquin. Il
écrit : « Saint Thomas s'exprime
clairement sur cette question dans sa « Somme théologique » (III, 78,
3 ad nonum) : à propos des paroles de consécration du vin, rappelant
la nécessaire discipline secrète de l'Église ancienne dont parle aussi Denis
l'Aréopagyte, il écrit: « les paroles ajoutées « éternelle » et « mystère de foi » viennent
de la tradition du Seigneur qui est parvnue à
l'Église par l'intermédiaire des
Apôtres » ; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4. En
note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se référant à DD Gousset
dans l'édition Marietti de 1939 (V. p. 155), ajoute « sarebbe un
grandissimo errore sustituire un ’altra forma eucharistiea a quella del
Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella mysterium
fidei che abbiamo della tradizione » (p. 46).
Et puis, il invoque l’autorité du
Concile de Florence – le XVIIème Concile œcuménique -« Dans la bulle
d’union avec les Coptes, le Concile œcuménique de Florence complète
expressément les formules de consécration de
Ayant le document, je suis allé
vérifier. C’est bien exact. Le concile de Florence, dans le décret pour les
Grecs – qui suit celui d'avec les Arméniens – cite bien expressément le mysterium
fidei dans la formule de consécration. Il y est dit : « mais parce que dans le décret des Arméniens
rapporté ci- dessus, n'a pas été expliquée la formule qu'a toujours eu coutume
d'employer, dans la consécration du Corps et du Sang du Seigneur, la
sacro-sainte Église romaine, affermie par la doctrine et l'autorité des apôtres
Pierre et Paul, nous pensons qu'il faut l'introduire dans les présentes »
– en latin – « illam praesentibus duximus inserendam ». « Duximus », c'est le
parfait du verbe « ducere ». Il
vaudrait mieux traduire: nous estimons, nous commandons. « Nous pensons » me
paraît un peu faible. « Ducere »,
c'est le commandement, c'est le chef qui affirme.
Mais ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s'en tient pas
pour satisfait... Il poursuit sa démonstration de théologie positive. Là, pour
le coup, il est exhaustif.
Il invoque, cette fois, le catéchisme – le catéchisme « de référence », dit-il, - ce sont ses mots. Je m'attendais à voir citer le nouveau
catéchisme de l'Église catholique. Mais pas du tout ! Il cite le catéchisme du Concile de Trente. A la bonne heure ! Il donne toutes les
références. Manifestement, quand il préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher, dans sa bibliothèque, ce catéchisme. Il vous
dit qu'au chapitre 9, au n° 21, à propos de l'Eucharistie… le catéchisme enseigne que « les mots « mysterium fidei » et « aeterna »
viennent de
Je regrette que le Cardinal n'ait pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il aurait aussi rappelé qu'en changeant de place cette
expression très traditionnelle, les auteurs de la réforme liturgique en changeaient le sens. Alors que le « mysterium fidei » placé dans la
formule de la consécration porte sur la présence réelle qui vient d'être réalisée par l'énonciation de la formule consécratoire, le «
mysterium fidei » mis après la consécration – comme acclamation populaire
– dirige l'attention du peuple, non plus sur le mystère de
veniat ». Il y a, là, dans ce changement de place, une malice, une duplicité, une ruse, une équivoque. La foi ici affirmée ne porte plus
sur
détournés de la présence
du Christ réalisée par
Christ sur l’autel,
on leur fait acclamer le retour en gloire du Seigneur.
Voyez
l’enseignement du catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itinéraires.
Fort de cet exposé très savant, le Cardinal ne mâche pas ses mots et ses critiques contre les réformateurs. Il parle de « légèreté
souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de leurs collaborateurs. « On peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont ont fait
preuve, ici les collaborateurs du cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur accord » (p. 46). « Ils ont purement
et simplement « ignoré », non seulement ignoré mais aussi « méprisé » l’obligation de procéder à une recherche historique et
théologique exacte »
(p. 46). C’est ce que réclamait expressément le Concile Vatican II dans
son article 23 de
(cf. p. 36).
Mais rien de tel
n’a été fait et le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion sur
l’ensemble de l’œuvre réformée : « Si cela s’est produit dans ce
cas qu’en aura-t-il été de cette importante obligation pour les autres
modifications » (p. 46).
C’est terriblement
grave !
Nous nous trouvons
devant une réforme infidèle à
Monseigneur Vingt-Trois pourrait-il dire que le cardinal Stickler, à cause et en raison de cette critique de la réforme
liturgique suite au Concile Vatican II, n’était en la « communion ecclesiale » ?
Pour comprenxdre cette conclusion, il faut
lire préalablement le « regard sur le monde » du 17 novembre 2006