Les Nouvelles
de
Chrétienté
N° 92
« La restauration de la messe
ne
sera effective
qu’à
partir du moment où
les
évêques en seront les artisans, et de bon cœur. »
Jean Madiran, dans Présent de mercredi 30 mai 2007,
vient d’écrire un article bien important sur le problème de la restauration de
la messe « séculaire » sur les autels de l’Eglise.
La conclusion doit attirer plus particulièrement notre
attention. Elle est bien juste : « La restauration de la messe
ne sera effective qu’à partir du moment où les évêques en seront les artisans,
et de bon cœur. »
Alors on
peut craindre que cette restauration ne soit pas pour demain.
Cette
réflexion me fait penser aux propos tenus par le Cardinal Ratzinger, le 24
octobre 1998, devant le millier de pèlerins venus avec les communautés Ecclesia Dei Adflicta,
à Rome, dire leur action de grâces au Saint Père à l’occasion des 10 ans du
Motu Proprio du même nom. J’y suis allé. J’ai donné mon témoignage.
A ce
sujet, j’espère qu’ils n’iront pas à Rome pour fêter le vingtième
anniversaire de ce Motu Proprio. Ce serait incohérent… et ne pas marcher avec
son temps. S’il était actuel encore en 1998, il ne l’est plus aujourd’hui. Il date.
Il faut aller de l’avant et ne pas regarder en arrière, nous dit NSJC |
Je le relis.
Je l’ai publié dans le Bulletin Saint Jean Eudes de Novembre 1998.
Voici ce que
j’écrivais. Mon témoignage est véridique Et je sais que je dis vrai.
Dom Gérard
venait de terminer son intervention après celle du cardinal. Le cardinal reprenait
la parole et faisait quelques commentaires sur les paroles de Dom Gérard:
« Le cardinal
enfin reprend la parole. Il parle cette fois, sans papier, ex abundatia cordis.
Son français reste correct. Il s’adresse à Dom Gérard, ne lui donne pas une
totale approbation. Il ne partage pas tout à fait ses considérations canoniques,
non qu’elles ne soient pas dignes d’intérêt, mais, pour le cardinal, elles ne
sont ni primordiales ni essentielles. Elles resteront lettres mortes,
croyez-moi. Ce n’est pas de cette façon, fit-il, qu’on améliorera la situation
en faveur de l’ancienne messe. Notre effort doit s’appliquer ailleurs. Il faut
changer les cœurs, les intelligences. C’est cela qui est urgent. Il affirme
même : « Nous devons faire
notre possible pour former une nouvelle génération de prélats ». Que
font-ils en ce sens, je me le demande ?
Mon
attention est renouvelée par ces mots. C’est inouï ! Dans la bouche du cardinal !
J’applaudis le premier. Tous les congressistes suivent. Un applaudissement
long, intense. Le cardinal a touché juste…vraiment tous souffrent de
l’ostracisme mal fondé des épiscopes. Le cardinal peut le mesurer…au baromètre
des applaudissements. Je me réjouis. Le cardinal semble un peu surpris. Il est
un peu ébranlé…Les applaudissements se poursuivent. Il s s’arrêtent enfin. Le
cardinal se reprend comme s’il avait été trop loin…. « Enfin, dit-il, les évêques, ce ne sont pas des personnes de mauvaise volonté… »
Ils manquent peut-être de formation.
Le cardinal
paiera cher ces paroles – il est vrai qu’il est à la fin de son mandat.
J’aimerais bien être à Lourdes. Nos évêques
sont en assemblée, les commentaires doivent aller bon train…Je vous
l’assure ». (in
Bulletin Saint Jean Eudes. Nov. 1998 p. 3)
Il le paye
peut-être chèrement aujourd’hui…alors qu’il est sur le siège de Pierre… !
Voici
l’article de Jean madiran.
Situation embarrassante
Deux messes, la récente et la séculaire, sont en fait,
dans l’Eglise, en situation de concurrence et contradiction plus souvent que de
convivialité.
Mais là n’est pas le plus embarrassant pour la
hiérarchie ecclésiastique.
La libération de la messe traditionnelle, visiblement
désirée et déjà esquissée, rencontre un obstacle majeur qui explique les
hésitations et atermoiements actuels.
On voudrait croire que la messe traditionnelle « n’a
jamais été interdite ». Mais cela est à la fois vrai et faux. Elle n’a jamais
été interdite valablement. Elle a été
interdite en fait, et avec quelle
brutalité, avec quel acharnement, avec quelle solennité ! Et si longuement !
C’est d’ailleurs pourquoi on parle de « libéraliser » son usage, en réalité il
s’agit de la « libérer » de son interdiction.
Tout le mal, ou du moins le plus agressif, est venu
d’une ordonnance de l’épiscopat français installant soudain une telle
interdiction. Ce fut l’ordonnance du 12 novembre 1969, devançant et
outrepassant énormément les décisions du saint-siège pour l’application de la
réforme liturgique. L’ordonnance imposait à partir du 1er janvier 1970 l’usage
exclusif, et exclusivement en français, de la messe nouvelle. L’épiscopat
confirma et réitéra son interdiction de la messe traditionnelle
par l’ordonnance et le communiqué du 14 novembre 1974.
C’était verrouillé.
Il n’est malheureusement pas douteux que Paul VI ait
voulu la disparition complète de la messe traditionnelle. Il y a sur ce point
le témoignage de Jean Guitton à la page 158 de son livre Paul VI secret. Il
y a surtout l’allocution consistoriale du 24 mai 1976. Sa volonté ne pouvait
cependant pas avoir force de loi contre le rite séculaire de l’Eglise latine :
c’est ce qui apparut tout de suite à quelques fidèles et prêtres réfractaires,
mais cela ne semble pas avoir été clairement aperçu à cette époque par la plus
grande partie de la hiérarchie. Pendant des années, dans la quasi-totalité des
diocèses, l’évêque et son clergé proclamèrent avec insistance l’interdiction et
l’appliquèrent avec une sévérité allant souvent jusqu’à la férocité. Et dans
beaucoup d’endroits l’affaire est loin d’être apaisée aujourd’hui. La situation
est terriblement embarrassante parce que toute clarification véritable ne
pourra éviter de mettre en lumière de graves défaillances, et prolongées, au
sein de la hiérarchie.
Jean-Paul II, en 1980, fit ouvrir une enquête sur la
messe par chaque évêque individuellement. Les résultats en furent rendus
publics en détail au mois de novembre 1981. Les évêques avaient répondu en
masse qu’il n’existait plus aucun problème concernant la messe traditionnelle,
tout à fait disparue et oubliée selon eux : il est remarquable qu’en général, dans
leurs réponses, ils ne mentionnaient pas l’interdiction. Ils n’en parlaient
plus, c’est la preuve qu’à partir de 1978-1980 ils savent désormais à quoi s’en
tenir, mais ils omettent de faire savoir dans les paroisses que «
l’interdiction n’a jamais existé ».
Quatre ans après l’enquête (Quattuor
abhinc annos) Jean-Paul
II revient sur la messe traditionnelle sans la déclarer interdite
ni obsolète. Deux ans plus tard, il réunit sur ce sujet une
commission cardinalice secrète, dont l’existence vient enfin d’être
officiellement reconnue par le cardinal Castrillon
Hoyos (Présent de jeudi dernier). La
commission était pour attester et faire comprendre aux évêques
que la messe tradi n’est pas interdite et
qu’il y a des mesures à prendre pour en restaurer l’usage. Mais
certains secrétariats épiscopaux ayant eu vent des conclusions de la commission,
ils manifestèrent et firent manifester auprès du saint-siège une
opposition tellement résolue que rien ne fut publié ni entrepris. D’ailleurs
un fort parti au sein de la curie romaine est très vivement opposé au
retour de la messe traditionnelle. Nous en sommes toujours là. Le «
motu proprio » actuellement en attente était annoncé comme accompagné
d’un document explicatif à l’intention des évêques. C’est bien un
grand nombre d’entre eux, en effet, qui ont besoin d’être éclairés
et convaincus. La restauration de
la messe ne sera effective qu’à partir du moment où les évêques
en seront les artisans, et de bon cœur.
JEAN MADIRAN