de
Chrétienté
N°
97
AUX ÉVÊQUES, AUX PRÊTRES, AUX PERSONNES CONSACRÉES ET AUX FIDÈLES LAÏCS DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
Salut
1. Chers Frères Évêques, chers
prêtres, chères personnes consacrées et chers fidèles de l'Église catholique en
Chine, « nous rendons grâce à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, en
priant pour vous à tout instant. Nous avons entendu parler de votre foi dans le
Christ Jésus et de l'amour que vous avez pour tous les fidèles dans l'espérance
de ce qui vous attend au ciel... Nous ne cessons de prier pour vous. Nous
demandons à Dieu de vous combler de la vraie connaissance de sa volonté, en
toute sagesse et intelligence spirituelle. Ainsi votre conduite sera digne du
Seigneur, et capable de toujours lui plaire; par tout ce que vous ferez de
bien, vous porterez du fruit et vous progresserez dans la vraie connaissance de
Dieu. Vous serez puissamment fortifiés par la puissance de sa gloire, qui vous
donnera la persévérance et la patience » (Col 1, 3-5. 9-11).
Ces paroles de l'Apôtre Paul sont tout particulièrement appropriées pour vous
manifester les sentiments qui, comme Successeur de Pierre et Pasteur universel
de l'Église, sont les miens envers vous. Vous savez bien combien vous êtes
présents dans mon cœur et dans ma prière quotidienne, et combien le lien de
communion qui nous unit spirituellement est profond.
But de la Lettre
2. C'est pourquoi je désire vous manifester à tous l'expression de ma
proximité fraternelle. Intense est la joie pour votre fidélité au Christ
Seigneur et à l'Église, fidélité que vous avez manifestée « parfois même au
prix de grandes souffrances »,1 car, « pour le Christ, il vous a été fait la
grâce non seulement de croire en lui mais aussi de souffrir pour lui » (Ph 1,
29). Cependant, certains aspects importants de la vie ecclésiale dans votre
Pays sont aussi source de préoccupation.
Sans prétendre traiter tous les aspects des problèmes complexes que vous
connaissez bien, je voudrais, par cette Lettre, vous présenter certaines
orientations concernant la vie de l'Église et l'œuvre d'évangélisation en
Chine, pour vous aider à découvrir ce qu'attend de vous le Seigneur et le
Maître, Jésus Christ, lui qui est « la clé, le centre et la fin de toute
l'histoire humaine ».2
PREMIÈRE PARTIE
SITUATION DE L'ÉGLISE
ASPECTS THÉOLOGIQUES
Mondialisation, modernité et athéisme
3. Portant un regard attentif sur votre Peuple, qui s'est distingué parmi les
autres peuples de l'Asie par la splendeur de sa civilisation millénaire, avec
toute son expérience de sagesse, de philosophie, ainsi que dans les sciences et
dans les arts, il me plaît de relever que, spécialement au cours des derniers
temps, il s'est aussi mis en marche pour parvenir à des objectifs significatifs
de progrès, dans les domaines économique et social, suscitant l'intérêt du
monde entier.
Comme le soulignait déjà mon vénéré Prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, «
l'Église catholique, quant à elle, considère avec respect cet élan surprenant
et ces projets clairvoyants d'initiatives, et elle offre avec discrétion sa
propre contribution dans la promotion et dans la défense de la personne
humaine, de ses valeurs, de sa spiritualité et de sa vocation transcendante.
L'Église a particulièrement à cœur des valeurs et des objectifs qui sont
également d'une importance primordiale pour
La tension vers le développement économique et social, désiré et nécessaire,
ainsi que la recherche de modernité, s'accompagnent de deux phénomènes
différents et opposés, mais qu'il convient d'évaluer également avec prudence et
dans un esprit apostolique positif. D'une part, on note, spécialement parmi les
jeunes, un intérêt croissant pour la dimension spirituelle et transcendante de
la personne humaine, avec comme conséquence un intérêt pour la religion,
particulièrement pour le christianisme. D'autre part, on remarque, en Chine
aussi, la tendance au matérialisme et à l'hédonisme, qui, à partir des grandes
villes, est en train de se répandre à l'intérieur du Pays.4
Dans le contexte dans lequel vous êtes appelés à travailler, je désire vous
rappeler ce que le Pape Jean-Paul II a souligné avec force et vigueur: la
nouvelle évangélisation exige l'annonce de l'Évangile 5 à l'homme moderne, en
étant conscient que, comme durant le premier millénaire chrétien
« “Duc in altum” (Lc 5, 4). Cette parole résonne aujourd'hui pour
nous et elle nous invite à faire mémoire avec gratitude du passé, à vivre avec
passion le présent, à nous ouvrir avec confiance à l'avenir: “Jésus Christ est
le même, hier et aujourd'hui, il le sera à jamais” (He 13,8) ».7 En
Chine également, l'Église est appelée à être témoin du Christ, à regarder en
avant avec espérance et à se confronter — dans l'annonce de l'Évangile — aux
nouveaux défis auxquels le Peuple chinois doit faire face.
La Parole de Dieu nous aide, une fois encore, à découvrir le sens mystérieux et
profond du chemin de l'Église dans le monde. En effet, « l'une des principales
visions de l'Apocalypse a pour objet l'Agneau en train d'ouvrir un livre,
auparavant fermé par sept sceaux que personne n'était en mesure d'ouvrir. Jean
est même présenté en train de pleurer, car il n'y avait personne digne d'ouvrir
le livre et de le lire (cf. Ap 5, 4). L'histoire demeure
incompréhensible, indéchiffrable. Personne ne peut la lire. Peut-être ces
pleurs de Jean devant le mystère de l'histoire si obscur expriment-ils le
trouble des Églises en Asie devant le silence de Dieu, malgré les persécutions
auxquelles elles étaient exposées à cette époque. C'est un trouble dans lequel
peut bien se refléter notre effroi devant les graves difficultés, les
incompréhensions et les hostilités dont souffrent également aujourd'hui les
Églises dans diverses parties du monde. Ce sont des souffrances que l'Église
n'a certainement pas méritées, pas plus que Jésus lui-même n'a mérité son
supplice. Elles révèlent cependant la méchanceté de l'homme quand il
s'abandonne aux suggestions du mal, comme aussi la manière dont Dieu mène
supérieurement les événements ».8
Aujourd'hui comme hier, annoncer l'Évangile signifie annoncer Jésus Christ,
crucifié et ressuscité, l'Homme nouveau, le vainqueur du péché et de la mort,
et lui rendre témoignage. Il permet aux êtres humains d'entrer dans une
nouvelle dimension, où la miséricorde et l'amour même envers l'ennemi
témoignent de la victoire de
Disponibilité pour un dialogue respectueux et constructif
4. En tant que Pasteur universel de l'Église, je désire manifester ma vive
reconnaissance au Seigneur pour le témoignage de fidélité dans la souffrance
donné par la communauté catholique chinoise dans des circonstances vraiment
difficiles. En même temps, je ressens comme étant de mon devoir profond et
indéfectible, et comme l'expression de mon amour de père l'urgence de confirmer
dans la foi les catholiques chinois et de favoriser leur unité par les moyens
qui sont propres à l'Église.
Je suis aussi avec un intérêt particulier la vie de tout le Peuple chinois,
Peuple que j'apprécie profondément et pour lequel j'ai des sentiments d'amitié,
au point de formuler le souhait « de voir rapidement instaurées des voies
concrètes de communication et de collaboration entre le Saint-Siège et
Je suis conscient que la normalisation des relations avec
En effet, la lourde situation de malentendus et d'incompréhensions ne sert ni
les Autorités chinoises, ni l'Église catholique en Chine. Comme l'a déclaré le
Pape Jean-Paul II se rappelant ce que le Père Matteo Ricci écrivait de Pékin,11
« l'Église catholique d'aujourd'hui ne demande aucun privilège à
En ce qui concerne aussi les relations entre la communauté politique et
l'Église en Chine, il convient de se rappeler l'enseignement éclairant du
Concile Vatican II, qui déclare: « L'Église qui, en raison de sa charge et de
sa compétence, ne se confond aucunement avec la communauté politique et n'est
liée à aucun système politique, est à la fois signe et sauvegarde de la
transcendance de la personne humaine ». Et il continue ainsi: « La communauté
politique et l'Église sont indépendantes l'une de l'autre, et autonomes dans le
domaine qui est le leur. Mais toutes deux, bien qu'à des titres différents,
sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Toutes
deux exerceront ce service pour le bien de tous avec d'autant plus d'efficacité
qu'elles pratiqueront davantage entre elles une saine collaboration, en tenant
aussi compte des circonstances de temps et de lieu ».13
Par conséquent, également l'Église catholique qui est en Chine a la mission non
pas de changer la structure ou l'administration de l'État, mais d'annoncer aux
hommes le Christ, Sauveur du monde, s'appuyant — dans l'accomplissement de son
apostolat — sur la puissance de Dieu. Comme je le rappelais dans mon Encyclique
Deus caritas est, « l'Église ne peut ni ne doit prendre
en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible.
Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l'État. Mais elle ne peut ni ne
doit non plus rester à l'écart dans la lutte pour la justice. Elle doit
s'insérer en elle par la voie de l'argumentation rationnelle et elle doit
réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert
aussi des renoncements, ne peut s'affirmer ni se développer. La société juste
ne peut être l'œuvre de l'Église, mais elle doit être réalisée par le
politique. Toutefois, l'engagement pour la justice, travaillant à l'ouverture
de l'intelligence et de la volonté aux exigences du bien, intéresse
profondément l'Église ».14
À la lumière de ces principes auxquels on ne peut renoncer, la solution des
problèmes existants ne peut être recherchée à travers un conflit permanent avec
les Autorités civiles légitimes; dans le même temps, une complaisance envers
ces mêmes Autorités n'est cependant pas acceptable quand ces dernières interfèrent
de manière indue dans des matières qui concernent la foi et la discipline de
l'Église. Les Autorités civiles sont bien conscientes que l'Église, dans son
enseignement, invite les fidèles à être de bons citoyens, des collaborateurs
respectueux et actifs en faveur du bien commun de leur Pays, mais il est
également clair qu'elle demande à l'État de garantir à ces mêmes citoyens
catholiques le plein exercice de leur foi, dans le respect d'une authentique
liberté religieuse.
Communion entre les Églises particulières dans l'Église universelle
5. Église catholique en Chine, petit troupeau présent et agissant dans le vaste
territoire d'un Peuple immense qui marche dans l'histoire, comme elles
résonnent pour toi, encourageantes et provocantes, les paroles de Jésus: « Sois
sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le
Royaume (Lc 12, 32)! « Vous êtes le sel de la terre, ... la lumière du
monde »: c'est pourquoi, « que votre lumière brille devant les hommes: alors en
voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux
cieux » (Mt 5, 13. 14. 16).
Dans l'Église catholique qui est en Chine, se rend présente l'Église
universelle, l'Église du Christ que, dans le Credo, nous confessons une,
sainte, catholique et apostolique, à savoir la communauté universelle des
disciples du Seigneur.
Comme vous le savez, l'unité profonde, qui lie entre elles les Églises
particulières se trouvant en Chine et qui les met aussi en intime communion
avec toutes les autres Églises particulières répandues à travers le monde, est
enracinée dans la même foi et dans le Baptême commun, mais surtout dans
l'Eucharistie et dans l'Épiscopat.15 Et l'unité de l'Épiscopat, dont « le
Pontife romain, en qualité de Successeur de Pierre, est le principe et le
fondement permanents et visibles »,16 se poursuit au long des siècles grâce à
la succession apostolique et elle est aussi le fondement de l'identité de
l'Église de chaque époque avec l'Église édifiée par le Christ sur Pierre et sur
les autres Apôtres.17
La doctrine catholique enseigne que l'Évêque est le principe et le fondement
visible de l'unité dans l'Église particulière confiée à son ministère
pastoral.18 Mais, dans chaque Église particulière, pour qu'elle soit pleinement
Église, la suprême autorité de l'Église doit être présente, à savoir le Collège
épiscopal avec son Chef, le Pontife romain, et jamais sans lui. Par conséquent,
le ministère du Successeur de Pierre appartient à l'essence de toute Église
particulière, « de l'intérieur ».19 En outre, la communion de toutes les
Églises particulières dans l'unique Église catholique, et donc la communion
hiérarchique ordonnée de tous les Évêques, successeurs des Apôtres, avec le
Successeur de Pierre, sont la garantie de l'unité de la foi et de la vie de
tous les catholiques. Il est donc indispensable, pour l'unité de l'Église dans
les différentes nations, que chaque Évêque soit en communion avec les autres
Évêques, et que tous soient en communion visible et concrète avec le Pape.
Personne n'est un étranger dans l'Église, mais tous sont citoyens du même
Peuple, membres du même Corps mystique du Christ. L'Eucharistie est le lien de
communion sacramentelle, et elle est garantie par le ministère des Évêques et
des prêtres.20
Toute l'Église qui est en Chine est appelée à vivre et à manifester cette unité
dans une spiritualité de communion plus riche, qui, tenant compte des
situations concrètes complexes où la communauté catholique se trouve, croîtra
aussi dans une communion hiérarchique harmonieuse. C'est pourquoi Pasteurs et
fidèles sont appelés à défendre et à sauvegarder ce qui appartient à la
doctrine et à la tradition de l'Église.
Tensions et divisions au sein de l'Église: pardon et réconciliation
6. S'adressant à toute l'Église par
Ces indications, qui concernent la nature même de l'Église universelle, ont une
signification particulière pour l'Église qui est en Chine. En effet, les
problèmes auxquels elle fait face pour dépasser — en interne et dans ses
relations avec la société civile chinoise — tensions, divisions et récriminations
ne vous échappent pas.
À ce propos, déjà l'an dernier, en parlant de l'Église naissante, j'avais
rappelé que « la communauté des disciples connaît dès le début non seulement la
joie de l'Esprit Saint, la grâce de la vérité et de l'amour, mais également
l'épreuve, constituée surtout par les oppositions aux vérités de foi, avec les
atteintes à la communion qui s'ensuivent. De même que la communion dans l'amour
existe depuis les origines et existera jusqu'à la fin (cf. 1 Jn 1, 1ss),
dès le début surgit aussi malheureusement la division. Nous ne devons pas nous
étonner que celle-là existe également aujourd'hui. [...] Il existe donc
toujours le risque, dans la vie du monde et également dans les faiblesses de
l'Église, de perdre la foi, et ainsi de perdre aussi l'amour et la fraternité.
Celui qui croit à l'Église de l'amour et veut vivre dans cette Église a donc le
devoir précis de reconnaître également ce danger ».22
L'histoire de l'Église nous enseigne aussi qu'une authentique communion ne
s'exprime pas sans un effort douloureux de réconciliation.23 En effet, la
purification de la mémoire, le pardon de ceux qui ont fait le mal, l'oubli des
torts subis et la pacification des cœurs dans l'amour, qui sont à réaliser au
nom de Jésus crucifié et ressuscité, peuvent exiger le dépassement de positions
ou de visions personnelles issues d'expériences douloureuses ou difficiles,
mais ce sont des pas qu'il est urgent d'accomplir pour accroître et manifester
les liens de communion entre les fidèles et les Pasteurs de l'Église en Chine.
C'est pourquoi mon vénéré Prédécesseur vous avait déjà adressé, à plusieurs
reprises, une pressante invitation au pardon et à la réconciliation. À ce
sujet, il me plaît de rappeler un passage du message qu'il vous avait envoyé en
2000, à l'approche de l'Année Sainte: « En vous préparant à la célébration du
grand Jubilé, souvenez-vous que, dans la tradition biblique, un tel moment a
toujours comporté l'obligation de se remettre mutuellement les dettes
contractées, de réparer les injustices commises et de se réconcilier avec le
prochain. À vous aussi fut annoncée “la grande joie préparée pour tous les
peuples”: l'amour et la miséricorde du Père,
Nous sommes tous conscients du fait que ce chemin ne pourra pas s'accomplir du
jour au lendemain, mais soyez sûrs que, dans ce but, l'Église entière fera
monter une prière insistante pour vous.
D'autre part, souvenez-vous que votre chemin de réconciliation est soutenu par
l'exemple et la prière de nombreux « témoins de la foi », qui ont souffert et
qui ont pardonné, offrant leur vie pour l'avenir de l'Église catholique en
Chine. Leur existence elle-même représente une bénédiction permanente pour vous
auprès du Père céleste et leur mémoire ne manquera pas de produire des fruits
abondants.
Communautés ecclésiales et organismes d'État: relations à vivre dans la
vérité et dans la charité
7. Une analyse attentive de la situation douloureuse de fortes oppositions,
déjà évoquée (cf. n. 6), qui voit engagés de nombreux fidèles laïcs et des
Pasteurs, met en évidence, parmi les causes variées, le rôle significatif
rempli par des organismes qui ont été imposés comme les principaux responsables
de la vie de la communauté catholique. En effet, aujourd'hui encore, la
reconnaissance de la part desdits organismes est le critère pour déclarer
légaux une communauté, une personne ou un lieu religieux, et donc « officiels
». Tout cela a causé des divisions, que ce soit dans le clergé ou parmi les
fidèles. C'est une situation qui dépend surtout de facteurs extérieurs à
l'Église, mais qui a conditionné son chemin de manière sérieuse, donnant aussi
naissance à des suspicions, à des accusations réciproques, à des dénonciations,
et qui continue à être une faiblesse préoccupante.
En ce qui concerne la délicate question des relations à entretenir avec les
organismes de l'État, l'invitation du Concile Vatican II à suivre la parole et
le mode d'agir de Jésus Christ est particulièrement éclairante. En effet, « ne
voulant pas être un Messie politique dominant par la force,25 il préféra se
dire Fils de l'Homme venu “pour servir et donner sa vie en rançon pour la
multitude” (Mc 10, 45). Il se montra le parfait Serviteur de Dieu,26 qui
“ne brise pas le roseau froissé et n'éteint pas la mèche qui fume encore” (Mt
12, 20). Il reconnut le pouvoir civil et ses droits quand il ordonna de payer
le tribut à César, mais il rappela clairement qu'il faut respecter les droits
supérieurs de Dieu: “Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à
Dieu” (Mt 22, 21). Enfin, en accomplissant sur la croix l'œuvre de rédemption
par laquelle il devait procurer aux hommes le salut et la vraie liberté, il a
mené la révélation à son achèvement. Il a rendu témoignage à la vérité,27 mais
il n'a pas voulu l'imposer de force à ses contradicteurs. Son royaume en effet
ne se défend pas par l'épée,28 mais il est affermi par l'écoute de la vérité et
par le témoignage rendu à celle-là, et il connaît la croissance grâce à l'amour
par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui les hommes (cf. Jn 12,
32) ».29
Vérité et amour sont les deux colonnes portantes de la vie de la communauté
chrétienne. Pour cette raison, j'ai rappelé que « l'Église de l'amour est aussi
l'Église de la vérité, entendue d'abord comme fidélité à l'Évangile qui a été
confié par le Seigneur Jésus aux siens. [...] Mais la famille des fils de Dieu,
pour vivre dans l'unité et dans la paix, a besoin d'être gardée dans la vérité
et guidée avec un sage discernement faisant autorité: c'est ce qu'est appelé à
faire le ministère des Apôtres. Et ici nous arrivons à un point important.
L'Église est entièrement de l'Esprit, mais elle possède une structure, la
succession apostolique, dont la responsabilité est de garantir le fait que
l'Église demeure dans la vérité donnée par le Christ, de laquelle vient
également la capacité d'aimer. [...] Les Apôtres et leurs successeurs sont donc
les gardiens et les témoins autorisés du dépôt de la vérité remis à l'Église,
de même qu'ils sont également les ministres de la charité: deux aspects qui
vont ensemble. [...] La vérité et l'amour sont deux visages du même don qui
vient de Dieu et qui, grâce au ministère apostolique, est conservé dans
l'Église et nous parvient jusqu'à aujourd'hui! ».30
C'est pourquoi le Concile Vatican II souligne que « le respect et l'amour
doivent s'étendre aussi à ceux qui, pour les questions sociales, politiques ou
même religieuses, pensent ou agissent autrement que nous; à la vérité, plus
nous chercherons à comprendre en profondeur leur manière de voir avec
bienveillance et charité, plus facilement nous pourrons engager le dialogue
avec eux ». Et le même Concile nous avertit, « cet amour et cette bienveillance
ne doivent en aucune façon nous rendre indifférents à l'égard de la vérité et
du bien ».31
Considérant « le dessein originel de Jésus »,32 il apparaît évident que la
prétention de certains organismes, voulus par l'État et étrangers à la
structure de l'Église, de se placer au-dessus des Évêques eux-mêmes et de
guider la vie de la communauté ecclésiale ne correspond pas à la doctrine
catholique selon laquelle l'Église est « apostolique », comme l'a aussi rappelé
le Concile Vatican II. L'Église est apostolique « par son origine, parce
qu'elle a “pour fondations les Apôtres” (Ep 2, 20); par son
enseignement, qui est celui des Apôtres; par sa structure, parce
qu'elle est édifiée, sanctifiée et gouvernée, jusqu'au retour du Christ, par
les Apôtres, grâce à leurs successeurs, les Évêques en communion avec le
successeur de Pierre »,33 Par conséquent, dans toute Église particulière, seul
« l'Évêque diocésain paît au nom du Seigneur le troupeau qui lui est confié
comme son pasteur propre, ordinaire et immédiat »,34 et, au niveau national,
seule une Conférence épiscopale légitime peut formuler des orientations
pastorales, valables pour la totalité de la communauté catholique du Pays
concerné.35
Même la finalité déclarée desdits organismes de mettre en œuvre « les principes
d'indépendance et d'autonomie, d'autogestion et d'administration démocratique
de l'Église » 36 est inconciliable avec la doctrine catholique qui, depuis les
antiques Symboles de foi, professe que l'Église est « une, sainte, catholique
et apostolique ».
À la lumière des principes exposés ci-dessus, les Pasteurs et les fidèles laïcs
se rappelleront que
Devant une situation aussi difficile, de nombreux membres de la communauté
catholique se demandent si la reconnaissance de la part des Autorités civiles —
nécessaire pour agir publiquement — ne compromet pas en quelque manière la
communion avec l'Église universelle. Je sais bien qu'une telle question
constitue une douloureuse inquiétude pour le cœur des Pasteurs et des fidèles.
À ce sujet, je considère en premier lieu que la sauvegarde indispensable et
vigoureuse du dépôt de la foi et de la communion sacramentelle et hiérarchique
ne s'oppose pas, en soi, au dialogue avec les Autorités en ce qui concerne les
aspects de la vie de la communauté ecclésiale qui ont une incidence dans le
domaine civil. On ne voit pas de difficultés particulières pour accepter la
reconnaissance concédée par les Autorités civiles, à condition que cela ne
comporte pas la négation des principes de la foi et de la communion
ecclésiastique, auxquels on ne peut pas renoncer. Cependant, dans de nombreux
cas concrets, sinon presque toujours, dans la procédure de reconnaissance,
interviennent des organismes qui obligent les personnes engagées à avoir des
attitudes, à poser des gestes et à prendre des engagements qui sont contraires
aux préceptes de leur conscience de catholiques. Je comprends donc que, dans
ces conditions et dans ces circonstances variées, il soit difficile de
déterminer le choix correct à faire. Pour cette raison, le Saint-Siège, après
avoir affirmé de nouveau les principes, laisse les décisions à chaque Évêque,
qui, ayant écouté son presbytérium, est mieux en mesure de connaître la
situation locale, d'évaluer les possibilités concrètes de choix et d'envisager
les éventuelles conséquences au sein de la communauté diocésaine. Il pourrait
se faire que la décision finale n'ait pas l'accord de tous les prêtres ni de
tous les fidèles. Je souhaite cependant qu'elle soit accueillie, même si c'est
douloureusement, et que se maintienne l'unité de la communauté diocésaine avec
son Pasteur.
Enfin, il sera bon que les Évêques et les prêtres, avec un cœur véritable de
pasteurs, s'emploient de toutes les manières à ne pas donner lieu à des
situations de scandale, profitant des occasions pour former la conscience des
fidèles, avec une attention particulière aux plus faibles: tout sera vécu dans
la communion et dans la compréhension fraternelle, évitant des jugements et des
condamnations réciproques. Dans ce cas aussi, on doit avoir présent à l'esprit
que, spécialement s'il n'y a pas de véritable espace de liberté, il convient,
pour évaluer la moralité d'un acte, de connaître avec un soin particulier les
réelles intentions de la personne intéressée, et non seulement les manques
objectifs. Chaque cas devra donc être évalué individuellement, en tenant compte
des circonstances.
L'Épiscopat chinois
8. Dans l'Église, Peuple de Dieu, il revient aux seuls ministres sacrés, dûment
ordonnés après un enseignement et une formation appropriés, d'exercer l'office
d'« enseigner, de sanctifier et de gouverner ». Les fidèles laïcs peuvent, avec
une mission canonique de la part de l'Évêque, accomplir un utile ministère
ecclésial de transmission de la foi.
Au cours des dernières années, pour des raisons variées, vous, Frères dans l'Épiscopat,
vous avez rencontré des difficultés, parce que des personnes non « ordonnées »
et parfois même non baptisées contrôlent et prennent des décisions concernant
d'importantes questions ecclésiales, y compris la nomination des Évêques, au
nom de divers organismes d'État. On a donc assisté à une dépréciation des
ministères pétrinien et épiscopal en raison d'une vision de l'Église selon
laquelle le Souverain Pontife, les Évêques et les prêtres risquent de devenir
de fait des personnes sans office et sans pouvoir. À l'inverse, comme on l'a
dit, les ministères pétrinien et épiscopal sont des éléments essentiels et
partie intégrante de la doctrine catholique sur la structure sacramentelle de
l'Église. Cette nature de l'Église est un don du Seigneur Jésus, car c'est lui
qui a établi « d'abord les Apôtres, puis les prophètes et les missionnaires de
l'Évangile, et aussi les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, le
peuple saint est organisé pour que les tâches du ministère soient accomplies,
et que se construise le corps du Christ. Au terme, nous parviendrons tous
ensemble à l'unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à
l'état de l'Homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ » (Ep 4,
11-13).
La communion et l'unité — que l'on me permette de le répéter (cf. n. 5) — sont
des éléments essentiels et partie intégrante de l'Église catholique: c'est
pourquoi le projet d'une Église « indépendante » du Saint-Siège, dans le cadre
religieux, est incompatible avec la doctrine catholique.
Je suis conscient des graves difficultés auxquelles vous devez faire face dans
une telle situation pour vous maintenir fidèles au Christ, à son Église et au
Successeur de Pierre. En vous rappelant que — comme l'affirmait déjà saint Paul
(cf Rm 8, 35-39) — aucune difficulté ne peut nous séparer de l'amour du
Christ, j'ai confiance que vous saurez faire tout votre possible, en vous en
remettant à la grâce du Seigneur, pour sauvegarder l'unité et la communion
ecclésiales, même au prix de grands sacrifices.
Beaucoup de membres de l'Épiscopat chinois qui, dans les dernières décennies,
ont guidé l'Église ont offert et offrent à leurs communautés et à l'Église
universelle un témoignage lumineux. Encore une fois, jaillit du cœur un hymne
de louange et d'action de grâces au « Pasteur suprême » du troupeau (1 P
5, 4): en effet, on ne peut pas oublier que beaucoup d'entre eux ont subi la
persécution et ont été empêchés d'exercer leur ministère. Et certains d'entre
eux ont rendu féconde l'Église par l'effusion de leur sang. Les temps nouveaux
et les défis qui en découlent pour la nouvelle évangélisation mettent en
évidence la fonction du ministère épiscopal. Comme le disait Jean-Paul II aux
Pasteurs de toutes les parties du monde venus à Rome pour la célébration du Jubilé,
« le Pasteur est le premier responsable et le premier animateur de la
communauté ecclésiale, tant en ce qui concerne l'exigence de la communion que
le projet missionnaire. Devant le relativisme et le subjectivisme qui polluent
une si grande partie de la culture contemporaine, les Évêques sont appelés à
défendre et à promouvoir l'unité doctrinale de leurs fidèles. Soucieux de toute
situation où la foi est perdue ou ignorée, ils se dépensent de toutes leurs
forces à travailler à l'évangélisation, préparant dans ce but prêtres,
religieux et laïcs, et mettant à disposition les ressources nécessaires ».37
En cette même occasion, mon vénéré Prédécesseur rappelait que « l'Évêque,
successeur des Apôtres, est quelqu'un pour qui le Christ est tout. Avec Paul, il
peut redire chaque jour: ‘‘Pour moi, certes,
Concernant le service épiscopal, je saisis l'occasion pour rappeler ce que je
disais récemment: « Les Évêques ont pour première responsabilité d'édifier
l'Église comme famille de Dieu et comme lieu d'aide réciproque et de disponibilité.
Pour pouvoir accomplir cette mission, vous avez reçu, avec la consécration
épiscopale, trois charges particulières: le munus docendi, le munus
sanctificandi et le munus regendi, qui, dans leur ensemble,
constituent le munus pacendi. En particulier, la finalité du munus
regendi est la croissance dans la communion ecclésiale, c'est-à-dire
l'édification d'une communauté unie dans l'écoute de l'enseignement des
apôtres, dans la fraction du pain, dans les prières et dans l'union
fraternelle. Étroitement liée aux tâches d'enseigner et de sanctifier, celle de
gouverner — le munus regendi précisément — constitue pour l'Évêque un
authentique acte d'amour envers Dieu et envers son prochain, qui s'exprime dans
la charité pastorale ».39
Comme cela se produit dans le reste du monde, en Chine aussi l'Église est
gouvernée par des Évêques qui, par l'ordination épiscopale qui leur est
conférée par d'autres Évêques validement ordonnés, ont reçu, avec la charge de
sanctifier, également les charges d'enseigner et de gouverner le peuple qui
leur est confié dans les différentes Églises particulières, avec un pouvoir qui
est conféré par Dieu, par la grâce du sacrement de l'Ordre. Les charges
d'enseigner et de gouverner « ne peuvent cependant, de par leur nature, être exercées
que dans la communion hiérarchique avec
Actuellement, tous les Évêques de l'Église catholique en Chine sont fils du
Peuple chinois. Malgré de nombreuses et graves difficultés, l'Église catholique
en Chine, par une grâce particulière de l'Esprit Saint, n'a jamais été privée
du ministère de Pasteurs légitimes, qui ont conservé intacte la succession
apostolique. Nous devons remercier le Seigneur pour cette présence constante et
empreinte de souffrance d'Évêques qui ont reçu l'ordination épiscopale
conformément à la tradition catholique, à savoir en communion avec l'Évêque de
Rome, Successeur de Pierre, et par la main d'Évêques validement et légitimement
ordonnés, dans l'observance du rite de l'Église catholique.
Certains d'entre eux, ne voulant pas être soumis à un contrôle indu exercé sur
la vie de l'Église et désireux de maintenir une pleine fidélité au Successeur
de Pierre et à la doctrine catholique, se sont vus contraints de se faire
consacrer clandestinement. La clandestinité ne rentre pas dans la normalité de
la vie de l'Église, et l'histoire montre que Pasteurs et fidèles y ont recours
uniquement avec le désir tourmenté de maintenir intègre leur propre foi et de
ne pas accepter l'ingérence d'organismes d'État dans ce qui touche l'intime de
la vie de l'Église. Pour cette raison, le Saint-Siège souhaite que ces Pasteurs
légitimes puissent être reconnus comme tels par les Autorités gouvernementales,
avec aussi tous les effets civils — autant qu'ils sont nécessaires — et que
tous les fidèles puissent exprimer librement leur foi dans le contexte social
dans lequel ils vivent.
À l'inverse, d'autres pasteurs, poussés par les circonstances particulières,
ont consenti à recevoir l'ordination épiscopale sans mandat pontifical, mais,
par la suite, ils ont demandé de pouvoir être accueillis dans la communion avec
le Successeur de Pierre et avec leurs autres Frères dans l'Épiscopat.
Considérant la sincérité de leurs sentiments et la complexité de la situation,
et tenant compte de l'avis des Évêques les plus proches, le Pape, en vertu de
sa responsabilité de Pasteur universel de l'Église, leur a concédé le plein et
légitime exercice de la juridiction épiscopale. Une telle initiative du Pape
naissait de la connaissance des circonstances particulières de leur ordination
et de sa profonde préoccupation pastorale dans la perspective de favoriser le
rétablissement d'une pleine communion. Malheureusement, dans la majorité des
cas, les prêtres et les fidèles n'ont pas été convenablement informés de la légitimation
obtenue par leur Évêque, et cela a donné lieu à de nombreux et graves problèmes
de conscience. De plus, certains Évêques légitimés n'ont pas posé de gestes qui
prouvaient clairement la légitimation obtenue. Pour cette raison, il est
indispensable que, pour le bien spirituel des communautés diocésaines
intéressées, la légitimation obtenue puisse être rendue publique dans un temps
bref et que les Évêques légitimés posent toujours plus des gestes sans
équivoques de leur pleine communion avec le Successeur de Pierre.
Il y a enfin certains Évêques — en nombre très réduit — qui ont été ordonnés
sans mandat pontifical et qui n'ont pas demandé, ou qui n'ont pas encore
obtenu, la légitimation nécessaire. Selon la doctrine de l'Église catholique,
ils sont à considérer comme illégitimes, mais validement ordonnés, dans la
mesure où il y a la certitude qu'ils ont reçu l'ordination par des Évêques
validement ordonnés et que le rite catholique de l'ordination épiscopale a été
respecté. Ces derniers, tout en n'étant pas en communion avec le Pape, exercent
validement leur ministère dans l'administration des sacrements, même si c'est
de manière illégitime. Quelle grande richesse spirituelle en découlerait pour
l'Église en Chine si, présentant les conditions nécessaires, ces Pasteurs
parvenaient aussi à la communion avec le Successeur de Pierre et avec tout
l'Épiscopat catholique! Non seulement leur ministère épiscopal serait légitimé,
mais la communion avec les prêtres et les fidèles qui considèrent l'Église en
Chine comme une partie de l'Église catholique, unie à l'Évêque de Rome et à
toutes les autres Églises particulières répandues à travers le monde, en serait
également enrichie.
Dans les différentes nations, tous les Évêques légitimes constituent une
Conférence épiscopale, régie par un statut propre qui, selon les normes du
Droit canonique, doit être approuvé par le Siège apostolique. Une telle
Conférence épiscopale manifeste la communion fraternelle de tous les Évêques
d'une nation et traite les questions doctrinales et pastorales qui sont
importantes pour toute la communauté catholique dans le pays, sans cependant
interférer avec l'exercice du pouvoir ordinaire et immédiat de chaque Évêque
dans son propre diocèse. De plus, chaque Conférence épiscopale maintient des
contacts opportuns et utiles avec les Autorités civiles du lieu, pour favoriser
aussi la collaboration entre l'Église et l'État, mais il est clair qu'une
Conférence épiscopale ne peut être soumise à aucune Autorité civile en matière
de foi et de vie selon la foi (fides et mores, vie sacramentelle), qui
sont de la compétence exclusive de l'Église.
À la lumière des principes exposés ci-dessus, l'actuel Collège des Évêques
catholiques de Chine 42 ne peut être reconnu comme Conférence épiscopale par le
Siège Apostolique: n'en font pas partie les Évêques « clandestins », à savoir
ceux qui ne sont pas reconnus par le Gouvernement, qui sont en communion avec
le Pape; y participent des Prélats, qui sont encore illégitimes, et elle est
régie par des Statuts qui contiennent des éléments inconciliables avec la
doctrine catholique.
Nomination des Évêques
9. Comme il est connu de vous tous, un des problèmes les plus délicats dans les
relations du Saint-Siège avec les Autorités de votre Pays est constitué par la
question des nominations épiscopales. D'un côté, on peut comprendre que les
Autorités gouvernementales soient attentives au choix de ceux qui accompliront
le rôle important de guides et de pasteurs des communautés catholiques locales,
vu les changements sociaux que — en Chine comme dans le reste du monde — une
telle fonction a aussi dans le domaine civil. D'un autre côté, le Saint-Siège
suit avec un soin particulier la nomination des Évêques, étant donné que cela
touche le cœur même de la vie de l'Église, du fait que la nomination des
Évêques de la part du Pape est la garantie de l'unité de l'Église et de la
communion hiérarchique. Pour cette raison, le Code de Droit canonique (cf.
canon n. 1382) établit de graves sanctions soit pour l'Évêque qui confère librement
l'ordination épiscopale sans mandat apostolique, soit pour celui qui la reçoit:
une telle ordination représente en effet une douloureuse blessure à la
communion ecclésiale et une grave violation de la discipline canonique.
Lorsqu'il concède le mandat apostolique pour l'ordination d'un Évêque, le Pape
exerce sa suprême autorité spirituelle: autorité et intervention qui demeurent
dans le strict domaine religieux. Il ne s'agit donc pas d'une autorité
politique qui s'introduirait de manière indue dans les affaires intérieures
d'un État et qui en léserait la souveraineté.
La nomination des Pasteurs pour une communauté religieuse déterminée est
comprise, également dans les documents internationaux, comme un élément
constitutif du plein exercice du droit à la liberté religieuse.43 Le
Saint-Siège aimerait être entièrement libre de la nomination des Évêques; 44
considérant donc le récent chemin particulier accompli par l'Église en Chine,
je souhaite que l'on trouve un accord avec le Gouvernement pour résoudre certaines
questions concernant soit le choix des candidats à l'épiscopat, soit la
publication de la nomination des Évêques, soit la reconnaissance — avec les
effets civils dans la mesure où ils sont nécessaires — du nouvel Évêque de la
part des Autorités civiles.
Enfin, en ce qui concerne le choix des candidats à l'épiscopat, tout en
connaissant vos difficultés en la matière, je désire rappeler la nécessité que
ce soient des prêtres dignes, respectés et aimés des fidèles, et des modèles de
vie dans la foi, possédant une certaine expérience du ministère pastoral et
étant ainsi plus aptes à faire face à la lourde charge de Pasteur de
l'Église.45 S'il était impossible de trouver, dans un diocèse, des candidats
aptes à être nommés à un siège épiscopal, la collaboration avec les Évêques des
diocèses limitrophes peut aider à repérer des candidats idoines.
SECONDE PARTIE
ORIENTATIONS DE VIE PASTORALE
Sacrements, gouvernement des diocèses, paroisses
10. Au cours des derniers temps, sont apparues des difficultés liées à des
initiatives individuelles de Pasteurs, de prêtres et de fidèles laïcs qui, mus
par un généreux zèle pastoral, n'ont pas toujours respecté les devoirs et les
responsabilités d'autrui.
À ce sujet, le Concile Vatican II nous rappelle que, si d'un côté tous les
Évêques considérés individuellement, « en tant que membres du collège épiscopal
et légitimes successeurs des apôtres, sont tenus, de par l'institution et le
précepte du Christ, à cette sollicitude pour l'ensemble de l'Église », de
l'autre, ils « exercent, chacun pour sa part, leur fonction pastorale sur la
portion du peuple de Dieu qui leur est confiée, et non sur les autres Églises,
ni sur l'Église universelle ».46
De plus, face à certaines problématiques apparues dans diverses communautés diocésaines
durant les dernières années, il est de mon devoir de rappeler la norme
canonique selon laquelle tout clerc doit être incardiné dans une Église
particulière ou dans un Institut de vie consacrée et doit exercer son ministère
en communion avec l'Évêque diocésain. C'est seulement pour des motifs justes
qu'un clerc peut exercer son ministère dans un autre diocèse, mais toujours
avec l'accord préalable des deux Évêques diocésains, à savoir celui de l'Église
particulière où il est incardiné et celui de l'Église particulière où il est
appelé à servir.47
Dans de nombreuses circonstances, vous vous êtes posés le problème de la
concélébration de l'Eucharistie. À ce sujet, je rappelle qu'elle présuppose,
comme conditions, la profession de la même foi et la communion hiérarchique
avec le Pape et avec l'Église universelle. Il est donc licite de concélébrer
avec des Évêques et des prêtres qui sont en communion avec le Pape, même s'ils
sont reconnus par les Autorités civiles et s'ils maintiennent des relations avec
des organismes voulus par l'État et étrangers à la structure de l'Église,
pourvu que — comme cela a été dit plus haut (cf. n. 7 alinéa 8) — la
reconnaissance et les relations ne comportent pas la négation de principes de
foi et de communion ecclésiastique, auxquels on ne peut renoncer.
De même, les fidèles laïcs qui sont animés par un sincère amour pour le Christ
et pour l'Église ne doivent pas non plus hésiter à participer à l'Eucharistie
célébrée par des Évêques et par des prêtres qui sont en pleine communion avec
le Successeur de Pierre, et qui sont reconnus par les Autorités civiles. La
même chose vaut pour tous les autres sacrements.
Toujours à la lumière des principes de la doctrine catholique, doivent être
résolus les problèmes qui se font jour avec les Évêques qui ont été consacrés
sans mandat pontifical, même si c'est dans le respect du rite catholique de
l'ordination épiscopale. Leur ordination — comme je l'ai déjà dit plus haut
(cf. n. 8 alinéa 12) — est illégitime mais valide, de même que sont valides les
ordinations sacerdotales conférées par eux et que sont aussi valides les
sacrements administrés par ces Évêques et par ces prêtres. Ayant cela présent à
l'esprit, les fidèles doivent donc rechercher, dans la mesure du possible, pour
la célébration eucharistique et pour les autres sacrements, des Évêques et des
prêtres qui sont en communion avec le Pape: cependant, lorsque cela n'est pas
réalisable sans de graves difficultés pour eux, ils peuvent, pour ce que leur
bien spirituel exige, s'adresser aussi à ceux qui ne sont pas en communion avec
le Pape.
Je considère enfin opportun d'attirer votre attention sur ce que prévoit la
législation canonique pour aider les Évêques diocésains à réaliser leur tâche
pastorale. Chaque Évêque diocésain est invité à se servir des instruments
indispensables de communion et de collaboration au sein de la communauté
catholique diocésaine: la curie diocésaine, le conseil presbytéral, le collège
des consulteurs, le conseil pastoral diocésain et le conseil diocésain pour les
affaires économiques.
Ces organismes manifestent la communion, favorisent le partage des
responsabilités communes et sont d'une grande aide pour les Pasteurs, qui
peuvent ainsi être assurés de la collaboration fraternelle de prêtres, de
personnes consacrées et de fidèles laïcs.
La même chose vaut pour les différents conseils que prévoit le Droit canonique
pour les paroisses: le conseil pastoral paroissial et le conseil paroissial
pour les affaires économiques.
Tant pour les diocèses que pour les paroisses, une particulière attention devra
être portée aux biens temporels de l'Église, meubles et immeubles, qui devront
être enregistrés légalement dans le cadre civil sous le nom du diocèse ou de la
paroisse, et jamais sous le nom d'une personne privée (Évêque, prêtre ou groupe
de fidèles). En même temps, l'orientation pastorale et missionnaire
traditionnelle, qui se résume dans le principe: « Nihil sine Episcopo »,
demeure valable.
De l'analyse des problématiques ci-dessus exposées, il apparaît clairement que
leur véritable solution a sa racine dans la promotion de la communion, qui tire
sa force et son élan du Christ, icône de l'amour du Père, comme de sa source.
La charité, qui est toujours au-dessus de tout (cf. 1 Co 13, 1-12), sera
la force et le critère du travail pastoral pour la construction d'une
communauté ecclésiale qui rend présent le Christ ressuscité à l'homme
d'aujourd'hui.
Les provinces ecclésiastiques
11. De nombreux changements administratifs sont intervenus dans le domaine
civil au cours des cinquante dernières années. Cela a touché aussi diverses
circonscriptions ecclésiastiques, qui ont été supprimées ou regroupées, ou
encore modifiées dans leur configuration territoriale sur la base des
circonscriptions administratives civiles. À ce sujet, je désire confirmer que
le Saint-Siège est disposé à affronter la totalité de la question des
circonscriptions et des provinces ecclésiastiques dans un dialogue ouvert et
constructif avec l'Épiscopat chinois et — dans la mesure où cela est opportun
et utile — avec les Autorités gouvernementales.
Les communautés catholiques
12. Je sais bien que les communautés diocésaines et paroissiales, disséminées
dans le vaste territoire chinois, font preuve d'une vie chrétienne
particulièrement vivante, de témoignages de foi et d'initiatives pastorales. Il
est pour moi consolant de constater que, malgré les difficultés passées et
présentes, les Évêques, les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles
laïcs ont conservé une profonde conscience d'être des membres vivants de
l'Église universelle, en communion de foi et de vie avec toutes les communautés
catholiques répandues à travers le monde. Dans leur cœur, ils savent ce que
veut dire être catholiques. Et c'est précisément de ce cœur catholique que doit
naître aussi l'engagement pour rendre manifeste et effectif, tant au sein des
différentes communautés que dans les relations entre les différentes
communautés, l'esprit de communion, de compréhension et de pardon qui — comme
cela a été dit plus haut (cf. n. 5, alinéas 4 et 6) — est le sceau visible
d'une authentique existence chrétienne. Je suis sûr que l'Esprit du Christ, de
même qu'il a aidé les communautés à maintenir vive la foi dans le temps des
persécutions, aidera aujourd'hui tous les catholiques à croître dans l'unité.
Comme je le faisais déjà remarquer (cf. nn. 2, alinéa 1; 4, alinéa 1), il n'est
malheureusement pas encore permis aux membres des communautés catholiques dans
votre pays — spécialement aux Évêques, aux prêtres et aux personnes consacrées
— de vivre et d'exprimer, pleinement et de manière visible, certains aspects de
leur appartenance à l'Église et de leur communion hiérarchique avec le Pape,
étant normalement empêchés de libres contacts avec le Saint-Siège et avec les
autres communautés catholiques dans les différents pays. Il est vrai que, ces
dernières années, l'Église jouit, en regard du passé, d'une plus grande liberté
religieuse. Toutefois, on ne peut nier que demeurent de graves limitations qui
touchent le cœur de la foi et qui, dans une certaine mesure, étouffent
l'activité pastorale. À ce sujet, je renouvelle le souhait (cf. n. 4, alinéas
2-4) que, au cours d'un dialogue respectueux et ouvert entre le Saint-Siège et
les Évêques chinois, d'une part, et les Autorités gouvernementales, d'autre
part, puissent être dépassées les difficultés mentionnées et que l'on parvienne
ainsi à une entente profitable, qui sera au bénéfice des communautés
catholiques et de la convivialité sociale.
Les prêtres
13. Je voudrais aussi adresser une pensée spéciale et une invitation aux
prêtres — de manière particulière aux prêtres ordonnés au cours des dernières
années —, qui, avec beaucoup de générosité, ont pris le chemin du ministère
pastoral. Il me semble que la situation ecclésiale et socio- politique actuelle
rend toujours plus pressante l'exigence de puiser lumière et force aux sources
de la spiritualité sacerdotale que sont l'amour de Dieu, une vie
inconditionnelle à la suite du Christ, la passion pour l'annonce de l'Évangile,
la fidélité à l'Église et le service généreux du prochain.48 Comment ne pas
rappeler à ce propos, comme un encouragement pour tous, les figures lumineuses
d'Évêques et de prêtres qui, durant les années difficiles du passé récent, ont
témoigné d'un amour indéfectible envers l'Église, même par le don de leur vie
pour elle et pour le Christ?
Chers prêtres! Vous qui portez « le poids du jour et de la chaleur » (Mt
20, 12), qui avez mis la main à la charrue et qui ne vous retournez pas en
arrière (cf. Lc 9, 62), pensez aux lieux où les fidèles attendent avec
angoisse un prêtre et où, depuis de nombreuses années, en en ressentant
l'absence, ils ne cessent d'en souhaiter la présence. Je sais bien que, au
milieu de vous, il y a des confrères qui ont dû faire face à des temps et à des
situations difficiles, prenant des positions pas toujours partagées du point de
vue ecclésial, et qui, malgré tout, désirent revenir dans la pleine communion
de l'Église. Dans un esprit de profonde réconciliation, à laquelle mon vénéré
Prédécesseur a invité de manière répétée l'Église en Chine,49 je m'adresse aux
Évêques qui sont en communion avec le Successeur de Pierre, afin que, avec une
âme paternelle, ils apprécient, au cas par cas, et qu'ils donnent une juste
réponse à ce désir, recourant — si cela est nécessaire — au Siège Apostolique.
Et, comme signe de la réconciliation espérée, je pense qu'il n'y a pas de geste
plus significatif que celui de renouveler sous forme communautaire — à
l'occasion de la journée sacerdotale du Jeudi saint, comme cela se fait dans
l'Église universelle, ou dans une autre circonstance qui sera retenue plus
opportune — la profession de foi, comme témoignage de la pleine communion
retrouvée, pour l'édification du Peuple saint de Dieu confié à votre soin
pastoral, et à la louange de
Je suis conscient que, en Chine aussi, comme dans le reste de l'Église, la
nécessité d'une formation permanente appropriée du clergé se fait jour. De là
naît l'invitation qui vous est adressée à vous, les Évêques, en tant que responsables
des communautés ecclésiales, à penser spécialement aux jeunes prêtres, qui sont
toujours davantage soumis à de nouveaux défis pastoraux liés aux exigences de
la tâche d'évangéliser une société aussi complexe que la société chinoise
actuelle. Le Pape Jean-Paul II nous le rappelait: la formation permanente des
prêtres « est une exigence intrinsèque du don de l'ordination et du ministère
sacramentel ainsi reçu. Elle se révèle toujours nécessaire, en tout temps.
Aujourd'hui cependant, elle est particulièrement urgente, non seulement à cause
de la mutation rapide des conditions sociales et culturelles des personnes et
des peuples auprès desquels s'exerce le ministère presbytéral, mais aussi pour
la ‘‘nouvelle évangélisation'', qui constitue la tâche urgente de l'Église en
cette fin du deuxième millénaire ».50
Les vocations et la formation religieuse
14. Au cours des cinquante dernières années, une abondante floraison de
vocations au sacerdoce et à la vie consacrée n'a pas fait défaut. Il faut
rendre grâce de cela au Seigneur, parce qu'il s'agit d'un signe de vitalité et
d'un motif d'espérance. Au long des années, sont apparues ensuite de nombreuses
congrégations religieuses autochtones: les Évêques et les prêtres savent
d'expérience combien est irremplaçable la contribution des religieuses dans la
catéchèse et dans la vie paroissiale sous toutes ses formes; en outre,
l'attention aux plus nécessiteux, réalisée aussi en collaboration avec les
Autorités civiles locales, est l'expression de la charité et du service du
prochain, qui sont le témoignage le plus crédible de la force et de la vitalité
de l'Évangile de Jésus.
Je suis cependant conscient qu'une telle floraison s'accompagne aujourd'hui de
nombreuses difficultés. L'exigence, tant d'un discernement vocationnel plus
attentif de la part des responsables ecclésiaux, que d'une éducation et d'un
enseignement plus approfondis des candidats au sacerdoce et à la vie
religieuse, se fait donc jour. En dépit de la précarité des moyens à
disposition, il faudra, pour l'avenir de l'Église en Chine, s'attacher à
assurer, d'une part, une attention et un soin particuliers aux vocations et,
d'autre part, une formation plus solide en ce qui concerne les aspects humain,
spirituel, philosophique, théologique et pastoral, à mettre en œuvre dans les
séminaires et dans les instituts religieux.
À ce sujet, la formation au célibat des candidats au sacerdoce mérite une
mention particulière. Il est important qu'ils apprennent à vivre et à estimer
le célibat comme don précieux de Dieu et comme signe éminemment eschatologique,
qui témoigne d'un amour unique pour Dieu et pour son peuple, et qui configure
le prêtre à Jésus Christ, Chef et Époux de l'Église. En effet, un tel don est
principalement l'expression du « service rendu par le prêtre à l'Église dans et
avec le Seigneur »,51 et il représente une valeur prophétique pour le monde
d'aujourd'hui.
Quant à la vocation religieuse, dans le contexte actuel de l'Église en Chine,
il est nécessaire qu'apparaissent toujours de manière plus lumineuse ses deux
dimensions: à savoir, d'un côté, le témoignage du charisme de la consécration
totale au Christ à travers les vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance,
et, de l'autre, la réponse à l'exigence d'annoncer l'Évangile dans les conditions
historiques et sociales actuelles du Pays.
Les fidèles laïcs et la famille
15. Dans les moments les plus difficiles de l'histoire récente de l'Église
catholique en Chine, les fidèles laïcs, au niveau individuelle et familial, ou
comme membres de mouvements spirituels et apostoliques, ont fait preuve d'une
entière fidélité
à l'Évangile, payant aussi de leur personne leur fidélité au Christ. Vous,
laïcs, vous êtes appelés, aujourd'hui encore, à incarner l'Évangile dans votre
vie et à donner votre témoignage, par un service généreux et effectif; pour le
bien du peuple et pour le développement du Pays: et vous accomplirez une telle
mission en vivant comme des citoyens honnêtes et en agissant comme des
collaborateurs actifs et coresponsables de la diffusion de
Puisque l'avenir de l'humanité passe par la famille, je considère indispensable
et urgent que les laïcs en promeuvent les valeurs et en maintiennent les
exigences. Eux qui dans la foi connaissent pleinement le dessein merveilleux de
Dieu sur la famille, ils ont une raison supplémentaire pour assumer la consigne
concrète et impérative suivante: en effet, « la famille est le lieu normal de
croissance des jeunes générations vers une maturité personnelle et sociale.
Elle est aussi porteuse de l'héritage de l'humanité elle- même, parce que, en
elle, la vie est transmise de génération en génération. La famille occupe une
place très importante dans les cultures asiatiques; et, comme l'ont souligné
les Pères du Synode, des valeurs familiales comme le respect filial, l'amour et
le souci des personnes âgées et malades, l'amour à l'égard des enfants et
l'harmonie sont tenues en grande estime dans toutes les cultures et traditions religieuses
de ce Continent ».52
Les valeurs mentionnées précédemment sont une partie importante du contexte
culturel chinois, mais il ne manque pas, également dans votre terre, de forces
qui influent de manière négative sur la famille, sous des formes variées. Par
conséquent, l'Église qui est en Chine, consciente que son propre bien et celui
de la société sont profondément liés au bien de la famille,53 doit sentir de
manière plus vive et plus contraignante sa mission de proclamer à tous le
dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille, en en assurant la pleine
vitalité.54
L'initiation chrétienne des adultes
16. L'histoire récente de l'Église catholique en Chine a vu un nombre élevé
d'adultes qui se sont approchés de la foi grâce aussi au témoignage de la
communauté chrétienne locale. Vous, les Pasteurs, vous êtes appelés à prendre
un soin particulier de leur initiation chrétienne, par une période sérieuse et
appropriée de catéchuménat, qui les aidera et les préparera à mener une vie de
disciples de Jésus.
À ce sujet, je rappelle que l'évangélisation n'est jamais une pure
communication intellectuelle, mais aussi une expérience de vie, de purification
et de transformation de l'existence tout entière, et un chemin dans la
communion. C'est ainsi seulement que s'instaure un juste rapport entre pensée
et vie.
Portant un regard sur le passé, on doit malheureusement relever que beaucoup
d'adultes ne sont pas toujours suffisamment initiés à la vérité complète de la
vie chrétienne et qu'ils n'ont pas même connu la richesse du renouveau apporté
par le Concile Vatican II. Il semble donc nécessaire et urgent de leur offrir
une formation chrétienne solide et approfondie, également sous la forme d'un
catéchuménat post-baptismal.55
La vocation missionnaire
17. L'Église, toujours et partout missionnaire, est appelée à proclamer
l'Évangile et à en témoigner. L'Église en Chine doit aussi ressentir en son
cœur l'ardeur missionnaire de son Fondateur et Maître.
S'adressant à de jeunes pèlerins sur le Mont des Béatitudes au cours de l'Année
sainte 2000, Jean-Paul II disait: « Au moment de son Ascension, Jésus confia à
ses disciples une mission avec cette assurance: “Tout pouvoir m'a été donné au
ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples...
Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde” (Mt
28, 18-20). Depuis deux mille ans, ceux et celles qui ont suivi le Christ
remplissent cette mission. Maintenant, à l'aube du IIIe millénaire, cela
vous revient à vous. Il vous revient de partir par le monde prêcher le
message des Dix Commandements et des Béatitudes. Quand Dieu parle, il dit
des choses de la plus grande importance pour chaque personne, pour les gens du
XXIe siècle tout autant que pour ceux du Ier siècle. Les Dix Commandements et
les Béatitudes parlent de vérité et de bonté, de grâce et de liberté: de tout
ce qui est nécessaire pour entrer dans le Royaume du Christ ».56
Il vous revient maintenant à vous, disciples chinois du Seigneur, d'être de
courageux apôtres de ce Royaume. Je suis sûr que votre réponse sera grande et
généreuse.
CONCLUSION
Révocation des facultés et des directives pastorales
18. Considérant en tout premier lieu certains développements positifs de la
situation de l'Église en Chine, en deuxième lieu des opportunités et des
facilités de communications plus grandes, et enfin les demandes que différents
Évêques et prêtres ont fait parvenir, je révoque, par la présente Lettre,
toutes les facultés qui avaient été concédées pour faire face à des exigences pastorales
particulières, nées en des temps spécialement difficiles.
Il en va de même pour toutes les directives d'ordre pastoral, passées et
récentes. Les principes doctrinaux qui les inspiraient trouvent désormais de
nouvelles applications dans les directives contenues dans la présente Lettre.
Journée de prière pour l'Église en Chine
19. Chers Pasteurs et fidèles, le 24 mai, qui est consacré à la mémoire
liturgique de la bienheureuse Vierge Marie, Auxiliaire des chrétiens — vénérée
avec tant de dévotion dans le sanctuaire marial de Sheshan à Shangaï —,
pourrait devenir, dans l'avenir, une occasion pour les catholiques du monde
entier de s'unir par la prière à l'Église qui est en Chine.
Je désire que cette date soit pour vous une journée de prière pour l'Église en
Chine. Je vous exhorte à la célébrer, renouvelant votre communion de foi en
Jésus Notre Seigneur et de fidélité au Pape, priant afin que l'unité entre vous
soit toujours plus profonde et plus visible. Je vous rappelle en outre le
commandement d'amour que Jésus nous a laissé d'aimer nos ennemis et de prier
pour ceux qui nous persécutent, sans oublier l'invitation de saint Paul: «
J'insiste avant tout pour qu'on fasse des prières de demande, d'intercession et
d'action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'État et tous ceux qui
ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme
et la sécurité, en hommes religieux et sérieux. Voilà une vraie prière, que
Dieu, notre Sauveur, peut accepter, car il veut que tous les hommes soient
sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (1 Tm 2, 1-4).
Au cours de la même journée, les catholiques du monde entier — en particulier
ceux qui sont d'origine chinoise — feront preuve de leur fraternelle solidarité
et de leur sollicitude pour vous, demandant au Seigneur de l'histoire le don de
la persévérance dans le témoignage, sûrs que vos souffrances passées et
présentes pour le saint Nom de Jésus, et votre intrépide loyauté à son Vicaire
sur la terre seront récompensées, même si parfois tout peut sembler être un
triste échec.
Salut final
20. Au terme de cette Lettre, je vous souhaite, chers Pasteurs de l'Église
catholique qui est en Chine, prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs
d'être remplis « de joie, même s'il faut que vous soyez attristés, pour un peu
de temps encore, par toutes sortes d'épreuves; elles vérifient la qualité de
votre foi qui est bien plus précieuse que l'or, cet or voué pourtant à
disparaître, qu'on vérifie par le feu. Tout cela doit donner à Dieu louange,
gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ » (1 P 1, 6-7).
Que
Je vous assure de ma prière constante et, avec une pensée affectueuse pour les
personnes âgées, pour celles qui sont malades, pour les enfants et les jeunes
de votre noble Nation, je vous bénis de tout cœur.
Fait à Rome, près de Saint-Pierre, le 27 mai 2007, solennité de Pentecôte, en
la troisième année de mon Pontificat.
BENEDICTUS PP. XVI Notes
1 Benoît XVI, Angelus du 26 décembre 2006: « Avec une proximité
spirituelle particulière, je pense également aux catholiques qui restent
fidèles au Siège de Pierre sans céder à des compromis, parfois même au prix de
graves souffrances. Toute l'Église en admire l'exemple et prie pour qu'ils
aient la force de persévérer, en sachant que leurs épreuves sont source de
victoire, même si, sur le moment, elles peuvent sembler un échec »: L'Osservatore
Romano en langue française 1 (2007), p. 14.
2 Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps
Gaudium et spes, n. 19.
3 Message Avec une joie profonde aux participants au congrès
international « Matteo Ricci: pour un dialogue entre
4 Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia
(6 novembre 1999), n. 7: AAS 92 (2000), p. 456:
5 Cf. ibid., nn. 19-20: AAS 92 (2000), pp. 477-482:
6 Cf. Discours aux Délégués de
7 Jean-Paul II, Lettre apostolique Novo millennio ineunte (6 janvier 2001),
n. 1: AAS 93 (2001), p. 266:
8 Benoît XVI, Audience générale (mercredi 23 août 2006):
9 Jean-Paul II, Message Avec une joie profonde aux participants au congrès
international « Matteo Ricci: pour un dialogue entre
10 Ibid.
11 Cf. Fonti Ricciane, Pasquale M. D'Elia, sj, éd., vol. 2, Rome 1949,
n. 617, p. 152.
12 Message Avec une joie profonde aux participants au congrès
international « Matteo Ricci: pour un dialogue entre
13 Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes,
n. 76.
14 Encyclique Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 28: AAS 98
(2006), p. 240:
15 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n.
26.
16 Ibid., n. 23.
17 Cf. Congr. pour
18 Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 23.
19 Congr. pour
20 Cf. Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum
caritatis (22 février 2007), n. 6:
21 Lettre apostolique Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. 42: AAS
93 (2001), p. 296:
22 Benoît XVI, Audience générale (mercredi 5 avril 2006):
23 Pour tous, l'expérience vécue par l'Église antique durant le temps des
persécutions devrait être éclairante, de même que l'enseignement donné à ce
sujet par l'Église de Rome qui, rejetant les positions rigoristes des Novatiens
et des Donatistes, exhortait à la générosité du pardon et de la réconciliation
envers ceux qui, ayant abjuré durant les persécutions (les « lapsi »),
désiraient être admis de nouveau dans la communion de l'Église.
24 Jean-Paul II, Message À la veille du grand Jubilé aux catholiques de
Chine (8 décembre 1999), n. 6:
25 Cf. Mt 4, 8-10; Jn 6, 15. 26 Cf. Is 42, 1-4. 27 Cf. Jn
18, 37. 28 Cf. Mt 26, 51-53; Jn 18, 36. 29 Conc. œcum. Vat. II,
Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, n. 11.
30 Benoît XVI, Audience générale (mercredi 5 avril 2006):
31 Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et
spes, n. 28.
32 Benoît XVI, Audience générale (mercredi 5 avril 2006):
33 Catéchisme de l'Église catholique Abrégé, n. 174. Cf. Catéchisme
de l'Église, nn. 857. 869.
34 Jean-Paul II, Lettre apostolique Apostolos suos en forme de Motu
proprio sur la nature théologique et juridique des Conférences épiscopales
(21 mai 1998), n. 10: AAS 90 (1998), p. 648:
35 Cf. Code de Droit canonique, can. 447.
36Statuts de l'Association patriotique catholique chinoise (Chinese Catholic
Patriotic Association, CCPA), 2004, art. 3.
37 Homélie pour le Jubilé des Évêques (8 octobre 2000), n. 5: AAS 93
(2001), p. 28;
38 Jean-Paul II, Homélie pour le Jubilé des Évêques (8 octobre 2000), n. 4:
AAS 93 (2001), p. 27;
40 Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 21.
Voir aussi Code de Droit canonique, can. 375 § 2.
41 Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 22.
Cf. aussi « Note explicative », n. 2.
42China Catholic Bishops' College (CCBC).
43 Au niveau universel, on se reportera par exemple aux dispositions de
l'article 18, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux Droits civils
et politiques du 16 décembre 1966 (« Toute personne a droit à la liberté
de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir
ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté
de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant
en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissemnt des rites, les
pratiques et l'enseignement ») et à l'interprétation contraignante pour les
États Membres qu'en a donnée le Comité pour les droits de l'Homme des Nations
unies dans les « Observations générales n. 22 » (n. 4) du 30 juillet
1993 (« La pratique et l'enseignement de la religion ou de la conviction
comprennent les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs
activités essentielles, tels que la liberté de choisir leurs responsables
religieux, leurs prêtres et leurs enseignants, celle de fonder des séminaires
ou des écoles religieuses, et celle de préparer et de distribuer des textes ou
des publications de caractère religieux »).
Au niveau régional, on peut voir par exemple les engagements suivants, décidés
au cours de
Cf. aussi Conc. œcum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse
Dignitatis humanæ, n. 4.
44 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur la charge pastorale des Évêques dans
l'Église Christus Dominus, n. 20.
45 On se référera à ce sujet aux normes du Code de Droit canonique (cf.
can. 378).
46 Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 23.
47 Cf. Code de Droit canonique, cann. 265-272.
48 Pour une réflexion sur la doctrine et la spiritualité du sacerdoce et sur le
charisme du célibat, je renvoie à mon discours à
49Cf. Jean-Paul II, Message La mémoire liturgique à l'Église qui est en
Chine, à l'occasion du 70e anniversaire de l'ordination à Rome du premier
groupe d'Évêques chinois et à l'occasion du cinquantième anniversaire de
l'institution de la hiérarchie ecclésiastique en Chine (3 décembre 2006), n. 4:
AAS 89 (1997), p. 256.
50 Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars
1992), n. 70: AAS 84 (1992), p. 782:
51 Ibid., n. 29: AAS 84 (1992), p. 704:
52 Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia (6
novembre 1999), n. 46: AAS 92 (2000), p. 521:
53 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps
Gaudium et spes, n. 47.
54 Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio (22
novembre 1981), n. 3: AAS 74 (1982), p. 84:
55 Comme l'ont dit les Pères synodaux de la septième Assemblée ordinaire du
Synode des Évêques (1-30 octobre 1987), dans la formation des chrétiens, « une
autre forme d'aide peut être offerte par une catéchèse post-baptismale sous
forme de catéchuménat, consistant à proposer de nouveau certains éléments du
“Rituel de l'Initiation chrétienne des Adultes”, de façon à faire accueillir et
vivre les richesses immenses et extraordinaires du baptême reçu, ainsi que les
responsabilités qui en découlent »: Jean-Paul II, Exhortation apostolique
post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 61: AAS 81
(1989), p. 514:
56 Homélie sur le Mont des Béatitudes (Israël, 24 mars 2000), n. 5: